L'acte du corps mystique du Christ, par Mgr. Fenton (1939)

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Article originalement paru dans l'American ecclesiastical Review de Mai 1939. Un pdf de l'original anglais est disponible sur le forum de John Lane : http://strobertbellarmine.net/aer/act_o ... y_1939.pdf

L'ACTE DU CORPS MYSTIQUE DU CHRIST.

Cette partie de la théologie qui s'occupe du corps mystique du Christ a été particulièrement bien développée ces dernières années. En Allemagne, le Dr. Juergensmeier du séminaire de Paderborn a écrit un livre magnifique sur l'application de cet enseignement à la théologie spirituelle (1), tandis qu'en France le Dr. Anger de Rennes a montré l'influence vivifiante du même enseignement en matière de dogme (2). Le père Mersch, dans un travail véritablement magistral, a retracé le développement historique de cette doctrine, depuis sa source dans la sainte Écriture et à travers les écrits des Pères et des théologiens (3). Le père Mura a apporté une contribution importante à la science théologique en classifiant les diverses données liées au Corps Mystique sous quatre causes, précisant ainsi la plénitude de la Vie du Christ, dans sa Tête et ses membres (4).


(1) Der Mystische Leib Christi als Grundprinzip der Aszetic, (6ᵉ édition, Paderborn, 1936)
(2) La Doctrine du Corps Mystique de Jésus-Christ d'après les principes de la théologie de Saint Thomas, (4ᵉ édition, Paris, 1934).
(3) "Le Corps Mystique du Christ", dans Études de Théologie Historique (Louvain, 1933).
(4) Le Corps Mystique du Christ, Sa Nature et Sa Vie Divine d'après Saint Paul et la Théologie, Paris, 1934.

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Le père Clerissac a brillamment écrit sur le caractère essentiellement surnaturel de l'Église (5). Les théologiens américains ne sont pas en reste ; on mentionnera le livre splendide de Mgr Sheen (6), celui du père Gruden (7), et un certain nombre d'articles bien écrits, parmi lesquels ceux du Dr. McGarry (8) sont particulièrement recommandables.


(5) The Mystery of the Church, (traduit du français, New York, 1937).
(6) The Mystical Body of Christ, (New York, 1935).
(7) The Mystical Christ, (Saint Louis, 1936).
(8) Thought, Vol. XII, numéros 1 et 2 (Mars et Juin 1937).

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Et en fait, cette "jeune nation" que sont les États-Unis, dans le bras enseignant de l'Église universelle, commence à exercer l'influence qu'elle mérite particulièrement dans cette partie de la théologie. Cependant, la richesse même du sujet est telle que des progrès supplémentaires restent à faire, qui seront utiles à la vie et à l'activité de l'Église Catholique. Il semble en effet exister, en plus des domaines qui restent encore à explorer, et en plus de la question de comprendre les autres parties de la théologie à la lumière du Corps Mystique, des éléments latents dans la doctrine elle-même qui échappent à jusqu'à la classification pourtant magistrale du père Mura.

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D'après ce brillant théologien, le Corps Mystique du Christ est quelque chose qui peut être compris sous l'angle des quatre causes - matérielle, formelle, efficiente et finale. La cause matérielle est certainement un principe non pas d'unité, mais de multiplicité. La cause matérielle du Corps Mystique est la Tête et les membres, qui ensemble composent la totalité du Christ. Les trois autres causes sont des facteurs d'unité : le Corps Mystique est un en vertu de ceux-ci. La cause formelle est ou exemplaire ou bien intrinsèque. Le Corps Mystique est un pour raison de causalité exemplaire, par ce qu'il y a un et un seul modèle auquel doivent se conformer les membres de ce Corps. Ce modèle ultime et unique est le Verbe incarné.

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La cause formelle interne est ou substantielle ou bien accidentelle. L'Église ne saurait avoir de cause proprement substantielle par ce qu'elle est composée de personnes individuelles. Mais le Saint-Esprit, à qui sont attribuées les actions d'amour venant de la Très-Sainte Trinité, est la cause quasi substantielle du Corps Mystique. Il est évident qu'il n'entre pas en composition avec les membres pour former un tout dont il serait une partie. Néanmoins, il remplit son rôle de cause substantielle en constituant le Corps Mystique un organisme surnaturel, joignant les membres en une unité corporative.

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La cause formelle, accidentelle et secondaire du Corps Mystique est double. Il y a d'abord la sujétion morale et judiciaire au joug glorieux du Christ-Roi dans l'Église. Et il y a ensuite le lien de la charité, qui apporte la perfection.

La cause efficiente qui tient et soutient l'Église est principale et instrumentale. La cause principale est la Très-Sainte Trinité, et par appropriation le Saint-Esprit. La cause instrumentale est soit conjointe, soit séparée. La cause instrumentale conjointe qui rend l'Église une est l'humanité du Christ, hypostatiquement unie à la deuxième personne de la Très-Sainte Trinité. Les instruments séparés et secondaires sont les sacrements, institués par notre Seigneur pour signifier et causer notre sanctification en Lui. La cause finale qui achève l'unité du Corps Mystique est la gloire de Dieu dans la plénitude du Christ (9).

(9) Cela est résumé par un schéma à la p. 112 du vol. 1 de l'ouvrage du père Mura.

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Comme le fait très-justement remarquer le père Simonin (10), un schéma qui s'efforce de décrire une réalité surnaturelle par des classifications naturelles est inévitablement incomplet par certains côtés. Le travail du père Mura est exact et assez complet en lui-même. Et pourtant, toute sa classification insiste un peu trop sur un seul principe d'unité, un seul aspect du Corps Mystique. Nous sommes un avec le Christ, non seulement pour les raisons que l'on peut ranger sous une des quatre causes, mais aussi par ce que nous sommes autorisés et députés d'une manière particulière pour faire nôtre l'opération du Christ.

(10) Voir l'article "Implicite et Explicite dans le développement du dogme", p. 126 dans Angelicum, Janvier 1937.

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Le Corps Mystique est uni au Christ par ce que c'est une organisation dont l'activité principale et centrale est le sacrifice éternel du Rédempteur. Son acte, pour lequel il est venu dans ce monde, nous nous l'approprions d'une manière très-particulière : les membres du Christ deviennent un sacerdoce royal, par une participation réelle au sacerdoce du Christ. L'unité du Corps Mystique est quelque chose d'essentiellement dynamique. L'opération propre à la Tête devient l'opération des membres qui lui sont unis.

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Il y a un acte qui est fondamentalement et premièrement l'opération propre de Jésus-Christ. L'acte de Rédemption lui-même est le motif de l'incarnation, de sorte que, dans l'ordre actuel de la providence divine, la deuxième personne de la Très-Sainte Trinité n'aurait pas assumé une nature humaine si Adam, le père du genre humain, n'avait pas péché (11). L'objet de l'Incarnation a été atteint dans la passion et la mort du Christ, en un acte qui a été tout à la fois satisfactoire, sacrificiel, rédempteur, et est par là devenu cause efficiente de notre salut (12). Dès l'instant de sa conception, le Christ a mérité le salut éternel pour nous, en chaque acte qu'il a exécuté, et dans chaque souffrance qu'il a subi. Mais, dans les décrets miséricordieux de la divine providence, il a été fixé que tous ces autres mérites du Christ seraient ordonnés à, et produiraient leurs effets par, la passion elle-même (13).


(11) Summa Theologica, III, q. 1, art. 3.
(12) Ibid., III, q. 48, passim.
(13) Ibid., III, q. 44, art. 3 ad 3, et III q. 48, art. 1 ad 2 ; voir aussi Voste, De Mysteriis Verbi Incarnati, p. 355.

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La vie du Christ en ce monde a ainsi été centrée sur sa Passion. Notre Seigneur considérait avec raison son exaltation sur la croix comme le couronnement de sa vie terrestre. Le sacrifice du Calvaire était l'acte auquel tous ses autres œuvres étaient ordonnées, et dont la pensée le réjouissait constamment : "J’ai à être baptisé d’un baptême, et comme je me sens pressé jusqu’à ce qu’il s’accomplisse !" (14) Le sacrifice du Calvaire est tellement l'acte propre et la perfection du Christ que l'Apôtre des Gentils décrivait son œuvre d'évangélisation en ces termes : "Nous prêchons le Christ crucifié" (15). Saint Jean, parlant depuis les gloires éternelles du ciel, décrit le Christ comme "Agneau debout, comme égorgé (immolé)" (16).

Le Corps Mystique du Christ est la société de ceux à qui Dieu a accordé le privilège insigne d'être unis au Christ d'une telle façon que son acte devienne leur. L'opération d'une chose, c'est ce qui constitue sa perfection propre, et en dernière analyse une chose est une dans la mesure où son opération est une. L'acte propre du Corps Mystique ne se distingue pas de l'acte propre du Christ lui-même. L'acte de la tête est l'acte du corps entier. Notre union au Christ n'est pas qu'une affaire de position. Elle n'est pas statique, mais dynamique. Le Corps Mystique, en tant que société, a une fonction principale, essentielle qui concerne tous ces membres. Cette opération n'est autre que le grand acte sacrificiel du Christ.

(14) Luc 12:50.
(15) 1 Cor. 1:23.
(16) Apoc. 5:6.