Résumé de théologie dogmatique, Livre V : La Rédemption

[chartreux]

III. 3. En plus des soldats qui ont crucifié Jésus, il y a trois autres causes morales de sa mort à considérer : Judas, qui l'a livré aux Juifs ; les Juifs qui par haine, l'ont livré aux Romains ; et enfin les autorités romaines qui, pour plaire aux Juifs, ont ordonné la crucifixion. La coopération de causes humaines était nécessaire pour que le Christ mourût d'une mort ignominieuse sur la croix. Dieu a permis le plus grand des crimes pour que le péché participât à sa propre destruction. Le péché des Juifs diffère de tous les autres objectivement parlant en ce qu'il frappe directement une personne divine, tandis que tous les autres péchés n'affectent la divinité qu'extérieurement.

[chartreux]

Subjectivement, la culpabilité des déicides était diminuée chez beaucoup par leur ignorance, si coupable que soit cette dernière. C'est pour ceux-là que le Christ a imploré la clémence du Père avant de rendre son dernier soupir : "Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. " (Luc 23:34). Il avait cependant dit d'eux, après la Cène :

21 Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé. 22 Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse pas parlé, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant, ils n’ont pas d’excuse de leur péché. 23 Celui qui me hait, hait aussi mon Père. 24 Si je n’avais pas fait parmi eux des œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant, ils ont vu, et ils ont haï et moi et mon Père

[chartreux]

III. 4. Les causes humaines de la passion du Christ étaient des instruments de Satan, et elles agissaient à son instigation. L'Écriture attribue la haine des Juifs pour le Christ au démon, ainsi que la trahison de Judas. Les Pères relient ce point au proto-évangile, où ils voient prédite la grande guerre entre le Christ et Satan, qui se termine par l'écrasement de la tête de Satan par le talon du Christ. De nombreux passages de l'Écriture, il ressort avec certitude que le démon savait la divinité du Christ (quoique peut-être pas dès le début), bien qu'il ait peut-être ignoré le mystère de la Rédemption et des bienfaits qu'elle allait répandre sur l'humanité (1 Cor. 2:8). Dans son haine de Dieu, il a tout fait pour mettre l'homme-Dieu à mort (S. Thomas, IIIa, q. 47).

[chartreux]

IV. Le Christ a connu une partie des effets de toutes les causes externes qui font souffrir les hommes ; mais il n'a jamais connu de maladie corporelle, en raison de sa perfection surnaturelle. Les païens et les Juifs, les princes et leurs serviteurs, et ses propres Apôtres, ont contribué chacun de leur côté à ses souffrances.

Il a souffert par tout ce qui est cher à l'homme : par ses amis, qui l'ont abandonné ; par son honneur et sa réputation, qui ont reçu blasphèmes et insultes ; par ses possessions, puisque même ses vêtements lui ont été pris ; par son âme, qui a subi tristesse et chagrins extrêmes ; par son corps, qui a subi coups et blessures, et même par tous ses sens.

Ce qu'il a enduré dépasse de loin tout ce qu'un simple homme pourrait subir dans cette vie : non seulement à cause du nombre et de l'intensité des souffrances, mais aussi à cause de la perfection surnaturelle de la constitution du Sauveur, et de son acceptation volontaire d'une dose de souffrance proportionnée au but, savoir la délivrance des hommes de l'empire du péché. Cf. S. Thomas, IIIa, q.46, art. 5-6, et Newman, On the Mental Sufferings of Christ ("Sur les souffrances mentales du Christ"), dans son Sermons to Mixed Congregations.

[chartreux]

Section 203. L'état du Christ pendant la période entre sa mort et sa résurrection.

I. Le fils de l'homme est "descendu aux enfers", en cela, il a subi jusqu'à la fin le lot commun à ses frères humains. Mais bien que son corps et son âme soient séparés l'un de l'autre, ils n'en restaient pas moins unis à la personne divine. Même après sa mort, le Christ possédait toujours un corps et une âme, et était donc plus pleinement homme que les autres morts. La personne du Christ était à la fois dans les limbes et dans le sépulcre ; mais la totalité de tout ce qui appartenait en propre à sa personne n'était ni dans l'un ni dans l'autre (Totus Christus in sepulchro et totus in inferno, sed non totum quod est Christus).

[chartreux]

II. La sépulture du Christ confirme sa mort, et rend plus évident le miracle de la Résurrection. C'est aussi le symbole de la mort du péché chez les baptisés (Rom. 6:3-4). Le corps divin n'a pas vu la corruption, et son sépulcre est devenu glorieux, comme prophétisé par David (Ps. 15:10) et Isaïe (53:9).

[chartreux]

III. Le lieu de résidence des âmes des morts est appelé dans l'Écriture, שְׁאןֹל, ῞Αιδης, infernus, les parties inférieures de la terre. Tous ces noms ainsi que d'autres similaires un endroit hors du Ciel, résidence de Dieu et des anges, et qui lui est opposé. Nous sommes dans l'ignorance complète en ce qui concerne sa situation précise, et nous savons fort peu de choses sur sa nature (cf. notre Livre VIII).

[chartreux]

III. 1. Que le Christ soit descendu à cet endroit est mentionné dans les divers symboles, et expressément défini au quatrième concile du Latran. L'Écriture et la Tradition ne sont pas en reste pour confirmer cette donnée (Actes 2:24, 31 ; Eph. 4:8-10 ; 1 Pierre 3:18). La descente seulement potentielle et pas substantielle fut soutenue par Abelard, censurée par le concile de Sens, et condamnée par le pape Innocent III. L'opinion que le Christ n'est resté qu'un instant dans le monde inférieur, soit immédiatement après sa mort ou avant sa résurrection, a été avancée par Nicéphore, mais n'a jamais trouvé de sectateurs. La croyance commune est qu'il y est resté pendant tout le temps entre sa mort et sa résurrection.

[chartreux]

Il est certain que le Christ, après avoir consommé ses souffrances sur la Croix, n'est pas allé au Shéol pour partager les peines des damnés ou des âmes du purgatoire. Il est resté un temps parmi les âmes des justes dans les "limbes" (frontière de l'enfer), dénommées ainsi pour les distinguer de l'enfer et du purgatoire. L'existence d'un tel endroit peut être déduite de plusieurs passages de l'Ancien Testament. Dans le Nouveau Testament, la parabole de Lazare et de l'homme riche le mentionne clairement.

[chartreux]

Mais même les justes qui se reposaient dans le sein d'Abraham, bien que délivrés de toute douleur et bien que possédant une certaine béatitude, ne jouissaient cependant pas de la vision de Dieu. Telle est l'interprétation traditionnelle de Héb. 9:7-8 : "Le chemin du sanctuaire n'était pas encore ouvert, tant que le premier tabernacle subsistait" et de

C'est pourquoi il est le médiateur d'un nouveau testament, afin que, (...) ceux qui sont appelés reçoivent la promesse de l'héritage éternel. 16 Car, là où il y a un testament, il est nécessaire que la mort du testateur intervienne. 17 En effet, un testament n'est valable que par la mort, puisqu'il n'a point de force tant que le testateur est vivant.

De plus, l'Évangile a été prêché comme une annonce du royaume des cieux à venir. Et il n'était pas convenable non plus que les bénéficiaires de la Rédemption en jouissent pleinement avant le Rédempteur lui-même.