DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
PIERRE DAMIEN (11e siècle).
« Sur ce que vous me demandez sur le jugement et touchant l’Antéchrist, lisez le bienheureux Augustin au livre de la Cité de Dieu, et l’exposition de saint Jérôme sur le prophète Daniel etc. Vous y prendrez une connaissance suffisante de ces choses. Car, comme vous l’indique le témoignage authentique de l’Ecriture, et comme l’ont interprétée ceux qui l’ont commentée, l’Antéchrist régnera trois ans et demi, et après qu’il aura fait mourir Enoch et Elie, l’archange saint Michel le fera mourir, lui et la plus grande partie de ses suppôts. Ce qui n’est point contraire à ce que nous dit l’apôtre, que le Seigneur le détruira du souffle de sa bouche etc. Car soit que Jésus l’anéantisse par lui-même ou par le ministère d’un ange, c’est toujours par lui que cette peste du monde sera détruite, dès qu’elle le sera par sa puissance. »
Pierre Damien n’est pas le premier qui fasse intervenir ici l’archange saint Michel. Théodoret a regardé cet esprit céleste comme l’exécuteur des desseins de Dieu contre l’Antéchrist. C’est le prophète Daniel qui l’y autorise. Théodoret croit même que c’est cet archange qui procurera au monde l’arrivée d’Elie. (In Daniel.)
(à suivre…)
« Sur ce que vous me demandez sur le jugement et touchant l’Antéchrist, lisez le bienheureux Augustin au livre de la Cité de Dieu, et l’exposition de saint Jérôme sur le prophète Daniel etc. Vous y prendrez une connaissance suffisante de ces choses. Car, comme vous l’indique le témoignage authentique de l’Ecriture, et comme l’ont interprétée ceux qui l’ont commentée, l’Antéchrist régnera trois ans et demi, et après qu’il aura fait mourir Enoch et Elie, l’archange saint Michel le fera mourir, lui et la plus grande partie de ses suppôts. Ce qui n’est point contraire à ce que nous dit l’apôtre, que le Seigneur le détruira du souffle de sa bouche etc. Car soit que Jésus l’anéantisse par lui-même ou par le ministère d’un ange, c’est toujours par lui que cette peste du monde sera détruite, dès qu’elle le sera par sa puissance. »
Pierre Damien n’est pas le premier qui fasse intervenir ici l’archange saint Michel. Théodoret a regardé cet esprit céleste comme l’exécuteur des desseins de Dieu contre l’Antéchrist. C’est le prophète Daniel qui l’y autorise. Théodoret croit même que c’est cet archange qui procurera au monde l’arrivée d’Elie. (In Daniel.)
(à suivre…)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
THÉOPHILACTE
« Elie viendra. En disant qu’Elie viendra, il montre qu’il n’est pas encore venu, mais qu’il viendra au second avènement, et qu’il rétablira dans la foi du Christ tous les Hébreux qu’il trouvera dociles, les faisant ainsi rentrer dans l’héritage de leurs pères dont ils étaient déchus. » (In Math. c. 17.)
(à suivre…)
« Elie viendra. En disant qu’Elie viendra, il montre qu’il n’est pas encore venu, mais qu’il viendra au second avènement, et qu’il rétablira dans la foi du Christ tous les Hébreux qu’il trouvera dociles, les faisant ainsi rentrer dans l’héritage de leurs pères dont ils étaient déchus. » (In Math. c. 17.)
(à suivre…)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
EUTHYMIUS(12e siècle).
Euthymius vivait au commencement du douzième siècle. C’était un moine grec de l’ordre de saint Basile. Nous avons, en latin seulement (car je ne crois pas que le grec soit encore sorti des manuscrits), nous avons, dis-je, en latin, des commentaires fort sensés sur les quatre Evangiles, qui passent sous le nom d’Euthymius, quoiqu’on ne sache pas bien qu'il en soit l’auteur. Mais il est certain que cet ouvrage est du douzième siècle. Car saint Thomas le cite dans sa chaire sur les Evangiles.
« Les Juifs s’attendent que le Christ viendra quand Elie sera venu, parce que Malachie a dit : J'enverrai Elie. Et, en effet, Elie doit venir pour précéder l’avénement du Christ, mais c’est le second, Car Jean a précédé le premier. »
(à suivre…)
Euthymius vivait au commencement du douzième siècle. C’était un moine grec de l’ordre de saint Basile. Nous avons, en latin seulement (car je ne crois pas que le grec soit encore sorti des manuscrits), nous avons, dis-je, en latin, des commentaires fort sensés sur les quatre Evangiles, qui passent sous le nom d’Euthymius, quoiqu’on ne sache pas bien qu'il en soit l’auteur. Mais il est certain que cet ouvrage est du douzième siècle. Car saint Thomas le cite dans sa chaire sur les Evangiles.
« Les Juifs s’attendent que le Christ viendra quand Elie sera venu, parce que Malachie a dit : J'enverrai Elie. Et, en effet, Elie doit venir pour précéder l’avénement du Christ, mais c’est le second, Car Jean a précédé le premier. »
(à suivre…)
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SAINT ANSELME
Le témoignage qui suit se trouve parmi les ouvrages de saint Anselme. Il n’est pourtant pas de saint Anselme. Il est, comme on croit, d’un de ses disciples qui avertit dans sa préface qu’il ne se nomme pas, ne voulant point que son nom prévienne ses lecteurs contre son ouvrage.
« L’Antéchrist naîtra dans la grande Babylone d’une courtisane de la race de Dan. Il sera rempli du diable dès le sein de sa mère, et nourri à Corozaïm par des enchanteurs. Il commandera à tout l’univers et se soumettra tout le genre humain en quatre manières ou par quatre voies différentes. Car 1° il s’attachera les nobles par les richesses ; il sera très riche parce que tous les trésors cachés lui seront découverts. 2° Il subjuguera le peuple par la terreur, étant très cruel envers les serviteurs de Dieu. 3° Il deviendra maître du clergé par son adresse et par son admirable éloquence. Il saura par mémoire toutes les sciences et toutes les écritures. 4° A l’égard de ceux qui font profession de mépriser le monde, comme font les moines, il les séduira par des signes et par des prodiges. Car il en fera d’étonnants. Il fera descendre le feu du ciel pour dévorer ses adversaires. Il fera revenir des morts qui lui rendront témoignage, non qu’il ait le pouvoir de ressusciter des morts, mais parce que, par ses maléfices, le diable entrera dans le corps de quelque damné, le transportera et le fera parler comme s’il était vivant. C’est ce que l’Ecriture nous apprend dans ces mots: par toutes sortes de signes et de faux prodiges ; il rebâtira l’ancienne Jérusalem, et s’y viendra faire adorer comme Dieu. Les juifs accourront de toutes les parties du monde et le recevront à bras ouverts, mais à la prédication d’Elie et d’Enoch ils reviendront à la religion chrétienne et souffriront presque tous un cruel martyre.» (Elucid. I. 3, c. 10.)
Le lecteur distingue assez de lui-même ce qu’il y a de tradition dans ce témoignage d’avec ce que l’anonyme y a mis du sien. On ne craignait point alors d’annoncer la chute du clergé pour les derniers temps du monde, et le cardinal de Cusa dans le 15e siècle n’a pas fait difficulté d’y envelopper le successeur de Pierre et tous les évêques, nec stabit Petrus aut aliquis Pétri successor. Ce cardinal accordait ces pronostics avec les promesses que Jésus-Christ a faites à son Eglise, et personne n’en a paru scandalisé. Il n’en est pas de même aujourd’hui. (Conjectura de novissimis temporibus.)
(à suivre…)
Le témoignage qui suit se trouve parmi les ouvrages de saint Anselme. Il n’est pourtant pas de saint Anselme. Il est, comme on croit, d’un de ses disciples qui avertit dans sa préface qu’il ne se nomme pas, ne voulant point que son nom prévienne ses lecteurs contre son ouvrage.
« L’Antéchrist naîtra dans la grande Babylone d’une courtisane de la race de Dan. Il sera rempli du diable dès le sein de sa mère, et nourri à Corozaïm par des enchanteurs. Il commandera à tout l’univers et se soumettra tout le genre humain en quatre manières ou par quatre voies différentes. Car 1° il s’attachera les nobles par les richesses ; il sera très riche parce que tous les trésors cachés lui seront découverts. 2° Il subjuguera le peuple par la terreur, étant très cruel envers les serviteurs de Dieu. 3° Il deviendra maître du clergé par son adresse et par son admirable éloquence. Il saura par mémoire toutes les sciences et toutes les écritures. 4° A l’égard de ceux qui font profession de mépriser le monde, comme font les moines, il les séduira par des signes et par des prodiges. Car il en fera d’étonnants. Il fera descendre le feu du ciel pour dévorer ses adversaires. Il fera revenir des morts qui lui rendront témoignage, non qu’il ait le pouvoir de ressusciter des morts, mais parce que, par ses maléfices, le diable entrera dans le corps de quelque damné, le transportera et le fera parler comme s’il était vivant. C’est ce que l’Ecriture nous apprend dans ces mots: par toutes sortes de signes et de faux prodiges ; il rebâtira l’ancienne Jérusalem, et s’y viendra faire adorer comme Dieu. Les juifs accourront de toutes les parties du monde et le recevront à bras ouverts, mais à la prédication d’Elie et d’Enoch ils reviendront à la religion chrétienne et souffriront presque tous un cruel martyre.» (Elucid. I. 3, c. 10.)
Le lecteur distingue assez de lui-même ce qu’il y a de tradition dans ce témoignage d’avec ce que l’anonyme y a mis du sien. On ne craignait point alors d’annoncer la chute du clergé pour les derniers temps du monde, et le cardinal de Cusa dans le 15e siècle n’a pas fait difficulté d’y envelopper le successeur de Pierre et tous les évêques, nec stabit Petrus aut aliquis Pétri successor. Ce cardinal accordait ces pronostics avec les promesses que Jésus-Christ a faites à son Eglise, et personne n’en a paru scandalisé. Il n’en est pas de même aujourd’hui. (Conjectura de novissimis temporibus.)
(à suivre…)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
SAINT BRUNO D’ASTI
Saint Bruno d’Asti ou de Segni en Italie, était évêque de
Segni au commencement du douzième siècle; nous avons de lui plusieurs commentaires sur l’Ecriture.
« Je donnerai à mes deux témoins. Ces deux témoins sont selon la lettre, Elie et Enoch, et selon le sens spirituel tous les docteurs de l’Eglise qui étant appuyés du témoignage des deux testaments, sont appelés à juste titre témoins de Dieu. Or, le Seigneur les chargeant du ministère des prophètes leur ordonne de prêcher 1260 jours. Car le Seigneur a prêché autant de jours, et c’est pour rendre leur prédication semblable en toutes choses à celle du Seigneur, que ce nombre de jours leur a été destiné. » (In Apoc. c.11.)
(à suivre…)
Saint Bruno d’Asti ou de Segni en Italie, était évêque de
Segni au commencement du douzième siècle; nous avons de lui plusieurs commentaires sur l’Ecriture.
« Je donnerai à mes deux témoins. Ces deux témoins sont selon la lettre, Elie et Enoch, et selon le sens spirituel tous les docteurs de l’Eglise qui étant appuyés du témoignage des deux testaments, sont appelés à juste titre témoins de Dieu. Or, le Seigneur les chargeant du ministère des prophètes leur ordonne de prêcher 1260 jours. Car le Seigneur a prêché autant de jours, et c’est pour rendre leur prédication semblable en toutes choses à celle du Seigneur, que ce nombre de jours leur a été destiné. » (In Apoc. c.11.)
(à suivre…)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
RUPERT
« Je vous enverrai le prophète Elie... Touchant la venue d’Elie je n’ose rien définir, parce qu’entre les docteurs, les uns que je vois suivis d’un consentement presque universel sont persuadés qu’à la lettre Elie viendra, qu’il rétablira toutes choses, et qu’il paiera le tribut à la mort, et les autres qu’il ne viendra point, du nombre desquels paraît être l'illustre saint Jérôme dont voici les paroles, etc. Ce n’est pas qu’il n’y en ait beaucoup des nôtres qui croient qu’à la lettre Elie viendra, qu’il rétablira toutes choses et qu’il paiera le tribut à la mort. Au reste le Seigneur étant interrogé par les apôtres touchant la venue d’Elie, leur a répondu : Elie est venu et ils ne l'ont point connu. Voulant que par Elie on entende Jean-Baptiste. C’est pourquoi il ajoute, si vous voulez recevoir, Jean est Elie qui doit venir. » (In Malach. c. 4).
Rupert qui paraît plein de saint Jérôme nous cite encore le même texte mot pour mot dans son livre de la victoire du Verbe de Dieu. Et il y joint cette réflexion : « Saint Jérôme nous parlant ainsi, nous fait assez entendre qu’il se range du côté des docteurs qui ne pensent point qu’à la lettre Elie doive venir, mais seulement qu’il est venu selon l’Esprit, puisqu’il dit, ce n’est pas que beaucoup des nôtres ne pensent qu’à la lettre Elie viendra. »
Le malheur est que saint Jérôme de l’abbé Rupert n’est point saint Jérôme, mais Rémi, moine d’Auxerre, que nous venons de voir au dixième siècle. Rupert ne distinguait pas ce que Rémi d’Auxerre mettait du sien dans ses commentaires, d’avec ce qu’il copiait des ouvrages des Pères. Bède, Raban Maur et Paschase avaient mis en marge les noms des pères qu’ils compilaient dans leurs commentaires. Les deux premiers avaient eu soin de marquer où finissaient les passages, et Bède en particulier avait expressément recommandé à ceux qui copieraient ses commentaires de ne point omettre les citations qui étaient sur les marges de son manuscrit. Apparemment que Rémi d’Auxerre n’avait point pris les mêmes précautions, ou qu’on les avait négligées, et que c’est ce qui a trompé Rupert.
Le même abbé, après nous avoir expliqué dans son commentaire sur saint Jean comment le témoignage de Jean-Baptiste s’accorde avec celui de Jésus-Christ, ajoute encore une autre explication : « Ou bien, dit-il, Jean est appelé Elie parce que comme selon Malachie, Elie doit précéder le souverain juge et annoncer sa venue, de même Jean l’a précédé au premier avènement, et que tous les deux sont précurseurs, l’un du premier avènement, l’autre du second. »
Ce n’est point de son propre fonds que Rupert tire ce commentaire. Il copie mot pour mot saint Jérôme sans savoir que c’est saint Jérôme. Ainsi l’abbé Rupert doit être censé demeurer dans ses perplexités ; d’autant plus que ce n’est ici qu’un second commentaire qu’il n’adopte pas, et qu’il ne rapporte que pour donner à choisir.
Plusieurs théologiens du nombre desquels sont Estius et Noël Alexandre ont prétendu que l’abbé Rupert s’est déclaré pour la venue d’Elie dans son commentaire sur l’Apocalypse. Voici ce commentaire. On demande à Rupert pourquoi il n’y a que deux témoins contre tant d’ennemis. Rupert répond :
« Il y a un grand nombre de témoins, et cependant à certains égards il n’y en a que deux, c’est-à-dire de deux genres différents de la même manière que les deux saints hommes Enoch et Elie diffèrent entre eux. Enoch n’a point souffert de persécutions, il a marché en paix devant le Seigneur, etc. Mais on sait combien Elie a été persécuté. C’est dans le genre de ces deux personnages que nous sont représentés les deux témoins de Jésus-Christ jusqu’à présent et jusqu’à la fin des siècles, c’est-à-dire que les uns sont témoins, pendant que la sainte Eglise est en paix, vivant dans la foi, et rendant témoignage par leurs paroles et par leurs écrits, et les autres en répandant leur sang pour la foi dans le temps des persécutions. C’est donc avec raison que ces deux ordres de témoins sont appelés deux témoins. »
Il n’y a ici que les noms d’Elie et d’Enoch et sous ces noms que de témoins allégoriques. Estius a vu, comme nous, ces deux témoins allégoriques dans Rupert. Mais il prétend avoir trouvé au même endroit le sens littéral des deux témoins Elie et Enoch. J’ai lu attentivement et plus d’une fois toute cette partie du commentaire de Rupert et n'y ai point trouvé ce sens littéral. J’ai seulement trouvé dans des théologiens plus anciens qu’Estius et de même sentiment qu’ils citaient pour eux Rupert, au même endroit de son commentaire sur l’Apocalypse. Ainsi tout ce qu’on peut dire c’est que Rupert aurait bien voulu prendre l’affirmation de la venue d’Elie, à cause des docteurs qui y donnaient les mains pour la plupart, mais qu’il n’osait pas, ne voulant point avoir contre lui l’illustre saint Jérôme.
Néanmoins le témoignage de Rupert a son prix dans un temps où l’Eglise latine sortait de l’ignorance. Ce témoignage est renfermé dans ce peu de paroles, cui omnes fere consentimus. Car cela signifie dans Rupert que tous, hors l’illustre saint Jérôme, consentaient à la venue d’Elie selon le sens littéral. Car, excepté cet illustre saint Jérôme, personne n’avait encore douté que la prophétie de Malachie n’eût un sens littéral. Le doute de Rémi d’Auxerre est le premier qui paraisse dans toute l’antiquité.
(à suivre...)
« Je vous enverrai le prophète Elie... Touchant la venue d’Elie je n’ose rien définir, parce qu’entre les docteurs, les uns que je vois suivis d’un consentement presque universel sont persuadés qu’à la lettre Elie viendra, qu’il rétablira toutes choses, et qu’il paiera le tribut à la mort, et les autres qu’il ne viendra point, du nombre desquels paraît être l'illustre saint Jérôme dont voici les paroles, etc. Ce n’est pas qu’il n’y en ait beaucoup des nôtres qui croient qu’à la lettre Elie viendra, qu’il rétablira toutes choses et qu’il paiera le tribut à la mort. Au reste le Seigneur étant interrogé par les apôtres touchant la venue d’Elie, leur a répondu : Elie est venu et ils ne l'ont point connu. Voulant que par Elie on entende Jean-Baptiste. C’est pourquoi il ajoute, si vous voulez recevoir, Jean est Elie qui doit venir. » (In Malach. c. 4).
Rupert qui paraît plein de saint Jérôme nous cite encore le même texte mot pour mot dans son livre de la victoire du Verbe de Dieu. Et il y joint cette réflexion : « Saint Jérôme nous parlant ainsi, nous fait assez entendre qu’il se range du côté des docteurs qui ne pensent point qu’à la lettre Elie doive venir, mais seulement qu’il est venu selon l’Esprit, puisqu’il dit, ce n’est pas que beaucoup des nôtres ne pensent qu’à la lettre Elie viendra. »
Le malheur est que saint Jérôme de l’abbé Rupert n’est point saint Jérôme, mais Rémi, moine d’Auxerre, que nous venons de voir au dixième siècle. Rupert ne distinguait pas ce que Rémi d’Auxerre mettait du sien dans ses commentaires, d’avec ce qu’il copiait des ouvrages des Pères. Bède, Raban Maur et Paschase avaient mis en marge les noms des pères qu’ils compilaient dans leurs commentaires. Les deux premiers avaient eu soin de marquer où finissaient les passages, et Bède en particulier avait expressément recommandé à ceux qui copieraient ses commentaires de ne point omettre les citations qui étaient sur les marges de son manuscrit. Apparemment que Rémi d’Auxerre n’avait point pris les mêmes précautions, ou qu’on les avait négligées, et que c’est ce qui a trompé Rupert.
Le même abbé, après nous avoir expliqué dans son commentaire sur saint Jean comment le témoignage de Jean-Baptiste s’accorde avec celui de Jésus-Christ, ajoute encore une autre explication : « Ou bien, dit-il, Jean est appelé Elie parce que comme selon Malachie, Elie doit précéder le souverain juge et annoncer sa venue, de même Jean l’a précédé au premier avènement, et que tous les deux sont précurseurs, l’un du premier avènement, l’autre du second. »
Ce n’est point de son propre fonds que Rupert tire ce commentaire. Il copie mot pour mot saint Jérôme sans savoir que c’est saint Jérôme. Ainsi l’abbé Rupert doit être censé demeurer dans ses perplexités ; d’autant plus que ce n’est ici qu’un second commentaire qu’il n’adopte pas, et qu’il ne rapporte que pour donner à choisir.
Plusieurs théologiens du nombre desquels sont Estius et Noël Alexandre ont prétendu que l’abbé Rupert s’est déclaré pour la venue d’Elie dans son commentaire sur l’Apocalypse. Voici ce commentaire. On demande à Rupert pourquoi il n’y a que deux témoins contre tant d’ennemis. Rupert répond :
« Il y a un grand nombre de témoins, et cependant à certains égards il n’y en a que deux, c’est-à-dire de deux genres différents de la même manière que les deux saints hommes Enoch et Elie diffèrent entre eux. Enoch n’a point souffert de persécutions, il a marché en paix devant le Seigneur, etc. Mais on sait combien Elie a été persécuté. C’est dans le genre de ces deux personnages que nous sont représentés les deux témoins de Jésus-Christ jusqu’à présent et jusqu’à la fin des siècles, c’est-à-dire que les uns sont témoins, pendant que la sainte Eglise est en paix, vivant dans la foi, et rendant témoignage par leurs paroles et par leurs écrits, et les autres en répandant leur sang pour la foi dans le temps des persécutions. C’est donc avec raison que ces deux ordres de témoins sont appelés deux témoins. »
Il n’y a ici que les noms d’Elie et d’Enoch et sous ces noms que de témoins allégoriques. Estius a vu, comme nous, ces deux témoins allégoriques dans Rupert. Mais il prétend avoir trouvé au même endroit le sens littéral des deux témoins Elie et Enoch. J’ai lu attentivement et plus d’une fois toute cette partie du commentaire de Rupert et n'y ai point trouvé ce sens littéral. J’ai seulement trouvé dans des théologiens plus anciens qu’Estius et de même sentiment qu’ils citaient pour eux Rupert, au même endroit de son commentaire sur l’Apocalypse. Ainsi tout ce qu’on peut dire c’est que Rupert aurait bien voulu prendre l’affirmation de la venue d’Elie, à cause des docteurs qui y donnaient les mains pour la plupart, mais qu’il n’osait pas, ne voulant point avoir contre lui l’illustre saint Jérôme.
Néanmoins le témoignage de Rupert a son prix dans un temps où l’Eglise latine sortait de l’ignorance. Ce témoignage est renfermé dans ce peu de paroles, cui omnes fere consentimus. Car cela signifie dans Rupert que tous, hors l’illustre saint Jérôme, consentaient à la venue d’Elie selon le sens littéral. Car, excepté cet illustre saint Jérôme, personne n’avait encore douté que la prophétie de Malachie n’eût un sens littéral. Le doute de Rémi d’Auxerre est le premier qui paraisse dans toute l’antiquité.
(à suivre...)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
RICHARD DE SAINT-VICTOR
« Je donnerai à mes deux témoins. Il nous parle tout de suite d’Enoch et d’Elie, de leur prédication, de leur pouvoir, de leur affliction, de leur mort, de leur résurrection et de leur entrée dans la gloire. »
(à suivre…)
« Je donnerai à mes deux témoins. Il nous parle tout de suite d’Enoch et d’Elie, de leur prédication, de leur pouvoir, de leur affliction, de leur mort, de leur résurrection et de leur entrée dans la gloire. »
(à suivre…)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
HERVÉ
Cet Hervé est auteur des commentaires sur saint Mathieu et sur saint Paul, qui se trouvent dans les anciennes éditions de saint Anselme et qui passaient autrefois pour être de saint Anselme. Hervé était moine Bénédictin, et il écrivait vers l’an 1130.
« Elie doit venir etc. Jésus-Christ en disant : Elie doit venir, montre que ce n’est pas ici son second avènement et c’est ainsi qu’il rejette la fausse opinion des Scribes. Or, je vous dis etc. C’est comme s’il disait: non-seulement je vous ai dit qu’Elie viendra pour vous montrer que ce n’est pas ici mon second avènement, mais j’ajoute encore pour vous faire connaître mon premier avènement, qu’Elie est déjà venu... c’est-à-dire que celui qui doit venir au second avènement du Sauveur dans son corps véritable est déjà venu en esprit et en vertu dans la personne de Jean... Alors les disciples comprirent; ils le comprirent par ce qu’il venait de leur indiquer de sa passion et de celle de Jean son précurseur dont ils avaient été témoins. » (In Math. c. 17.)
C’est ainsi que nous avons expliqué dans la première partie de cet ouvrage, comment les trois disciples comprirent que Jésus-Christ leur parlait de Jean-Baptiste.
Le même Hervé, sur cet endroit de l’Epitre aux Romains : Jusqu’à ce que la plénitude etc. « Cela veut dire qu’après que toute la plénitude des nations aura été convertie, tout Israël sera sauvé, en croyant au Christ à la prédication d’Elie, à l’imitation des Gentils. Le terme de l’aveuglement d’Israël
est, quand les Gentils seront entrés, parce qu’alors les Juifs qui se trouveront dans le monde croiront à la prédication d’Elie et d’Enoch. »
(à suivre…)
Cet Hervé est auteur des commentaires sur saint Mathieu et sur saint Paul, qui se trouvent dans les anciennes éditions de saint Anselme et qui passaient autrefois pour être de saint Anselme. Hervé était moine Bénédictin, et il écrivait vers l’an 1130.
« Elie doit venir etc. Jésus-Christ en disant : Elie doit venir, montre que ce n’est pas ici son second avènement et c’est ainsi qu’il rejette la fausse opinion des Scribes. Or, je vous dis etc. C’est comme s’il disait: non-seulement je vous ai dit qu’Elie viendra pour vous montrer que ce n’est pas ici mon second avènement, mais j’ajoute encore pour vous faire connaître mon premier avènement, qu’Elie est déjà venu... c’est-à-dire que celui qui doit venir au second avènement du Sauveur dans son corps véritable est déjà venu en esprit et en vertu dans la personne de Jean... Alors les disciples comprirent; ils le comprirent par ce qu’il venait de leur indiquer de sa passion et de celle de Jean son précurseur dont ils avaient été témoins. » (In Math. c. 17.)
C’est ainsi que nous avons expliqué dans la première partie de cet ouvrage, comment les trois disciples comprirent que Jésus-Christ leur parlait de Jean-Baptiste.
Le même Hervé, sur cet endroit de l’Epitre aux Romains : Jusqu’à ce que la plénitude etc. « Cela veut dire qu’après que toute la plénitude des nations aura été convertie, tout Israël sera sauvé, en croyant au Christ à la prédication d’Elie, à l’imitation des Gentils. Le terme de l’aveuglement d’Israël
est, quand les Gentils seront entrés, parce qu’alors les Juifs qui se trouveront dans le monde croiront à la prédication d’Elie et d’Enoch. »
(à suivre…)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
HUGUES DE SAINT-CHER
Hugues de Saint-Cher, cardinal, de l’ordre de saint Dominique, était un des premiers hommes du XIIIe siècle. C’est à lui que nous sommes redevables de l’invention des concordances sur la Bible. Nous avons de lui des commentaires sur toute l’Ecriture ; il était très capable de les bien interpréter et il entendait les langues orientales.
« J’enverrai Elie. Dieu promet qu’avant le jour du jugement il enverra Elie pour donner aux Juifs l’intelligence spirituelle de la loi etc... Les Juifs disent qu’avant leur Messie Elie viendra rétablir toutes choses. Mais le Seigneur, par Elie, entend Jean-Baptiste, disant : Elie est déjà venu. Mais il parle du premier avènement. Il est constant qu’Elie et Enoch viendront avant le second, qu’ils prêcheront la foi aux Juifs, et que c’est ainsi que les restes seront sauvés. » (In Malach. c. 4.)
Jusqu’ici nous avions vu les pères et les docteurs de l’Eglise nous dire ou supposer qu’Elie viendra, sans appuyer, comme on a coutume de faire, sur des vérités contestées. Mais Hugues de Saint-Cher appuie, il est constant, dit-il. Je ne doute pas qu’il n’ait en vue Rupert qu’il voyait dans la perplexité, tandis que toute l’antiquité sacrée lui criait à pleine voix : Elie viendra.
(à suivre...)
Hugues de Saint-Cher, cardinal, de l’ordre de saint Dominique, était un des premiers hommes du XIIIe siècle. C’est à lui que nous sommes redevables de l’invention des concordances sur la Bible. Nous avons de lui des commentaires sur toute l’Ecriture ; il était très capable de les bien interpréter et il entendait les langues orientales.
« J’enverrai Elie. Dieu promet qu’avant le jour du jugement il enverra Elie pour donner aux Juifs l’intelligence spirituelle de la loi etc... Les Juifs disent qu’avant leur Messie Elie viendra rétablir toutes choses. Mais le Seigneur, par Elie, entend Jean-Baptiste, disant : Elie est déjà venu. Mais il parle du premier avènement. Il est constant qu’Elie et Enoch viendront avant le second, qu’ils prêcheront la foi aux Juifs, et que c’est ainsi que les restes seront sauvés. » (In Malach. c. 4.)
Jusqu’ici nous avions vu les pères et les docteurs de l’Eglise nous dire ou supposer qu’Elie viendra, sans appuyer, comme on a coutume de faire, sur des vérités contestées. Mais Hugues de Saint-Cher appuie, il est constant, dit-il. Je ne doute pas qu’il n’ait en vue Rupert qu’il voyait dans la perplexité, tandis que toute l’antiquité sacrée lui criait à pleine voix : Elie viendra.
(à suivre...)
Re: DISSERTATION CRITIQUE ET THEOLOGIQUE DU PERE HOUBIGANT DE L'ORATOIRE SUR LA VENUE D'ELIE
SAINT THOMAS
Saint Thomas a composé une chaîne sur les Evangiles, c’est-à-dire un commentaire assorti des explications des pères de l’Eglise et des savants hommes qui avaient écrit avant lui sur les Evangiles. Dans cette chaîne saint Thomas fait entrer plusieurs textes des pères que nous avons rapportés sur la venue d’Elie. Il n’en faudrait point davantage pour nous apprendre quel a été le sentiment de saint Thomas. En homme judicieux, comme il l’était, n’aurait pas mis en ligne de compte des témoignages qui nous donnent comme vraie et fondée sur l’Ecriture, une chose que saint Thomas n’eût point crue véritable, on n’eût pris que pour une simple opinion. Mais voici deux témoignages positifs.
« Il est vrai (qu’Enoch) n’est pas encore mort. Cependant il mourra un jour, parce que la sentence que le Seigneur a prononcée contre nos premiers pères après le péché, s’étend à tous ceux qui naissent d’Adam. Or la mort de tous les deux, c’est-à-dire d’Enoch et d’Elie est différée. Ils seront mis à mort par l’Antéchrist. (In epist. ad Hebr. c. 11.)
« Il faut répondre à la seconde difficulté qu’Elie a été enlevé dans un ciel éthéré, et non pas dans un ciel empiré qui est le lieu des saints. Tout de même Enoch a été enlevé dans un paradis terrestre, où l’on croit qu’il est avec Elie jusqu’à l’avènement de l’Antéchrist. » (3 part. 49e quest. art. 5.)
Saint Thomas ne dit pas formellement dans le second passage qu’Elie viendra, parce qu’on ne lui avait point fait des difficultés sur la venue d’Elie, mais il le dit en substance. Car, selon lui, Enoch et Elie sont dans un paradis terrestre, non pas jusqu’au jugement dernier, mais jusqu’à l’avènement de l’Antéchrist, ce qui dit clairement, qu’Elie viendra pour combattre contre l’Antéchrist.
(à suivre...)
Saint Thomas a composé une chaîne sur les Evangiles, c’est-à-dire un commentaire assorti des explications des pères de l’Eglise et des savants hommes qui avaient écrit avant lui sur les Evangiles. Dans cette chaîne saint Thomas fait entrer plusieurs textes des pères que nous avons rapportés sur la venue d’Elie. Il n’en faudrait point davantage pour nous apprendre quel a été le sentiment de saint Thomas. En homme judicieux, comme il l’était, n’aurait pas mis en ligne de compte des témoignages qui nous donnent comme vraie et fondée sur l’Ecriture, une chose que saint Thomas n’eût point crue véritable, on n’eût pris que pour une simple opinion. Mais voici deux témoignages positifs.
« Il est vrai (qu’Enoch) n’est pas encore mort. Cependant il mourra un jour, parce que la sentence que le Seigneur a prononcée contre nos premiers pères après le péché, s’étend à tous ceux qui naissent d’Adam. Or la mort de tous les deux, c’est-à-dire d’Enoch et d’Elie est différée. Ils seront mis à mort par l’Antéchrist. (In epist. ad Hebr. c. 11.)
« Il faut répondre à la seconde difficulté qu’Elie a été enlevé dans un ciel éthéré, et non pas dans un ciel empiré qui est le lieu des saints. Tout de même Enoch a été enlevé dans un paradis terrestre, où l’on croit qu’il est avec Elie jusqu’à l’avènement de l’Antéchrist. » (3 part. 49e quest. art. 5.)
Saint Thomas ne dit pas formellement dans le second passage qu’Elie viendra, parce qu’on ne lui avait point fait des difficultés sur la venue d’Elie, mais il le dit en substance. Car, selon lui, Enoch et Elie sont dans un paradis terrestre, non pas jusqu’au jugement dernier, mais jusqu’à l’avènement de l’Antéchrist, ce qui dit clairement, qu’Elie viendra pour combattre contre l’Antéchrist.
(à suivre...)
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