Résumé de théologie dogmatique, Livre V : La Rédemption

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II. 1. Or, si Jésus-Christ est vraiment un, s'il n'est pas composé de deux sujets différents, l'union des substances divine et humaine ne peut pas être purement accidentelle, relative et morale. Il faut au contraire la concevoir comme une unification réelle et proprement dite qui fait du Christ unique un être unique, indivisible. C'est une appropriation réelle et proprement dite de la substance humaine, sous le nom de « chair » à la personne divine du Verbe ; elle exclut par conséquent la persistance de la substance humaine comme substance indépendante.

L'idée d'unification substantielle est surtout indiquée par la formule ἕνωσις καθ᾽ ὑπόστασιν (secundum substantiam) ; cette formule d'ailleurs n'avait pas encore à cette époque le sens spécifique complet sous lequel elle est devenue classique dans la suite, comme expression de cette unification substantielle qui exclut l'unité de nature ; ce qui le prouve, c'est qu'on l'employait alternativement avec les autres expressions adverbiales νωσις κατὰ φύσιν, unio secundum naturam, etc. De même la formule de ἕνωσις φυσική également devenue classique, n'avait pas encore pour objet de désigner une union substantielle impliquant l'unité de nature ; ce qui suffit à le prouver, c'est que cette formule se rencontre encore dans les définitions ultérieures de l'Église contre les monophysites et les monothélistes.

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Ces deux expressions servaient surtout à fixer convenablement, en face de la réunion externe et morale enseignée par Nestorius, l'union des substances, en Jésus-Christ. La manière unique dont les éléments étaient unis, la différence spécifique qui les séparait de toutes les autres unifications substantielles, n'avait pas encore besoin d'être énoncée par la parole. On se contentait de l'appeler merveilleuse, incompréhensible, ineffable. Saint Cyrille évitait les expressions analogues de la Bible que les Pères avaient fréquemment employées avant lui de κρᾶσις (mélange) et de συμφυία (croissance de deux objets l'un dans l'autre), pour éviter des malentendus allant dans le sens de Nestorius. Saint Cyrille préférait donc généralement des termes plus abstraits ; mais il les éclaircissait toujours par la comparaison tirée de l'union de la chair avec l'âme raisonnable dans l'homme ; analogie développée par saint Cyrille comme par saint Augustin, et devenue classique depuis.

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II. 2. On trouve en effet, dans cette analogie : (1) La réunion vraiment substantielle, physique et métaphysique de deux substances d'espèces différentes, l'une inférieure, l'autre essentiellement supérieure, une implantation ou enracinement de la substance supérieure dans la substance inférieure. (2) La diversité des deux substances est sauvegardée ; car la substance supérieure, malgré le mélange, conserve une vie et un être spirituels distincts, sans que le corps y concoure directement ; tandis que, d'autre part, la substance inférieure conserve sa nature et ses propriétés naturelles, bien qu'elle soit perfectionnée sous plus d'un rapport par son union avec la substance supérieure. (3) Une subordination et une dépendance de la substance inférieure à l'égard de la substance supérieure, dépendance qui est à la fois ontologique, morale et juridique. (4) Enfin, l'union elle-même est exclusivement fondée sur la puissance de l'élément supérieur à l'égard de l'élément inférieur ; elle consiste essentiellement en ce que le principe supérieur retient et porte en soi le principe inférieur, ce qui fait que ce dernier est attiré vers l'autre comme quelque chose qui lui appartient.

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Cette comparaison convenait d'autant mieux en face de Nestorius qu'elle ramenait à leur juste valeur les analogies tirées de la réunion du divin et de l'humain dont se servait Nestorius. Sans doute, l'humanité du Christ est le temple et le trône de la divinité, mais elle l'est de la même façon que le corps humain est la demeure et le siège de l'esprit ; elle est la propriété exclusive, immédiate et physique du Verbe, qui y réside non pas d'une façon quelconque, mais corporellement. Sans doute encore l'humanité du Christ est l'organe ou l'instrument du Verbe, le canal de ses opérations ; mais elle l'est de la même manière que le corps humain est l'organe et le canal de l'activité de l'esprit. Enfin, l'humanité du Christ est un vêtement, un reflet du Verbe, mais il l'est de la même manière que le corps humain est le vêtement, et, par son visage surtout, l'image de l'esprit ; il a grandi avec lui et au dedans. De même pour l'image ; ce n'est pas une statue ou un tableau, qui serait étranger et extérieur au Verbe même, elle est essentiellement un avec lui ; elle le porte, elle le représente lui-même corporellement et en personne.

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Saint Cyrille allègue comme effet spécifique et par conséquent comme le signe le plus évident de cette union physique, que la chair devient par là une « chair vivifiante ». Le Sauveur lui-même l'appelle ainsi quand il dit que sa chair est le pain de vie, et que c'est en cela que consiste toute la vertu de l'Eucharistie. Or, la doctrine nestorienne anéantit complètement le dogme eucharistique et en fait une sorte d'anthropophagie. La chair du Christ, en vertu de l'esprit de la divinité qui lui est unie physiquement et qui réside substantiellement en elle, ne possède pas seulement en lui un principe immanent pour transfigurer parfaitement sa propre vie ; il peut encore comme un charbon ardent et comme le lis odorant répandre au dehors la lumière et la vie.

Si des créatures qui ne sont pas physiquement unies à Dieu, comme les saints ou comme les sacrements, peuvent devenir des véhicules et des organes de la force vivifiante et surnaturelle de Dieu, ce n'est pas au même titre que la chair de Jésus-Christ ; celle-ci, en sa qualité de pain de vie et de soleil de l'immortalité, porte cette force en elle-même aussi essentiellement que le pain matériel renferme sa force nutritive naturelle. Cependant, le corps du Christ n'est pas naturellement vivifiant, il ne l'est que par son union au Verbe.

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III. La preuve de l'union substantielle et physique des substances en Jésus-Christ a été naturellement tirée tout d'abord des passages de l'Écriture sainte où l'origine du Christ est présentée comme une incarnation du Verbe ou une adoption de la forme d'esclave, et où il est dit que les prédicats divins et les prédicats humains ont le même sujet. Sans l'union substantielle, l'incarnation et l'être humain de Dieu seraient quelque chose d'aussi chimérique imaginaire et fantastique que si Dieu n'avait pas pris un corps vraiment humain ou une âme vraiment humaine. Si Dieu n'est pas vraiment homme, alors l'homme Jésus n'est pas vraiement Dieu, et alors l'Écriture sainte en revendiquant pour lui les honneurs divins, induiraient les hommes à l'anthropolatrie, et par conséquent à l'idolâtrie.

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De plus, l'union substantielle répond seule aux fins de l'Incarnation, le Christ ne pouvait être un prêtre parfait et digne de Dieu, un sacrifice parfait et suffisant pour opérer le salut du monde, expier le péché, et nous mériter la grâce que par la dignité divine de l'humanité du Christ fondée sur l'union, et c'est uniquement en vertu de la force divine communiquée à l'humanité du Christ par cette union que cette humanité pouvait être le principe soit de la parfaite et fondamentale guérison de la corruptibilité innée à la nature humaine, soit de l'influence de la vie divine sur l'esprit humain. Le Sauveur ne peut être autre que le créateur, de même que la rédemption n'est pas moins essentiellement le propre ouvrage de Dieu que la création. Dieu est donc aussi incapable de céder à un autre l'honneur de la rédemption que l'honneur de la création. Cf. Pétau, lib. iii. et vi. ; Thomassin, lib. iii., cap. ii. ; Franzelin, thes. 22-25.

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Section 173. L'unique personne ou hypostase divine en deux natures, d'après la doctrine de l'Église contre les monophysites.

I. L'union substantielle et physique de la substance humaine avec la substance divine, établie avec tant de précision contre Nestorius fut dénaturée par Eutychès et par ses successeurs. Ils la placèrent au même rang que les réunions naturelles, substantielles et physiques, et la conçurent comme une réunion en une seule essence et nature, où deux éléments sont composés en un troisième différent des deux premiers.

Cette hérésie dans sa forme première déterminait l'unité des substances en Jésus-Christ absolument d'après ce qui a lieu quand deux substances matérielles ou deux éléments substantiels sont réunis en vertu d'un mélange chimique, dans lequel les éléments perdent en entier ou en partie la forme spécifique de leur nature. On citait en exemple le mélange d'une goutte de miel avec la mer salée, ou d'une goutte d'eau avec une grande quantité de vin. Plus tard apparut une forme moins grossière, celle d'un mélange de deux substances qui dans leur réunion s'influencent et se déterminent mutuellement, réunion appelée ordinairement "confusion réciproque" (σύγχυσις, confusio). On donnait pour exemple le mélange de l'or et de l'argent dans l'électrochimie. La dernière forme et la plus délicate déterminait l'union substantielle en Jésus-Christ d'après l'unité de nature qui a lieu dans l'homme par la réunion du corps et de l'âme, c'est-à dire dans le sens de nature composée, où les deux parties gardent leur essence, mais modifient de part et d'autre leurs qualités essentielles.

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Bien qu'on eût choisi cette dernière forme afin d'exclure le changement et la confusion impliqués dans la première, on y trouve aussi une sorte de confusion et de changement des deux parties, car en vertu de l'union substantielle, les éléments perdent les propriétés physiques qu'ils possédaient et reçoivent de l'autre élément des propriétés physiques qu'ils n'avaient pas d'eux-mêmes. La plupart des conséquences monophysites concernaient la capacité de souffrir en Jésus-Christ ; puisqu'on concluait de l'unité de nature tantôt que la divinité devenait passible par son union avec l'humanité, tantôt que l'humanité dans son union avec la divinité était impassible et incorruptible.

L'erreur fondamentale du monophysitisme, d'après les Pères et les Conciles, était d'anéantir ou d'effacer par l'unité de nature, par la transformation ou le mélange, les qualités particulières aux deux natures unies.

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II. La doctrine catholique, formulée contre les monophysites par le Pape Léon Ier en son Épître à Flavien, et ensuite par le concile de Chalcédoine dans son symbole, définit que la substance humaine, réunie à la substance divine, continue de subsister dans sa propre nature ou essence, et dans ses qualités essentielles, de même que la substance, divine du Verbe subsiste avec les siennes ; les deux substances représentent donc, avant comme après, deux essences et natures intactes, distinctes l'une de l'autre. Ainsi le Christ ne provenait pas seulement dans le principe de la réunion de deux natures, mais il consistait en deux natures et existait en elles.

Cette vérité se déduisait des raisons suivantes : 1) Jésus-Christ, après la réunion, est homme véritable et parfait au même titre qu'il est vraiment et parfaitement Dieu ; or, il ne pourrait pas l'être s'il ne possédait point toutes les propriétés de la nature humaine comme il possède la nature divine. Il est aussi véritablement le fils de l'homme, et partant consubstantiel aux autres hommes, qu'il est fils de Dieu et par conséquent consubstantiel à Dieu. Cette doctrine est surtout enseignée par saint Léon ; qui rappelle à la suite de l'Apôtre l'Apôtre : "mais il [le Christ] s’est anéanti lui-même, en prenant la forme d’un esclave" (Phil. 2:7) afin de devenir en elle et par elle parfaitement semblable aux hommes.