Le Cœur Immaculé de Marie

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Laetitia
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Re: Le Cœur Immaculé de Marie

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CHAPITRE IV.- Le Cœur spirituel de la bienheureuse Vierge.

Le Saint-Esprit, qui a coutume de comprendre beaucoup de choses en peu de paroles, faisant une description avantageuse et honorable des principales facultés tant du corps que de l'âme de sa divine Épouse, la bien heureuse Vierge, et voulant faire le panégyrique de son Cœur, il y emploie fort peu de paroles, mais qui contiennent une infinité de choses. Que dit-il, je vous prie? quelles louanges donne-t-il à ce Roi des cœurs ? Il ne dit que ces trois paroles : QUOD INTRINSECUS LATET (1) . Mais ces trois paroles comprennent tout ce qui se peut dire et tout ce qui se peut penser de plus grand et de plus admirable de ce Cœur royal. Car elles nous déclarent que c'est un trésor caché à tous les yeux les plus éclairés de la terre et du ciel, et qu'il est rempli de tant de richesses célestes, qu'il n'y a que Dieu seul qui en ait une parfaite connaissance.

Remarquez que le Saint-Esprit ne prononce pas ces paroles une fois seulement, mais deux fois dans un même chapitre; tant pour les graver plus avant dans notre esprit, et nous obliger de les considérer avec plus d'attention, que pour nous désigner le cœur corporel de la Reine du ciel, dont nous venons de parler au chapitre précédent, et son cœur spirituel, duquel nous avons à parler en celui-ci.
Qu'est-ce que le cœur spirituel ? Pour vous le faire entendre, il faut savoir qu'encore que nous n'ayons qu'une âme, elle peut néanmoins être considérée en trois états différents.

Le premier et le plus bas est l'état de l'âme végétative, qui a beaucoup de conformité avec la nature des plantes, parce que l'âme en cet état n'a point d'autre emploi que de nourrir et entretenir le corps.
Le second est l'état de l'âme sensible, qui nous est commun avec les bêtes. Dans cet état il y a deux parties principales : la partie sensitive et la partie affective.
Nous avons vu ci-dessus comme cette dernière partie contient toutes les affections et passions naturelles.

(1) Cant, IV, 3.
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Laetitia
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La sensitive comprend les cinq sens extérieurs qui sont assez connus, et les intérieurs qui sont quatre : 1. le sens commun; 2. l'imaginative; 3. l'estimative ou cogitative; 4. la mémoire sensitive.

Les passions et affections, qui sont ordonnées pour aimer, désirer et rechercher les choses qui nous sont convenables, et pour craindre, fuir et combattre celles qui nous sont dommageables, font leur résidence dans le cœur, comme il a été dit; et les sens extérieurs et intérieurs, qui servent pour connaître et discerner les mêmes choses, ont leur siège dans la tête.

Le sens commun a son lieu dans la partie antérieure du cerveau, là où naissent les nerfs qui servent aux fonctions des sens extérieurs, c'est-à-dire, de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, du goût et du toucher. Par ces nerfs le cerveau envoie à ces cinq sens les esprits animaux qui leur sont nécessaires pour faire leurs fonctions, c'est-à-dire pour voir, pour ouïr, pour flairer, pour goûter et pour toucher; et par ces mêmes nerfs, ces cinq sens renvoient au sens commun les espèces ou images des choses qu'ils voient, qu'ils entendent, qu'ils flairent, qu'ils goûtent et qu'ils touchent, afin qu'il discerne leurs diverses qualités et qu'il en juge.

L'imaginative a son siège et son réceptacle un peu plus avant dans le cerveau, proche du sens commun, lequel lui envoie les images qu'il a reçues des choses qui tombent sous les sens extérieurs, afin de les conserver, étant à cette fin dans une partie du cerveau plus ferme et plus capable de les retenir que celle où est le sens commun, laquelle est plus molle et plus tendre; comme aussi afin de s'en servir en se représentant par leur moyen les choses susdites, quand il en est besoin.

Après l'imaginative, il y a encore un peu plus avant, dans le même cerveau, un autre sein ou ventricule qui contient l'estimative ou cogitative. Elle s'appelle estimative dans les bêtes, et cogitative dans les hommes, parce que cette faculté est plus excellente en l'homme qu'en la bête. Elle diffère de l'imaginative en ce que l'imaginative ne peut se représenter que des choses sensibles, matérielles et corporelles; mais l' estimative ou cogitative conçoit des choses plus spirituelles et détachées de la matière, et qui n'ont ni corps ni figure. Par exemple, la brebis conçoit par sa faculté estimative, l'inimitié du loup qui la veut dévorer; l'agneau se représente l'amitié de la brebis qui l'a engendré; le chien, la bienveillance du maître qui le nourrit : qui sont toutes choses non point corporelles, mais spirituelles.

La mémoire sensitive est assise dans la partie postérieure du cerveau, et son office est de conserver les images des choses qui tombent sous les sens extérieurs et intérieurs, pour s'en souvenir dans le besoin. Cette mémoire diffère de la mémoire intellectuelle, qui est en la partie supérieure de l'âme, parce que celle-là se trouve dans les bêtes, et que celle-ci n'est propre qu'à l'homme. Celle-là ne retient les images que des choses qui entrent dans les sens extérieurs et intérieurs, celle-ci conserve les espèces des choses intellectuelles; celle-là ne raisonne point pour se souvenir de ce qui est passé, mais celle-ci s'aide pour cette fin du raisonnement de l'intellect.

Voilà les quatre sens intérieurs, qu'on peut bien compter pour cinq, aussi bien que les extérieurs.
Car puisque les cinq sens extérieurs envoient les images des choses qu'ils voient, qu'ils oyent, qu'ils flairent, qu'ils goûtent et qu'ils touchent, au sens commun, et par son entremise à l'imagination il est évident qu'il y a quelque vertu et propriété dans le sens commun et dans l' imagination, qui a correspondance et conformité avec la vertu et propriété des cinq sens extérieurs; et qu'ainsi il y a une vue, une ouïe, un odorat, un goût et un toucher intérieurs.

Voilà les deux premiers états de notre âme, dont le premier nous est commun avec les plantes, et le second avec les bêtes.
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Le troisième état de cette même âme est celui de la partie intellectuelle. qui est une substance spirituelle comme les Anges, qui n'est point attachée à aucun organe corporel, comme sont les sens et les passions, et qui comprend la mémoire intellectuelle, l'entendement et la volonté, avec la partie suprême de l'esprit que les théologiens appellent la pointe, la cime ou l'éminence de l'esprit, laquelle ne se conduit point par la lumière du discours et du raisonnement, mais par une simple vue de l'entendement et par un simple sentiment de la volonté, par lesquels l'esprit se soumet à la vérité et à la volonté de Dieu.
C'est cette troisième partie de l'âme, qu'on appelle esprit, la portion mentale, la partie supérieure de l'âme, qui nous rend semblables aux Anges, et qui porte en soi dans son état naturel l'image de Dieu, et dans l'état de grâce sa divine ressemblance.
C'est cette partie intellectuelle qui est le cœur et la plus noble partie de l'âme.

Car premièrement, elle est le principe de la vie naturelle de l'âme raisonnable, qui consiste en la connaissance qu'elle peut avoir de la Vérité suprême, par la force de la lumière naturelle de son entendement, et en l'amour naturel qu'elle a pour la souveraine Bonté. Comme aussi étant animée de l'esprit de la foi et de la grâce, elle est avec lui le principe de la vie surnaturelle de l'âme, qui consiste à connaître et aimer Dieu par une lumière céleste et par un amour surnaturel : Haec est vita æterna ut cognoscant te solum Deum verum (1) .

Secondement, cette même partie intellectuelle est le cœur de l'âme, parce que c'est en elle que se trouve la faculté et la capacité d'aimer, mais d'une manière beaucoup plus spirituelle, plus noble et plus relevée, et d'un amour incomparablement plus excellent, plus vif, plus actif, plus solide et plus durable que celui qui procède du cœur corporel et sensible.
C'est la volonté éclairée de la lumière de l'entendement et du flambeau de la foi, qui est le principe de cet amour. Lorsqu'elle se conduit seulement par la lumière de la raison humaine, et qu'elle n'agit que par sa vertu naturelle, elle ne produit qu'un amour humain et naturel, qui n'est point capable d'unir l'âme avec son Dieu; mais lorsqu'elle suit le flambeau de la foi, et qu'elle se meut étant poussé par l' esprit de la grâce, elle est la source d'un amour surnaturel et divin qui rend l'âme digne de Dieu .

En troisième lieu, la sainte théologie nous apprend, qu'encore que la grâce, la foi, l'espérance et la charité répandent leurs célestes influences et leurs divins mouvements sur les autres facultés de la partie inférieure de l'âme, elles font néanmoins leur spécial séjour et leur vraie et naturelle demeure dans la partie supérieure. D'où il s'ensuit que cette même partie est le véritable cœur de l'âme chrétienne, parce que la divine charité ne peut pas avoir d'autre demeure que le cœur de l'âme qui la possède, selon ces paroles de saint Paul: La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs (2).

En quatrième lieu, n'oyez-vous pas ce même Apôtre qui crie à tous les chrétiens: D'autant que vous êtes enfants de Dieu, il a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos cœurs (3) , et qui les assure qu'il fléchit les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour obtenir de lui que son Fils fasse sa demeure dans leur cœur (4). Or quel est ce cœur, je vous prie, sinon la partie supérieure de leur âme, puisque le Dieu de grâce et d'amour ne peut pas occuper d'autre lieu dans une âme chrétienne, que celui où la grâce et la charité font leur résidence ?

Toutes ces choses font voir clairement que le vrai et le propre cœur de l'âme raisonnable, c'est la partie intellectuelle qu'on appelle l'esprit, la portion mentale, la partie supérieure.
Cela étant ainsi, il est manifeste que le Cœur spirituel de la bienheureuse Vierge, c'est cette partie intellectuelle de son âme qui comprend sa mémoire, son entendement, sa volonté et la suprême pointe de son esprit. C'est ce Cœur qui est exprimé en ces premières paroles de son admirable Cantique :
Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est transporté de joie en Dieu mon Sauveur (5). Car c'est l'esprit, qui est la première et la plus noble partie de l'âme, qu'il appartient premièrement et principalement de glorifier Dieu et de se réjouir en lui.

(1) Joan. XVII. 3.
(2) « Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris. » Rom. V, 5.
(3) « Quoniam autem estis filii, misit Deus Spiritum Filii sui in corda vestra. » Galat. IV, 6.
(4) « Flecto genua ad Patrem Domini nostri Jesu Christi,... ut det vobis... Christum habitare per fidem in cordibus vestris.» Ephes. III, 14-17.
(5) « Magnificat anima mea Dominum. »Luc. I, 46.
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Re: Le Cœur Immaculé de Marie

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C'est de ce Cœur merveilleux duquel, pour parler le langage de saint Paul, j'ai de grandes choses à dire; mais tout ce qui en pourrait être dit par toutes les langues humaines et angéliques serait toujours beaucoup au-dessous de ses perfections : De quo nobis grandis sermo, et in interpretabilis ad dicendum (1).

SECTION UNIQUE.--Les merveilles du Cœur spirituel de la glorieuse Vierge.

Si le Cœur virginal qui est dans la poitrine sacrée de la Vierge des vierges, et qui est la plus excellente partie de son saint corps, est si admirable, comme nous l'avons vu ci-devant, quelles sont les merveilles de son Cœur spirituel dont il est ici question, qui est la plus noble portion de son âme? N'est-il pas vrai qu'autant que la condition de l'âme est élevée par-dessus celle du corps, autant le Cœur spirituel excelle par-dessus le corporel ? Nous avons vu ci-dessus les raretés et prérogatives du Cœur corporel; mais qui pourrait comprendre et exprimer les dons incomparables et les trésors inestimables dont le Cœur spirituel est rempli ? Ils sont inconcevables et indicibles.
En voici seulement un petit abrégé que je vais vous mettre devant les yeux, pour vous exciter à bénir celui qui est la source de tant de merveilles, louer celle qui s'est rendue digne de tant de grâces, et honorer son très sacré Cœur qui les a conservées si fidèlement et qui en a fait un très parfait usage.

Premièrement, la divine Bonté a préservé miraculeusement ce Cœur de la Mère du Sauveur de la souillure du péché, lequel n'y a jamais eu de part. Car Dieu l'a rempli de grâce dès le moment de sa création, et l'a revêtue d'une si grande pureté, qu'il ne s'en peut point imaginer une plus grande, après celle de Dieu. Sa divine Majesté l'a possédé si parfaitement dès cet instant. qu'il n'a jamais été un moment sans être tout à lui, et sans l'aimer plus purement que tous les plus saints cœurs du ciel et de la terre.
C'est le sentiment de plusieurs grands théologiens.

Secondement, le Père des lumières a rempli ce beau soleil, de toutes les lumières les plus brillantes de la nature et de la grâce. Car, s'il est question des lumières naturelles, le Père des esprits a donné à celle qu'il a choisie pour être l'Épouse de son Esprit divin un esprit naturel plus clair, plus vif, plus fort, plus solide, plus profond, plus relevé, plus tendu et plus parfait en toutes façons que tout autre esprit; un esprit digne d'une Mère de Dieu; digne de celle qui devait gouverner la Sagesse éternelle; digne de celle qui devait être la gouvernante de l'Église et la Reine régente de l'univers; digne de celle qui avait conversé familièrement en la terre avec les Anges du ciel, et qui plus est, avec le Roi des Anges, l'espace de trente-quatre ans ; digne enfin de la très sublime contemplation, et des très hautes fonctions auxquelles elle devait être appliquée.

S'il faut parler des lumières surnaturelles, ce Cœur lumineux de la très sage Vierge en a été si rempli, que le docte Albert le Grand, nourri en l'école de la Mère de Dieu, dit hautement, avec plusieurs autres saints Docteurs qu'elle n'a rien ignoré; mais qu'elle a eu toutes sortes de sciences par infusion, et en un degré beaucoup plus éminent que tous les plus savants esprits qui aient jamais été (2).

(1) Hebr. V, 11.
(2) Alb. Magn. Tract. super Missus est, cap. 149.
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Saint Jean Eudes, œuvres complètes, tome 6, Livre I a écrit :
Ces saints Pères assurent :

1. Qu'elle a eu une très parfaite connaissance de la divine Essence, des perfections divines et du mystère ineffable de la très sainte Trinité; et que même elle a vu Dieu en son essence et en ses personnes divines, à l'instant de sa Conception immaculée et au moment de l'Incarnation du Fils de Dieu en elle. Et il ne faut pas s'étonner si la Reine des Saints a joui de ce privilège, puisque, selon saint Augustin et plusieurs autres, il a été accordé à Moïse et saint Paul.

2. Qu'elle a connu très parfaitement le mystère de l'Incarnation.

3. Qu'elle a eu connaissance des grâces infinies que Dieu lui a faites, et même de sa prédestination éternelle. Car, si un saint François et plusieurs autres Saints ont été assurés de leur salut par révélation divine, combien davantage celle qui est la Mère du Sauveur: vu particulièrement que le Fils de Dieu n'a fait aucune grâce à aucun Saint, qu'il ne l'ait communiquée beaucoup plus excellemment à sa très sainte Mère.

4. Qu'elle a eu la connaissance et la vue des âmes et des Anges en leur propre espèce. Car, si elle a vu l'essence de Dieu, quelle difficulté y a-t-il de croire qu'elle ait vu celle des âmes et des Anges ? Et si saint Paul, dans son ravissement au troisième ciel, a vu les célestes Hiérarchies, dont il a donné la connaissance à son disciple saint Denys l'Aréopagite, peut-on avoir de la peine à croire que la Reine du ciel et la Souveraine des Anges n'a pas été privée de cette faveur ?

5. Qu'elle n'a rien ignoré de toutes les choses qui appartiennent à la vie présente, et qui peuvent aider à la perfectionner, soit par le moyen de l'action, soit par ce lui de la contemplation.

6. Que Dieu lui a manifesté toutes les choses qui lui devaient arriver. Car, puisqu'il a fait cette grâce à quelques uns de ses serviteurs, comment ne l'aurait-il pas faite à sa très précieuse Mère ?
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7. Qu'il lui a fait voir par révélation toutes les choses qui concernent l'état de la vie glorieuse et bienheureuse dont jouissent les habitants du ciel.

8. Qu'elle a eu une science infuse qui lui a fait connaître toutes les choses naturelles qui sont en l'univers. Car, si cette lumière a été donnée au premier homme en si grande perfection qu'il a connu toutes les propriétés de tous les animaux qui sont en la terre, de tous les oiseaux qui sont en l'air et de tous les poissons qui sont en la mer, au moyen de quoi il a donné à chacun les noms qui leur étaient convenables; et si la connaissance de toutes les oeuvres de Dieu, depuis la terre jusqu'au ciel, depuis l'hyssope jusqu'aux cèdres du Liban, a été donnée à Salomon par une science infuse : la Mère de celui qui est la lumière éternelle et qui renferme en soi tous les trésors de la science et de la sagesse de Dieu, aura-t-elle été privée de ces dons et de ces lumières ; elle, dis-je, en laquelle la divine Bonté a ramassé toutes les faveurs qu'elle a départies aux autres ?

9. Qu'elle n'a pas même ignoré ce qui appartient aux arts, tant mécaniques que libéraux ; mais qu'elle les savait autant qu'il lui était nécessaire et convenable pour elle et pour le prochain, pour l'action et pour la contemplation.

10. Qu'elle a eu des révélations presque continuelles et les plus hautes qui aient jamais été. A raison de quoi saint André de Candie l'appelle une fontaine inépuisable de divines illuminations: Fons divinarum illuminationum, qui non potest exhauriri (1) ; et saint Laurent Justinien assure que ses révélations devaient autant surpasser celles des autres Saints que les grâces qu'elle avait reçues excellaient par-dessus celles qui leur avaient été communiquées (2),

11.Que son occupation ordinaire hors l'oraison, selon saint Augustin (3) , saint Ambroise (4) et saint Grégoire de Nysse (5), c'était la lecture de l'Écriture sainte, qu'elle entendait parfaitement par une lumière infuse du Saint-Esprit.

12. Qu'enfin elle savait en perfection toute la théologie et tous les mystères qu'elle comprend.

Nous verrons encore ailleurs douze sortes de lumières dont son Cœur a été rempli (6) .
(1) Orat. 2 de Assumpt.
(2) Serm. de Assumpt.
(3) Serm. 5 de Nat.
(4) Lib. I de Virgin.
(5) Serm. de Nat,
(6) Livre II, ch. 3.
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Mais qui pourrait dire le saint usage qu'elle a fait de toutes ces connaissances. Il est vrai ce que dit saint Paul, que la science est la mère de la vanité et de l'orgueil, c'est-à-dire quand elle n'est pas jointe avec l'esprit de piété et d'humilité. Mais il est vrai aussi que c'est la source de plusieurs grandes vertus, quand elle est animée de l'esprit de Dieu, et spécialement quand c'est Dieu même qui la donne par infusion; car alors il ôte le venin qui s'y pourrait glisser, et donne la grâce d'en user saintement.

Telle a été la science de la très sacrée Vierge. Aussi elle en a fait un très saint usage, ne l'ayant employée que pour se porter à aimer Dieu plus ardemment, à procurer le salut des âmes avec plus de ferveur, haïr le péché plus fortement, à s'humilier plus profondément, à mépriser davantage tout ce que le monde estime, et estimer et embrasser avec plus d'affection les choses qu'il abhorre, c'est-à-dire la pauvreté l'abjection et la souffrance. Enfin elle n'a jamais pris la moindre complaisance dans les lumières que Dieu lui a données, jamais n'y a eu aucune attache, jamais ne s'est préférée pour cela à personne; mais elle les a toujours renvoyées à Dieu aussi pures qu'elles étaient sorties de leur source.

Voilà douze sortes de lumières qui éclatent dans le Cœur de la Reine du ciel. Je pourrais vous faire voir comme il est orné aussi de douze sortes de grâces, et en un degré très éminent; mais je remets cela au neuvième livre, où nous verrons comme c'est un abîme d'une immensité de grâces et de bénédictions.

Que dirons-nous de l'amour très ardent dont ce Cœur admirable est embrasé au regard de Dieu, et de son in comparable charité au regard des hommes ? Il y aurait une infinité de choses à dire sur ce sujet; mais je réserve encore ce que j'en ai à dire pour le troisième livre, vers la fin, là où nous verrons comme c'est une fournaise d'amour divin qui n' a rien de semblable; et pour le neuvième livre, aux chapitres 11 et X.

Nous verrons encore ci-après (1) : Que c'est un portrait au vif de tous les divins attributs.
Que c'est une image vivante de la très sainte Trinité.

Et en d'autres lieux:
Que c'est un ciel de gloire et un paradis de délices pour la Divinité.
Que c'est le plus haut trône de l'amour éternel.
Que c'est un livre vivant écrit de la main du Saint-Esprit, qui contient la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ et les noms de tous les prédestinés.
Que c'est un trésor infini, qui renferme en soi tous les secrets de Dieu, tous les mystères du ciel et toutes les richesses de l'univers.
Qu'il est doué de plusieurs autres merveilleuses qualités et excellences très signalées.

(1) Livre IV et V.
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Enfin, mon cher lecteur, voulez-vous savoir ce que c'est que le Cœur spirituel de la Mère de Jésus ?

C'est ce Cœur de la Mère de belle dilection, qui a attiré en soi, par la force de son humilité et de son amour, le Cœur du Père éternel, c'est-à-dire son Fils bien-aimé, pour être le Cœur de son Cœur, ainsi que nous verrons ci-après.

C'est ce Cœur très béni qui est une source inépuisable de dons, de faveurs et de bénédictions pour tous ceux qui aiment véritablement cette Mère d'amour, et qui honorent avec affection son très aimable Cœur, selon ces paroles que le Saint-Esprit lui fait dire : Ego diligentes me diligo (1) ; « J'aime ceux qui m'aiment.»

C'est ce Cœur royal et maternel de notre grande Reine et de notre très bonne Mère, que nous avons des obligations infinies, comme nous le verrons dans la suite de cet ouvrage.
C'est ce Cœur enfin qui a plus aimé et glorifié Dieu que tous les cœurs des hommes et des Anges: à raison de quoi on ne saurait jamais l'honorer autant qu'il le mérite.

Quel honneur mérite tant de choses grandes et admirables ! Quel honneur mérite le Cœur, c'est-à-dire la partie la plus noble de l'âme sainte de la Mère d'un Dieu ! Quelles louanges méritent toutes les facultés de ce divin Cœur de la Mère Vierge, c'est-à-dire sa mémoire, son entendement, sa volonté, la plus intime partie de son esprit, qui n'ont jamais eu aucun usage que pour Dieu et par le mouvement du Saint-Esprit !
Quel respect est dû à sa sainte mémoire, qui ne s'est jamais occupée que des faveurs indicibles qu'elle avait reçues de la divine libéralité, et des grâces qu'elle répand incessamment sur toutes les créatures, pour l'en remercier continuellement !
Quelle vénération est due à son entendement, qui était toujours employé à considérer et méditer les mystères de Dieu et ses divines perfections, afin de les honorer et imiter !
Quelle vénération est due à sa volonté, qui était perpétuellement absorbée dans l'amour de son Dieu !
Quel honneur mérite la suprême partie de son esprit, qui nuit et jour était appliquée à contempler et glorifier sa divine Majesté d'une manière très excellente !

Enfin de quelles louanges est digne ce Cœur merveilleux de la Mère du Sauveur, qui n'a jamais rien eu en soi qui lui ait été tant soit peu désagréable; qui est si rempli de lumière et si plein de grâce; qui possède en perfection toutes les vertus, tous les dons, tous les fruits du Saint Esprit et toutes les béatitudes évangéliques, comme nous le verrons ailleurs; et qui est orné de tant d'autres excellences !

N'avouerez-vous pas, mon cher lecteur, que, quand le ciel et la terre et tout le monde universel s'emploieraient éternellement et de toutes leurs forces à célébrer les louanges de ce Cœur admirable, et à rendre grâce à Dieu de l'avoir comblé de tant de merveilles, ils ne pourraient jamais le faire assez dignement ?

(1) Prov VIII, 17
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Re: Le Cœur Immaculé de Marie

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CHAPITRE V.- Le Cœur divin de la Mère de Dieu.

Si vous désirez savoir quel est ce Cœur divin de la très sacrée Mère de Dieu, deux choses sont nécessaires.

La première est de vous souvenir de ce qui a été dit ci-dessus, savoir qu'il y a trois Cœurs dans Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui ne sont néanmoins qu'un seul Cœur; son Cœur corporel, qui est la plus noble portion de son sacré corps; son Cœur spirituel, qui est la partie Supérieure de son âme sainte, et son Cœur divin, qui est le Saint-Esprit, lequel est le Cœur de son Cœur. Trois Cœurs qui sont tous divins, quoiqu'en diverses manières.

La seconde chose est qu'il faut savoir que le Fils de Dieu est le Cœur de son Père éternel. C'est le sentiment d'un ancien Père de l'Église, Saint Clément Alexandrin (1) . Mais ce qui est infiniment plus, c'est le langage de ce Père divin, c'est le nom qu'il donne à son Fils; puisque c'est de lui qu'il parle à la très sainte Vierge quand il lui dit qu'elle a blessé, ou selon la diction hébraïque et les Septante, qu'elle a ravi et enlevé son Cœur, le tirant de son sein paternel dans son sein virginal (2).

Cela supposé, je puis vous dire premièrement que le Cœur corporel de Jésus est le Cœur de Marie; car la chair de Jésus étant la chair de Marie, selon saint Augustin (3), il s'ensuit nécessairement que le Cœur corporel de Jésus est le Cœur de Marie.

Je puis vous dire en second lieu, que le Cœur spirituel de Jésus est aussi le Cœur de Marie, par une très intime union d'esprit et de volonté. S'il est dit des premiers chrétiens, qu'ils n'avaient qu'un Cœur et qu'une âme (4), combien davantage cela est-il véritable du Fils unique de Marie et de sa très chère Mère.

Si saint Bernard dit hardiment que Jésus étant son chef, le Cœur de Jésus est son Cœur, et qu'il n'a qu'un même Cœur avec Jésus : Ego vere cum Jesu cor unum habeo (5) : combien à plus forte raison la Mère du sauveur peut-elle dire: « Le Cœur de mon Chef et de mon Fils est mon Cœur, et je n'ai qu'un même Cœur avec lui ? » Aussi est-ce ce qu'elle a dit, comme nous verrons bientôt, à sainte Brigitte, dont les Révélations sont si bien approuvées, ainsi qu'il a été dit ci-devant. Et c'est ce que le Fils de Dieu a voulu dire lui-même à cette même Sainte, en cette manière: « Moi qui suis Dieu et Fils de Dieu de toute éternité, j'ai été fait homme dans la Vierge, le Cœur de laquelle était comme mon Cœur. C'est pourquoi je puis dire que ma Mère et moi avons opéré le salut de l'homme avec un même Cœur, en quelque manière, quasi cum uno Corde : moi, par les souffrances que j'ai portées en mon Cœur et en mon corps, et elle par les douleurs et par l'amour de son Cœur (6) .»

(1) « Sed neque Pater est sine Filio: simul enim cum eo quod est Pater, est Filii Pater. Filius autem verus est de Patre magister. Et ut credat quis Filio, oportet nosse Patrem, ad quem refertur etiam Filius. Et rursus, ut Patrem prius cognoscamus, oportet credere Filio, quoniam docet Dei Filius. » Stromat. lib. 5, aliquantulum post initium. A cette référence le P. Eudes ajoute le mot subobscure, sans doute pour indiquer que l'expression Cor Patris est sous-entendue. Le texte grec que nous avons consulté n'est pas plus explicite.
(2) « Vulnerasti (rapuisti) Cor meum. » Cant. IV, 9. 3.
(3) « Caro Christi est caro Mariae. » Serm. de Assumpt.
(4) « Multitudinis credentium erat cor unum et anima una.» Act. IV. 32.
(5) Tract. de Passion. Dom. cap. 3.
(6) « Ego Deus ab aeterno Flius Dei, factus sum homo in Virgine, cujus Cor erat quasi Cor meum. Et ideo bene dicere possum quod Mater mea et ego quasi cum uno Corde salvavimus hominem: ego patiendo Corde et carne, ipsa Cordis dolore et amore. » Revel. ex travag. Cap. 3.
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Re: Le Cœur Immaculé de Marie

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En troisième lieu, je puis dire que le Cœur divin de Jésus, qui est le Saint-Esprit, est le Cœur de Marie. Car si ce divin Esprit a été donné de Dieu à tous les vrais chrétiens, pour être leur esprit et leur Cœur, suivant la promesse que sa divine bonté leur en avait faite par la bouche du prophète Ézéchiel (1), combien davantage la Reine et la Mère des chrétiens ?

Et ainsi voilà trois Cœurs en Jésus, qui ne sont qu'un Cœur, et un Cœur tout divin, duquel on peut dire véritablement que c'est le Cœur de la très sainte Vierge.

« Sachez pour certain, Scias pro certo, dit encore la Mère de Dieu à sainte Brigitte, que j'ai aimé mon Fils si ardemment, et qu'il m'a aimée si tendrement, que lui et moi nous n'étions que comme un Cœur : quasi Cor unum ambo fuimus (2). »

Mais outre cela, je dirai encore que ce même Jésus, qui est le Cœur de son Père éternel, est pareillement le Cœur de sa divine Mère.

Le Cœur n'est-il pas le principe de la vie ? Et qu'est-ce que le Fils de Dieu est dans sa divine Mère, où il a toujours été et sera éternellement, sinon l'Esprit de son esprit, l'âme de son âme, le Cœur de son Cœur, et le seul principe de tous les mouvements, usages et fonctions de sa très sainte vie ? N'oyez-vous pas saint Paul qui nous assure que ce n'est point lui qui vit, mais que c'est Jésus-Christ qui est vivant en lui (3), et qu'il est la vie de tous les vrais chrétiens : Christus vita vestra, (4) ? Qui peut douter qu'il ne soit vivant dans sa très précieuse Mère, et qu'il ne soit la vie de sa vie et le Cœur de son Cœur, d'une manière incomparablement plus excellente que dans saint Paul et dans les autres fidèles ?

Écoutons ce qu'elle dit elle-même sur ce sujet à sainte Brigitte: « Mon Fils, dit-elle, m'était véritablement comme mon Cœur. C'est pourquoi, lorsqu'il sortit de mes entrailles en naissant au monde, il me sembla que la moitié de mon Cœur sortit de moi. Et quand il souffrait, j'en ressentais la douleur, comme si mon Cœur eût porté les mêmes peines et enduré les mêmes tourments qu'il endurait. Quand mon Fils était flagellé et déchiré à coups de fouet, mon Cœur était flagellé et déchiré avec lui. Quand il me regarda de la croix, et que je le regardai, il sortait alors deux ruisseaux de larmes de mes yeux; et lorsqu'il me vit opprimée de douleur, il ressentait une angoisse si violente en la vue de ma désolation, que la douleur de ses plaies lui semblait comme assoupie. J'ose donc dire que sa douleur était ma douleur, d'autant que son Cœur était mon Cœur. Car, comme Adam et Eve ont vendu le monde par une pomme, mon cher Fils aussi a voulu que j'aie coopéré avec lui pour le racheter par un même Cœur, quasi cum uno Corde (5).»

(1) « Et dabo vobis cor novum, et spiritum novum ponam in medio vestri. » Ezéch. XXXVI, 26.--« Spiritum meum ponam in medio vestri. » Ibid. 27.V1-100
(2) « Scias pro certo... quia ego sic ferventer dilexi eum, et ipse me, quod quasi unum Cor ambo fuimus.» Revel. lib. 1, cap. 8.
(3) « Vivo autem, jam non ogo, vivit vero in me Christus.» Gal. II, 20.
(4) Col. III. 4.
(5) « Ipse quippe erat mihi quasi Cor meum. Propterea cum nasceretur ex me, sensi ego quod quasi dimidium Cor meum nasceretur et exiret ex me. Et cum ipse pateretur sensi quod quasi Cor meum patiebatur... Sic ego, cum flagellaretur et pungeretur Filius meus, quasi Cor meum flagellabatur et pungebatur . Cumque respexisset ad me de cruce, et ego ad eum, tunc de oculis meis quasi de venis lacrymae exibant; et cum ipse me cerneret dolore confectam, in tantum amaricabatur de dolore meo, quod omnis dolor vulnerum suorum erat quasi sopitus sibi, prae dolore meo quem in me videbat. Propterea audacter dico quia dolor ejus erat dolor meus, quia Cor ejus erat Cor meum. Sicut enim Adam et Eva vendiderunt mundum pro uno pomo, sic Filius meus et ego redemimus mundum quasi cum uno Corde. »Revel. lib. 1, cap. 35.
(à suivre)
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