L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

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Monique
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Monique »

Merci, m. L'abbé pour ces explications si claires. Trois fois merci !!!
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Laetitia
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Laetitia »

Merci, monsieur l'abbé, pour tout le mal que vous vous donnez. Ce mystère sublime se dévoile maintenant plus clairement.

Voici un passage tiré de l'ouvrage du Père Garrigou-Lagrange, Le Sauveur et son Amour pour nous, dans sa Première partie sur le mystère de l'Incarnation et la personnalité du Sauveur.

L'auteur, s'appuyant toujours sur saint Thomas d'Aquin, nous permet de mieux contempler cet ineffable mystère de l'Amour miséricordieux qu'est l'Incarnation rédemptrice.
Père Garrigou-Lagrange a écrit :
« L'union hypostatique, la plus intime des unions après celle de la Trinité.

On le voit, cette union personnelle ou hypostatique, c'est-à-dire union en une seule personne ou en un seul sujet, de la divinité et de l'humanité, n'est pas seulement une union morale qui naît de la conformité de la volonté humaine avec la volonté divine par la grâce et la charité.

Cette union morale avec Dieu, qui existe surtout chez les saints, peut devenir très intime ; Abraham dans l'Ancien Testament est appelé ami de Dieu, mais il reste infiniment distant de Dieu ; de même les Apôtres et les plus grands saints. Cette union personnelle ou hypostatique n'est pas non plus une union naturelle et essentielle, car elle ne constitue pas une seule et même nature ou essence. Les deux natures restent parfaitement distinctes, quoique intimement unies. La nature divine en effet est absolument immuable et ne peut se convertir ou se changer en une nature créée ; Jésus, du reste, ne serait plus alors vraiment Dieu.

D'autre part, la nature humaine ne peut être convertie ou changée en la nature divine ; Jésus, du reste, s'il en était ainsi, ne serait plus vraiment homme. Les deux natures ne peuvent pas non plus entrer en composition d'une troisième nature, cela supposerait une modification ou altération de la nature divine, qui est absolument immuable, et qui ne saurait être la partie incomplète d'un tout plus parfait qu'elle-même.

L'union personnelle ou hypostatique de la divinité et de l'humanité en Jésus n'entraîne donc nullement la confusion des deux natures. Ainsi, en nous l'union de l'âme et du corps n'entraîne point leur confusion. Un peu comme notre corps est dominé, vivifié par notre âme, et sera réanimé par elle au jour de la résurrection, ainsi en Jésus la nature humaine est tout entière sous l'emprise de Dieu, possédée par le Verbe (1). Le Christ n'est pas un être fabuleux, demi-dieu et moitié homme, il est vrai Dieu et vrai homme, sans confusion panthéistique des deux natures unies en sa personne divine.

Ainsi se réalisent surnaturellement en ce mystère sublime l'inclination de Dieu à se donner le plus possible à l'homme, et l'inclination de l'homme à s'unir le plus possible à Dieu. C'est l'union la plus forte, la plus intime possible, après celle de la sainte Trinité.

Dans la sainte Trinité, nécessairement les trois personnes sont une seule et même nature divine ; en Jésus, c'est un fait que les deux natures appartiennent à la même personne.

Cette union personnelle ou hypostatique, qui constitue l'homme-Dieu, est incomparablement plus intime que celle de notre âme avec notre corps. Tandis que l'âme et le corps se séparent à la mort, le Verbe ne se sépare jamais de l'âme ni du corps qu'il a assumés (2). L'union est immuable et indissoluble pour l'éternité.

(1) Cependant il y a une notable différence : tandis que notre corps et notre âme sont les deux parties de notre nature humaine, l'humanité et la divinité en Jésus ne sont pas les parties d'une même nature, mais sont unies dans la même personne.

(2) Même lorsque pendant trois jours le corps de Jésus après sa mort fut séparé de son âme, il ne fut pas séparé de la personne du Verbe ; il resta sur la croix et au saint sépulcre le cadavre sacré du Verbe fait chair. Cf. S. Thomas, IIIa, q. 50, a. 2.
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Laetitia
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Laetitia »


L'union hypostatique, la plus intime des unions après celle de la Trinité.
(suite et fin)
Père Garrigou-Lagrange a écrit :
« Nous ne contemplons pas assez cet ineffable mystère d'Amour miséricordieux. Sa sublimité provient précisément de ce que deux natures infiniment distantes, l'une suprême, l'autre infime, sont si intimement unies.

Le beau provient de l'unité qui resplendit dans la variété ; lorsque les éléments divers sont infiniment distants et pourtant intimement unis, on n'a plus seulement le beau, mais réellement le sublime.

Seul l'Amour divin est assez fort pour associer ainsi la suprême richesse et l'humaine nature avec toutes les souffrances qui la peuvent accabler.

Quand nous faisons notre chemin de croix et que nous contemplons Jésus sur la voie douloureuse pliant sous le fardeau de nos fautes, rappelons-nous qu'il est la voie, la vérité et la vie, et par lui nous irons vers cet océan de vie divine, où Lui seul peut nous conduire, en nous donnant de persévérer.

Nous aimons à contempler la mer ou les montagnes, à arrêter longtemps sur elles notre regard avec admiration ; pourquoi ne contemplerions-nous pas plus souvent cet immense mystère de l'Incarnation, qui nous apporte le salut ?

Des âmes très simples, formées par l'Evangile et la liturgie, arrivent à cette contemplation, comme il nous a été assez souvent donné de le voir dans les campagnes de France, d'Espagne et d'Italie. Quand nous entrons dans une église nous nous contentons souvent de demander une grâce particulière pour nous et pour les nôtres ; pensons à remercier quelquefois le Bon Dieu de nous avoir donné Notre-Seigneur. L'Incarnation vaut bien une action de grâces spéciale. Cette action de grâces, qui doit commencer ici-bas, sera celle des saints pendant l'éternité, ce sera le cantique des élus dont parle l'Apocalypse, V, 13 : « A Celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau, louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles.»

Une âme qui, tous les jours, dans l'intimité de l'oraison, remercierait Dieu de nous avoir donné son Fils, arriverait certainement à un haut degré d'union divine. Cela est possible à toute âme simple, même privée de culture humaine : remercier Dieu du don infini qu'il nous a fait
C'est ce que je souhaite à tous en cette Sainte Quarantaine.
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Louis Mc Duff
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Louis Mc Duff »

Ça devient tellement clair, M. l'Abbé, quand vous donnez des explications, tellement lumineux, tellement facile, je dirais... à côté des B- A- BA quand j'essaie de balbutier une de mes idées... Que le Bon Dieu, si c'est Sa Volonté, vous garde avec nous le plus longtemps possible, parce qu’avec ce forum Mi ca El ! ? vous êtes avec nous {on dirait que même si on ne voit pas avec nos yeux nos intervenants, on dirait qu'on les voit avec notre esprit, quand on les lit et qu'ils nous parlent comme s’ils étaient en face de nous } et quand il vous amènera avec Lui dans son beau Ciel, je suis sûr que vous trouverez un moyen, comme vous le faites aujourd'hui, pour nous illuminer la doctrine de l'Église comme vous le faites si bien ! Merci M. L'Abbé.
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Abbé Zins
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Abbé Zins »

Vos aimables réactions m'ont rassuré et consolé. Car il n'était point aisé de ne pas même paraître diminuer en quoi que ce soit la sublime Passion et Immolation de Notre divin Sauveur tout en voulant démontrer que l'Incarnation du Verbe, l'Union Hypostatique, la dépasse encore comme infiniment.

Grand merci à Laetitia pour ses admirables et profonds compléments, lesquels sont propres à mieux faire comprendre non seulement la troisième réponse mais aussi la quatrième qui va suivre. A la fin de la dernière, un autre complément sera demandé à Anne-Marie tiré de la Somme, et un autre à Louis tiré du commentaire de Saint Thomas sur l'Epître aux Philippiens.
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Abbé Zins
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Abbé Zins »

Synthèse a écrit :
Ad 5. Quant à la glorification que Dieu donne à ses enfants... l'élévation et la participation dans la vie éternelle à l' essence de Dieu même, cette vue de la Trinité si Majestueuse, elle peut également être considérée 1̊ en soi, 2̊ par rapport à Dieu et au Verbe Incarné, et 3̊ par rapport à nous.

1̊ En soi, si sublime et élevée soit-elle, elle n’est que notre participation finie à la Vie même de Dieu, tandis que l’Incarnation est de soi le don plénier que Dieu nous fait de Lui-même.

2̊ Vis-à-vis de Dieu et du Verbe Incarné, en effet, la Bonté Divine ne pouvait se communiquer d’une façon plus parfaite et complète à la nature humaine qu’en s’unissant hypostatiquement à la Sainte Humanité du Christ-Jésus par l’Incarnation, de laquelle découle en outre notre rédemption et admission à l’adoption à la Vie même du Dieu Trine communiqué, qu’est la Divine Charité.

3̊ Enfin, par rapport à nous, il y a la même différence d’élévation, entre la propre glorification des Elus et l’Incarnation, qu’entre l’objet de la vertu d’Espérance et celui de la vertu de Charité ; la glorification du Verbe Incarné réjouissant infiniment plus les Bienheureux que leur propre glorification.
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Abbé Zins
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Abbé Zins »

Synthèse a écrit :
Ad 7. Aussi doux et précieux que soit le don que Notre Seigneur Jésus-Christ nous ait fait de sa divine Mère pour être notre Mère spirituelle, ce don reste limité, puisque Notre Dame n'est qu'une créature finie et non infinie. Elle-même, à l'annonce de sa sublime élévation, n'a eu aussitôt que la pensée de s'abaisser : « Voici la servante, l'esclave du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole.»

Nous sommes néanmoins aussi redevable du don infini de l'Incarnation à Notre Maman du Ciel, puisque Dieu a voulu que son Incarnation effective dépende de son FIAT.

Ce par quoi Notre Souveraine est devenue doublement la Médiatrice de toute grâce. D'abord en tant que source effective de l'Incarnation qui nous les a toutes méritées, ensuite en tant que Dieu en nous la donnant pour Mère spirituelle l'en a rendu la souveraine dispensatrice. Aussi, après Dieu même, c'est à Notre Dame que nous devons principalement cet acte maximal de la Charité de Dieu envers nous, et ses effets rédempteurs et béatifiant.



Ad 8. Certes, comme le dit le Docteur Angélique :
Saint Thomas a écrit :

« Ce par quoi tous sont unis à Dieu, à savoir sa Bonté de laquelle tous sont l'image, est maximal et le plus intime...» (Saint Thomas, Contra Gentes 1,91)

Toutefois la Divine Bonté en tant qu’Elle se communique, en Elle-même (ad intra) et au dehors (ad extra), est plutôt la Charité Divine même en acte, que l’acte maximal qu’Elle pouvait et a de fait produit vis-à-vis de nous, lequel, comme on l’a vu sous divers points de vue plus haut, n’est autre que l’Incarnation de la Seconde Personne de la Très Sainte Trinité.

D’où ce qu’exprime à ce sujet le Docteur Commun et Universel de l’Eglise :
Saint Thomas a écrit : « La Bonté par essence est la nature même de Dieu. Aussi, tout ce qui se rapporte à la raison de bien convient à Dieu.

Or il se rapporte à la raison du bien de se communiquer aux autres. Il se rapporte donc à la raison du Souverain Bien qu’Il se communique d’une manière souveraine à la créature,
ce qui est fait de façon maximale (quod quidem maxime fit) par le fait que « Il s’est uni une nature créée au point que de trois, du Verbe, de l’âme et de la chair, il n’y est qu’une Personne »
, comme l’explique Saint Augustin (De Trinitate, ch. 17).»
(Saint Thomas, 3. 1,1)


ce qui a été réalisé par l’Incarnation.

L’Incarnation du Verbe est donc bien l'acte maximal de la Divine Charité envers nous.


(Comme complément de cette réponse, Anne-Marie ou quelqu’un d’autre pourrait avantageusement publier à la suite le texte complet de l’article I de la question I de la Tertia Pars de la Somme Théologique, et Louis le commentaire de S. Thomas sur : Il s‘est anéanti.)
Anne-Marie
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Anne-Marie »

Saint Thomas d'Aquin, [i]Somme Théologique[/i] Tertia Pars a écrit :
« QUESTION 1 : LA CONVENANCE DE L’INCARNATION

Article 1 : Convenait-il à Dieu de s’incarner ?

Objections :


1. De toute éternité, Dieu est l’essence même de la bonté, et son être est, de toute éternité, le meilleur possible. Il n’y avait donc pas de convenance à ce que Dieu s’incarne.

2. Il est incongru d’unir des êtres infiniment éloignés l’un de l’autre, comme de peindre une image où le cou d’un cheval se joindrait à une tête d’homme. Mais Dieu et la chair sont infiniment éloignés, puisque Dieu est souverainement simple, tandis que la chair, surtout chez l’homme, est complexe.

3. Le corps est aussi éloigné de l’esprit suprême que le mal est éloigné de la bonté suprême. Mais il serait absolument hors de convenance que Dieu, bonté suprême, s’unisse au mal. Il n’y aurait donc pas de convenance à ce que l’esprit suprême incréé assume un corps.

4. Il est inconcevable que celui qui dépasse toute grandeur se renferme dans ce qu’il y a de plus petit, et que l’être chargé des grandes choses s’abaisse à des petitesses. Mais Dieu, qui a la charge de tout l’univers, ne peut être renfermé dans cet univers. Il semble donc impossible, comme Volusianus l’écrit à S. Augustin, que " celui pour qui l’univers est comme rien, aille se cacher dans le corps vagissant d’un enfant, que ce Souverain s’absente si longtemps de son palais, et que tout le gouvernement du monde se transporte dans ce petit corps ".

En sens contraire, il apparaît de la plus haute convenance que par les choses visibles soient manifestés les attributs invisibles de Dieu. Le monde entier a été créé pour cela, selon l’Apôtre (Rom. 1, 20) : " Les perfections invisibles de Dieu se découvrent à la pensée par ses œuvres." Mais, dit S. Jean Damascène, c’est par le mystère de l’Incarnation que nous sont manifestées à la fois la bonté, la sagesse, la justice et la puissance de Dieu :

sa bonté, car il n’a pas méprisé la faiblesse de notre chair ; sa justice car, l’homme ayant été vaincu par le tyran du monde, Dieu a voulu que ce tyran soit vaincu à son tour par l’homme lui-même, et c’est en respectant notre liberté qu’il nous a arrachés à la mort ; sa sagesse, car, à la situation la plus difficile, il a su donner la solution la plus adaptée ; sa puissance infinie, car rien n’est plus grand que ceci : Dieu qui se fait homme.

Réponse : Pour tout être, ce qui est convenable est ce qui lui incombe en raison de sa nature propre ; c’est ainsi qu’il convient à l’homme de raisonner puisque, par nature, il est un être raisonnable. Or la nature même de Dieu, c’est l’essence de la bonté, comme le montre Denys.

Aussi tout ce qui ressortit à la raison de bien convient à Dieu. Or, il appartient à la raison de bien qu’il se communique à autrui comme le montre Denys. Aussi appartient-il à la raison du souverain bien qu’il se communique souverainement à la créature.

Et cette souveraine communication se réalise quand Dieu " s’unit à la nature créée de façon à ne former qu’une seule personne de ces trois réalités : le Verbe, l’âme et la chair ", selon S. Augustin. La convenance de l’Incarnation apparaît donc à l’évidence.


Solutions des objections :

1. Le mystère de l’Incarnation ne s’est pas accompli du fait que Dieu aurait changé de quelque manière l’état dans lequel il existe de toute éternité, mais du fait qu’il s’est uni à la créature, ou plutôt qu’il se l’est unie, de façon nouvelle. Or, il convient que la créature, qui est changeante par définition, n’existe pas toujours de la même façon. Aussi, de même que la créature a commencé d’exister alors qu’elle n’existait pas auparavant, ainsi est-il convenable que n’ayant pas été auparavant unie à Dieu dans la personne, elle l’ait été postérieurement.

2. Être unie à Dieu dans la personne ne convenait pas à la chair de l’homme selon la condition de sa nature, car cela était au-dessus de sa dignité. Cependant il convenait à Dieu, selon la transcendance infinie de sa bonté, de s’unir la chair pour le salut de l’homme.

3. Toutes les conditions qui rendent la créature différente du Créateur ont été instituées par la sagesse de Dieu et ordonnées à sa bonté. En effet, c’est par bonté que Dieu, immobile et incorporel, produit des créatures changeantes et corporelles ; de même, le mal de peine a été introduit par la justice de Dieu en vue de la gloire de Dieu.
Tandis que le mal de faute est commis par éloignement du plan de la sagesse divine, et de l’ordre de la bonté divine. Et c’est pourquoi il a pu être convenable que Dieu assume une nature créée, changeante, corporelle et soumise au châtiment ; mais il n’aurait pas été convenable qu’il assume le mal du péché.

4. Voici la réponse de S. Augustin à Volusianus : « La doctrine chrétienne ne comporte pas que Dieu, pour s’introduire dans la chair humaine, aurait délaissé ou perdu le gouvernement de l’univers, ni qu’il l’ait rétréci pour l’introduire dans ce corps fragile. Une telle conception vient de la pensée humaine, incapable d’imaginer autre chose que des corps. Dieu n’est pas grand par la masse, mais par la puissance. Si la parole de l’homme, en se propageant, est entendue tout entière et en même temps par beaucoup et par chacun, il n’est pas incroyable que le Verbe de Dieu, qui est éternel, soit tout entier partout à la fois." Aussi, que Dieu se soit incarné n’a rien d’inadmissible.»
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Louis Mc Duff
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Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par Louis Mc Duff »


Extrait du commentaire de Saint Thomas sur l'Epître aux Philippiens.

Saint Thomas a écrit :
« II. Quand l’Apôtre ajoute (verset 7) : "Mais il s’est anéanti lui-même en prenant la forme de serviteur", etc.", il exalte l’humilité de Jésus-Christ.

D’abord, dans le mystère de l’incarnation ; ensuite, dans celui de la passion (verset 8) : "Il s’est rabaissé lui-même", etc.

1̊ Sur le premier de ces mystères, saint Paul fait voir d’abord cette humilité ; ensuite son mode et sa forme. Il dit donc : "Mais il s’est anéanti lui-même", etc. Cependant, puisqu’il y avait en lui la plénitude de la divinité, s’est-il donc dépouillé de cette divinité ? Nullement, car il est demeuré ce qu’il était, mais il est devenu ce qu’il n’était pas. Ce qu’il faut entendre toutefois dans ce sens, qu’il s’est mis ce qu’il n’avait point, et non pas qu’il ait eu prendre ce que déjà il possédait. De même, en effet, qu’il est descendu des cieux, sans qu’il ait cessé d’y être, ainsi s’est-il aussi anéanti, non pas en déposant la nature divine, mais en s’unissant la nature humaine. L’Apôtre s’est servi avec justesse de cette expression : "il s’est anéanti ", car le vide est opposé à la plénitude, or la nature divine possède la plénitude, puisqu’elle renferme la bonté parfaite (Exode XXXI, 19) : "Je vous ferai voir toutes sortes de biens."

La nature humaine et l’âme de l’homme ne possèdent pas la plénitude, elles n’ont que la capacité d’y parvenir, car cette âme est comme une table rase ; la nature humaine n’a donc que le vide.

Ainsi l’Apôtre dit-il (verset 8) : "Il s’est anéanti" , parce Jésus-Christ s’est uni la nature humaine.

– A) Il indique ainsi comment Jésus-Christ s’est uni cette nature, en disant (verset 7) : "En prenant la forme et la nature de serviteur." L’homme, en effet, d’après sa création, est le serviteur de Dieu, et la nature humaine est la forme de ce serviteur (Psaume XCIX, 5) : "Sachez que le Seigneur est Dieu, que c'est lui qui nous a faits, et que nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes" (Isaïe, XLII, 1) : "Voici mon serviteur, dont je prendrai la défense" (Psaume III, 4) : "Vous, Seigneur, vous êtes mon protecteur et ma gloire", etc.

Pourquoi l’Apôtre dit-il plutôt la forme de serviteur, que serviteur même ? C’est que serviteur est le nom de l'hypostase, ou de la personne à laquelle Jésus-Christ, s’est point uni, car il s’est uni à la nature.

En effet, ce qui est uni est distingué de celui qui s’unit ; le Fils de Dieu ne s’est donc pas uni l’homme parce qu’on donnerait ainsi à entendre que homme est distinct du Fils de Dieu, tandis que le Fils de Dieu s’est fait homme. Mais il a uni la nature à sa propre personne, afin que le même fût dans sa personne et Fils de Dieu et Fils de l’homme.

– B) Saint Paul indique ensuite la conformité de nature, en disant (verset 7) : "En se rendant semblable aux hommes", à savoir dans leur espèce même (Hébreux II, 17) : "Il a fallu qu’il fût en tout semblable à ses frères."

Si l’on prétend qu’il y eut inconvenance pour Notre Seigneur Jésus-Christ de se revêtir de cette forme humaine, cela est vrai, en ce sens qu’elle serait produite par la divinité et l’humanité, comme si la divinité et l’humanité se fussent réunies en une nature commune, car il s’ensuivrait, que la nature divine, si je puis parler ainsi, subirait un changement.

– C) Enfin l’Apôtre détermine les conditions de la nature humaine, lorsqu’il dit (verset 8) : "Et étant reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui au dehors", car il a pris, sauf le péché, toutes les imperfections de toutes les propriétés qui constituent l’esprit. Voici pourquoi il a été reconnu pour homme dans tout ce qui a parti du dehors, c'est-à-dire "dans la manière d’être" car il a eu faim, comme l’homme a faim, il a ressenti la fatigue et toutes les autres faiblesses de ce genre (Hébr. IV, III) : "Il a éprouvé comme nous toutes sortes de tentations, hormis le péché." ; (Baruch, III, 38) : "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a conversé parmi les hommes."

On peut rapporter l’expression "à l’extérieur" aux habitudes qui le forment.

Ou bien encore : "à l’extérieur" parce qu’il a pris la nature humaine comme un vêtement. Or il y a quatre sortes d’habitudes.

La première change celui en qui elle se trouve, sans que pourtant elle subisse elle-même de changement ; ainsi change l’insensé par la sagesse. La seconde imprime et subit le changement: tel est l’aliment. La troisième ne subit ni ne fait subir de changement : ainsi l’anneau qu’on passe au doigt. La quatrième enfin reçoit le changement sans l’imprimer ; par exemple le vêtement.

C’est de cette dernière manière que la nature humaine est appelée, dans le Christ, "l’extérieur", car la nature divine a reçu cet extérieur, sans en être modifiée en aucune façon ; toutefois la nature humaine a été changée en mieux, puisqu’elle a été remplie de grâce et de vérité (Jean I, 4) : "Nous avons vu sa gloire comme Fils unique du Père, étant plein de grâce et de vérité."

L’Apôtre dit donc : "En se rendant semblable aux hommes", de façon cependant qu’il n’a subi aucun changement, "car il a été reconnu pour homme, par tout ce qui a paru de lui au dehors."

Remarquez que ce mot "extérieur", a été pour plusieurs une occasion d’erreur.

C’est de là qu’au III̊ livre des Sentences, distinction 6, on examine trois opinions. La première, que la nature humaine n’aurait été unie au Christ que comme un accident, ce qui est faux. Car la personnalité de la nature divine est devenue la personnalité de la nature humaine. Cette nature humaine n'a donc pas été unie à la nature divine par forme d’accident, mais elle lui est attribuée substantiellement.

De plus saint Paul réfute ici par avance l’erreur de Photin qui a prétendu que le Christ était simplement un homme et n’était point né de la Vierge. En effet, il est dit (verset 6) : "Ayant la forme de Dieu" ; le Christ était donc dans la forme de Dieu, avant de prendre celle de serviteur, qui le rend inférieur à son Père, « puisqu’il n’a pas regardé comme une usurpation ».

Il demeure donc établi que c’est en prenant la forme de serviteur qu'il a pu mériter. Ici également se trouve réfutée l’erreur d’Arius, qui a soutenu que Jésus Christ était inférieur à son Père, car « il n’a point regardé comme une usurpation » ; et celle de Nestorius, qui avança qu’il fallait voir dans l’incarnation du Verbe l’union d’habitation. C’est-à-dire Dieu habitant seulement dans l’homme, de sorte qu’autre est le Fils de Dieu, autre le Fils de l’homme.

Mais Saint Raban Maur remarque que l’Apôtre appelle l’incarnation un anéantissement. Or il est certain que le Père et le Saint Esprit demeurent avec le Christ ; ils se seraient donc aussi anéantis ce qui est faux.

De plus l’Apôtre dit : « il s’est anéanti lui-même » ; celui qui s’anéantit et celui qui est anéanti, est donc le même ; or tel est le Fils de Dieu, car il s’est anéanti lui-même ; l’union s’est don accomplie dans sa personne.

Ici encore se trouve réfuté l’erreur d’Eutychès qui enseigna que des deux natures il ne résulte plus qu’une seule. Le Fils de Dieu n’aurait donc pas pris la forme de serviteur, mais quelqu’autre ; ce qui est contraire à ce que dit saint Paul.

Également l'erreur de Valentin, qui a dit que le Christ a apporté du ciel son corps, et celle d’Apollinaire qui prétendit qu’il n’avait pas d'âme, car alors il ne se fût pas rendu semblable aux hommes.


2̊ Quand saint Paul ajoute (verset 8) : "Il s’est rabaissé lui-même", il exalte l'humilité de Jésus-Christ dans le mystère de sa passion.

Et d’abord il fait ressortir cette humilité ; ensuite, son mode (verset 8) : "Se rendant obéissant jusqu’à la mort" :

- A) Le Christ est donc homme, et en même temps très grand, car il est à la fois Dieu et homme. Toutefois il s’est humilié (Ecclésiastique III, 20): "Plus vous êtes grand, plus vous devez vous humilier en toutes choses" ; (Matth., XI, 2) : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur.".

- B) Le mode de l’humiliation, et le signe de l’humilité, c'est l'obéissance, car le propre des superbes est de suivre leur propre volonté. Le superbe cherche, en effet, l'élévation ; or il appartient à ce qui est élevé, de n'être pas régi par un autre, et de le régir au contraire lui-même.
Voilà pourquoi l’obéissance est opposée à l’orgueil. L’Apôtre voulant donc montrer la perfection de l’humilité et de la passion de Jésus-Christ, dit : "Il s’est rendu obéissant", car, s’il eût souffert autrement que par obéissance, il n’eût pas été également recommandable ; c'est, en effet, l’obéissance qui donne le mérite à nos souffrances.

Comment le Christ a-t-il pu se rendre obéissant ? Ce n’est point dans sa volonté divine, car elle est elle-même sa règle, mais dans sa volonté humaine, qui s’est réglée en tout sur la volonté de son Père (Matth. XXVI, 59) : "Néanmoins qu’il en soit, non comme je veux, mais comme vous le voulez."

Et c'est avec raison que saint Paul introduit dans la passion du Christ l’obéissance, car la première prévarication est venue par la désobéissance (Rom. V, 19) : "Car comme plusieurs sont devenus pécheurs par la désobéissance d’un seul, ainsi plusieurs seront rendus justes par l’obéissance d’un seul." (Proverbes XXI, 29) : "Celui qui obéit sera victorieux dans ses paroles.".

Que l’obéissance, en Jésus-Christ, ait été grande et digne de louanges, la chose est évidente. Car l’obéissance est grande, quand, contre son propre mouvement, elle se soumet au commandement d’un autre ; or le mouvement de la volonté humaine la porte à deux choses : à la vie et à l'honneur.

Mais le Christ n’a pas refusé la mort (I Pierre, III, 18) : "Jésus-Christ a souffert la mort une fois pour nos péchés" il n’a pas non plus refusé l’ignominie, ce qui fait dire à saint Paul (v. 8) : "Il s’est rendu obéissant, jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix", qui est le comble de l’ignominie (Sagesse II, 20) : "Condamnons-le à la mort la plus infâme.".

Ainsi donc il n’a repoussé ni la mort, ni le genre de mort le plus ignominieux.»
robert
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Inscription : dim. 17 déc. 2006 1:00

Re: L'acte maximal de la Divine Charité envers nous

Message par robert »

Merci, chère Anne-Marie, de votre citation complète de Saint Thomas, qui m'a fait comprendre que "Dieu, la Bonté en acte" n'est que la définition de Dieu et que Son Incarnation, l'acte maximal de Sa Charité envers nous. M. l'Abbé pourrait nous expliquer comment en Dieu tout est en acte et qu'en Dieu tout est identique, quoique produisant pour nous des effets différents...

Ne définissons-nous pas Dieu comme étant le Bon Dieu, tout simplement ?
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