Discernement des esprits, par le P. Garrigou-Lagrange, O.P.

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En ce qui regarde l'espérance, l'esprit mauvais travaille à faire dégénérer notre espérance en pré­somption ; par exemple, on veut parvenir trop vite à la sainteté, et non peu à peu, par les degrés néces­saires, ni par la voie de l'humilité et de l'abnéga­tion. Il inspire également une certaine impatience vis-à-vis de nous-mêmes, lorsque nos défauts paraissent trop. Par suite, il produit en nous l'indigna­tion au lieu de la contrition, une indignation qui est fille de l'orgueil et contraire à la contrition. Or la présomption mène au désespoir, quand on voit l'im­possibilité de parvenir par ses propres forces à la fin visée : le bien ardu apparaît alors presque inaccessible et c'est la désespérance.


Touchant la charité, l'esprit mauvais favorise ses simulacres qui sont comme un faux diamant ; ainsi, selon les inclinations variées et opposées de notre nature, il pousse certains à cette fausse charité envers le prochain qu'est le sentimentalisme, avec une indulgence excessive sous prétexte de miséri­corde et de générosité. Il en excite d'autres, au con­traire, à un faux zèle : nous voulons alors toujours corriger les autres, mais non nous-mêmes, et en voyant le fétu dans l'oeil de notre frère, nous ne voyons pas la poutre dans notre oeil.


De tout cela résulte le contraire de la paix, c'est-à-dire la discorde. L'homme conduit par cet esprit ne peut plus supporter la contradiction, il ne voit que lui-même dans sa personnalité encombrante et se place inconsciemment au-dessus de tous les autres, comme une statue sur son piédestal.


Si cet homme tombe dans un péché grave et manifeste qu'il ne peut cacher, il se laissera gagner par le trouble, l'indignation, le désespoir et enfin par l'aveuglement de l'esprit et l'endurcissement du coeur. Avant cette faute, le démon cachait les suites décourageantes du péché et inspirait le relâchement ; maintenant, après la faute, il parle de l'inexorable justice de Dieu, pour nous acheminer au désespoir. C'est ainsi qu'il forme les âmes à son image : après l'emportement de l'orgueil vient le désespoir.


Donc si quelqu'un avait une grande dévotion sensible dans l'oraison, mais en sortait avec un plus grand amour-propre, s'estimant au-dessus des au­tres, sans obéissance envers ses supérieurs, dépourvu de simplicité à l'égard de son directeur spirituel, ce serait le signe de la présence de l'esprit mauvais dans sa dévotion sensible. Le manque d'humilité, d'obéissance et de charité fraternelle est alors l'in­dice qu'il est privé de l'esprit de Dieu. Venons-en maintenant aux signes de ce dernier.



A SUIVRE... SIGNES DE L'ESPRIT DE DIEU
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SIGNES DE L'ESPRIT DE DIEU


Ces signes s'opposent à ceux de l'esprit de nature et de l'esprit du démon. L'esprit de Dieu incline à la mortification extérieure, il diffère en cela de l'esprit de nature, mais à la mortification extérieure réglée par la prudence chrétienne et par l'obéissance, et qui n'attire pas l'attention sur nous ni n'affaiblit la santé. Il nous enseigne en outre que la mortification extérieure est peu de chose, s'il n'y a en même temps mortification de l'imagination, de la mémoire (souvenir des torts qu'on nous a faits), du coeur, de la volonté propre et du jugement propre. Il inspire également la véritable humilité qui dis­pose à l'obéissance parfaite, nous défend de nous préférer aux autres, ne craint pas le mépris, garde le silence sur nos qualités ; cependant elle ne les nie pas, si elles existent, mais en rend gloire à Dieu.


L'esprit de Dieu nourrit notre foi de ce qu'il y a de plus simple et de plus profond dans l'Evangile, par exemple l'oraison dominicale, avec la fidélité à la tradition, en fuyant les nouveautés. Cette vraie foi surnaturelle nous montre Dieu dans les supé­rieurs ; ainsi se perfectionne l'esprit de foi, parce que nous jugeons tout à la lumière de cette vertu.


L'esprit de Dieu rend l'espérance ferme, en la préservant de la présomption ; il nous dit, par exemple : il faut désirer ardemment l'eau vive de l'oraison, mais on y parvient par la voie de l'hu­milité, de l'abnégation et de la croix. Par suite, il donne une sainte indifférence pour le succès humain.


L'esprit de Dieu augmente la ferveur de la cha­rité, il donne le zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes, l'oubli de soi. Ainsi nous pensons d'abord à Dieu, secondairement à notre avantage. Il incline également à l'amour efficace du prochain ; il nous dit : la charité fraternelle est le principal signe du progrès de l'amour de Dieu. Il empêche le jugement téméraire, le scandale sans motif. Il inspire le zèle, certes, mais un zèle patient, doux et prudent, qui édifie par la prière et par l'exemple, et n'irrite pas par des admonitions intempestives. Il donne une grande patience dans l'adversité, l'amour de la croix, l'amour des ennemis. Il donne la paix avec Dieu, avec les autres, avec nous-mêmes, et souvent la joie intérieure.


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S'il y a une chute accidentelle, alors l'esprit de Dieu nous parle de miséricorde. S. Paul dit (Gal. V, 22-23) : « Les fruits de l'esprit sont la charité, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la longanimité, la douceur, la foi, la modestie, la con­tinence, la chasteté », avec l'humilité et l'obéissance.


S'il s'agit d'un acte particulier, il est plus diffi­cile de discerner s'il vient de Dieu. Cependant si, se trouvant plutôt dans la tristesse, l'âme prie et reçoit une consolation profonde, c'est le signe de la visite de Dieu, si cette consolation incite à l'obéissance humble et à la charité fraternelle.


Mais il faut distinguer le premier moment de consolation du temps suivant, où quelquefois l'âme juge par elle-même de cette consolation et peut-être d'après son amour-propre.


Il y aurait présomption à désirer des grâces proprement extraordinaires comme les visions ou les paroles intérieures ; mais si l'âme vit et persévère dans l'humilité, l'abnégation et le recueillement pres­que continuel, il n'est pas rare qu'en vertu des sept dons du Saint-Esprit, elle reçoive des inspirations, grâce auxquelles se concilient la simplicité et la pru­dence, l'humilité et le zèle, la fermeté et la douceur. Cette conciliation et cette harmonie constituent le signe le plus clair de l'esprit de Dieu.


Le secret, le silence et la croix sont absolu­ment nécessaires à ceux que Dieu conduit vraiment par des voies extraordinaires et ils ne doivent les manifester qu'à leur père spirituel ; sinon il y a grand danger d'orgueil spirituel.


Particulièrement dangereuse est la disposition à se complaire dans les révélations, à forme dogma­tique ou prophétique ; car elles s'accompagnent facilement d'illusion, et même si la première inspira­tion vient de Dieu, souvent vient s'ajouter une inter­prétation humaine plus ou moins erronée, générale­ment trop matériellement comprise. Enfin l'esprit qui procure des extases et des révélations, s'il ne per­fectionne pas les moeurs et la vie, et ne rend pas l'homme défiant de lui-même, est un esprit d'illu­sion, surtout si tout cela empêche l'accomplissement du devoir d'état et engendre des discordes. Les signes de l'esprit de Dieu sont donc l'obéissance humble, la charité fraternelle, la paix et la joie spirituelle rayonnante.


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PRINCIPES SECONDAIRES DU DISCERNEMENT DES ESPRITS.


1. Dans ce qui se présente soudain à faire, l'esprit qui anime quelqu'un se manifestera, si, après délibération, il se défie de lui-même. Cependant dans cette règle il ne s'agit pas du mouvement primo primus, ni du péché de fragilité, mais d'un acte suffisamment délibéré et grave que l'hypocrite ne peut cacher ; ainsi se révéla le coeur des pharisiens après la guérison imprévue de l'aveugle-né.


2. Les secrets du coeur se manifestent dans les tribulations. Ainsi les vrais amis demeurent au jour de la tribulation, mais non les autres, comme il est dit dans l'Ecclésiastique (VI, 8). De même la tribulation est comme une fournaise où Dieu éprouve ses élus, selon cet autre passage de l'Ecclésiastique (XXVII, 5) : « Les vases du potier sont éprouvés par la fournaise et les justes le sont par la tentation » ou la tribulation. On lit dans la Sagesse (III, 5-8) : « Dieu les a éprouvés et les a trouvés dignes de lui. Il les a examinés comme l'or dans le creuset et il les a agréés comme une victime d'holocauste, en temps voulu ils auront leur récompense. Les justes brilleront et courront comme des étincelles parmi les roseaux. Ils jugeront les nations et domineront les peuples et le Seigneur régnera éternellement ». Mais pour cela la tribulation était nécessaire ; « nom­breuses sont les tribulations des justes » ; leur lon­ganimité, leur humilité, leur douceur, leur persé­vérance indéfectible s'y manifestent.


3. Le commandement révèle l'homme ; car lorsqu'on parvient au pouvoir et aux honneurs, on doit corriger et gouverner les autres, ce qui com­porte beaucoup plus de difficultés que ce qu'on faisait auparavant dans sa vie privée. Il faut en effet montrer de la sagesse, de la prudence, sans opportunisme et utilitarisme mesquins, de la charité en­vers tous, de la justice également, une fermeté qui ne craigne pas de corriger les mauvais, enfin de la bienveillance pour les bons serviteurs qui doivent être aidés. Voir le Dialogue de sainte Catherine de Sienne, où il est question des bons et des mauvais pasteurs.


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RÈGLES POUR DIVERSES CIRCONSTANCES


1. Aux moments de désolation, il ne faut faire aucun changement, mais tenir avec fermeté et con­fiance les résolutions qu'on a déjà prises devant Dieu. C'est surtout vrai s'il s'agit d'une désolation accablante, qui pousse à une tristesse mauvaise où l'esprit mauvais serait notre guide.


2. Aux moments de désolation, il faut s'a­donner davantage à la prière, à l'examen et à la pénitence. Pourquoi ? Parce que la désolation, en­gendrée par le dégoût, nous éloigne de la prière, de l'examen de conscience et de la pénitence. On soignera donc les contraires par les contraires. De quelque cause qu'elle provienne, cette désolation doit être pour nous l'occasion d'une réaction ver­tueuse ou d'un empressement de l'âme au service de Dieu. Voir l'Imitation de Jésus-Christ, au livre I, c. 12 : Avantages de l'adversité ; il y est dit : « L'ad­versité rappelle l'homme à son propre coeur, de ma­nière qu'il se sache en exil et ne mette son espérance en aucune chose du monde ». Ainsi, peu à peu, grâce à la prière, la tristesse, de mauvaise qu'elle était, devient bonne.


3. L'esprit mauvais nous trompe en attirant notre âme sous l'apparence du bien, et ensuite nous induit et nous incite au mal. C'est à proprement parler une séduction, bien plus le démon se trans­figure parfois en ange de lumière : sous prétexte d'une amélioration en des choses inférieures, il nous détourne de la voie de Dieu, pour nous faire désirer la commodité plutôt que la sainteté. Il provoque ainsi des divisions, trouble la paix et sème la dis­corde.


4. Si l'on s'attriste d'être méprisé, c'est le signe, sinon de l'esprit mauvais, du moins d'un esprit imparfait ; donc si l'on se décourage quand on est méprisé, c'est un mauvais signe, surtout chez ceux qui passent pour être gratifiés des plus grands dons de Dieu. Car ceux qui sont vraiment tels ne se réjouissent pas seulement de ces dons et de ces faveurs, mais aussi des adversités et du mépris, selon ces paroles de S. Paul (II Cor. XII, 5, 10) : « Pour ce qui me concerne, je ne me glorifie de rien, sinon de mes faiblesses... afin que la puissance du Christ habite en moi. C'est pourquoi je me complais dans mes faiblesses, dans les injures et les détresses pour le Christ ». Ainsi, comme le dit S. Augustin, « l'apôtre a trouvé un trésor dans le mépris dont le philosophe rougissait » (Sermon 160).


Par suite, l'esprit qui refuse d'être méprisé n'est pas un esprit parfait ; de même celui qui néglige de se renoncer n'est pas d'une vertu solide. Car, du fait qu'elles sont connexes, toutes les vertus doivent augmenter en même temps.


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COROLLAIRES :


1. L'esprit qui abonde en pénitences tout en étant pauvre d'obéissance est imparfait, et il tend au mal en quelque sorte, parce qu'il est trop attaché à la volonté propre ; il fait beaucoup de bonnes oeuvres, mais non par amour de Dieu ; ce qui le prouve, c'est qu'il ne croît pas en cette humble obéissance qui manifeste la conformité avec la volonté de Dieu.


2. Ce n'est pas, non plus, un bon esprit que celui qui est porté au paradoxe, c'est-à-dire qui juge habituellement en dehors ou à l'encontre de l'appré­ciation commune des gens prudents, qui a quelque chose d'étrange et d'artificiel : il contient plus d'en­flure que de vertu.


3. Mauvais aussi est l'esprit qui pousse à des choses extraordinaires et en parle volontiers sans discrétion. La raison en est que toutes les vertus augmentent en même temps, du fait qu'elles sont connexes ; par suite Dieu ne pousse pas à de grandes choses sans inspirer en même temps une grande humilité. Ainsi la véritable magnanimité diffère de l'impétuosité de la présomption. C'est au contraire le propre du démon d'inciter à des entreprises nou­velles, curieuses, singulières, prodigieuses, inusitées, provoquant l'admiration et la stupeur pour obtenir les honneurs de la sainteté.


Il en est de même si quelqu'un n'est pas solidement établi dans l'humilité et l'obéissance, s'adonne à une vie extraordinaire d'oraison et de pénitence, sous prétexte d'imiter les saints dans celles de leurs actions qui sont plus admirables qu'imi­tables.


La constitution de l'édifice spirituel ne peut commencer par le faîte, et l'oiseau ne peut voler avant d'avoir des ailes. Ainsi en est-il de l'âme : dans ce cas, si elle semble voler, c'est seulement un simulacre de vol ou d'élévation, une vaine et péril­leuse exaltation.


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CONCLUSION :


De tout cela il résulte claire­ment que l'esprit de Dieu se manifeste surtout dans l'humble obéissance, et dans la charité fraternelle qui aime le prochain pour Dieu avec abnégation. Car l'obéissance humble ne vient pas de l'esprit de la nature qui n'incline pas à l'humilité, ni de l'esprit mauvais, qui est un esprit d'orgueil et de désobéis­sance ; au contraire l'obéissance humble, jusque dans les plus petits détails, manifeste la conformité progressive avec la volonté divine.


D'autre part, la charité fraternelle est le plus grand signe de l'amour de Dieu, selon ces paroles du Seigneur (Jean XIII, 35) : « C'est à ceci que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres ». La charité fraternelle est le thermomètre sensible de notre union à Dieu ; car c'est bien d'une manière sensible qu'apparaît notre charité quand il faut aider le prochain, surtout s'il est difficile et exigeant ; alors, si nous l'aimons malgré cette difficulté, c'est le signe que nous lui faisons du bien à cause de Dieu et que, par suite, augmente notre charité envers Dieu lui-même. Il n'y a pas deux vertus de charité, l'une envers Dieu, l'autre envers le prochain. Il n'y a qu'une seule charité, dont l'objet principal est Dieu et l'objet secondaire le prochain. L'amour vi­sible du prochain manifeste ainsi l'amour invisible de Dieu, dans la mesure où il se distingue du sentimentalisme.


Donc, si l'humble obéissance et la charité fra­ternelle se conservent et progressent dans une âme ou dans une communauté, c'est alors le signe que le véritable amour de Dieu y est en progrès. Par suite, si cette âme manque un peu d'intelligence naturelle et d'énergie physique, Dieu y supplée par les inspirations des dons de conseil et de force.


FIN
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