Notion catholique du Martyre (DTC)

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Abbé Zins
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Re: Notion catholique du Martyre (DTC)

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MARTYRE.


Désir du martyre, son acceptation, offre spontanée, fuite (c. XVI).

— 1. Est-il permis de désirer le martyre et de le demander à Dieu ?

— Oui certes ; aussi saint Grégoire, commentant le mot de saint Paul, I Tim., III. Qui episcopatum desiderat, bonum opus desiderat, ajoute que Paul a prononcé ces paroles à l'époque où celui qui commandait le peuple chrétien était le premier à marcher au martyre. Ainsi pense saint Thomas d'Aquin, IIae-IIae, q. CLXXXV, a. 1, ad 1um

— D'ailleurs le Christ nous a encouragés au martyre. I Petr., II, 21. Nous avons de nombreux cas de l'antiquité chrétienne qui nous montrent les aspirations les plus véhémentes vers cette preuve suprême de l'amour de Dieu.
Les théologiens n'ont aucune peine à montrer que le désir du martyre ne comprend nullement l'acceptation du péché commis par le persécuteur ni la moindre complicité avec lui. Le card. de Lauria l'appelle l'oeuvre la plus parfaite de surérogation. Etius peut dire fort justement : Non enim desiderata actus malos diaboli aut malorum hominum sed, praesupposita illorum malitia, desiderata ipsas alflictiones, quae, ut tales, a Deo sunt, et proinde bonae.
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Abbé Zins
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2. L'acceptation de la mort est-elle de l'essence du martyre ?

— Certains ne requièrent aucune acceptation de la mort. Hurtado déclare qu'un homme qui dormirait ou serait aliéné serait martyr, pourvu qu'il soit juste et qu'il soit tué en haine de la foi. Mais cette opinion est généralement rejetée comme peu conforme à Matth., XVI, 24, Qui vult venire post me, abneget semetipsum et tollat crucem suam et sequatur me.


3. Cette acceptation de la mort doit-elle être actuelle ou peut-elle être virtuelle ou habituelle, ou même interprétative ?

— L'intention interprétative ne saurait être admise, car il est moins vraisemblable de présumer l'acceptation des tortures et de la mort que celle du sacrement de l'extrême-onction. L'acceptation actuelle est évidemment la meilleure. La virtuelle suffit, c'est-à-dire l'acceptation qui n'a pas été rétractée et qui influe sur l'acte. On pourrait même dire que l'acceptation habituelle suffit, ce qui signifie qu'on aurait autrefois désiré le martyre, puis, sans plus y penser, on ferait quelque chose de méritoire qui entraînerait les coups des ennemis de la foi, comme de prêcher l'Évangile.
Benoît XIV cite le cas de Juvénal Ancina, évêque de Saluces, empoisonné par un prêtre à qui il avait reproché sa conduite scandaleuse ; il ne fut pas admis comme martyr parce que l'acceptation de la mort ne put être prouvée, puisqu'il avait bu la coupe sans soupçonner le poison qui le ferait mourir.
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4. Est-il permis de s'offrir spontanément à la mort ?

— Cette manière de faire était interdite dans l'antique discipline de l'Église, cependant étaient exceptés ceux qui avaient eu la faiblesse d'abjurer et qui voulaient réparer leur faute ; d'ailleurs nous avons de nombreux exemples de martyrs qui s'offrirent eux-mêmes aux persécuteurs et que l'Église n'a nullement blâmés.

Les théologiens admettent que l'inspiration du Saint-Esprit peut expliquer cette initiative ainsi que plusieurs autres causes, parmi lesquelles saint Thomas cite le zèle de la foi et la charité fraternelle. Verricelli exige une cause grave et proportionnée, De apostol. mission., tit. De fide, q. IX, sect. IV, n. 43 ; il dit qu'il faut tenir compte de deux éléments : de la disposition de celui qui s'offre, nam in deliciis nutritus, carnis viciis irretitus, temere lapsus periculo se exponit et hic tentat Deum, et de la fin qu'il se propose : Qui enim ultimate et primario martyrium intendit, illicite agit, estque id circoncelliones imitari, quare finis primarius debet esse Dei gloria, fidei exaltatio, persecutoris confusio, infidelium conversio, Ecclesiae pax, fidelium confirmatio.
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5. Peut-on fuir la persécution ?

— Tertullien ne l'admettait d'aucune manière, mais son opinion personnelle ne prévaut nullement contre l'opinion commune de l'Église. La fuite, de soi, est permise selon Matth. X, 23. Le Christ nous en a donné l'exemple.
Saint Pierre, Act., XII, a fui sur le conseil de l'ange la prison et la mort que lui préparait Hérode. Saint Paul a fui par une fenêtre pour échapper au roi Arétas, II Cor., XI, 33, et l'on connaît la fuite célèbre de saint Athanase échappant aux ariens. Une pareille fuite ne doit nullement être assimilée à une négation della foi, c'est plutôt une confession virtuelle, puisque c'est l'acceptation de grands maux, comme l'exil, par attachement à la foi.

Par contre, les évêques et ceux qui ont charge d'âmes, ne peuvent pas fuir si leur fuite risque d'amener la dispersion du troupeau, la-IIæ q. Lxxxv, a. 5. Verricelli, De apost. mission., tit. I, q. IX, sect. V, n. 45, dit que la parole de Matth., X, 23, n'est pas un précepte, mais un conseil ou une permission, car la fuite est parfois préférable. Ainsi les premiers apôtres pouvaient éviter la persécution sans scandale pour les fidèles et répandre de la sorte l'Évangile. De même, ceux qui se sentent faibles : c'est ce que dit Remigius, cité par Abulensis (A. Tostat) : Licencia fugiendi convenit infirmis in fide, quibus concedit pius magister, ne, si se ultra ad martyrium protulissent, fortassis positi in tormentis negarent.

On discute le cas de celui qui a promis de revenir en prison ; est-il tenu de rentrer s'il prévoit qu'il sera injustement mis à mort ? Cajétan l'affirme, car revenir est un acte de courage, donc un acte de vertu, matière apte au serment ; d'autres le nient, sous prétexte qu'il n'y a là aucune matière à vertu ni de patience ni de fidélité.
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6. Provocation du persécuteur (c. XVII).

— En règle générale, il n'est pas permis de provoquer le persécuteur ; ainsi l'enseigne saint Thomas, IIa-IIæ, q. CXXIV, a. 1, ad 3um. La raison, c'est qu'on se rendrait coupable de complicité et de présomption. Pour expliquer les cas contraires que contient l'histoire de l'Église, il faut invoquer une inspiration spéciale de l'Esprit-Saint, soit pour convertir les assistants, soit pour confirmer les faibles. Mais dans la pratique, comment reconnaître si ces provocations proviennent de Dieu ou au contraire de la légèreté et de la présomption? On le reconnaîtra par les miracles subséquents, par la persévérance dans la confession de la foi jusqu'à la mort, par les vertus héroïques et surtout l'humilité habituelle de celui qui s'expose à la mort, enfin par les circonstances et les mobiles de cette décision extraordinaire.
Benoît XIV distingue sagement entre les provocations au moment même du martyre et celles qui le précèdent. Ces dernières sont généralement des imprudences condamnables, qui reviennent à tirer les oreilles d'un chien qui dort n. Les premières, au contraire, ne font qu'affirmer l'intensité de la foi et du courage du martyr, c'est le cas des Machabées, de saint Étienne, de tant d'autres.

A propos du fameux canon du concile d'Elvire, Hurtado fait remarquer justement que si les chrétiens sont mis à mort pour avoir détruit les idoles ou les temples des païens, ceux-ci seront présumés avoir agi par légitime défense et non par haine de la foi. La provocation est licite s'il apparaît qu'elle provient d'une inspiration du Saint-Esprit, ou si les circonstances montrent que le serviteur de Dieu devait agir de la sorte pour le bien de la foi et de la religion, ou par commandement de l'autorité publique.

— Nous n'appellerons pas provocation au persécuteur la pratique de certaines vertus qui peuvent attirer la persécution, comme l'acte de Tobie ensevelissant les morts tués en haine de la religion.
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7. Résistance du martyr, sa patience et sa constance jusqu'à la mort (c. XVII). — Un des cas les plus intéressants et des plus discutés est de décider si le martyre suppose la non-résistance à la mort.

Ce qui fait hésiter, c'est le passage de la IIa-IIæ, q. CXXIV, a. 5, ad 3um, où saint Thomas semble indiquer que l'on peut considérer comme martyr le soldat qui meurt dans une guerre entreprise pour la défense de la foi. On a beaucoup discuté sur ce point pendant la grande guerre, et il est pénible de constater que, loin de faire avancer la question, la plupart de ceux qui ont pris part à cette controverse semblaient ignorer les éléments de la question, tels qu'ils sont réunis avec une sage diligence et honnêtement discutés par Benoît XIV.

— Saint Thomas s'exprime plus clairement encore, In I6um Sent , dist , XLIX, q.X, a. 3, quest. 2, ad 11um : Cum quis propter bonum commune non relatum ad Christum mortem sustinet, aureolam non meretur : sed, si hoc referatur ad Christum, aureolam merebitur et martyr erit ; utpote, si rempublicam defendat ab hostium impugnatione, qui iidem Christi corrumpere moliuntur et in tali defensione mortem sustineat. Ainsi Sylvius, Paludanus, saint Antonin, Capisucchi, Hurtado.

Dans cette opinion, il faut une guerre entre fidèles et infidèles, non pour motif politique, mais pour cause de religion ; alors ceux qui luttent pour défendre la religion contre les infidèles meurent martyrs, car la mort leur est infligée en haine de la foi. Et leur résistance n'est pas un obstacle à leur titre de martyr, car, disent ces théologiens, ils luttent non primario pour défendre leur vie, mais pour la cause de l'Église et la vraie foi contre les adversaires du Christ ; ils ne défendent leur vie que secundario en tant qu'elle est nécessaire à l'Église et à la foi chrétienne.
D'autres, trouvant peut-être cette distinction quelque peu subtile, réduisent le martyre à l'acceptation de la mort dans l'intervalle qui s'écoule entre la blessure et la mort, ainsi Capisucchi, ou mieux au cas de soldats chrétiens tombant entre les mains des infidèles et sommés d'apostasier, puis, sur leur refus, mis à mort, ainsi les Salmanticenses. C'est ce qui arriva vers l'an 1250, comme le raconte une lettre du roi saint Louis, Gesta Dei per Francos, t. I, p. 1199. Dans un tel cas, rien ne manque pour un vrai martyre et la lutte qui a précédé n'empêche pas le martyre. C'est d'ailleurs un cas tout différent de celui proposé par le cardinal de Lauria, d'un homme condamné à mort pour de vrais crimes par un prince infidèle et qui déclare accepter de mourir pour la foi qu'il professe ; car un tel homme n'est pas martyr, puisque celui qui le fait mourir n'agit aucunement en haine de la foi.

Le cas difficile et vraiment controversé est celui de soldats qui luttent et résistent dans une guerre entreprise pour la foi. C'est pourquoi dans la cause du bienheureux Josaphat, archevêque de Polotsk, les auditeurs de la Rote firent remarquer que beaucoup de théologiens refusent d'admettre le martyre quand la victime résiste, se défend, meurt par nécessité, non par volonté, et tombe parce que ses forces sont incapables de triompher de ses ennemis. Ainsi Raynaud, de Lauria, Lessius, Maurus, Gotti. La raison en est que le martyr doit imiter le Christ,qui rendit témoignage à la vérité en souffrant, non en luttant et en résistant, selon la parole de I Petr. XI, 23. C'est ce qu'affirme Tertullien, Adv. Marcionem, I. IV, c.XXXCX, c'est le cas de saint Maurice et de ses compagnons de la Légion thébaine. Jadis un texte de saint Basile, Epist., CLXXXVIII, Ad Amphilochium, décida l'empereur Phocas à renoncer à demander la canonisation de soldats morts en luttant contre les ennemis de la foi chrétienne. De même on n'a jamais placé au nombre des martyrs ceux qui moururent pendant les croisades. Il est vrai que l'on pourrait répondre qu'ils ne furent pas tués en haine de la foi.

On oppose en sens contraire certaines paroles qui assimilent aux martyrs les soldats tombés pour la cause de la foi, mais rien ne force de prendre le mot martyr au sens strict dans ces discours destinés à enflammer le zèle des combattants. Voir le cas spécial de saint Procule, protecteur de Bologne, qui est minutieusement discuté.

Tout le monde est d'accord pour exiger, chez le martyr, la patience et la constance jusqu'à la fin, ainsi qu'il est dit clans l'hymne de l'office de plusieurs martyrs : Voir aussi De civ. Dei, XXII, IXet X, XXI. Il faut que le martyr ait persévéré jusqu'à la mort invicte et patienter. Mais comment prouver cette persévérance ? Certains admettent qu'il suffit de l'absence de signe contraire, ainsi le card. Petra, le card. de Lauria. Mais il faut distinguer la persévérance interne et la persévérance externe. La première n'est connue que de Dieu ; la deuxième est soumise au jugement de l'Église qui conjecture l'autre par celle-ci. Il faut donc que les paroles, les signes et les faits prouvent la persévérance externe. Telle est la discipline traditionnelle de l'Église.
Qu'on n'objecte pas l'exemple de saints vénérés par l'Église comme martyrs sans qu'on ait pu constater leur persévérance jusqu'à la mort, tel saint Julien, dont saint Chrysostome narre le martyre, P. G., t. L, col. 671 : Allato sacco, et arena completo, cum in eum scorpiones, viperas et dracones injecisset, cum illis et sanctum injecit et in mare demisit. Mais il est naturel de conjecturer la persévérance jusqu'à la mort en se fondant sur ses actes et sa conduite jusqu'au moment où il est enfermé dans le sac.

Par ailleurs on pourrait objecter ce que nous avons admis plus haut que la volonté habituelle suffit pour le martyre ; dès lors que penser du cas d'un homme qui a désiré le martyre, puis qui, n'y pensant plus, est tué en haine de la foi ? Dans ce cas, il est évident qu'on ne peut prouver la persévérance jusqu'à la fin ; mais Benoît XIV distingue sagement le martyr coram Deo et le martyr coram Ecelesia. On peut l'être dans le premier sens, sans l'être dans le second. Ajoutons que certains auteurs exigent pour prouver la persévérance interne des miracles postérieurs à la mort ; mais cette opinion ne s'impose pas, car l'Église qui ne juge que de l'extérieur est fondée à prouver les sentiments internes par les signes extérieurs.
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Abbé Zins
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Cause du martyre ex parte martyris (c. XIX-XX).Il faut encore examiner la cause défendue par celui qui meurt. C'est cette doctrine que saint Augustin a souvent exposée contre les donatistes qui se glorifiaient d'avoir, eux aussi, des martyrs : Recte ista dicerentur a vobis quaerentibus martyrum gloriam si haberetis martyrum causam. Non enim felices, ait Dominus, qui mala ista patiuntur, sed qui propter Filium hominis patiuntur. P. L., t. XLII, col 717. Et Chrysostome : Nam latronibus lacerantur latera, et monumentorum perfossoribus, et praestigiatoribus. Verum idem patiuntur et martyres. Facta quidem sunt eadem, ceterum animus et causa, cur haec fiant, non est eadem ; eoque plurimum est diseriminis inter hos et illos. Sicul igitur in illis non tormentum tantum expendimus, sed prius animum et causam, ob quam cruciatus inferuntur, consideremus ; et ob id martyres amamus, non quod crucientur, sed quod ob Christum cruciatus ferant ; contra latrones detestamur, non quia puniuntur, sed quod ob maletacta puniuntur. P. G., t. XLVnn, col 874.
Il faut donc mourir pour la foi, ce qui comprend non seulement ce qu'il faut croire, mais aussi ce que la foi nous enseigne qu'il faut pratiquer, et par conséquent pour l'exercice de toute vertu tombant sous le précepte. C'est ce qu'on appelle profession de foi in facto, cf. IIa_lIae, q. CXXIV, a. 5, et In IV Sent., dist. XI,IX, q. v, a. 3, ad 10"1, et In Ep. ad Rom., C. VIII, lest. 7 : Patitur etiam propter Christum non solum qui patitur propter fidem Christi, sed etiam qui patitur pro quocumque justitiae opere pro amore Christi.
Celui qui confesserait la foi chrétienne par vaine gloire, pour acquérir la célébrité, pour obtenir un culte et être rangé parmi les martyrs, ne serait pas un vrai martyr, car son acte ne serait pas moralement bon. Sans doute, le mouvement de vaine gloire n'est, de soi, que péché véniel, mais ce serait péché mortel que de subir la mort dans un but de vaine gloire.

Pour constituer le martyre, il ne suffit pas d'accepter la mort : — 1. pour une vérité connue par lumière naturelle (Benoît XIV cite les cas de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme, qui sont des Vérités naturelles, mais qui ont une connexion intime avec la foi, et que saint Thomas appelle des préambules de la foi ; — 2. pour une opinion révélée, connue par une révélation particulière ; — 3. pour une opinion non encore définie par l'Église (Benoît XIV cite l'Immaculée Conception qui était encore discutée de son temps) ; — 4. ni pour un bien ethniquement bon : conserver le secret d'un ami ; — 5. ni pour une assertion qu'on croit faussement appartenir à la révélation.
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MARTYRE.


Les faux martyrs hérétiques ou schismatiques (c.XX).

— On peut distinguer deux cas, selon que l'hérétique meurt pour défendre son hérésie, ou qu'il meurt pour un point de doctrine commun avec la vraie foi.
Le second cas est le plus intéressant, mais même alors le patient ne sera pas considéré comme martyr, car, dit Benoît XIV, même s'il meurt pour la vérité, il ne meurt pas pour la vérité proposée par la foi, puisqu'il n'a pas la foi. Durand admettait chez l'hérétique qui nie un point de foi un habitus surnaturel, mais informe de foi ; cette opinion est communément rejetée par les théologiens. Celui qui n'a pas la foi, ne peut mourir pour la foi.


Benoît XIV parle ensuite de l'hérétique invincibiliter, c'est-à-dire de celui qui est « de bonne foi » dans l'erreur ; s'il meurt pour un vrai point de foi, peut-il être considéré connue martyr ? Benoît XIV répond par une distinction importante : il le sera coram Deo, mais non coram Ecclesia.

Il le sera coram Deo, pourvu qu'il soit habituellement disposé à croire tout ce qui lui serait proposé par l'autorité légitime, car il n'est pas coupable d'après la parole de saint Jean : Si non venissem et locutus fuissem eis, peccatum non haberent, XV, 22 ; il ne le serait pas coram Ecclesia qui ne juge que de l'extérieur, et qui, constatant l'hérésie externe, en est réduite à conjecturer l'hérésie interne.

On voit combien cette distinction proposée par l'éminent canoniste peut donner satisfaction aux plus difficiles. Mais une fois qu'elle est admise pour reconnaître comme martyr coram Deo l'hérétique invincibiliter qui meurt pour défendre un point de doctrine commune avec la vérité catholique, ne faudra-t-il pas le reconnaître encore s'il meurt avec la même sincérité pour défendre une assertion erronée qu'il croit appartenir au Credo chrétien ? On voit par ces exemples combien la notion du martyre qui semble, à première vue, très claire et nettement délimitée, pose en réalité de nombreuses questions auxquelles il est difficile de répondre avec certitude.
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MARTYRE.

III. HISTOIRE DU MARTYRE. — 1° Les temps primitifs.

— 1. Cause des martyres.

— Les chrétiens vécurent durant deux siècles et demi, depuis le massacre ordonné par Néron en 64 jusqu'à l'édit de tolérance de 313, exposés à la persécution. La guerre religieuse connut cependant des accalmies. Ce fait de la persécution acharnée est d'autant plus surprenant que le Romain se montrait très tolérant et respectait les dieux des diverses nations.

Mais les chrétiens furent d'abord confondus avec les juifs et héritèrent de l'antipathie dont souffraient ceux-ci. Vers l'an 50, l'empereur Claude avait banni de Rome les juifs, iudæos impulsore Chresto assidue tumultuantes. Suétone, Claude, 25. Ce ne fut qu'une courte tempête, dans laquelle les chrétiens d'origine juive furent englobés.

Les juifs furent admis de nouveau, mais le christianisme ne bénéficia pas de la tolérance accordée au judaïsme, car il n'avait aucun caractère national, sa foi, sa morale, son culte s'adressaient à tous sans distinction de race et de nationalité. En devenant chrétien, on cessait d'être romain. Le christianisme était une menace pour le culte de l'État et son extension risquait de ruiner le paganisme officiel. Personne n'admettait alors que Rome, et avec elle l'Empire romain, pût subsister sans les dieux nationaux : ainsi s'explique que la persécution la plus acharnée provint des empereurs les meilleurs et les plus romains.

Mais si les chrétiens furent poursuivis par dérogation à la tolérance dont les Romains couvraient ordinairement toutes les religions, en vertu de quelle loi le furent-ils ? Sur ce point les historiens discutent.
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Abbé Zins
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.

Duchesne parle « des origines si obscures de la législation persécutrice.. Les origines chrétiennes, p. 115.. Certains la font remonter à Domitien vers la fin du premier siècle (Dion Cassius, Lxvii, 13: Suétone, Domitien, 10). On admet assez généralement qu'elle date de Néron, à la suite de Tertullien qui ne craint pas de l'appeler Inslitutum neronianum. Ad Nat., r, 7. Néron, ceci est assuré, prit prétexte de l'incendie de Rome pour l'attribuer aux chrétiens et en fit un affreux massacre. Tacite, Annales, xv, 44.

Certains ont pensé que les chrétiens étaient poursuivis au nom du droit commun, comme suspects de magie, de sacrilège ou lèse-majesté, ainsi Le Blant, Les persécuteurs et les martyrs, Paris, 1895; Gürres, Real encyclopaedie der christ. Altertiimer, t. 1, p. 215 ; Dartigue-Pérou, Marc-Aurèle dans ses rapports avec le christianisme, Paris, 1897.

Mais cette thèse, contraire à la tradition, est également démentie par des faits historiques ; elle est aujourd'hui abandonnée.

Mommsen, Der Religionsf revel nach ràmischem Recht, Historische Zeilschri/t, 1890, t. LXIV, p. 389-429, suivi par Ad. Harnack, art. Christenverfolgungen, dans la Realencyclopaedie de Herzog-Hauck, et Veis, Christen-cerf olgun yen, Geschichte ihrer Ursachen im Rümerreiche, Munich, 1899, a prétendu que, pendant les deux premiers siècles, les magistrats usèrent contre les chrétiens de leur droit de coercition. Les chrétiens passaient pour des sujets dangereux à cause de leur conduite, de leurs paroles et de leurs opinions. Dès lors chaque préfet ou gouverneur pouvait user contre eux d'un droit de police illimitée, appelée coercition. La coercition ne prévoyait ni forme de procès ni peine déterminée, le fonctionnaire n'était lié par aucune règle. Ceci expliquerait que la condamnation n'est ordinairement basée sur aucun autre grief que le fait d'être chrétien.

Cette thèse, on ne sait trop pourquoi, a été considérée par certains catholiques, comme diminuant la signification du martyre chrétien. Elle a été vivement combattue, et par des arguments qui ne sont pas tous d'ordre historique.

Aussi est-on revenu, dans quelques milieux, à l'ancienne tradition d'après laquelle les chrétiens furent, dès le temps de Néron, condamnés en vertu d'une loi particulière proscrivant le cluistianisme ; Christianos esse non lied. Ainsi le déclareraient Tertullien, Méliton de Sardes et Sulpice-Sévère, Chron. II, 29.. Mais ces affirmations sont ou bien tardives, ou bien imprécises ; et la question ne semble pas résolue. Intéressante au point de vue de l'histoire, elle n'a pas, au point de vue théologique, l'importance qu'on a voulu lui attribuer. Voir ci-dessus, col. 226, ce qu'en pensait déjà Benoît XIV.

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