Le doute de Saint Joseph

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Abbé Zins
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Le doute de Saint Joseph

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Revue [i]Sub Tuum Praesidium[/i], n° 4 - Juillet 1986 a écrit :
2. L’ ECHO DE LA TRADITION


Le doute de Saint Joseph



Dans toutes les questions de foi et pour toutes les vérités définies par l’Eglise comme étant révélées par Dieu, le Chorus des saints Pères et Docteurs de l’Eglise est parfait. Leurs voix chantent à l’unisson ; et leurs écrits s’accordent, se corroborent et se complètent au point que l’on puisse faire de leurs divers commentaires un seul texte suivi d’une richesse inestimable, comme l’a merveilleusement réalisé saint Thomas d’Aquin dans sa “Chaîne d’Or” sur les saints Evangiles.

C’est aussi ce que nous avons également fait très souvent dans notre ouvrage sur les Prophéties : “Consummatum est”, dont l’article présent constitue l’Annexe du Livre I.

Mais il est aussi, dans l’enseignement catholique, des points non définis où les divergences de pensées sont donc tout à fait légitimes et existent de fait, nous allons le voir, même chez les Saints Docteurs. Tel est le cas, en ce qui concerne le doute de saint Joseph.

En nous faisant l’écho des Pères, nous avons de plus imité ici la forme classique des articles de la Somme Théologique du Docteur Angélique.

Nous commencerons donc par exposer les objections opposées à la solution que nous tenons pour la bonne. Puis nous détaillerons cette solution dans le corps de l’article, avant de répondre aux objections.
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Abbé Zins
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2. L’ ECHO DE LA TRADITION


Le doute de Saint Joseph



Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?

OBJECTIONS



1. Il semble que oui. Car si Saint Joseph, qui était juste, n’avait pas jugé Marie coupable, il n’aurait pas songé à la renvoyer (v. S. J. Chrys. obj.6 in fine).
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Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?

OBJECTIONS



2. « Contra factum non fit argumentum ». Aucun argument ne tient contre les faits. Mais Saint Joseph voyant que Marie attendait un enfant et sachant que ce n'était pas de lui puisqu'ils n'avaient pas usé de leur mariage, force lui était de conclure que la cause en était dans un acte opéré avec un autre en dehors du mariage, et donc par un double péché de fornication et d'adultère.
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Abbé Zins
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2. L’ ECHO DE LA TRADITION


Le doute de Saint Joseph



Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?

OBJECTIONS



3. De plus, c'est ce que dit expressément Saint Justin (Dial. n° 78) : « Joseph, l'époux de Marie, la croyant enceinte par le commerce d'un homme, c.à.d. par fornication, reçut en vision l'ordre de ne pas renvoyer sa femme...»
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2. L’ ECHO DE LA TRADITION


Le doute de Saint Joseph



Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?

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4. Saint Augustin (Serm.16 De Verbis Domini) parle également d'un trouble et d'un doute allant jusqu'à une véritable suspicion d'adultère : « Il brûlait d'une suspicion certaine d'adultère, et cependant comme lui seul le savait, il ne voulait pas la divulguer mais la renvoyer en secret, voulant s'opposer au péché et non punir le pécheur.».

Ailleurs (serm.14 De Nativ.;10 De tempore), il écrit encore : « Il était irrésolu, disputant avec lui-même, et disant : Que ferais-je ? Je la livre ou je me tais ? Si je la livre, je ne consens pas à l'adultère mais j'encours la faute de cruauté, car je sais que selon la sentence de Moïse on devrait la lapider. Si je me tais, je consens au mal et je prends part avec les adultères. Puisque donc se taire est mal, livrer l'adultère est pire, je la répudierai de la vie conjugale.»
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2. L’ ECHO DE LA TRADITION


Le doute de Saint Joseph



Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?

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5. En outre, on peut répondre de trois manières à l'affirmation contraire de Saint Jérôme (in Mt. 1,19) : « Qui s'unit à une pécheresse devient un seul corps avec elle (I Cor. 6,16) ; et il est marqué dans la loi (Lev. 5,l) que non seulement les coupables, mais aussi les complices des crimes sont responsables de la faute (v. aussi Rom. 1,32). Comment donc Joseph, s'il cachait le crime de son épouse, serait-il dépeint comme un homme juste ? »

1̊) avec Saint Jean Chrysostome (hom. 4 in Mt.) :

« Certes, si Marie eût été telle que l'apparence le laissait supposer, non seulement elle eût mérité d'être dénoncée, mais encore d'être punie en vertu de la loi; mais Joseph ne voulut, ni la condamner, ni même la diffamer. Vous voyez là un homme d'une philosophie sublime et exempt d'une passion tyrannique. Pourtant faut-il parler d'un soupçon, quand sa grossesse paraissait prouver le fait ? Cependant, cet homme était si parfaitement exempt de cette passion qu'il ne voulut pas causer la moindre peine à la Vierge. Vivant encore sous la loi, il s'éleva au-dessus de la loi, par sa sagesse. D'ailleurs, le règne de la grâce étant proche, i1 importait de produire des témoignages d'une discipline plus élevée.»

Saint Augustin (serm. 51) exprime la même pensée : « Epoux, le trouble s'empare de lui ; mais juste, il ne sévit pas... Cet homme juste,lui, ne veut point conserver son épouse ; son affection n'a donc rien de charnel. Il ne veut pas non plus la punir : c'est l'effet d'un sentiment de miséricorde.»


2̊) avec Saint Augustin (serm. 16 De verb. Dom.) :

Distinguant le péché public du péché occulte, il montre que le péché occulte n'est pas à corriger publiquement, mais que l'on doit employer un autre remède : « Si toi seul connais que quelqu'un a péché contre toi et que tu veux l'en reprendre devant les hommes, tu n'es pas semblable à celui qui corrige mais à celui qui livre. C'est pourquoi Joseph, qui était un homme juste, quoique suspectant une telle opprobre lui venant de son épouse, l'épargne avec une grande bénignité.»

3̊) avec Saint Raban Maur (in Mt. 1,19) :

« Joseph apparut juste en voulant la renvoyer (selon Prov.18,22) ; mais également pieux, en ne voulant pas divulguer le crime.»
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Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?

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6. De plus, si saint Joseph avait compris que Marie était la Vierge, annoncée par Isaïe, qui devait enfanter miraculeusement, l'Ange n'aurait pas eu à lui dire : « Ne crains pas... car ce qui est conçu en elle est du Saint-Esprit » (Mt. 1,20). Il craignait donc bel et bien que ce qui était en Elle n'ait été conçu par adultère. C'est ce qu'expose Saint Jean Chrysostome (hom.4 in Mt.) : « En disant : « Ne crains point », l'ange laisse entendre que le juste a peur d'offenser Dieu en retenant près de lui une femme adultère ; et que sans cela, il ne songerait pas à la renvoyer.»
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Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?

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7. Enfin, si Saint Joseph n'a pas eu un tel soupçon, on se demande bien en quoi a pu consister son épreuve ; et pourquoi celle-ci est relatée par Saint Matthieu pour faire éclater avec plus de clarté la virginité de Marie ?
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Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?


S'Y OPPOSE :



Ce que rapporte saint Jérôme (in Mt.1,19) :

« Ceci est un témoignage de Marie, que Joseph, connaissant sa chasteté et admirant ce qui était arrivé, cacha sous le silence le mystère qu'il ignorait.»

Voilà donc ce qu'il faut dire. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort rapporte dans son traité de la Vraie dévotion à Marie (au n̊49) le témoignage suivant : « Saint Denys l'Aréopagite nous a laissé par écrit que, lorsqu'il vit la sainte Vierge, il l'aurait prise pour une divinité, à cause de ses charmes secrets et de sa beauté incomparable, si la foi, dans laquelle il était bien confirmé, ne lui avait appris le contraire.»

Marie, à l'image de son divin Fils que l'on a accusé d'être possédé du démon (Jn.7,20 ; 8,48,52 ; Mc. 3,22) mais contre la vertu duquel on n'a jamais élevé le moindre soupçon, Marie respirait tant la sainteté et la pureté que, quiconque La voyait, et encore plus La connaissait, ne pouvait s'imaginer le moindre mal d'une si incomparable et parfaite créature.

Mais qui La connaissait mieux et plus intimement que saint Joseph ? Qui était plus apte à pénétrer l'incommensurable grandeur et perfection de cette âme sans pareille, que celui que Dieu avait Lui-même élu comme gardien de sa virginité ?

Il connaissait de plus son voeu de virginité, l'ayant lui-même émis d'un commun accord avec son épouse (v.S.Th.IIIa.q.28,a.4). C'était précisément pour le rendre possible et le protéger qu'il avait accepté d'épouser Marie qui, selon les conceptions de l'époque, surtout parmi les femmes juives, ne pouvait rester sans se marier.

En outre, il était juste, et connaissait donc très bien la Loi et les Prophètes. Aussi, en cette période d'attente messianique, il avait tout particulièrement dans la mémoire la prédiction de la naissance virginale du Messie, donnée comme signe au roi Achaz et rapportée par Isaie (7,14). Voyant le mystère s'opérer en Marie, il comprit aussitôt qu'Elle était la Vierge annoncée, qui devait être la Mère Virginale du Messie.

Sa terrible épreuve, fut de ne pas savoir ce que Dieu attendait alors de lui : devait-il s'en séparer, devait-il La prendre chez lui ? Mais le sentiment de son indignité prévalant, il était prêt à La renvoyer en secret, quand l'Ange intervint.
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Saint Joseph a-t-il pensé que l’enfant que Marie portait en Elle était le fruit d’un péché qu’Elle aurait commis ?


S'Y OPPOSE :



Voici, en effet, la pensée d'Origène et de Saint Jérôme, résumée par Saint Thomas (in Mt.1,19) :

« Saint Joseph n'eut aucune suspicion d'adultère. Il connaissait en effet la pudicité de Marie ; il avait lu dans les Ecritures qu'une Vierge enfanterait ; il savait de plus que Marie descendait de David. Aussi il crût plus facilement que ceci s'accomplissait en Elle, plutôt qu'Elle pût être coupable de fornication. Se réputant donc indigne de cohabiter avec une telle sainteté, il voulut La renvoyer secrètement, comme saint Pierre avait dit : « Eloignez-vous de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » (Lc. 5,8). C'est pourquoi, il ne voulait pas La conduire (du verbe latin « traducere », dont c'est le premier sens ; celui de "diffamer" n'étant que le cinquième et dernier selon le "Gaffiot"), c.à.d. l 'amener chez lui et La recevoir comme épouse, s'en jugeant indigne.»

On trouve la même explication dans la Glose, citée par saint Thomas dans sa "Catena Aurea" (in Mt.1,19) : « Ou bien, comme il ne voulait pas La conduire dans sa maison pour une habitation continue, il voulait L'éloigner, c.à.d. changer le temps des noces.»

C'est ce qu'affirme également saint Rémi (in Mt.1,19) :

« Il voyait enceinte Celle qu'il savait chaste, et parce qu'il avait lu Isaïe (11,1) : « Un rameau sortira du tronc de Jessé », de qui il savait que Marie tenait son origine, et qu'il avait également lu : « Voici que la Vierge concevra » (Is. 7,14), il ne doutait pas que cette prophétie s'accomplissait en Elle.»


Saint Bernard (hom.2 sup.Missus est) en rend compte comme suit :

« Ainsi donc, Joseph, se jugeant indigne et pécheur (v. réponse ad 1), se disait en lui-même qu'Elle ne devait pas plus longtemps partager avec lui le logement familial, une telle et si noble Vierge dont l'éminente grandeur l'effrayait. Il voyait en Elle les signes évidents de la divine présence et en était bouleversé ; et parce qu'il ne pouvait pénétrer ce mystère, il inclinait à La renvoyer. Pierre fut effrayé par la grandeur de la puissance de Jésus ; le centurion fut effrayé par la majesté de sa présence ; Joseph assurément frémit aussi, comme un simple mortel, devant la nouveauté d'un si grand miracle. Vous vous étonnez de ce que Joseph se jugeât indigne d'habiter avec une Vierge devenue Mère, quand vous entendez sainte Elisabeth elle-même, qui ne peut soutenir sa présence sans être saisie de crainte et de respect ? Ne dit-elle pas, en effet : « D'où m'arrive que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » (Lc. 1,43)

Voilà donc pourquoi Joseph inclinait à La renvoyer ; mais pourquoi secrètement, et non pas ouvertement ? De crainte, sans doute, qu’on ne recherchât la cause de ce départ et qu’on ne voulût en connaître le motif. En effet, qu’eût répondu l’homme juste à un peuple à la tête dure, à un peuple incroyant et rebelle ? S’il dit ce qu’il pense et comment il a été convaincu de la pureté de Marie, est-ce que les Juifs incrédules et cruels ne vont pas aussitôt se moquer de lui, et lapider son épouse ? Comment pourraient-ils croire à la Vérité qui se tait dans le sein maternel, ceux qui, plus tard, méprisèrent sa voix dans le temple ? Que feraient-ils à celui qui ne parait pas encore, quand peu après ils portèrent des mains impies sur celui qui se révèle par d’éclatants miracles ? C’est donc à bon droit que cet homme juste, pour n’être pas exposé à mentir ou à diffamer son épouse innocente, inclinait à La renvoyer en secret.»



Quant au danger qui aurait résulté pour la Mère et l’Enfant qu’Elle portait, si cette conception miraculeuse avait été annoncée aux Juifs, voici ce qu’en dit saint Jean Chrysostome (hom.3 in Mt.)

« En effet, si les Juifs avaient été au courant du mystère, ils l’auraient interprété malignement et auraient lapidé la Vierge sous l’accusation d’adultère... S’ils s’obstinaient à appeler Jésus le fils de Joseph, alors qu’il faisait tant de miracles, auraient-ils consenti à le croire né d’une vierge avant ses miracles ?. . . Enfin, si l’on avait eu quelque soupçon du mystère, on n’aurait pas tenu le Christ pour fils de David, et cette incrédulité aurait entraîné de fâcheuses conséquences.»
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