Les Oblats de Marie-Immaculée chez les Esquimeaux

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Abbé Zins
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INUK "Au dos de la terre ! "

par le R.P. ROGER BULIARD, O.M.I.



CHAPITRE IV


VICTORIA

EXPLORATION — ESSAIS



Certain matin, j'aperçus dehors, sur la neige, une caissette autour de laquelle la marmaille dansait ; c'était à qui sauterait par-dessus !

Intrigué, je demandai : — Qu'y a-t-il dans cette boîte ? — Oh ! c'est l'enfant de Siksik qui vient de mourir ! ».. Sans rien me dire ils l'avaient laissé expirer dans l'iglu proche du mien de peur que je ne le baptise ! — Dieu leur pardonne !

Je prenais ma revanche le surlendemain en baptisant un autre bébé à Pemmican Point.

Le soir du 4 mai, j'étais de retour chez moi... Curieux « chez moi » où j'avais été en tout et pour tout trente jours en quatre mois !

Depuis janvier, en comptant les randonnées de pêche et de chasse, j'avais parcouru 3 000 km environ à visiter tous les camps de la région, à dénombrer les populations, à me renseigner sur les ressources des lieux.

Mort de fatigue, je flanquai tout ce qui me restait de combustible dans mon fourneau d'emprunt pour essayer de réchauffer mon iglu et de tirer de mes membres et de mes os le froid et la lassitude de ces mois de vagabondage, puis je m'allongeai aussitôt dans mon lit sans souper.

Le matin, au réveil, une odeur suspecte me surprit. Réalisant soudain le désastre, je ne fis qu'un bond !... Trop tard !

Mon vin de messe gisait sur le plancher ! Au cours du voyage, il avait gelé et fait craquer les bouteilles trop remplies ; mon brave feu avait fait le reste ! Pour moi, j'en restai à chercher un laïque pour dire quelque chose d'approprié.
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Abbé Zins
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CHAPITRE IV


VICTORIA

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Durant ce printemps et l'été, il me faudrait me rationner sur tout, même pour la Sainte Messe.

Les dimanches seulement, nous pouvions nous offrir la Messe, du sucre et du café.

Les autres jours, nous chassions le phoque, mangions .du phoque, plus tard des oeufs de mouette et les mouettes elles-mêmes. Nous n'eûmes faim que pendant la débâcle des glaces qui s'éternisa cette année-là.

Aussi je relève sur mon calendrier :

6 juillet. — Plus rien à manger, sinon de la viande sèche de phoque qui se fait extrêmement rare. A mesure que la neige libère le sol nous fouillons entre les pierres, cherchant ce que les chiens ont pu laisser tomber de leurs gueules durant l'hiver. Quelquefois ces morceaux bien habités courent aussi vite que nous.

8 juillet. — Avons essayé quelques filets sans rien prendre ; digestion de plus en plus facile !

11 juillet. — Enfin, deux poissons et trois canards dans les rets. Nous rentrons immédiatement, les faisons cuire à moitié et les dévorons sans reprendre notre souffle et sans égard pour nos estomacs passablement délabrés.
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Abbé Zins
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Fin juillet, grande décision ! Trois Esquimaux et moi, décidons de traverser l'Océan Glacial dans un schooner que nous allons fréter pour tenter de gagner Tuktukyatuk, 2 000 km au Sud-Ouest, et nous ravitailler.

Dès le départ, les glaces nous étranglent et nous bousculent tant de fois, nous descendons tant de fois sur la glace pour pousser à coups d'épaules notre bateau ou lui ouvrir un passage, que je ne saurais plus dire combien de jours nous avons erré sans véritablement progresser, emportés par les glaces qui nous enserrent.

Enfin, nous réussissons à sortir des champs de glace, et, comme dans un chenal, nous nous glissons le long de Minto Inlet, Walker Bay, Ramsay Island, gagnons la Terre de Banks pour aboutir en suivant le littoral jusqu'à Nelson Head où nous sommes de nouveau bloqués.

Deux jours plus tard, nous nous échappons pour accoster Baillie-Island après une interminable et hasardeuse traversée dans les glaces et le brouillard.

Durant ces quinze jours de pénible navigation, nous avions été au régime de morceaux de poissons secs, noyés dans de la graisse de phoque à l'odeur repoussante.

Aussi, à Baillie, quel festin au café, au pain, au beurre et à la confiture ! Mes Esquimaux se traînent difficilement jusqu'au schooner quand il s'agit de lever l'encre pour Tuktuk.
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Abbé Zins
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En pleine mer, nous apercevons une voile ; j'identifie immédiatement le N.-D.-de-Lourdes qui nous remarque aussi, car il s'approche à toute vapeur. Je me cache au fond du bateau.

Peu après, j'entendais la grosse voix de Mgr Fallaize : « — Quelqu'un de vous a-t-il vu le P. Buliard ? Savez-vous où il est ?... »

Les Esquimaux, auxquels j'avais bien dicté leur rôle, répondent qu'ils ne m'ont jamais vu ! « Disparu, commenta Mgr Fallaize — ah, celui-là, on l'avait bien averti pourtant, mais on ne pouvait rien lui dire !... Toujours à foncer ! Et voilà... » ...

Le temps que je sorte de mon repaire pour remercier l'évêque de cette touchante oraison funèbre et les quatre bras nerveux de Monseigneur et du Père m'empoignaient comme un sac de patates pour me transporter sur le N.-D.-de-Lourdes où l'on m'embrassa comme un revenant, car on commençait à nourrir quelques inquiétudes à mon sujet.

Comme ma mine n'a rien de florissante, Monseigneur m'entraîne tout de suite à la cuisine où je suis soigné tel l'Enfant Prodigue ; il va dénicher une précieuse bouteille de sa Normandie, « du calvados authentique » m'assure-t-il : « — Mon gars, vous avez bien mérité une bonne goutte, et la voilà ! »

En avalant bravement ma grosse ration, je ne sus, pendant quelques secondes, si je devais rire ou pleurer pour la quantité et la qualité du cordial, plus encore pour la chaleur de cet accueil paternel : la transition était trop brusque vraiment après ma longue solitude !
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Abbé Zins
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« — Quels sont les plans ? » Ce fut, si j'ai bonne mémoire, ma première question.

Mgr Fallaize me répondit que, pour plusieurs raisons, il n'avait pas été possible d'acheminer ce coup-ci tout l'équipement d'une nouvelle fondation, ajoutant que Mgr Breynat me laissait pourtant libre de poursuivre l'oeuvre commencée.

La perspective d'une année supplémentaire de « brousse » n'était pas pour me déplaire, d'autant que j'avais de quoi être retapé à neuf comme vous l'allez voir.

Comme stimulant, il y avait d'abord une lettre de mon évêque :

« Continuez, me disait-il, à être généreux au milieu des sacrifices et des privations que vous impose l'établissement de cette Mission consacrée au Christ-Roi ; c'est un grand honneur qui vous est échu d'avoir été choisi pour étendre Son Règne d'amour jusqu'aux extrémités du monde habité. Il faut y mettre le prix !... »

« Continuez ! »... et comment !

J'exprimai mon bonheur à Mgr Fallaize qui me regardait avec envie.

« — Ah ! comme je donnerais ma croix pectorale et tout mon violet pour être à votre place ! ... Et voyez un peu ce que je suis chargé de vous remettre en récompense de la part du Saint-Père lui-même ! »

C'était un superbe calice, au pied duquel se lisaient ces mots : Pie Xl, Pape, Vicaire du Christ, au Héraut du Christ de la Mission du Christ-Roi.

Une petite carte blanche accompagnait cet inappréciable cadeau : « De la part du Saint-Père, avec sa Bénédiction Apostolique.»

Je restai, là, muet, les larmes aux yeux, bouche bée, sans comprendre.
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Abbé Zins
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Voici comment ce calice me fut offert.

Mgr Breynat était aux pieds du Souverain Pontife :

« — Très Saint-Père, lui disait-il, nous avons enfin l'espoir d'établir une Mission aux frontières extrêmes du Vicariat. Elle sera le foyer d'évangélisation de ce qu'il nous reste d'Esquimaux à convertir et nous envisageons de lui donner le titre de Mission du Christ-Roi.»

A ces mots, le visage de l'auguste vieillard s'illumina d'un sourire :

« — Oh ! oui, s'exclama-t-il, qu'Il règne là-haut comme il faut qu'Il règne partout ! Nous aussi, Nous voulons contribuer à votre oeuvre. Nous vous donnerons un calice pour cette Mission après l'avoir utilisé Nous-mêmes le jour de la prochaine Fête-Dieu ; ainsi le missionnaire offrira le Saint-Sacrifice en Notre nom dans ces régions extrêmes pour l'extension du règne du Christ jusqu'aux extrémités du monde ! »
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Tout feu et flamme de nouveau, rajeuni et fortifié par ce mandat précis et cette bénédiction de Sa Sainteté, je décidai, puisqu'une fondation définitive n'était pas encore réalisable, de porter ailleurs mes pénates et de me fixer, pour un an, plus au nord, dans Minto Inlet où j'avais d'ailleurs des catéchumènes à instruire.

J'écrivis immédiatement à Mgr Breynat à la date du 1er septembre :

« Nous partons demain ou après-demain. Le nouveau poste, toujours aussi pauvre et misérable, s'établira plus haut que l'an passé. Pour le moment, c'est une Mission qui a plutôt l'air d'un camp volant ; ce qui n'empêche qu'elle existe depuis plus de huit mois, et qu'elle compte déjà plusieurs baptisés et de vaillants catéchumènes.

Tout sera fait pour conquérir ces habitants des 70, 71 et 72° degrés et les donner au Christ-Roi ! »

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Ayant simplement exprimé le désir que l'on transportât ma chétive demeure d'Uyaraktok à Minto, le P. Binamé reçut l'ordre de m'y conduire et de m'aider à m'installer.

Cinq jours plus tard, après quelques heures d'arrêt à Uyaraktok, nous arrivions à Minto le 8 septembre, Nativité de la Vierge : une belle fête pour entamer une besogne pareille !

J'y célébrai aussitôt la messe avec le calice du Pape Pie XI et à ses intentions.

Et l'on se mit illico à poser les fondations, le plancher et la charpente... C'est alors que le P. Binamé me glissa confidentiellement dans l'oreille qu'il ne demandait pas mieux que de me seconder dans ma tâche de charpentier, mais que ce métier requérait ordinairement... du bois : il ne restait plus hélas ! qu'un petit tas lamentable de planches inégales !

Mais la saison était déjà trop avancée ; il neigeait ; nous devions nous quitter.

Le 12 septembre, le N.-D.-de-Lourdes, voiles au vent, prit son essor dans l'aube montante, s'éloigna et disparut ! ... — Enfin seul ! me dis-je, en m'efforçant de sourire et allant dire ma messe sous ma petite tente.

Deux ou trois jours plus tard, j'avais achevé ma maison de toile.

A part le fourneau, tout y reflétait le dénûment d'Uyaraktok avec cette différence pourtant que je me réservais une encoignure d'1,50 m sur 1 m pour un oratoire fermé par un rideau ; mon palais mesurait en tout 6 m sur 4 m.
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Abbé Zins
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24 septembre. — Pendant que je continue de procéder à mon organisation matérielle, je commence soudainement mon apostolat par un coup de bourse. Une famille protestante offrait en effet à Tom Karzguak une fillette à adopter, moyennant une modeste rétribution ; mais comment la nourrir ?...

Possédant une caisse de lait condensé, je l'offre pour le bébé à condition que l'adoption soit entière et définitive. Une heure plus tard, Tom revenait avec la petite sur les bras. Je la baptisai sur-le-champ et l'appelai Simone, à la française...

Voici une catholique qui ne m'aura coûté qu'une paire de pantalons, du sucre et vingt-cinq livres de farine qui furent livrés au père réel, en plus de la caisse de lait octroyée au père adoptif ! Le café sans lait n'est pas moins bon, pardi !


29 septembre. — En cet anniversaire de ma prise d'habit et de ma première oblation, je consacre une petite hostie que je dépose dans un minuscule ciboire, aussi peu luxueux que mon tabernacle qui est une boîte de cartouches.

Merci à Notre-Seigneur qui consent à résider dans cette pauvreté !

Je suis radieux maintenant ; sans Lui, tout l'an passé, j'étais vraiment trop seul et ce vide était trop triste ; avec Lui, j'ai conscience que ma baraque est une Mission.

Aucune lampe ne veille devant le Saint-Sacrement, mais je sais que nous en sommes dispensés !

L'autel est une simple table, les chandeliers n'existent pas non plus ; le précieux Sang gèlera souvent dans le calice ; mais, de toutes les belles églises et précieuses chapelles que j'ai pu voir, celle de Minto restera ma préférée.
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4 octobre. — J'inscris cinq nouveaux catéchumènes, mais cela ne va pas sans protestation. Au milieu de mon allocution, j'aperçois deux lurons qui se moquent ouvertement de mon nez et parodient les cérémonies ; je leur décoche une de ces diatribes qui les fait s'aplatir sous les bancs.

Quelle vie ! l'autre soir c'était un couple voisin qui se chamaillait ; de mon lit, j'entendais pleuvoir des coups de trique soulignés par des hurlements. Pour finir, la querelle conjugale se résolut en bousculade et fuite éperdue.

Tandis que mon sauvage poursuivait sa compagne dans tous les angles du plateau, le poupon, resté seul et gelant sans doute, se mit à brailler de belle façon. Je m'en fus le recueillir pour l'emporter chez moi, bien embarrassé, je l'avoue ; je réussis cependant à trouver quelque chose à lui faire sucer et passai une partie de la nuit à dorloter le marmot comme un précieux bibelot de porcelaine ; je devais certainement avoir l'air très intelligent !

Ma bande d'Esquimaux, qui sont très primitifs, n'a vu des Blancs qu'en courant et est restée à l'état de nature... et de quelle nature ! Fieffés menteurs et voleurs, ils me pillent régulièrement et, je le concède, non sans une certaine finesse. A quoi bon chercher les coupables ? Il faudrait tous les pendre.

Il y a parmi eux plusieurs meurtriers, mais ce ne sont pas les pires. Ils sont d'une saleté repoussante plus encore au moral qu'au physique et ils tiennent devant moi des conversations abjectes dont ils ne se rendent même pas compte.

Je n'ai jamais rencontré d'Esquimaux ayant tant de poux ; ils s'en régalent, ayant comme principe que s puisqu'ils les mordent, ils doivent aussi être mordus ! Ils en remplissent généralement ma maison. Toutes les nuits, il me faut exécuter des chasses homériques ; à portée de mon oreiller, j'ai un petit bâton pour les pourchasser dans mon dos ; j'ai beau en tuer, le lendemain, les visiteurs font la relève des morts par de plus vivants et de plus affamés !

Durant mes sermons, j'assiste à un vrai cinéma. Une de ces dames se débraille à fond pour allaiter à la fois deux de ses rejetons ; une autre est munie d'une petite boîte en fer où sa marmaille se soulage en musique à tour de rôle ; en me regardant d'un oeil, de l'autre sa voisine traque avec ardeur et succès les parasites de la tignasse de son gosse et les croque d'un coup sec que je crois entendre, avec un air de béatitude que je n'arrive pas à apprécier !

Au surplus, si je dis quelque vérité qui leur plaît, ils approuvent vigoureusement de la tête et me récompensent d'un : Ah ! » non moins énergique.

Un suisse y userait en vain les deux mètres de sa hallebarde ! Aussi je laisse faire, tâchant d'apporter autant d'attention à suivre le fil de mon discours que ma paroissienne toute proche à pister son pou sur le crâne de sa progéniture ; au vrai, je confesse qu'en secret, mais chaleureusement j'applaudis un peu à chacune de ses captures : c'est toujours un insecte de moins qui restera sur mon plancher en attendant de grimper sur moi ! ..

Un jour viendra où je résoudrai ce problème, comme beaucoup `d'autres de notre vie mouvementée, en gardant au pied de mon lit un de mes chiens qui moissonnera radicalement toute cette vermine, celle-ci — tant pis pour mon amour-propre ! — préférant immanquablement la viande du molosse à la mienne.

Bref, j'avais toujours rêvé de rencontrer des primitifs ; je suis servi sur le plat !

... C'est ainsi que passèrent vite mes premiers mois : trois semaines de pêche sur le lac, de multiples tournées de chasse avec ma bande sur terre, toutes mes soirées au logis à recevoir les visiteurs et à instruire mes catéchumènes ; de temps en temps, un voyage dans un camp ou l'autre, un peu dans toutes les directions, à la recherche d'âmes de bonne volonté.

Solitaire, mais heureux !
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