Le Très Saint Nom de Marie

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Laetitia
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Le Très Saint Nom de Marie

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Tiré des œuvres de Saint Jean Eudes, édition de 1907, tome 5 : L'Enfance admirable de la très Sainte Mère de Dieu.
Extrait de l'introduction de l'éditeur de cet ouvrage.

 [...]La dévotion au saint Nom de Marie n'occupe pas moins de cinq chapitres de l'Enfance admirable. Dans les deux premiers, le P. Eudes reprend, en y en ajoutant une nouvelle, les seize interprétations qu'il avait données précédemment du Nom de Marie. Seulement, il les range dans un ordre nouveau, les développe davantage et les fait suivre d'élévations très pieuses, qui enlèvent à cet exposé sa sécheresse primitive.
Dans les deux chapitres suivants, le Vénérable s'étend complaisamment sur l'excellence et la vertu du Nom de Marie, ce qui lui fournit une nouvelle occasion de célébrer les grandeurs de la sainte Vierge, et notamment la prédilection dont elle est l'objet de la part du Père éternel, et les bienfaits qu'elle répand sur la terre. Le dernier chapitre roule principalement sur les moyens à employer pour honorer le Nom de Marie. Le P. Eudes en recommande huit, dont les principaux sont l'invocation fréquente de ce Nom béni, la célébration de la fête établie en son honneur, et la récitation du Benedictum sit.
 Saint Jean Eudes a écrit :
CHAPITRE XVII.- Le septième Mystère de le sainte Enfance de la bienheureuse Vierge, qui est le très saint Nom de Marie.

C'est une maxime infaillible, dit Albert le Grand (1), et tous les autres saints Docteurs en demeurent d'accord, que non seulement toutes les faveurs dont Dieu a honoré ses Saints ont été accordées à la Reine de tous les Saints, et que la Mère n'a pas été moins privilégiée que les serviteurs; mais que tout ce qui peut contribuer à sa gloire lui a été donné avec autant d'excellence par-dessus tous les habitants du ciel, qu'elle les surpasse en dignité et en sainteté. C'est pourquoi, si le nom du patriarche Isaac a été révélé par un Ange à son père Abraham, et si le nom de saint Jean-Baptiste a été annoncé par un messager du paradis à son père Zacharie et à sa mère sainte Élizabeth, on ne doit pas douter que le sacro saint Nom de Marie ne soit venu du ciel, dont il a été apporté par le bienheureux Archange saint Gabriel, qui a toujours été employé dans toutes les choses qui appartiennent au mystère adorable de l'Incarnation, lequel s'est accompli dans les sacrées entrailles de la divine Marie. Ç'a été par un ordre exprès de la très sainte Trinité, que ce glorieux Archange a été envoyé du ciel à saint Joachim et à sainte Anne, pour leur déclarer que sa divine Majesté leur voulait donner une Fille, et que son nom serait Marie, qui ensuite lui fut imposé, quelques jours après sa naissance, par le même saint Joachim, selon le commandement qu'il en avait reçu de la part de Dieu par la bouche de l'Ange.

C'est le sentiment de saint Jérôme (2) , de saint Jean Damascène (3) , de saint André de Jérusalem (4), et de plusieurs autres saints Docteurs. D'où il faut inférer que ce saint Nom de Marie étant venu du ciel, et par l'ordre du souverain Monarque du ciel et de la terre, il est sorti par conséquent du Cœur adorable de la très sainte Trinité, et a été tiré du trésor de la Divinité : De thesauro Divinitatis, dit saint Pierre Damien, Maria Nomen evolvitur (5) .

L'homme s'étant perdu misérablement, et le Père des miséricordes cherchant le moyen de le sauver, voilà le Nom de Marie qui paraît dans les trésors de sa divine sagesse, et qui se présente aux yeux de son infinie bonté, à la vue duquel ce Dieu de toute consolation fait un décret, dans son divin conseil, que ce grand œuvre de la rédemption des hommes et de la réparation du monde se fera par Marie, en Marie, de Marie et avec Marie; afin que, comme rien n'a été fait sans le Verbe incarné, rien ne soit réparé sans la Mère du Verbe incarné.
C'est à peu près le discours de ce saint Cardinal, qui nous fait voir que le sacré Nom de Marie est sorti du trésor de la divine Charité, où il était cachée de toute éternité .

Après cela, il ne faut pas s'étonner si ce précieux Nom contient en soi toutes les merveilles que nous allons voir dans les chapitres suivants.

(1) In Bibl. B. Mar. ad cap. 1 Cant.
(2) De . Nat. Virg.
(3) Orat. 2 de Nat. B. Virg.
(4) Orat. in Salut. Ang.
(5) De. Annunt.
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CHAPITRE XVIII. Dix-sept interprétations du Saint Nom de Marie, tirées, par les saints Pères et par quelques Docteurs signalés, de son étymologie hébraïque, syriaque, grecque et latine (1).

La première interprétation du saint Nom de Marie est de saint Ambroise, qui dit (2), que Maria signifie Deus ex genere meo : « Dieu né de ma race ». Ce qui donne à entendre que Dieu ayant pris naissance de la très noble race de Marie, fille de Joachim et d'Anne, il s'ensuit qu'il y a une Mère de Dieu dans cette race royale. Or, cette Mère ne peut être autre que cette bienheureuse Marie, parce que la Mère de Dieu doit être Vierge : Ecce Virgo concipiet, et pariet (3) ; et cette divine Marie est Vierge, et la Reine des vierges, et la première qui a fait vœu de virginité, dont Dieu soit loué et glorifié éternellement.

La seconde interprétation est de saint Jérôme (4), de saint Athanase (5), de saint Anselme (6) et de plusieurs autres, qui nous apprennent que Maria veut dire : Domina maris: « Dame de la mer »; ce qui marque la grande puissance de la bienheureuse Vierge. « Le Fils et la Mère n'ont qu'une même puissance, dit Richard de Saint-Laurent. Le Fils étant tout-puissant, rend la Mère toute-puissante » : Eadem potestas Matris et Filii, quae ab omnipotente omnipotens est effecta (7).

O Marie, soyez véritablement notre Marie, c'est-à-dire, soyez notre Dame souveraine et absolue : Dominare in medio inimicorum tuorum (8) . Établissez votre domination et votre règne au milieu de nos âmes, malgré tous vos ennemis, qui sont notre propre volonté, notre amour-propre, notre propre esprit et toutes nos passions déréglées. Soyez la Reine de nos cœurs, pour les conduire et les régir en toutes choses, selon la volonté de votre Fils.

La troisième interprétation est de saint Éphrem (9) , de saint Épiphane (10) et de saint Thomas (11), qui nous enseignent que Maria porte dans sa signification, illuminata, illuminatrix, illuminans, « illuminée, illuminatrice, illuminante».

O Marie, soyez-nous Marie, soyez notre soleil, éclairez nos ténèbres. Ne permettez pas que nous nous endormions dans la mort du péché, mais faites que nous connaissions son horreur pour le haïr et le fuir, que nous connaissions Dieu pour le craindre et l'aimer, que nous connaissions le monde pour le mépriser, et que nous nous connaissions nous-mêmes pour nous humilier.

(1) On a beaucoup écrit sur le saint Nom de Marie. L'ouvrage le plus récent et le plus complet est celui de Bardenhewer, Der Name Maria, 1895. Il indique jusqu'à soixante-sept significations ou interprétations de ce Nom béni dans les diverses langues orientales. Celles que donne ici le V. P. Eudes sont les plus communes et les plus plausibles.
(2) Lib. de Inst. Virg. Cap. 5.
(3) Isa. VII, 14.
(4) Lib. de Nom. Hebr.
(5) In Ev. de S. Deip.
(6) De Exc. Virg. Cap. 9.
(7) De Laud. B. V. Lib. 4.
(8) Psal. CIX, 2.
(9) Orat. de Laud. Virg.
(10) Sermo de Laud. Virg.
(11) Opusc. 8.
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La quatrième interprétation est des mêmes saints Éphrem, Épiphane et autres que je viens d'alléguer, qui disent que Maria et lumen Dei, c'est-à-dire « lumière de Dieu », c'est la même chose.

O Marie, lumière de Dieu, lumière qui êtes une très excellente participation de la Lumière essentielle, lumière qui êtes la Mère de la Lumière éternelle, soyez la lumière de nos esprits, et ayez pitié de tant de misérables aveugles qui se précipitent dans les horribles ténèbres du péché et de l'enfer.

La cinquième interprétation est d'un saint abbé de Saint-Évron, au diocèse de Lisieux, en Normandie, qui, par humilité, s'est nommé l'Idiot, mais dont le vrai nom est Raymond Jourdain (1) , qui dit que Maria signifie Doctrix, Magistra maris, populi (2) , celle que Dieu a mise au monde pour enseigner les hommes, pour être la maîtresse des peuples, désignés par les eaux de la mer: Magistra gentium, dit saint Augustin (3) , afin de leur apprendre la science des Saints, la science du salut et la doctrine du ciel, non seulement par son exemple, mais aussi par ses paroles : ce qu'elle a fait même au regard des Apôtres, après l'Ascension de son Fils. À raison de quoi elle est appelée par un Ange, chez sainte Brigitte, la Maîtresse des Apôtres (4) »; et par saint Augustin et par saint Chrysostome, la « Maîtresse de la piété et de la vérité (5) »; et par le dévot abbé Rupert, la « Maîtresse de la religion et de la foi, (6) et la Maîtresse des maîtres (7) »; et par le pieux abbé Blosius, la « Maîtresse des Évangélistes (8) ,»; et par saint Grégoire le Grand, la « Maîtresse de tous les Docteurs (9) »; et par Richard de Saint-Laurent, la « Bouche de l'Église, Os Ecclesiae; et par toute l'Église, « la Reine des Apôtres et la Reine des Évangélistes. »

O divine Maîtresse, bienheureux ceux qui étudient en votre école ! Oh ! que je sois du nombre de vos disciples, et que j'apprenne à vos pieds la philosophie des enfants de Dieu, et la théologie du paradis !

(1) C'est par erreur que le V. P. Eudes désigne ici le pieux Raymond Jourdain comme abbé de saint-Evron, ou plutôt Saint-Évroul au diocèse de Lisieux. Théophile Raynaud, qui a publié ses œuvres, affirme qu'il fut prévot d'Uzès en 1381, et plus tard abbé de Celles dans le diocèse de Bourges. Le P. Eudes a reconnu lui-même son erreur; car dans le Coeur admirable, il donne toujours le titre d'abbé de Celles au savant Idiot.
(2) Lib. de Cont. B. Virg,. Cap. 5.
(3) Sermo 6. de Temp.
(4) « Magistra Apostolorum. » Sermo. angel. cap. 19.
(5) « Magistra pietatis, religionis. » In Hor. ani. Cette référence, que nous retrouverons plusieurs fois, est l'indication d'un ouvrage qui a pour titre : Hortulus animae suavissimis floribus refertus, composé par Christophe Ischirius, et imprimé à Louvain en 1551. Le P. Eudes y a puisé plusieurs citations de Pères de l'Église, et spécialement de saint Jean Chrysostome.
(6) « Magistra religionis et fidei.» In Cant. Lib. 5.
(7) « Magistra magistrorum. » Ibid. Lib. 4.
(8) « Magistra Evangelistarum. »In 1 Prec.
(9) « Magistra Doctorum.» Homil. in Ev.
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La sixième interprétation est d'un excellent auteur appelé Angelus Caninius (1), qui nous assure que Maria veut dire exaltata, eminens, sublimis, excelsa, « exaltée, éminente, sublime, élevée »; ce qui exprime la hauteur incroyable de sa dignité, de sa sainteté, de sa puissance et de sa gloire, qui est si haute qu'il n'y a rien au-dessus d'elle que Dieu seul, duquel elle est très proche : Deo proxima, dit saint Thomas; et que tout ce qui n'est point Dieu est presque infiniment au-dessous d'elle.
Grâces infinies et éternelles soient rendues à celui qui l'a faite et si grande et si admirable !

La septième interprétation est du Révérend Père Adrianus Lyraus, de la Compagnie de Jésus, qui a fait un excellent livre sur le saint Nom de Marie, intitulé: Trisagion, Marianum (2) , là où il nous apprend que Maria, selon l'étymologie hébraïque, ne signifie pas seulement sublimis, excelsa, « sublime et relevée » (ce qui marque la grandeur de la Mère de Dieu); mais qu'il veut dire aussi stilla, vel gutta maris, « une goutte d'eau de la mer »; ce qui désigne sa très profonde humilité. Et certainement ces deux choses sont bien jointes ensemble; car c'est votre humilité, ô Reine du ciel, qui vous a élevée à la dignité suprême de Mère de Dieu. Vous êtes regardée et traitée comme la dernière de toutes les créatures, et Dieu, qui exalte ceux qui s'humilient, vous a donné la première place de son empire. Vous vous êtes abaissée au-dessous de toutes choses, et il vous a élevée au-dessus de toutes les pures créatures.
O très humble Vierge, rendez-vous participants de votre humilité; faites que nous détestions l'orgueil et la vanité, et que nous aimions l'humiliation en tout lieu, en tout temps et en toutes choses, selon ce divin commandement : Humilia te in omnibus (3) ; non pas afin d'être exaltés et glorifié ensuite, mais afin que Dieu soit glorifié et exalté en nous. Car celui qui s'exalte abaisse Dieu, et celui qui s'abaisse exalte Dieu.

La huitième interprétation est de Rutilius Bonzonius (4) qui a été évêque de Lorette, et de plusieurs autres, qui nous déclarent que Maria signifie Dei imitatrix, l'imitatrice de Dieu par excellence ,»; car il ne s'est jamais vu et il ne se verra jamais aucune créature qui ait imité son Dieu si parfaitement dans ses adorables perfections, comme notre incomparable Marie. C'est pourquoi saint Chrysostome dit que c'est un abîme des immenses perfections de Dieu : Abyssus immensarum Dei perfectionum (5) ; et saint André de Crète, que c'est un abrégé des incompréhensibles perfections de la Divinité : Compendium incomprehensibilium perfectionum Dei (6) .

O ma divine Mère, je désire de tout mon coeur porter en moi l'image de vos rares vertus, par une soigneuse imitation, comme vous portez l'image des perfections de votre Père céleste. Obtenez-m'en la grâce, s'il vous plaît, et anéantissez en moi tout ce qui y peut mettre empêchement.

La neuvième interprétation est de Canisius (7) , de la Compagnie de Jésus, et d'autres auteurs, qui assurent que Maria signifie : Pluvia temporanea maris, « pluie de la mer, qui vient au temps et en la saison convenable »; ce qui nous fait voir que la sacrée Vierge est notre consolation dans les afflictions de cet exil, parmi les périls de la mer orageuse de ce monde. Car elle est comme une douce pluie qui tempère les ardeurs du feu de la tribulation, et qui adoucit, au temps et en la manière qui est convenable, les amertumes des misères de cette vallée de larmes, et qui, arrosant la terre de nos cœurs, la rend fertile et abondante en fleurs et en fruits de bons désirs et de saintes actions.

O sainte et sacrée pluie, venez fondre dans nos âmes et sur nos cœurs ; éteignez-y tout autre feu que celui que notre Sauveur est venu allumer en la terre, et les noyez dans les torrents sacrés de vos divines eaux.

(1) Angelus Caninius Anglarensis. Institutiones linguae Syriacae, Assyriacae atque Thalmudicae una cum Aetiopica atque Arabicae collatione; in 4, Parisiis. 1554.
(2) Adrien de Lyère, S. J. Trisagion Marianum, seu trium mundi ordinum cultus; in fo. Anvers, 1648. Lib. I, Hono. 21, Modul. 6.
(3) Eccl;. III, 20.
(4) Lib. 2 sup. Magn. cap, 22, 65.
(5) In Hon.ani. Voir ci dessus, page 210, note 5.
(6) Orat, de Assumpt.
(7) Lib. 1, cap. 1.
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CHAPITRE XIX. Continuation du même sujet.

La dixième interprétation du Nom de Marie est de saint Pierre Chrysologue, qui nous enseigne (1) que Maria veut dire mare, vel maria, « la mer, ou les mers ». Ce qui donne à entendre que, comme Dieu ayant assemblé toutes les eaux en un lieu, les a appelées Maria; aussi ayant mis toutes les grâces dans la bienheureuse Vierge, il l'a nommée Maria, pour nous faire connaître que c'est « un océan et un abîme de grâces »: Abyssus gratiae, dit saint Jean Damascène (2) ;« une mer immense de miséricordes » dit saint Chrysostome: Mare spatiosum misericordiarum (3) ; « une mer dans laquelle le véritable Pharaon a été englouti et noyé », comme on le chante dans les hymnes grecs (4).

Ô grande mer, qui fera que vos eaux se débordent sur toute la terre, pour faire un second déluge qui abîme tous les Pharaons dont elle est aujourd'hui toute couverte ? Mais qui me donnera que je sois plongé dans vos abîmes, non pas comme un Pharaon, mais comme une petite goutte d'eau qui soit toute perdue avec vous dans la mer du divin amour, et qui ne se retrouve jamais en elle-même ?

La onzième interprétation est de saint Jean Damascène (5) et d'Albert le Grand (6), qui nous apprennent que Maria signifie : amarum mare, « une mer amère ». Pourquoi est-ce que la très précieuse Vierge, qui est un océan de douceur et de bénignité, est appelée une mer amère ? C'est pour nous représenter, premièrement, qu'elle a été toute plongée dans une mer de fiel et d'amertumes au temps de la Passion de son Fils : Magna est velut mare contritio tua (7). Secondement, qu'étant pleine de miséricorde vers les hommes, elle est remplie de rigueur et d'amertume vers les démons. Comme la mer Rouge, dit saint Bonaventure, a été très amère et très formidable aux Égyptiens qui y ont été engloutis, ainsi Marie est pleine d'amertume et de terreur pour les démons (8). Car la pieuse et humble invocation du saint Nom de Marie découvre leurs embûches et leurs pièges, dissipe leurs tentations, renverse leurs desseins, détruit leur ouvrage, brise les chaînes des âmes qu'ils tiennent captives, et les arrache de leurs griffes. En un mot, la prononciation du seul Nom de Marie fait trembler tout l'enfer et met en fuite et en déroute toutes les puissances infernales : Terribilis ut castrorum acies ordinata (9) .

Oh ! que nous sommes lâches, que nous sommes coupables de nous laisser vaincre à ces cruels ennemis de nos âmes, vu que, d'un côté, ils sont très faibles, et que, d'autre part, Dieu nous a donné des armes si puissantes pour les combattre. Ayez toujours le sacro-saint Nom de Marie dans le cœur, et souvent dans la bouche, et vous serez plus redoutable à tout l'enfer, qu'une armée bien rangée, bien aguerrie et bien conduite n'est formidable à une petite troupe de faibles ennemis.

(1) Serm 146.
(2) Orat. 2 de Ass.
(3) In Hor. ant.
(4) Hymn. grec. apud Buteon., p. 122.
(5) Lib. 4, cap. 15.
(6) In cap. I Luc.
(7) Thren. Il, 13.
(8) « Quemadmodum mare rubrum amarum fuit Agyptiis in ipso submersis..., o quam amara et timenda est haec Mariae daemonibus !» In Spec. B. Virg., lect. 3.
(9) Cant. VI, 9.
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La douzième interprétation est de saint Jérôme (1) et de saint Épiphane (2) , qui nous annoncent que Maria veut dire autant que myrrha maris, « myrrhe de la mer ». Mais que veut dire cela ? Y a-t-il de la myrrhe dans la mer ? Qu'est-ce que la myrrhe de la mer ? Plusieurs célèbres auteurs disent que c'est une pierre précieuse qui se trouve dans la mer, qui s'appelle myrrhe, parce qu'elle a l'odeur de la myrrhe, et qu'on en faisait autrefois des tasses ou des coupes à boire, qui étaient de plus grand prix que des coupes d'or.

Or, qu'est-ce que ceci nous représente dans notre admirable Marie, sinon que c'est la très précieuse coupe du grand Roi, dans laquelle elle lui a présenté un nectar si délicieux, compose du vin de son amour et de sa charité, et du miel de sa douceur et de son humilité; qu'elle l'a saintement enivré, et de telle sorte, qu'oubliant toutes les grandeurs de sa divinité, il s'est plongé dans les bassesses et dans les misères de notre humanité, pour en retirer ceux qui étaient ses ennemis, et pour les élever jusques au trône de sa divine Majesté ?

O Marie, qu'avez vous fait ? quelles obligations vous a tout le genre humain ? quelles louanges vous peut-il donner ? quelles actions de grâces vous peut-il rendre qui soient dignes d'un tel bienfait ? Mais n'oserai-je vous supplier, ma divine Mère, de me donner un peu de ce précieux vin dont vous avez enivré mon Rédempteur, afin que, en étant enivré comme lui, je m'oublie entièrement moi-même pour l'amour de lui, comme il s'est oublié soi-même pour l'amour de moi, et que je ne pense plus qu'à mon Jésus, que je n'aime plus que mon Jésus, et que je ne vive plus que pour servir et honorer mon adorable Jésus et ma tout aimable Marie.

La treizième interprétation est des Révérends Pères Canisius (3) et Salazar (4), de la Compagnie de Jésus, qui assurent que Maria s'interprète jaculatrix maris, « celle qui lance des dards et qui jette des flèches sur la mer, l'archer de la mer ». Ce qui convient très bien à la très sainte Mère de Dieu. Car c'est une généreuse guerrière; est la Générale des armées du grand Dieu, qui combat incessamment sur la mer de ce monde, étant armée de dards et de flèches qu'elle lance et décoche continuellement contre le péché, contre les hérésies, contre les démons et contre tous les ennemis de Dieu.

O puissante archère, décochez les flèches de votre indignation contre tous les ennemis de notre salut, contre cette armée innombrable de dragons infernaux dont la terre est pleine, qui dévorent tant d'âmes rachetées du précieux sang de votre Fils. Lancez vos dards dans nos cœurs, pour y tuer l'amour du monde et l’amour désordonné de nous-mêmes. O divine archère, j'entends le Roi du ciel qui se plaint amoureusement de vous, disant : Vous avez blessé mon Cœur, ma Sœur, mon Épouse, vous avez blessé mon Cœur (5). Ou, selon une autre version: Vous avez décoché vos flèches dans mon Cœur : Sagitasti Cor meum.

Ah ! de grâce, puisque vous n'avez pas épargné le Cœur du Père, ne pardonnez pas à celui de l'enfant. Tournez, tournez vos flèches vers mon cœur, transpercez-le des dards enflammés du divin amour, afin que, mourant entièrement à tout ce qui est créé, et ne vivant plus qu'à mon Dieu et dans les langueurs de sa sainte dilection, j'aille sans cesse criant à tous les habitants de la sainte Jérusalem : « Allez, allez, dites hardiment à mon bien-aimé Jésus, et à ma très aimable Marie aussi, que je languis d'amour pour eux (6).»

(1) Lib. de Nom. Hebr.
(2) Orat. de Laud. Virg.
(3) Lib. 1 de Virg.
(4) In Cant.
(5) « Vulnerasti cor meum, soror mea sponsa, vulnerasti cor meum. » Cant. IV. 9.
(6) « Adjuro vos, filiae Jerusalem, si inveneritis dilectum meum, ut nuntietis ei quia amore langueo. » Cant. V, 8.
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 La quatorzième interprétation est de Saint Épiphane (1), qui assure que Maria signifie spes maris, « l'espérance de ceux qui voguent sur la mer orageuse de ce monde ». Ce qui est conforme à ce que le Saint-Esprit lui fait dire d'elle-même en ces termes: Je suis la Mère de la sainte espérance; c'est en moi que se trouve toute l'espérance de la vie et de la vertu (2). Aussi saint Augustin ne craint pas de lui dire qu'elle est l'unique espérance des pécheurs, c'est- à-dire, après Dieu : Tu es spes unica peccatorum (3).
Et saint Éphrem nous déclare qu'elle est même l'unique espérance des désespérés, et le très puissant secours de tous ceux qui implorent son aide : Beatissima virgo, unica spes desperatorum, et ad illam recurrentium auxilium potentissimum (4). « Mes petits enfants, dit saint Bernard, c'est ici l'échelle des pécheurs pour monter au ciel; c'est ici ma très grande confiance, c'est tout le sujet de mon espérance »: Filioli mei, haec peccatorum scala, haec mea anima fiducia, haec tota ratio spei meae (5).

O Vierge très bénigne, bienheureux ceux qui sont dans une entière défiance d'eux-mêmes, et qui ont mis toute leur confiance en vous, après Dieu: car étant très puissante, très sage et très bonne, vous pouvez, vous savez et vous voulez secourir et favoriser si à propos et si efficacement ceux qui s'adressent à vous avec une confiance filiale, que jamais aucun n'a été frustré ni confondu de son attente.

(1) Tract. de laud. Virg.
(2) « Ego Mater...sanctae spei... In me omnis spes vitae et virtutis. » Eccl. XXIV, 24, 25.
(3) Serm. 18 de SS.
(4) Orat. ad Virg.
(5) Serm, de Nat. Virg.
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La quinzième interprétation est de saint Jérôme (1), de saint Bernard (2) et de plusieurs autres, qui disent que Maria signifie stella maris « l'étoile de la mer ». Car Dieu nous a donné cette divine étoile pour nous éclairer parmi les nuages ténébreux de la mer de ce monde, et pour nous conduire, parmi les périls innombrables qui s'y rencontrent, au port désirable du salut éternel. C'est une étoile qui est si resplendissante, dit saint Pierre Damien (3), que, comme le soleil venant à paraître éteint tous les autres flambeaux du ciel, ainsi le merveilleux éclat de la sainteté et de la gloire de Marie fait tellement éclipser tout ce qu'il y a de plus brillant dans les Anges et dans les Saints, qu'ils sont devant elle comme s'ils n'étaient point.

C'est une étoile qui est la Fille et la Mère du Soleil éternel; c'est une étoile qui est née d'un soleil, et qui a enfanté un soleil. Hélas! que ferions-nous sans cette belle étoile, parmi tant d'orages, tant d'écueils, tant de gouffres, tant de pirates, tant de monstres, tant de périls, tant de ténèbres dont la mer sur laquelle nous voguons est remplie ? « Ôtez le soleil du ciel, dit saint Bonaventure (4), que sera-ce du monde ? Ôtez Marie, qui est le flambeau de la nuit très obscure de cette misérable vie, que nous arrivera-t-il ? Où nous trouverons-nous, sinon dans I'ombre de la mort et dans des ténèbres très épaisses ? »

« Et partant, dit saint Bernard (5), vous qui flottez au milieu des tempêtes de la mer du siècle présent, ayez toujours les yeux fixés sur cette étoile. Si les vents des tentations s'élèvent contre vous, si vous rencontrez les écueils des tribulations, regardez votre étoile, appelez Marie à votre secours. Si vous êtes agités des flots de la superbe, de l'ambition, de l'envie, de la détraction, regardez votre étoile, invoquez Marie. Si la colère, ou l'avarice, ou la passion de la chair vous menacent du naufrage, jetez les yeux sur Marie. Si l'horreur de vos crimes, le désordre de votre conscience, la terreur des jugements de Dieu commencent à vous jeter dans le gouffre de la tristesse et du désespoir, tournez vos pensées vers Marie. En tous vos périls, en toutes vos angoisses, pensez à Marie, invoquez Marie. Que Marie soit toujours dans votre cœur et dans votre bouche; et afin que vous obteniez la faveur de ses prières, n'abandonnez pas l'exemple de sa sainte conversation. »

(1) In Ps. 118.
(2) Serm. de Nat. B. Virg.
(3) In Serm. de Ass.
(4) « Tolle corpus hoc solare quod illuminat mundum, ubi dies ? Tolle Mariam hanc maris stellam, quid nisi caligo involvens, umbra mortis, ac densissimae tenebrae relinquuntur ? »S. Bern. citat. a S.Bonav. In spec. B. V. lect. 3.
(5) Hom. 2 super Missus est. Cf. Office du S. Nom de Marie composé par le P. Eudes, 8e Leçon.
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Re: Le Très Saint Nom de Marie

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La seizième interprétation est du même Lyraeus, que j'ai allégué ci-dessus comme auteur de la septième, qui nous apprend que Maria, selon l'étymologie grecque, veut dire aquaeductus, « conduit d'eau », conformément à ces paroles que le Saint-Esprit fait dire à sa divine Épouse : Ego sicut aquaeductus exivi de paradiso (1) : « Je suis comme un canal portant l'eau qui sort du paradis »; paroles qui sont attribuées par saint Bernard à la Mère de grâce en cette manière (2) : Jésus est dans l'Église comme la première fontaine de la grâce; la bienheureuse Vierge y est comme le canal des grâces qui sont données aux fidèles. Tous les Saints sont des ruisseaux qui contiennent chacun leur portion de la même grâce. Toutes les grâces sont dans la fontaine comme dans leur première origine. Elles se trouvent aussi dans les ruisseaux, là où elles sont partagées à proportion de la capacité de chaque ruisseau; mais elles sont entièrement et sans réserve dans le canal qui les reçoit de la fontaine pour les communiquer diversement aux ruisseaux, et pour les communiquer de telle sorte qu'il n'en perd rien du tout, les conservant entièrement en soi-même, comme le flambeau qui, en faisant part de sa lumière, la garde toute pour lui.

Nihil nos Deus habere voluit, quod per Mariae manus non transiret : « C'est un décret arrêté dans le conseil de la divine Majesté, dit saint Bernard (3) , que sa bonté ne départira jamais aucune grâce à personne qui ne passe par les mains de Marie. » Pourquoi est-ce, mon Dieu, que vous le voulez ainsi ? Qui vous a porté à faire ce décret? C'est votre amour vers cette très aimable Vierge, et votre charité vers nous : Votre amour vers elle, pour obliger tous les hommes à la reconnaître et honorer comme la source de leur salut après vous; votre charité envers nous, pour nous donner, par son moyen, un accès plus facile à la première fontaine de notre bonheur éternel, dont vous soyez béni, loué et glorifié éternellement.

(1) Eccli. XXIV, 41.
(2) « Quis vero fons vitae, nisi Christus Dominus ?... Derivatus est fons usque ad nos, in plateis derivatae sunt Aqua... Descendit per aquae-ductum (Mariam) vena illa caelestis, non tamen fontis exhibens copiam, sed stillicidia gratiae arescentibus cordibus nostris infundens, aliis quidem plus, aliis minus. Plenus equidem aquaeductus, ut accipiant caeteri de plenitudine, sed non plenitudinem ipsam. » Serm. De Nat. B. Virg.
(3) Serm. 3, in Vig. Nat. Dom.
(à suivre)
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Laetitia
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Re: Le Très Saint Nom de Marie

Message par Laetitia »

La dix-septième et dernière interprétation est de Théodore, surnommé le nouveau Confesseur, qui salue la sainte Vierge en cette façon : Ave Maria, quasi dicas, propter innumerabilem tuorum encomiorum copiam (1) : « Je vous salue. Marie, qui, selon ce mot grec, fort semblable à votre Nom, contenez en vous dix mille, c'est- à-dire, un nombre innombrable de grandeurs et de merveilles. » Innumera enim de te si quis dicat, nunquam te digne collaudaverit : « Car, qu'on dise de vous, et qu'on ne cesse de dire, ajoute ce saint auteur, toutes les perfections et toutes les louanges imaginables, on ne pourra jamais vous louer dignement. »

Voilà les choses grandes et admirables qui sont contenues dans le merveilleux Nom de Marie, dont j'ai dû parler en ce livre, parce qu'elles appartiennent à sa divine Enfance, puisqu'elles sont comprises dans un Nom qui lui a été donné dans les premiers jours de son Enfance, et par l'ordre de Dieu, qui sait beaucoup mieux que le premier homme donner des noms propres et convenables à chaque chose. Ajoutez à cela que l'Église faisant en plusieurs lieux, comme nous verrons au chapitre suivant, la fête de ce saint Nom, qui contient toutes ces merveilles, et la faisant au temps qui est consacré à la bienheureuse Enfance de la Mère de Dieu, dont ce même Nom est un des principaux mystères, il était bien à propos d'ouvrir ici ce trésor inestimable, et de l'exposer aux yeux des enfants de cette glorieuse Vierge, pour les exciter à solenniser cette fête avec plus de ferveur.

(1) Orat. de. Nat Virg.

J'appelle son sacré Nom de Marie un trésor inestimable, et vous allez voir dans le chapitre qui suit que ce n'est pas sans raison.
(à suivre)
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