Encyclique de Sa Sainteté Pape Pie XI "Miserentisimus Redemptor"8mai 1928

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Alexandre
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Encyclique de Sa Sainteté Pape Pie XI "Miserentisimus Redemptor"8mai 1928

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Lettre Encyclique Miserentissimus Redemptor
DE SA SAINTETÉ PIE XI
Sur l’amende honorable et les réparations au Sacré-Cœur de Jésus (8 mai 1928)
Introduction
La promesse du Christ d’assister son Église
Notre Rédempteur très miséricordieux venait d’opérer, sur le bois de la Croix, le salut du genre
humain ; sur le point de remonter de ce monde vers son Père, il dit à ses Apôtres et à ses disciples
pour les consoler : Voici que je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. Cette parole, outre
qu’elle est très agréable à entendre, est génératrice d’espérance et de sécurité, c’est elle, Vénérables
Frères, qui Nous réconforte toutes les fois que, du haut de ce Siège, comme d’un observatoire élevé,
Nous parcourons du regard soit l’ensemble de la société humaine entière, accablée de maux et de
misères si nombreuses, soit l’Église elle-même, livrée à des attaques et à des embûches incessantes.
C’est cette divine promesse qui, à l’origine, éleva le courage des Apôtres abattus, les enflamma d’un
zèle ardent pour répandre à travers le monde entier la semence de la doctrine évangélique ; c’est elle
encore qui, dans la suite, a soutenu l’Église dans sa lutte victorieuse contre les portes de l’enfer.
L’assistance de Notre Seigneur Jésus-Christ, il est vrai, n’a jamais fait défaut à son Église.
Toutefois, son secours et son appui furent d’autant plus présents qu’elle était assaillie de dangers ou
de calamités plus graves ; les remèdes les mieux en rapport avec les conditions des temps et des
circonstances lui étant alors fournis par cette divine Sagesse qui atteint avec force d’une extrémité à
l’autre et dispose tout avec douceur .
Objet de l’Encyclique, son opportunité
Même en ces derniers temps on ne peut vraiment dire que la main du Seigneur se soit
raccourcie, et plus spécialement lorsqu’une erreur s’insinua et se propagea si loin que l’on pût
craindre que, les âmes détournées de l’amour de Dieu et de la familiarité avec lui, les sources
mêmes de la vie chrétienne vinssent, en quelque sorte, à se dessécher. Les plaintes que le Christ très
aimant fit entendre dans ses apparitions à Marguerite-Marie Alacoque, les désirs aussi et les
volontés qu’il signifia à l’adresse des hommes et pour leur bien, certains peut-être les ignorent
encore, d’autres les négligent. C’est pour cette raison, Vénérables Frères, que Nous voulons vous
entretenir quelques instants du devoir qui nous incombe de faire amende honorable au Cœur sacré de Jésus, pour Nous servir de l’expression courante. Nous avons la conviction que vous déploierez
votre zèle pour instruire chacun de vos fidèles de toute la doctrine que Nous allons vous transmettre
et que vous les encouragerez à la mettre en pratique.
I.- Le Cœur de Jésus

1.- Symbole de charité et de paix
Parmi les nombreuses preuves de l’infinie bonté de notre Sauveur, il en est une qui brille d’un éclat
tout particulier. Alors que la charité des fidèles allait se refroidissant, ce fut la charité même de Dieu
qui se proposa pour être honorée d’un culte spécial, et les trésors de sa bonté se répandirent
largement, grâce à la forme du culte rendu au Cœur sacré de Jésus, dans lequel sont cachés tous les
trésors de la science et de la sagesse.
Jadis, à la sortie de l’arche de Noé, Dieu notifia par un signe son pacte d’amitié avec le genre
humain, en faisant briller un arc resplendissant dans les nuées . De même, à l’époque si troublée
où se répandait l’hérésie, perfide entre toutes, du jansénisme qui étouffait l’amour et la piété dus à
Dieu, en le présentant moins comme un Père digne d’amour que comme un juge à craindre pour sa
sévérité implacable, Jésus vint, dans sa bonté infinie, nous montrer son Cœur sacré tel un symbole
de paix et de charité offert aux regards des peuples ; c’était un gage assuré de victoire dans les
combats. Aussi Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Léon XIII, considérant justement, dans sa
Lettre encyclique Annum sacrum, l’admirable opportunité du culte envers le Cœur sacré de Jésus,
n’hésitait pas à dire : « Quand l’Église, encore toute proche de ses origines, gémissait sous le joug
des Césars, une croix apparut dans le ciel à un jeune empereur ; elle était le présage et la cause d’un
insigne et prochain triomphe. Aujourd’hui, un autre symbole divin d’heureux augure apparaît à nos
yeux : c’est le Cœur très sacré de Jésus, surmonté de la croix et resplendissant d’un éclat
incomparable au milieu des flammes. Nous devons placer en lui toutes nos espérances, c’est à lui
que nous devons demander le salut des hommes, et c’est de lui qu’il faut l’attendre ».

2.- Synthèse de la religion
Et c’est à juste titre, Vénérables Frères. Car ce signe éminemment propice et la forme de dévotion
qui en découle ne renferment-ils point la synthèse de la religion et la norme d’une vie d’autant plus
parfaite qu’elle achemine les âmes à connaître plus profondément et plus rapidement le Christ
Seigneur, à l’aimer plus ardemment et à l’imiter avec plus d’application et plus d’efficacité ? Qu’on
ne s’étonne point dès lors que Nos prédécesseurs aient constamment défendu cette forme si
excellente de dévotion contre les accusations de ses détracteurs, qu’ils l’aient couverte de louanges
et qu’ils aient mis tout leur zèle à la propager, suivant les exigences des temps et des lieux. Sous le
souffle de Dieu, la piété des fidèles envers le Cœur sacré de Jésus n’a point cessé de croître ; d’où
l’éclosion de toutes parts des confréries vouées à la diffusion du culte du Sacré-Cœur ; de là encore
l’usage de la communion du premier vendredi du mois, conforme aux désirs du Christ-Jésus luimême, et maintenant répandu à peu près partout.

II.- Formes du culte du Sacré-Cœur
1.- La consécration au Sacré-Cœur
Parmi toutes ces pratiques de la dévotion au Sacré-Cœur, il en est une remarquable qui mérite d’être
signalée, c’est la pieuse consécration par laquelle, offrant à Dieu nos personnes et tous les biens que
nous tenons de son éternelle bonté, nous les vouons au divin Cœur de Jésus. Ce devoir de piété que
Notre-Seigneur voudrait voir tous les hommes lui rendre et qu’il réclame moins en raison de ses droits qu’en vertu de son immense amour pour nous, il l’enseigna lui-même à Marguerite-Marie, la
très fidèle servante de son Cœur. Elle et son directeur spirituel, Claude de la Colombière, furent les
premiers à le lui offrir ; avec le temps, d’autres ont suivi : des hommes isolés d’abord, puis des
familles, des associations, enfin même des magistrats, des villes et des nations.
Au siècle dernier et jusqu’au nôtre, des impies en sont venus, par leurs machinations, à faire
repousser l’empire du Christ et à provoquer une guerre ouverte contre l’Église ; on promulgue des
lois et des décrets contraires au droit divin aussi bien qu’au droit naturel, bien plus, on clame dans
des assemblées : Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous. Mais, en revanche, par la
consécration dont Nous venons de parler, une voix unanime éclate, celle des fidèles du Sacré-Cœur,
s’opposant vaillamment à celle de ses ennemis, pour venger sa gloire et affirmer ses droits : Il faut
que le Christ règne - Que votre règne arrive. Voilà pourquoi, fort heureusement, le genre
humain tout entier - que le Christ, en qui seul tout peut être restauré, possède par droit de
nature - fut, au début de ce siècle, consacré au Sacré-Cœur par Léon XIII, Notre prédécesseur de
glorieuse mémoire, aux applaudissements de l’univers chrétien.
Ces débuts si heureux et si réconfortants, ainsi que Nous le disions dans Notre Lettre encyclique
Quas Primas en donnant suite aux vœux persévérants et nombreux des évêques et des fidèles, Nous
avons pu, avec la grâce de Dieu, les compléter et les parachever quand, à l’issue de l’Année Sainte,
Nous avons institué la fête du Christ Roi de l’univers et prescrit de la célébrer solennellement dans
toute la chrétienté. Ce faisant, Nous n’avons pas seulement mis en lumière l’empire souverain du
Christ sur toutes choses, sur la société tant civile que domestique et sur chaque homme en
particulier, mais Nous avons encore fait entrevoir les joies de ce jour, heureux entre tous, où le
genre humain, de son plein gré, se soumettra à la souveraineté infiniment douce du Christ-Roi. Pour
cette raison, Nous avons ordonné que dès lors chaque année, au jour fixé pour cette fête, on
renouvelât cette consécration, pour en obtenir des grâces plus certaines et plus abondantes, au profit
de l’union de tous les peuples par les liens de la charité chrétienne et de la paix dans le Cœur du Roi
des rois et du Seigneur des seigneurs.

2.- La réparation due au Sacré-Cœur
A tous ces hommages, et principalement à cette consécration si féconde, que vient sceller en
quelque sorte la fête solennelle du Christ-Roi, il faut ajouter encore autre chose. C’est le sujet,
Vénérables Frères, dont il Nous plaît de vous entretenir plus longuement dans cette Lettre : à savoir
l’amende honorable ou la réparation selon l’expression courante à offrir au Cœur sacré de Jésus. Si,
dans la consécration, le but premier et principal pour la créature est de rendre à son Créateur amour
pour amour, il s’ensuit naturellement qu’elle doit offrir à l’égard de l’amour incréé une
compensation pour l’indifférence, l’oubli, les offenses, les outrages, les injures qu’il subit : c’est ce
qu’on appelle couramment le devoir de la réparation.
a.- Motif de justice
Si les mêmes raisons nous obligent à ce double devoir, cependant le devoir de réparation et
d’expiation s’impose en vertu d’un motif encore plus impérieux de justice et d’amour : de justice
d’abord, car l’offense faite à Dieu par nos crimes doit être expiée, et l’ordre violé doit être rétabli
par la pénitence ; mais d’amour aussi, car nous devons « compatir au Christ souffrant et saturé
d’opprobres », et lui offrir, selon notre petitesse, quelque consolation. Tous nous sommes des
pécheurs ; de nombreuses fautes nous chargent ; nous avons donc l’obligation d’honorer Dieu non
seulement par notre culte, par une adoration qui rend à sa Majesté suprême de légitimes hommages, par des prières qui reconnaissent son souverain domaine, par des louanges et des actions de grâces
pour son infinie bonté ; mais à ce Dieu juste vengeur nous avons encore le devoir d’offrir
satisfaction pour nos innombrables péchés, offenses et négligences. Ainsi à la consécration, par
laquelle nous nous donnons à Dieu et qui nous mérite d’être voués à Dieu, avec la sainteté et la
stabilité qui, suivant l’enseignement du Docteur angélique sont le propre de la consécration, il
faut donc ajouter l’expiation qui répare entièrement les péchés, de peur que, dans sa sainteté, la
Souveraine Justice ne nous repousse pour notre impudente indignité et, loin d’agréer notre offrande,
ne la rejette.
En fait, ce devoir d’expiation incombe au genre humain tout entier. Comme nous l’enseigne la foi
chrétienne, après la déplorable chute d’Adam, l’homme, infecté de la souillure originelle, esclave de
la concupiscence et des plus lamentables dépravations, se trouva ainsi voué à la perte éternelle. De
nos jours, des savants orgueilleux nient ces vérités et, s’inspirant de la vieille erreur de Pélage,
vantent des vertus innées de la nature humaine qui la conduiraient, par ses seules forces, jusqu’aux
cimes les plus élevées. Ces fausses théories de l’orgueil humain, l’Apôtre les réfute en nous
rappelant que, par nature, nous étions enfants de colère . Dès les débuts, en réalité, la nécessité
de cette expiation commune a été reconnue, puisque, cédant à un instinct naturel, les hommes se
sont efforcés d’apaiser Dieu par des sacrifices même publics.
Mais aucune puissance créée n’aurait jamais suffi à expier les crimes du genre humain si le Fils de
Dieu n’avait assumé la nature humaine pour la relever. Le Sauveur des hommes l’a lui-même
annoncé par la bouche du Psalmiste : Vous n’avez voulu ni sacrifice ni oblation, mais vous m’avez
formé un corps ; vous n’avez pas agréé les holocaustes pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici, je
viens . Et de fait, il s’est vraiment chargé de nos infirmités, il a porté lui-même nos
douleurs ; il a été broyé à cause de nos iniquités ; il a porté lui-même nos péchés en son corps
sur le bois , détruisant l’acte qui était écrit contre nous et nous était contraire avec ses
ordonnances ; et il l’a fait disparaître en le clouant à la croix... afin que, morts, au péché, nous
vivions pour la justice .
La surabondante Rédemption du Christ nous a fait remise de toutes nos fautes. Cependant, par
une admirable disposition de la Sagesse divine, nous devons compléter dans notre chair ce qui
manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l’Église . En conséquence, aux
louanges et aux réparations « dont le Christ s’est acquitté envers Dieu au nom des pécheurs »
pouvons-nous, et même devons-nous ajouter encore nos louanges et nos expiations. Mais nous ne
devons jamais l’oublier, toute la vertu d’expiation découle uniquement du sacrifice sanglant du
Christ, qui se renouvelle sans interruption, d’une manière non sanglante sur nos autels, car « c’est
toujours une seule et même victime, c’est le même qui s’offre maintenant par le ministère du prêtre
et qui s’offrit jadis sur la croix ; seule la manière d’offrir diffère » . C’est pour cette raison
qu’au très auguste Sacrifice eucharistique les ministres et le reste des fidèles doivent joindre leur
propre immolation, de sorte qu’ils s’offrent eux aussi comme des hosties vivantes, saintes, agréables
à Dieu . Bien plus, saint Cyprien ne craint pas d’affirmer que « le sacrifice du Seigneur n’est
pas célébré avec la sainteté requise si notre propre oblation et notre propre sacrifice ne
correspondent pas à sa Passion » . Pour cette raison encore, l’Apôtre nous exhorte à « porter
dans notre corps la mort de Jésus » , à nous ensevelir avec Jésus et à nous greffer sur lui par la
ressemblance de sa mort non seulement en crucifiant notre chair avec ses vices et ses
convoitises en fuyant la corruption de la concupiscence qui règne dans le monde , mais encore en manifestant la vie de Jésus dans nos corps et, unis à son éternel sacerdoce, à offrir ainsi des dons et des sacrifices pour nos péchés .
A ce sacerdoce mystérieux et à cette mission de satisfaire et de sacrifier ne participent pas
seulement les ministres choisis par notre Pontife, le Christ Jésus, pour l’oblation immaculée qui se
doit faire en son nom divin depuis l’Orient jusqu’à l’Occident mais encore le peuple chrétien
tout entier, appelé à bon droit par le Prince des Apôtres race élue, sacerdoce royal ; car soit
pour eux-mêmes, soit pour le genre humain tout entier, les fidèles doivent concourir à cette oblation
pour les péchés , à peu près de la même manière que le Pontife choisi parmi les hommes est
établi pour les hommes en ce qui concerne les choses de Dieu .
Plus notre oblation et notre sacrifice ressembleront au sacrifice du Christ, autrement dit plus parfaite
sera l’immolation de notre amour-propre et de nos convoitises, plus la crucifixion de notre chair se
rapprochera de cette crucifixion mystique dont parle l’Apôtre, plus abondants seront les fruits de
propitiation et d’expiation que nous recueillerons pour nous et pour les autres. Car entre les fidèles
et le Christ il existe une admirable relation, semblable à celle qui relie la tête aux divers membres
du corps ; mais de plus, par cette mystérieuse communion des saints que professe notre foi
catholique, les hommes et les peuples non seulement sont unis entre eux, mais encore avec Celui-là
même qui est la tête, le Christ. C’est de lui que tout le corps, coordonné et uni par le lien des
membres qui se prêtent un mutuel secours et dont chacun opère selon sa mesure d’activité, grandit
et se perfectionne dans la charité . C’est la prière qu’avant de mourir le Christ Jésus, médiateur
entre Dieu et les hommes, adressait lui-même à son Père : Que je sois en eux et vous en moi, afin
qu’ils soient parfaitement un .

b.- Motif d’amour pour la réparation
Par conséquent, de même que l’union avec le Christ trouve son expression et sa confirmation dans
l’acte de consécration, de même l’expiation sert de prélude à cette union en effaçant les péchés, elle
nous perfectionne en nous associant aux souffrances du Christ, elle la parachève enfin en offrant des
victimes pour le prochain. Ce fut là bien certainement la miséricordieuse intention de Jésus quand il
nous présenta son Cœur portant les insignes de la Passion et d’où s’échappaient des flammes
d’amour ; en nous découvrant ainsi la malice infinie du péché, d’une part, et en nous faisant
admirer, d’autre part, l’infinie charité du Rédempteur, il voulait nous inspirer une haine encore plus
vive du péché et plus d’ardeur à répondre à son amour.
Du reste, l’esprit d’expiation ou de réparation a toujours tenu le premier et principal rôle dans le
culte rendu au Sacré Cœur de Jésus ; rien n’est plus conforme à l’origine, à la nature, à la vertu et
aux pratiques qui caractérisent cette dévotion ; d’ailleurs, l’histoire, les usages, la liturgie sacrée et
les actes des Souverains Pontifes en portent témoignage. Dans ses apparitions à Marguerite-Marie,
quand il lui dévoilait son infinie charité, le Christ laissait en même temps percevoir comme une
sorte de tristesse, en se plaignant des outrages si nombreux et si graves que lui faisait subir
l’ingratitude des hommes. Puissent les paroles qu’il employait alors ne jamais s’effacer de l’âme
des fidèles : « Voici ce Cœur — disait-il — qui a tant aimé les hommes, qui les a comblés de tous
les bienfaits, mais qui, en échange de son amour infini, non seulement ne reçoit pas de
reconnaissance, mais ne recueille que l’oubli, la négligence et des injures, et cela parfois de la part
de ceux-là même qui sont tenus de lui témoigner un amour spécial ».
Pour l’expiation de ces fautes il recommandait, entre autres, comme lui étant particulièrement
agréables, les pratiques suivantes : participer, dans un esprit d’expiation, aux saints Mystères en faisant la « communion réparatrice » ; y joindre des invocations et des prières expiatoires pendant
une heure entière, en faisant, comme on l’appelle justement, « l’heure sainte » : exercices qui non
seulement ont été approuvés par l’Église, mais qu’elle a enrichis d’abondantes indulgences.
Mais, dira-t-on, quelle consolation peuvent apporter au Christ régnant dans la béatitude céleste ces
rites expiatoires ? Nous répondrons avec Saint Augustin : « Prenez une personne qui aime : elle
comprendra ce que je dis » . Nulle part d’ailleurs ces paroles ne trouvent une application plus
juste.
Toute âme aimant Dieu avec ferveur, quand elle jette un regard sur le passé, peut voir et contempler
dans ses méditations le Christ travaillant pour l’homme, affligé, souffrant les plus dures épreuves,
pour nous autres hommes et pour notre salut, presque abattu par la tristesse, l’angoisse et les
opprobres ; bien plus, « broyé sous le poids de nos crimes, il nous guérit par ses
meurtrissures » . Tout cela, les âmes pieuses ont d’autant plus de raison de le méditer que ce
sont les péchés et les crimes des hommes commis en n’importe quel temps qui ont causé la mort du
Fils de Dieu ; ces mêmes fautes, maintenant encore, causeraient la mort du Christ, entraîneraient les
mêmes douleurs et les mêmes afflictions, puisque chacune d’elles, ainsi qu’on l’admet, est censée
renouveler à sa manière la Passion du Seigneur : Crucifiant de nouveau pour leur part le Fils de
Dieu et le livrant à l’ignominie . Que si, à cause de nos péchés futurs, mais prévus, l’âme du
Christ devint triste jusqu’à la mort, elle a, sans nul doute, recueilli quelque consolation, prévue elle
aussi, de nos actes de réparation, alors qu’un ange venant du ciel lui apparut , pour consoler son
cœur accablé de dégoût et d’angoisse.
Ainsi donc, ce Cœur sacré incessamment blessé par les péchés d’hommes ingrats, nous pouvons
maintenant et même nous devons le consoler d’une manière mystérieuse, mais réelle, d’autant que
le Christ lui-même se plaint, par la bouche du Psalmiste, ainsi que la liturgie sacrée le rappelle,
d’être abandonné de ses amis : Mon cœur a attendu l’opprobre et la misère ; j’ai espéré celui qui
s’affligerait avec moi et il n’est point venu, celui qui me consolerait et je ne l’ai point trouvé .
Ajoutons encore que la Passion du Christ se renouvelle, et d’une certaine manière elle se poursuit et
s’achève, dans son corps mystique qui est l’Église. Car, pour nous servir encore des paroles de saint
Augustin : « Le Christ a souffert tout ce qu’il devait souffrir ; la mesure de ses souffrances est
désormais à son comble. La dette de souffrances était donc payée dans la Tête, mais elle demeurait
entière dans son corps » . Le Seigneur Jésus lui-même a bien voulu nous l’apprendre, quand il
disait à Saul, respirant encore la menace et la mort contre les disciples : Je suis Jésus que tu
persécutes . Il laissait ainsi nettement entendre que les persécutions déchaînées contre l’Église
visaient et atteignaient le divin Chef de l’Église lui-même. C’est donc à bon droit que, souffrant
toujours en son corps mystique, le Christ veut nous avoir pour compagnons de son expiation. Notre
situation envers lui l’exige également, car, puisque nous sommes le corps du Christ et ses membres
chacun pour notre part [86], tout ce que souffre la tête, les membres le doivent souffrir aussi" .

c.- Nécessité actuelle de la réparation
A quel point cette expiation, cette réparation sont nécessaires, surtout de nos jours, on le
comprendra sans peine, comme Nous le disions au début, en considérant d’un regard le monde
plongé dans le mal [88]. De partout, en effet, montent vers Nous les gémissements des peuples dont
il est vrai d’affirmer que les chefs ou les gouvernants se sont dressés et ligués contre le Seigneur et
son Église . En ces pays, tous les droits, divins ou humains, se trouvent confondus. Les églises
sont abattues, ruinées de fond en comble, les religieux et les vierges consacrées sont expulsés de leur demeure, livrés aux insultes et aux mauvais traitements, voués à la famine, condamnés à la prison, des multitudes d’enfants et de jeunes filles sont arrachés du sein de l’Église leur mère ; on
les excite à renier et à blasphémer le Christ ; on les pousse aux pires dégradations de la luxure ; le
peuple entier des fidèles, terrorisé, éperdu sous la continuelle menace de renier sa foi ou de périr,
parfois de la mort la plus atroce. Spectacle tellement affligeant qu’on y pourrait voir déjà l’aurore
de ce début des douleurs que doit apporter l’homme de péché s’élevant contre tout ce qui est appelé
Dieu ou honoré d’un culte .
Mais plus attristant encore, Vénérables Frères, est l’état de tant de fidèles que le baptême a lavés
dans le sang de l’Agneau immaculé et comblés de grâces ; à tous les rangs de la société il s’en
trouve qui, aveuglés par une ignorance incroyable des choses divines, empoisonnés d’erreurs, se
traînent dans le vice, loin de la maison du Père ; nul rayon de lumière de la vraie foi ne les éclaire,
nulle espérance de la félicité future ne les réjouit, nulle ardeur de la charité ne les anime et ne les
réchauffe ; ils semblent vraiment être plongés dans les ténèbres et assis à l’ombre de la mort. Bien
plus : chez les fidèles grandit l’indifférence à l’égard de la discipline ecclésiastique et des
institutions anciennes qui forment la base de toute vie chrétienne, régissent la famille et protègent la
sainteté du mariage, l’éducation des enfants est négligée, sinon faussée, par une affection trop
indulgente ; l’Église est frustrée de son droit d’élever la jeunesse chrétienne ; dans la vie courante,
la pudeur chrétienne est lamentablement oubliée, surtout dans la mode féminine ; on ne voit que
poursuite effrénée des biens passagers, que prédominance sans frein des intérêts civils, que
recherche immorale de la faveur populaire, rébellion contre l’autorité légitime, enfin mépris de la
parole divine, aboutissant à un affaiblissement grave, sinon à la perte de la foi.
A ces maux vient mettre un comble soit la mollesse ou la lâcheté de ceux qui - tels les disciples
endormis ou fugitifs, chancelant dans leur foi - désertent misérablement le Christ agonisant dans
l’angoisse ou entouré par les satellites de Satan, soit la perfidie de ceux qui, à l’exemple du traître
Judas, ont l’audace de participer au sacrifice de l’autel de manière sacrilège ou de passer à l’ennemi.
On ne peut vraiment pas s’empêcher de penser que les temps prédits par Notre-Seigneur semblent
être proches, où, à cause des progrès incessants de l’iniquité, la charité d’un grand nombre se
refroidira .

Il n’est pas un seul fidèle qui puisse méditer ces choses sans s’enflammer d’amour pour le Christ
souffrant, avec un zèle plus vif, tous voudront expier leurs fautes et celles d’autrui, réparer les torts
faits à l’honneur du Christ et travailler au salut éternel de leurs âmes. Comme elle est vraie cette
parole de l’Apôtre : Là où la faute abonda, la grâce surabonda , et comme, en un sens, elle peut
servir à peindre notre époque ! Car en dépit de la perversité croissante des hommes, il est
merveilleux de voir grandir, sous l’inspiration du Saint-Esprit, le nombre des fidèles des deux sexes
qui, d’un zèle plus ardent s’efforcent de réparer tant d’insultes au divin Cœur, n’hésitent pas à
s’offrir eux-mêmes comme victimes au Christ.
Celui qui médite, en effet, avec amour sur tout ce que Nous venons de rappeler, s’en imprégnant, si
l’on peut dire, jusqu’au plus profond de son être, ne peut faire autrement que de ressentir de
l’horreur pour tout péché et de s’en abstenir comme du mal souverain, plus encore, il s’appliquera à
s’abandonner tout entier à la volonté de Dieu et à réparer les outrages faits à la divine Majesté par
tous les moyens en son pouvoir : prières incessantes, souffrances librement consenties, épreuves
éventuelles patiemment acceptées ; en un mot, par une vie entièrement consacrée à ce désir
d’expiation.De là sont nées toutes ces familles religieuses d’hommes et de femmes qui, rivalisant en quelque
sorte avec l’Ange du Jardin des Oliviers, s’imposent, jour et nuit, le devoir de consoler Jésus ; de là
encore ces confréries pieuses, approuvées par le Siège apostolique et enrichies d’indulgences, qui,
elles aussi, ont assumé ce devoir d’expiation en s’imposant la pratique d’exercices religieux et de
vertus en rapport avec cette tâche ; de là, enfin, puisqu’on ne peut tout dire, les réparations offertes
à l’honneur divin sous forme d’amendes honorables et de cérémonies solennelles, non pas
seulement de la part de fidèles isolés, mais aussi, ça et là, de paroisses, de diocèses et de cités.
C’est pourquoi, Vénérables Frères, de même que la pratique de la consécration, après des débuts
modestes, s’est bien vite répandue au loin et a reçu finalement de Notre confirmation tout l’éclat
désirable, de même Notre plus vif désir est de sanctionner officiellement de notre autorité
apostolique la pratique déjà connue et propagée de l’expiation et de l’amende honorable et de la
voir célébrée solennellement dans tout l’univers catholique.
Dans ce but, en la fête du Sacré Cœur de Jésus — qu’à cette occasion Nous décidons d’élever au
rang de double de première classe avec octave — Nous décrétons et ordonnons que chaque année,
dans toutes les églises du monde entier, on récite solennellement, d’après la formule jointe à cette
lettre, la protestation ou amende honorable à Notre-Seigneur, dans laquelle toutes nos fautes sont
déplorées, et hommage est rendu aux droits violés de notre Roi et de notre Seigneur très aimant.
Sans nul doute, Vénérables Frères, l’institution de cette solennité sainte et sa généralisation dans
l’Église universelle produiront des fruits nombreux et excellents non seulement pour chacun en
particulier, mais pour la société tout entière, religieuse, civile ou familiale. Notre Rédempteur lui-même a promis, en effet, à Marguerite-Marie que « tous ceux qui, de la sorte, honoreraient son
Cœur seraient comblés d’abondantes grâces célestes ».
Les pécheurs même, en regardant celui qu’ils ont transpercés se sentiront émus par les
gémissements et les pleurs de l’Église entière, déploreront à leur tour les insultes adressées au
Souverain Roi et rentreront en eux-mêmes ; ils craindront qu’endurcis dans leurs fautes ils ne
pleurent trop tard et en vain sur lui , lorsqu’ils verront venir sur les nuées du ciel celui
qu’ils ont transpercé. Quant aux justes, ils deviendront plus justes encore et plus saints ; ils se
voueront tout entiers et avec une ardeur renouvelée au service de leur Roi, qu’ils voient si méprisé,
si attaqué, si souvent outragé, par-dessus tout, ils brûleront de zèle pour procurer le salut des âmes,
en ayant toujours présente à la mémoire la plainte la divine Victime : A quoi donc sert mon
sang ? et aussi la joie qu’éprouvera le Cœur sacré de Jésus pour un seul pécheur faisant
pénitence !

Notre souhait le plus vif et Notre espoir le plus ferme, c’est que la justice de Dieu, qui eût, dans sa
miséricorde, pardonné à Sodome pour dix justes, pardonne plus volontiers au genre humain, parce
que la communauté tout entière, de tout lieu et de toute race, aura répandu ses instantes
supplications et ses réparations efficaces, en union avec le Christ, son Médiateur et Chef .
Conclusion
Marie réparatrice
A Nos vœux et à Nos efforts, que Marie la Vierge très bienveillante et la Mère de Dieu daigne
sourire, elle qui nous donna Jésus notre Rédempteur, qui l’éleva, qui l’offrit comme victime au pied
de la croix, et qui, par sa mystérieuse union avec le Christ et par une grâce particulière reçue de lui,
fut aussi Réparatrice et est pieusement appelée de ce nom. Plein de confiance en son intercession auprès du Christ qui, seul Médiateur entre Dieu et les hommes , a voulu cependant s’associer sa Mère comme avocate des pécheurs et comme dispensatrice et médiatrice de ses grâces, Nous
vous accordons du fond du cœur, comme gage des faveurs célestes et en témoignage de Notre
bienveillance paternelle, à vous, Vénérables Frères, ainsi qu’à tous les fidèles confiés à vos soins, la
Bénédiction Apostolique.
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