Monsieur l'abbé, voici le texte de Saint Augustin que, pour ma part, j'ai sous les yeux :
Saint Augustin dans son homélie XI sur l'Apocalypse a écrit :HOMÉLIE XI. - Dans la lecture qui vient de vous être faite, mes très-chers frères, vous avez entendu Saint Jean vous dire : « Et je vis une autre bête s'élever de terre. » (Apoc., XIII, 11.) La terre a ici la même signification que la mer. « Et elle avait deux cornes comme celle de l'agneau, » c'est-à-dire les deux Testaments à l'instar de l'Agneau, ou si l'on veut, de l'Eglise.
« Et elle parlait comme le dragon.» C'est elle qui sous le nom chrétien se couvre des apparences de l'Agneau, afin de répandre secrètement le poison du dragon ; c'est l'Eglise des hérétiques.
Elle ne chercherait pas à imiter la ressemblance de l'Agneau, si elle parlait ouvertement et sans réserve, mais elle ne se couvre des dehors du christianisme que pour tromper plus sûrement ceux qui ne sont point sur leurs gardes. C'est pour cela le Seigneur nous fait cette recommandation : « Gardez-vous des faux prophètes, etc. » (Matth., VII,15.)
« Et elle fit adorer par la terre et par ceux qui l'habitent la première bête dont la plaie mortelle avait été guérie ; et elle opéra de grands prodiges, jusqu'à faire descendre le feu du ciel sur la terre devant les hommes.» (Apoc., XIII, 12, 13.) Puisque le ciel c'est l'Eglise, le feu qui descend du ciel ce sont les hérésies qui tombent de l'Eglise, comme il est écrit : « Ils sont sortis de nous, mais ils n'étaient point de nous.» (I Jean, II, 20.)
Cette bête donc, avec ses deux cornes, détermine le peuple à adorer l'image de la bête, c'est-à-dire l'invention du démon. « Et elle fera que tous aient le caractère de la bête sur la main droite ou sur le front.» Il veut parler ici du signe mystérieux du crime. Les saints qui sont dans l'Eglise reçoivent Jésus-Christ sur leur main et sur leur front ; les hypocrites reçoivent la bête sous le nom de Jésus-Christ.
« Ceux qui n'ont pas adoré la bête ni son image et qui n'ont pas reçu son inscription sur le front ou sur la main, seront mis à mort.» Il n'est pas contraire à la foi de voir dans cette bête la figure de cette ville impie, ou si l'on veut de cette réunion, de cette conspiration de tous les impies ou de tous les orgueilleux qui porte le nom de Babylone, c'est-à-dire confusion, et qui renferme dans son sein tous ceux qui ont voulu faire des choses dignes de confusion. C'est le peuple des infidèles opposé au peuple fidèle et à la cité de Dieu.
Son image c'est l'hypocrisie, dont il fait profession, et qui est empreinte sur les hommes qui semblent professer la foi catholique et qui vivent néanmoins dans l'incrédulité ; ils feignent d'être ce qu'ils ne sont pas, et on les appelle chrétiens, bien qu'ils n'en aient point le caractère véritable, mais seulement une fausse image. C'est d'eux que l'Apôtre a dit : « Ils ont l'apparence de la piété, mais ils en rejettent la réalité, » (II Tim., III, 5) et l'Eglise catholique en contient un grand nombre de ce genre.
Les justes, au contraire, n'adorent point la bête, c'est-à-dire ne consentent point, ne se soumettent point à ses desseins pervers ; ils ne reçoivent pas non plus l'inscription, c'est-à-dire la marque du crime, sur le front pour en faire profession, sur la main pour le mettre à exécution.
Or, ils feront « que nul ne puisse acheter que celui qui aura le caractère ou le nom de la bête, ou le nombre de son nom. C'est ici la sagesse. Que celui qui a de l'intelligence compte le nombre de la bête, car c'est le nombre d'un homme, » (Apoc., XIII, 17, 18) c'est-à-dire du Fils de l'homme Jésus-Christ, dont la bête a pris le nom parmi les hérétiques. Comptons le nombre qu'il indique; une fois connu, nous trouverons plus facilement le nom et le caractère.
« Son nombre est six cent-seize.» Etablissons ce nombre d'après les Grecs, car c'est aux Eglises d'Asie que saint Jean écrit : « Et je suis, dit le Fils de Dieu, l'alpha et l'oméga.» Le nombre six cent-seize s'écrit en grec Xò'. Ces lettres prises séparément forment un nombre; étant réunies elles forment un monogramme et un caractère, un nombre et un nom. C'est le signe de Jésus-Christ, et nous en voyons ici la ressemblance que l'Eglise adore en vérité. Les hérétiques, qui tout ennemis qu'ils sont de l'Eglise, cherchent à l'imiter, persécutent spirituellement Jésus-Christ, et cependant veulent se glorifier du signe de la croix de Jésus-Christ. Et cela, parce qu'il est dit : Le nombre de la bête est le nombre d'un homme…
On se rend compte ici que saint Augustin utilise le nombre de 616 en lieu et place de celui que nous avons l'habitude d'entendre : 666. Qu'en est-il exactement ?