600e anniversaire du dies natalis de Saint Vincent Ferrier 5 avril 1419 - 5 avril 2019

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Laetitia
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Re: 600e anniversaire du dies natalis de Saint Vincent Ferrier 5 avril 1419 - 5 avril 2019

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Son oraison était continuelle ; et la présence de Dieu lui était si familière qu'il n'en détournait jamais ni son esprit ni son cœur. Il ne donnait que cinq petites heures au sommeil, encore pouvait-il dire, comme l'épouse, que si ses sens étaient alors assoupis, son cœur ne laissait pas d'être éveillé ; car il ne cessait point, durant tout ce temps-là, de penser à Dieu et de s'occuper des vérités éternelles.

Il avait toujours le crucifix à la main, ou pendu au cou, pour mieux conserver la mémoire de la Passion de son Sauveur : et il l'appelait sa grande bible, parce qu'il y trouvait tous les trésors de la science et de la lumière de Dieu, qui sont répandus dans les saintes Écritures. Il se confessait tous les jours avant de célébrer la sainte messe ; et, lorsqu'il était au Canon, l'onction de la grâce dont son âme était remplie se dilatait si fort, qu'il versait des larmes en abondance. La dévotion envers la Sainte Vierge s'accrut toujours en lui avec l'âge, et il travaillait sans cesse à l'implanter dans le cœur de ses pénitents et de ses auditeurs.

Lorsqu'il arrivait en un lieu, il ne manquait jamais, quelque heure qu'il fût, d'aller à l'église saluer le Saint Sacrement, comme un enfant bien né qui n'entre point dans la maison de son père sans lui rendre ses devoirs et le saluer. Le plus souvent l'église était trop petite pour contenir son nombreux auditoire. Il choisissait alors une vaste place ou une plaine voisine, et y faisait dresser une estrade assez large pour supporter à droite un autel et à gauche une chaire. Il célébrait tous les jours une messe solennelle, accompagnée du chant de plusieurs clercs habiles et de la musique grave d'un orgue qui le suivait partout.

Après la messe, montant sur la chaire ornée de tapis précieux et d'un baldaquin qui le protégeait contre les rayons du soleil, et en même temps permettait à sa voix d'arriver avec plus de force jusqu'aux extrémités de son nombreux auditoire, Vincent prenait la parole, et se laissant aller à toute l'ardeur de son zèle, il exposait avec une force irrésistible, une éloquence toute divine, les grandes vérités de la religion. Après le sermon, il s'arrêtait quelque temps au pied de la chaire pour donner ses mains à baiser au peuple et bénir les malades qu'on lui présentait en foule. Il récitait sur eux des prières, qui souvent leur rendaient miraculeusement la santé. Une cloche avertissait le peuple de cet instant, et on l'appelait la cloche des miracles.

Quand il avait terminé cette œuvre de charité, notre Saint se rendait à l'église avec d'autres prêtres, ses compagnons, pour y entendre les confessions de ceux qui s'étaient convertis, et il y demeurait jusqu'à midi, heure de son repas. Tout en pourvoyant aux nécessités de la vie par une frugale nourriture, il se faisait faire une lecture de l’Écriture sainte ; son repas terminé, il continuait lui-même cette lecture, ou il méditait en silence pendant une heure. La lecture finie, et Vêpres récitées, il prêchait encore au peuple un grand sermon. Le reste de la journée était employé à écouter les confessions, à prêcher en particulier aux moines, aux religieuses, aux prêtres, à certaines réunions particulières, où l'inspiration divine le conduisait ; là, souvent il ébranlait les personnes endurcies, réconciliait les adversaires, faisait restituer les biens acquis injustement, et consolait les affligés.

Vers le soir, il disait à un de ses frères de sonner la cloche des miracles. A ce son bien connu, les malades se rassemblaient à l'église pour recevoir la santé. Enfin, à l'entrée de la nuit, il présidait une procession de pénitents qui se donnaient publiquement la discipline, et c'est par cette cérémonie que Vincent terminait les exercices publics de son ministère.

Outre les grâces sanctifiantes, il était admirablement avantagé de celles que nous appelons gratuites, et qui sont données pour le salut du prochain. Entre autres, il possédait éminemment celle de parler avec clarté, avec force, avec onction et avec une divine éloquence. Lorsqu'il traitait un sujet de compassion et d'amour, il le faisait avec une si grande douceur et une parole si pathétique, qu'il attendrissait tous les cœurs. Mais lorsqu'il prêchait sur le péché, la mort, le jugement, le purgatoire ou l'enfer, c'était avec un zèle si fort et si foudroyant, qu'il jetait la terreur dans les âmes les plus endurcies. C'est ce qui lui arriva un jour à Toulouse prêchant sur le jugement dernier, et répétant ces paroles de saint Jérôme : « Levez-vous, morts, et venez au jugement », il effraya tellement ses auditeurs, qu'il les fit tous trembler et frémir. Une autre fois, parlant encore sur le même sujet au milieu d'une place publique, plusieurs milliers de personnes qui l'écoutaient furent saisies d'une si grande frayeur, qu'elles tombèrent en défaillance. Pendant la plupart de ses sermons, on entendait les cris et les gémissements d'un grand nombre des assistants, en sorte qu'il était souvent obligé d'interrompre ses prédications et de s'arrêter tout court, jusqu'à ce que les sanglots de ses auditeurs eussent cessé. Ses discours n'étaient pas seulement affectifs : il les fortifiait encore de raisonnements si puissants, et de tant d'autorités tirées de l’Écriture et des Pères de l’Église, que l'on aurait dit qu'il savait par cœur ou qu'il avait devant les yeux tous les livres saints. Sa voix était tout à la fois forte et agréable, et quelque grande que fût la multitude de ses auditeurs, les plus éloignés l'entendaient aussi aisément que ceux qui étaient le plus près. Il est même arrivé quelquefois, par un grand miracle, que des personnes éloignées de plusieurs lieues, qui n'avaient pu venir à son sermon, l'ont entendu aussi distinctement que si elles eussent été au milieu de l'assemblée.

Il avait si éminemment le don des langues, que celle dont il se servait en chaire devenait intelligible à toutes sortes de nations, et qu'il n'y avait personne en son auditoire, soit Français, soit Italien, soit Allemand, Anglais, Grec ou Barbare, qui ne l'entendît et ne conçût aussi parfaitement ce qu'il disait, que s'il eût parlé la propre langue de tous ces différents pays.
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Laetitia
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Les prédictions et les miracles qu'il faisait à tous moments montrent assez qu'il avait le don de prophétie, et ces grâces gratuites qui donnent le pouvoir de guérir les maladies et d'opérer toutes sortes de prodiges. Il prédit à la mère d'Alphonse Borgia, lorsqu'il n'était encore qu'un enfant, et depuis à Alphonse Borgia même, qu'il serait Pape, et que dans cette souveraine dignité il lui ferait un très-grand honneur ce qui s'est trouvé véritable car, après la mort de Nicolas V, Alphonse, qui était devenu un grand jurisconsulte, et qui avait été fait évêque de Valence et cardinal, fut enfin créé Pape, sous le nom de Calixte III, et canonisa notre Saint.

Un jour, lorsqu'il prêchait à Alexandrie, ville de Ligurie, il s'arrêta tout court au milieu du sermon, et dit à son auditoire : « Je vous fais savoir une bonne nouvelle dont Notre-Seigneur m'a fait part aujourd'hui ; c'est qu'il y a parmi nous un jeune homme qui sera un jour l'honneur de la Congrégation de Saint-François, et qui, par ses prédications et sa sainteté, rendra de très-grands services à l’Église : on l'invoquera publiquement par des prières avant moi ». C'était saint Bernardin de Sienne, la lumière de l'Italie et de l'Ordre de Saint-François, lequel fut canonisé par le Pape Nicolas V, l'an 1540, cinq ans avant ce saint Prédicateur. Il avertit deux religieux, l'un de son Ordre et l'autre des Ermites de Saint-Augustin, de se confesser promptement, parce qu'ils mourraient subitement le jour même ; ils le firent, et, quelques heures après, ils moururent comme il le leur avait prédit. Par le même esprit prophétique, il voyait les choses absentes, quoiqu'elles fussent extrêmement éloignées. Le décès de son père et celui de sa mère lui furent révélés pendant qu'il prêchait, afin qu'il les pût recommander aux prières de ses auditeurs.

Un de ceux qui s'étaient engagés parmi les pèlerins qui suivaient l'Apôtre de Dieu, avait l'esprit assez mal fait pour mettre en doute intérieurement les miracles et les conversions qu'il voyait opérer par le thaumaturge. Il observait toutes ses paroles et toutes ses actions pour y trouver à redire, à la manière des Pharisiens, dont les yeux étaient toujours fixés sur le Sauveur des hommes dans l'espoir et la volonté de le prendre en faute. Un jour Vincent l'accoste, le regarde fixement, et commence à lui découvrir par son discours toutes les pensées de son cœur, toutes les critiques et tous les doutes qui se pressaient en son âme à l'égard de sa conduite apostolique ; il le fit avec tant de vérité et de force, que le disciple, confus et repentant, se jeta à ses pieds et lui demanda humblement pardon. Vincent le lui accorda de bon cœur; mais en même temps il lui adressa un avertissement paternel : « Pensez, lui dit-il, à ce que vous faites vous-même, et non à ce que font les autres ».

Non-seulement Vincent pratiquait cette vertu qui rend l'homme aimable à ceux qui vivent avec lui, mais il l'insinuait aux autres avec beaucoup d'adresse. Un jour une femme vint le trouver, se plaignant vivement des mauvais traitements qu'elle endurait de la part de son mari. « Enseignez- moi, mon bon Père, ajouta-t-elle, un moyen efficace pour avoir la paix dans la maison, afin que cet homme ne me maltraite pas continuellement de parole et de fait ». Le Saint la laissa parler à son aise ; il comprit bientôt la cause du mal dont elle réclamait le remède ; c'était seulement sa loquacité et sa pétulance ; elle excitait la colère de son mari par son bavardage et ses répliques insolentes. Alors le Saint lui dit : « Si vous désirez mettre un terme à ces dispositions fâcheuses, allez trouver le frère portier de notre couvent, et faites-vous donner dans un vase de l'eau du puits qui est au milieu du cloître. Lorsque votre mari entrera dans la maison, prenez aussitôt une gorgée de cette eau sans l'avaler, et gardez-la longtemps dans votre bouche. Si vous faites cela, je vous l'assure, votre mari ne se mettra plus en colère et deviendra doux comme un agneau ». Aussitôt la femme s'empressa d'exécuter le conseil du Saint, trouvant que le remède n'était pas difficile. Lorsque le mari entra dans la maison, commençant à s'irriter, elle courut au vase et but sa gorgée d'eau, qu'elle retint aussi longtemps qu'elle put ce qui fit que, ne trouvant pas de réponse, le mari se tut à son tour. Il fut lui-même émerveillé de ce qu'elle ne disait rien, et il remercia Dieu de lui avoir changé le cœur et fermé la bouche, d'où provenaient toutes leurs disputes. Quand le fait se fut produit plusieurs fois, toujours avec le même succès, la femme retourna trouver saint Vincent, et le remercia avec effusion de lui avoir enseigné un pareil remède. Alors le Saint, lui parlant avec douceur, mais avec clarté, lui dit : « Le remède que je vous ai enseigné, ma fille, ce n'est pas l'eau du puits, comme vous le croyez, mais le silence. En vous taisant vous avez mis la paix entre vous et votre mari. A peine dans la maison, vous l'irritiez par des demandes importunes, et il s'en allait en colère c'était votre faute si cette colère allait croissant vos répliques insolentes en étaient la cause. A l'avenir gardez le silence, et vous serez toujours en paix avec votre mari ». De là le proverbe commun à Valence, lorsqu'une femme se plaint de son mari, on lui répond : « Remplissez votre bouche d'eau, et il vous arrivera ce qu'a dit saint Vincent ».

Quand il confessait les pécheurs, Vincent les aidait miraculeusement à découvrir les fautes qui ne leur étaient point venues à la pensée. Mais ce qui est plus singulier encore, c'est que pendant ses prédications il lui arrivait de fixer les yeux sur certaines personnes qu'il n'avait jamais vues et dont il n'avait jamais entendu parler, et alors il entamait la question des péchés dans lesquels elles tombaient ordinairement, et il entrait dans des circonstances si particulières et si individuelles, que les pécheurs avaient coutume de dire de lui : « Cet homme est vraiment un saint, il connaît tout ce qu'il y a de plus caché dans notre intérieur ». Était-ce un usurier, un adultère, un larron, un assassin, un homme coupable de forfaits abominables ? La parole de Vincent allait si droit à la blessure de l'âme, elle découvrait tellement le secret du cœur, qu'à la fin, aidé par des raisonnements serrés et par une éloquence enflammée de l'amour, il réussissait à les convertir des vices dans lesquels ils étaient plongés, et à les rendre à la voie de la justice et de la pénitence.

Dieu avait montré au prophète Ézéchiel les abominations de son peuple au temps où vivait ce prophète, afin qu'il l'exhortât à la pénitence. Il donna à Vincent Ferrier les mêmes lumières. Partout où il allait prêcher, il voyait les péchés du peuple et les plaies des âmes ; c'est ce qui donnait à sa parole une direction si sage, si prudente, si efficace pour la correction des désordres. S'il n'en avait pas été ainsi en aucun des lieux où s'exerça son apostolat, Vincent n'aurait pu connaître les péchés particuliers, les secrets abominables de plusieurs ; il n'aurait pu fixer les regards sur eux, les convaincre de leur scélératesse, et les porter efficacement à la pénitence.
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Laetitia
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Re: 600e anniversaire du dies natalis de Saint Vincent Ferrier 5 avril 1419 - 5 avril 2019

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Des miracles éclatants appuyèrent sa mission ; le nombre en est incalculable. Plus de huit cent soixante sont relatés dans une enquête faite à Avignon, Toulouse, Nantes et Nancy ; lui-même, à Salamanque, avoua qu'il en avait déjà opéré plus de trois mille. Dieu semblait obéir à la volonté, et pour ainsi dire aux ordres de son apôtre. Pendant la période de son apostolat, il en opérait régulièrement chaque matin après sa prédication. « Sonne la cloche des miracles », disait-il à un de ses disciples. Parfois, inspiré intérieurement, il ne guérissait pas tous ceux qui se présentaient ; mais lorsqu'ils revenaient à l'heure assignée, ce qu'ils ne manquaient pas de faire, il finissait toujours par leur rendre la santé. N'eût-il fait dans le cours de ces vingt ans que huit miracles par jour, on arriverait au chiffre de cinquante-huit mille quatre cents. Mais ce calcul est évidemment trop faible, puisque, c'est un fait constant, notre Saint en opérait non-seulement dans les assemblées publiques et en chaire, mais encore en marchant, en demeurant au logis, à tout instant, pour ainsi dire ; d'où cette parole commune parmi les historiens de sa vie : « C'était un miracle quand il ne faisait pas de miracles, et le plus grand miracle qu'il fît était de n'en point faire ».

La parole grave de saint Louis Bertrand confirme leur témoignage : « Dieu, dit ce Saint, a autorisé la doctrine de Vincent Ferrier par tant de miracles, que, depuis les Apôtres jusqu'à nos jours, il n'est point de Saint qui en ait opéré davantage. Dieu seul en connaît le nombre, comme seul il connaît le nombre des étoiles qui peuplent le firmament ». Sa vertu était si souveraine en matière de guérisons, qu'il la communiquait aux autres, et même aux objets inanimés qui avaient été à son usage. Souvent le peuple se rassemblait pour lui demander une grâce de ce genre; Vincent se tournait vers un de ses compagnons et lui disait : « Aujourd'hui j'ai assez fait de miracles, et j'en suis fatigué. Faites vous-même ce qu'on me demande ; le Seigneur qui opère par moi, opérera aussi par vous ». Quatre cents malades recouvrèrent la santé en se couchant seulement sur le lit où il était mort. Nous rapporterons ici quelques-uns de ces miracles, pour donner à comprendre quelle devait être l'admiration des populations qui étaient les heureux témoins de ces merveilles.

Un des principaux fut la résurrection d'un enfant que sa mère avait tué, mis en morceaux et fait rôtir dans un emportement de frénésie, auquel elle était sujette. Son père, qui logeait le Saint pendant la mission, et qui, en ce temps-là, assistait à son sermon, étant revenu chez lui, fut saisi d'une si grande horreur et d'une douleur si véhémente, qu'il était comme hors de lui-même et ne savait à quoi se résoudre; mais Vincent l'ayant suivi, et étant arrivé à son logis, le consola, l'assurant que Dieu n'avait permis un accident si tragique que pour en tirer sa gloire. En effet, s'étant fait apporter les membres du mort, il les réunit tous les uns aux autres, et par l'efficacité de ses prières et la force du signe de la croix, il rétablit ce corps en entier et lui rendit la vie : prodige si singulier, qu'on n'en trouve presque point de semblable dans toute l'histoire ecclésiastique. On dit que cette merveille arriva en Gascogne ou en Languedoc.

A Valence, on présenta à Vincent une mendiante, infirme et muette. Le Saint fit le signe de la croix sur le front et sur la bouche de cette femme et lui demanda ce qu'elle voulait. « Je demande trois choses, dit-elle, la santé du corps, le pain de chaque jour, et l'usage de la parole ». L'homme de Dieu lui répliqua : « De ces trois choses, deux vous sont accordées, la troisième ne vous convient pas pour le salut de votre âme ». La suppliante répondit Amen, et redevint muette comme auparavant.

A Ezija en Andalousie, une juive fort riche vint par curiosité l'entendre prêcher mais ne goûtant pas sa doctrine, elle entra en fureur, puis se dirigea vers la porte. Le peuple s'opposait à son passage. « Qu'on la laisse sortir, s'écrie Vincent, et que tous se retirent du portique de l'église ». A l'instant le portique croule sur la tête de la juive ; on la retrouva brisée et morte ; mais le Saint, du haut de la chaire, se mit en prière et la ressuscita au nom de Jésus de Nazareth. Les premières paroles de l'Israélite furent qu'il n'y avait de véritable religion que celle des chrétiens. Elle se convertit, et pour perpétuer la mémoire de cet événement, elle établit en cette église une fondation pieuse.

Nous ne marquons point ici en particulier les malades qu'il a guéris, les aveugles à qui il a donné la vue, les sourds qu'il a fait entendre, les muets qu'il a fait parler, les femmes enceintes qu'il a soulagées dans leurs douleurs, ni les paralytiques qu'il a remis en état d'agir et de marcher. Ce qu'il ne faut pas omettre, c'est qu'il a souvent multiplié si prodigieusement un peu de pain et de vin, qu'il s'en est trouvé suffisamment pour nourrir tantôt deux mille, tantôt quatre mille ou six mille personnes après cette distribution le pain et le vin étaient aussi entiers, et même plus abondants qu'auparavant. Cela nous montre que Notre-Seigneur n'opère pas de moindres miracles par ses serviteurs que ceux qu'il a faits par lui-même.

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La procession des disciplinants était capable à elle seule d'attendrir les âmes les plus endurcies. Elle se faisait tous les soirs au coucher du soleil, quelque temps qu'il fit, par la pluie même, la neige, le vent, la tempête. On y voyait des gens de toutes les conditions, nobles et roturiers, grands et petits, même des enfants de quatre à cinq ans qui ne craignaient pas de se frapper avec une sainte cruauté, afin d'expier les péchés du peuple. Cette troupe sortait de l'église, divisée en deux parties, celle des hommes et celle des femmes. On marchait deux à deux, pieds nus, le visage voilé, le sac de la pénitence aux reins et les épaules découvertes, de manière cependant que la modestie ne fût point offensée. Chaque pénitent se frappait avec une discipline, en pensant à la Passion du Sauveur. Le sang coulait, et même, emportés par la ferveur, un grand nombre allait jusqu'à entamer la chair et en détacher des lambeaux par la violence des coups. Et toutefois, chose vraiment surprenante, Dieu le permit ainsi ! jamais aucun de ces austères pénitents ne souffrit dans sa santé à la suite de cet exercice ; notre Saint l'a fait remarquer lui-même, afin de montrer au peuple combien cette démonstration de pénitence sensible était agréable à Dieu ; en douze ans il n'était pas encore mort une seule des personnes qui formaient la compagnie spéciale des disciplinants.

Pendant que cette procession traversait les rues de la ville, on rassemblait dans l'église des femmes de mauvaise vie, et un des compagnons de saint Vincent leur prêchait sur le péché, sur la pénitence, sur l'enfer. Beaucoup de ces malheureuses ne résistaient pas aux pressantes exhortations qui leur étaient adressées. On les voyait le lendemain rompre tous les liens qui les attachaient au vice, et faire partie de la procession de pénitence publique. Que résultait-il de tout cela ? C'est que dès l'entrée de Vincent dans une ville, cette ville prenait l'aspect de Ninive alors que Jonas y prêchait la pénitence. On pleurait quand on entendait la messe du Saint, mais surtout on versait d'abondantes larmes quand il exhortait ses auditeurs au repentir. C'était alors des soupirs brûlants, des sanglots profonds, des cris qui retentissaient dans les airs. On eût dit que chacun pleurait la mort d'un premier-né, d'un père ou d'une mère. Les places et les plaines que couvrait son auditoire donnaient une idée du jugement universel : c'était, en effet, comme la terreur future et la plainte lamentable de toutes les tribus de la terre dans la vallée de Josaphat. Or, remarque Nicolas de Clémangis, témoin oculaire, l'émotion atteignait les âmes les plus froides, et les cœurs de pierre s'amollissaient au point de fondre en pleurs, en gémissements et en accents déchirants.

Qu'on se figure en outre l'affluence extraordinaire des populations. L'auditoire du Saint n'était pas composé seulement par les habitants de la ville où il prêchait. Il lui arrivait souvent de voir autour de sa chaire plus de cinquante mille personnes, quoiqu'il ne prêchât que dans de petits villages. On faisait volontiers plusieurs lieues pour l'entendre. Pendant qu'il prêchait, tous les artisans abandonnaient leurs travaux, et les négociants leurs magasins. Dans les villes d'étude, les maîtres suspendaient leurs leçons. Le mauvais temps, le vent, la pluie, n'empêchaient pas la foule de se rendre sur les places publiques où le Saint devait parler. Les malades qui avaient assez de force pour marcher abandonnaient leurs hôpitaux, d'autres se faisaient porter ; tous espéraient que leurs corps seraient guéris en même temps que leurs âmes, et cette espérance était souvent réalisée.

On peut juger en quelque sorte, par le fait suivant, de l'ardeur que la parole du Saint inspirait au peuple pour la pénitence partout où Vincent arrivait, les places publiques étaient envahies par des marchands dont le commerce consistait uniquement en disciplines, en cilices, en chaînes de fer, en sacs de pénitence et en autres instruments de mortification.

Faut-il donc s'étonner si sa parole a produit tant de fruit, et si l'on dit qu'il a converti dix-huit mille Maures, Turcs ou Sarrasins ; vingt-cinq mille hérétiques ou schismatiques, et des milliers sans nombre de paysans qui n'étaient pas moins grossiers et ignorants dans les choses de la foi que les païens mêmes ? Certes, ce grand prédicateur s'abaissait jusqu'à catéchiser et instruire les idiots et les enfants ; il leur apprenait à faire le signe de la croix, à dire le Pater, l'Ave, le Credo, le Confiteor et le Salve Regina, et à invoquer souvent les très-saints noms de Jésus et de Marie. Enfin il a retiré du vice, dans le cours de sa mission, plus de cent mille pécheurs. Il ne fallait pas craindre, lorsqu'il avait prêché en quelque lieu, d'y voir dans l'église des femmes avec un extérieur contraire à la modestie chrétienne et au respect qu'elles doivent aux anges ; car il emportait toujours cet avantage sur les personnes de ce sexe, qu'elles renonçaient au luxe, à la vanité et à tout ce qui n'était pas selon les règles de la pudeur. Saint Vincent prêchant un jour en la ville de Tortose, contre le schisme de Benoît XIII, devant la reine Marguerite, veuve de Don Martin, roi d'Aragon, cette princesse se sentit si vivement touchée de regret d'avoir soutenu cet anti-pape, qu'elle en pleura amèrement devant toute l'assemblée, et entra depuis dans un monastère près de Barcelone, où elle a fini ses jours dans la pratique d'une grande humilité.
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Ses exhortations au confessionnal étaient si efficaces, que des pénitents sont morts à ses pieds par l'excès de la contrition qu'il avait excitée dans leurs cœurs. Lorsque saint Vincent Ferrier était en France, il se trouvait à Béziers un homme qui avait commis de grands crimes, entre autres celui de l'inceste, et de plus il désespérait presque entièrement de la miséricorde divine. Le Saint étant allé prêcher dans la ville habitée par ce grand criminel, celui-ci alla l'entendre, et il fut tellement pénétré du feu de ses paroles, qu'il vint, tout contrit et humilié, se jeter à ses pieds pour lui faire l'accusation de ses péchés. Effectivement il se confessa avec une contrition si grande, que saint Vincent, lui ayant imposé sept années de pénitence, il s'écria : « Comment, mon Père pour des péchés si graves une si légère pénitence ! » « Oui, mon fils, répondit le Saint, et je veux même vous la diminuer. Votre pénitence ne sera pas un jeûne de sept ans, mais seulement de trois jours au pain et à l'eau ». La douleur de ce vrai pénitent s'accrut en entendant le Saint diminuer ainsi une pénitence qui lui paraissait déjà trop faible, et il répondit : « Mais, mon Père, est-il possible que pour des fautes si graves vous m'imposiez une satisfaction si légère ? » A ces paroles saint Vincent répondit avec une sainte résolution : « Allons, mon fils, je ne veux vous imposer d'autre pénitence que celle-ci trois fois la récitation du Pater ». Le pénitent sincère et soumis, inclina humblement la tête, et se mit à réciter ses trois Pater. Mais sa douleur fut si grande, sa contrition si parfaite que, ne pouvant terminer sa pénitence, il tomba mort aux pieds du saint confesseur. La nuit suivante, l'âme glorieuse de ce pénitent apparut à Vincent : « Par la grande miséricorde de Dieu, dit-elle, et à cause de ma contrition parfaite, le Seigneur m'a octroyé son pardon complet, et je suis entré dans le paradis sans passer par les flammes du purgatoire ».

Dans un autre lieu, une femme qui menait une vie scandaleuse était venue à l'église pour entendre prêcher le Saint. Mais comme elle y était allée pour tout autre motif que celui d'entendre la parole divine, elle se mit à une place bien apparente, afin d'être mieux vue de ses admirateurs. L'homme de Dieu monte en chaire, et il se met à prêcher contre les vains ornements des femmes et contre les péchés des sens. Il exhorte avec force ses auditeurs à les détester comme autant d'offenses de Dieu très graves. O puissance admirable de la parole divine les exhortations du Saint pénétrèrent le cœur de la courtisane, au point que la contrition dont elle fut saisie lui fit verser une grande abondance de larmes de repentir sa douleur fut même si vive, qu'elle en fut suffoquée elle tomba morte par terre à la vue de tout l'auditoire. Tous ceux qui étaient présents avaient été témoins de sa douleur et de ses larmes, mais néanmoins ils tremblaient pour le salut de son âme. En la voyant mourir ainsi subitement, ils prirent cette mort soudaine pour un châtiment de Dieu, et ils déploraient sa perte, qui pouvait être éternelle. Mais le saint orateur les consola promptement : « Mes braves gens, leur dit-il, ne craignez pas pour le salut de cette femme, parce que sa contrition parfaite l'a sauvée. Priez pour elle ». A ces paroles, le saint prédicateur fut interrompu par une voix venue du ciel qui lui dit : « Il n'est plus nécessaire de prier pour elle, mais priez qu'elle intercède pour vous, parce qu'elle est déjà en paradis ». Ainsi fut confirmé ce qu'avait annoncé le Saint, que la contrition parfaite avait sauvé cette femme, et que déjà elle jouissait de la couronne de gloire parmi les âmes des vrais pénitents qui sont dans le ciel.

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Reprenons maintenant, en peu de mots, le cours de sa vie, depuis la grande maladie qu'il eut à Avignon, où Notre-Seigneur lui apparut, le chargea des fonctions de l'apostolat et lui rendit une parfaite santé (1398). Étant sorti d'Avignon, il parcourut les royaumes de Valence et d'Aragon, où, en moins de deux ans, il fit des conversions innombrables, et rétablit de tous côtés la piété dans les villes, les bourgs et les villages.

Au commencement du XVe siècle, notre saint Missionnaire passa en France. La faiblesse de Charles VI, les divisions scandaleuses des plus puissants seigneurs de ce royaume, les suites funestes du schisme, avaient réduit l’Église gallicane dans un état digne de pitié l'ignorance et la corruption des mœurs y exerçaient les plus grands ravages. Il fallait élever la voix, tonner avec force, ranimer la foi, remuer les consciences, arracher les pécheurs à leur vie criminelle. C'était une rude tâche Vincent s'en acquitta en apôtre.

Il évangélisa d'abord la Provence, le Dauphiné, puis il passa en Piémont et de Piémont en Lombardie partout il produisit les mêmes fruits de salut. Étant dans le Piémont, les habitants de Montcallier se plaignirent que, tous les ans, une tempête ruinait leurs vignes lorsqu'ils étaient près de faire la vendange. Il leur donna, pour remède, d'y jeter de l'eau bénite : ce qui eut un si bon effet, que la tempête étant survenue, elle ne put nuire aux vignes qui en avaient été aspergées, tandis qu'elle ravagea celles des maîtres incrédules qui avaient négligé le moyen que le Saint avait donné. Du Piémont il vint en Dauphiné, l'an 1402, qu'il évangélisa plusieurs fois. Trois vallées surtout furent le théâtre de ses travaux et des miraculeux succès de sa prédication : l'Argentière, Freyssinières et Vallouise, toutes trois situées sur la rive droite de la Durance, entre Embrun et Briançon. Elles étaient alors peuplées d'hérétiques, renommés par leurs violences, par leur profonde immoralité, et connus sous le nom de Vaudois.

Les récits que l'on fit à notre Saint sur les habitudes dissolues et barbares de ces hérétiques et sur les dangers d'une mission, au milieu des gorges sauvages qu'ils habitaient, loin de le décourager en l'effrayant, enflammèrent son zèle d'une sainte ardeur. Il pénètre donc chez eux il prêche, il s'élève avec force contre les monstrueuses erreurs de leur foi et les infâmes désordres de leur vie. Trois fois ils attentent à ses jours, trois fois il est divinement protégé. Enfin, ces hommes, vaincus par les vertus et l'éloquence du pieux missionnaire, abjurent leurs croyances et rentrent en foule dans le giron de l’Église. La transformation fut telle, que l'une de ces vallées quitta son nom de Val-Pute ou Vallée-de-Corruption, et prit le nom de Val-Pure ou Vallée-de-Pureté, nom qu'elle échangea, sous Louis XI, contre celui de Vallouise, qu'elle retient encore.

Du Dauphiné, il entra dans la Savoie. Sa mission de Savoie est des années 1402 et 1403. En 1402 se rencontrait le septième jubilé septenaire ou grand pardon de Notre-Dame de Liesse, à Annecy, qu'il prêcha. On remarque que dans ce pays le Saint eut à combattre le culte du Grand-Orient, probablement déjà une secte maçonnique. A Chambéry, il fonda, un couvent de son Ordre. Il parcourut ensuite le Piémont et le diocèse de Lausanne, où il détruisit le culte du soleil, établi parmi les paysans. Passant sur les frontières d'Allemagne, il se rendit en Lorraine, où l'on voit encore à Toul la chaire où il annonçait la parole de Dieu. A Gênes, l'an 1405, et bien qu'il parlât sa langue naturelle, qui était l'espagnol, les étrangers de toutes sortes de nations, qui étaient dans cette ville marchande, ne laissaient pas de l'entendre parfaitement. Il revint en France, où étant passé par Paris, il continua sa mission jusqu'en Flandre, dont il éclaira tout le pays par la lumière de ses prédications.

Le roi d'Angleterre l'ayant pressé de venir aussi dans ses États, il s'embarqua pour l'Angleterre, l’Écosse et l'Irlande; il les parcourut durant les années 140K et 1407. Ensuite il repassa en France, et prêcha dans le Poitou et la Gascogne jusqu'au Carême de l'année 1408, qu'il employa à prêcher dans l'Auvergne. Ce fut là qu'il reçut des lettres d'Aben-Ava-Macoma, roi de Grenade, qui le suppliait de se transporter dans son royaume, afin de l'instruire des mystères de la foi, qu'il avait dessein d'embrasser. Ce fervent prédicateur, voyant une si belle occasion de combattre l'Alcoran et de bannir le Mahométisme d'Espagne, ne manqua pas d'y voler, et, en trois semaines qu'il prêcha devant le roi, il le gagna si bien, qu'il en obtint aussi permission de travailler à la conversion de ses vassaux. Mais les grands de son État, animés par le démon, l'ayant menacé de faire soulever tout le peuple contre lui, et de lui faire perdre sa couronne, s'il ne chassait promptement ce nouveau prédicateur, ce roi pusillanime, saisi d'une vaine crainte, congédia saint Vincent sans se faire baptiser, et mourut misérablement, peu de temps après, dans son infidélité.
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Laetitia
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Re: 600e anniversaire du dies natalis de Saint Vincent Ferrier 5 avril 1419 - 5 avril 2019

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Le Saint laissant Grenade, vint à Barcelone et dans tout le pays de Catalogne et de Valence, où il fit faire des restitutions et des réconciliations qui paraissaient impossibles. Il dut consoler Don Martin, roi d'Aragon, de la perte funeste de son fils unique, roi de Sicile, mort au sein d'une insigne victoire remportée sur les peuples de Sardaigne. Il prédit aussi la mort du même roi d'Aragon, en prêchant à Morelle, près de Valence. Après la mort de ce roi, de grands troubles s'étant élevés en Espagne, pour la succession à la couronne, Vincent passa en Italie, où il prêcha à Florence, à Sienne, à Lucques, à Pise et en plusieurs lieux d'alentour. Mais Jean, roi de Castille, l'ayant appelé pour mettre fin aux divisions dont nous venons de parler, il en vint heureusement à bout ; tout le monde s'en rapporta à son jugement, sur celui à qui la couronne d'Aragon devait appartenir. Il fut encore assez heureux pour retirer le roi de Castille du parti de Benoît XIII, et pour l'obliger à reconnaître pour Pape celui qui serait nommé par le concile de Constance, que l'on assemblait à cet effet.

On ne saurait croire ce qu'il fit ensuite par toute l'Espagne; car, à peine y eut-il ville, bourg ou village, même jusque dans l'île de Majorque et de Minorque, où il ne portât le flambeau de l’Évangile et la lumière de la vérité. Cette grande mission achevée, il rentra en France, prêcha de tous côtés dans le Languedoc, le Berri et la Bourgogne, et remplit ces trois provinces de la réputation de sa sainteté, par les grands miracles qu'il y fit.

Saint Vincent Ferrier était au Puy-en-Velay, lorsqu'un ambassadeur du duc de Bretagne, Jehan V, lui remit une lettre de son souverain, qui le priait de se rendre dans ses États. Il lui disait que plusieurs villes de Bretagne avaient entièrement oublié la doctrine et la loi de Jésus-Christ, au point qu'elles semblaient être habitées par des païens. Ces paroles affligèrent profondément le Saint, toutefois il ne put déterminer l'époque de son passage en Bretagne, parce qu'il voulait auparavant se rendre au concile de Constance. Pendant que, sur sa route, il opérait des prodiges, il reçut un second et un troisième ambassadeur du duc de Bretagne, qui le priait de nouveau de considérer combien sa présence était nécessaire dans ses États. Les fidèles n'y connaissaient plus la religion; à peine les ecclésiastiques savaient-ils les cérémonies de la messe. Les séculiers, faute de personne qui les instruisît, ignoraient non-seulement les commandements de Dieu, mais encore la manière de faire le signe de la Croix. Cette ignorance produisait une foule de désordres, jusqu'aux enchantements et sortilèges. Un aussi désolant tableau ne pouvait manquer d'émouvoir le cœur de saint Vincent. Il résolut de se rendre au plus tôt en Bretagne, et vers la fin de janvier 1417, il prit son chemin par le Bourbonnais, la Bourgogne, Dijon, Clairvaux, Langres, Nancy, le Berry, la Touraine dont la capitale était une Babylone d'iniquités. A Angers, ayant prêché contre le luxe excessif des femmes, il fit cesser le scandale. A Nantes, il fut reçu comme un ange et guérit plusieurs malades. A Vannes, où résidait le duc, qui a mérité le surnom de Bon, pour sa singulière douceur, l'évêque, assisté de ses chanoines et de tout le clergé, et le duc même avec la duchesse et tout ce qu'il y avait de nobles, de magistrats et de peuple dans la ville, vint au-devant de lui jusqu'à la chapelle de Saint-Laurent, à une demi-lieue des portes. Il fut conduit de cette manière avec mille acclamations de joie jusque dans l'église-cathédrale, où l'évêque voulut qu'il donnât la bénédiction. Le lendemain, on dressa une grande estrade devant le portail, où il dit la messe; après la messe, il prêcha sur ce passage du chapitre 4 de saint Jean, que l'on avait lu dans l’Évangile : « Recueillez les morceaux qui sont demeurés, de peur qu'ils ne soient perdus », et pressa avec une force merveilleuse ses auditeurs de profiter des restes du festin de la parole de Dieu qu'il apportait, comme s'il eût voulu signifier que sa mission finirait bientôt avec sa vie. Il prédit à la duchesse qu'elle accoucherait d'un fils qui arriverait à la couronne de Bretagne, ce qui s'est vérifié; car, bien que ce prince ne fût pas l'aîné, il n'a pas laissé de devenir duc, François Ier, son frère, étant mort sans enfants.
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Re: 600e anniversaire du dies natalis de Saint Vincent Ferrier 5 avril 1419 - 5 avril 2019

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Quoique le travail de cette mission fût très-pénible, à cause de la corruption des mœurs et des vices invétérés des Bretons, le Saint étendit encore son zèle jusque dans la Normandie. Un pauvre misérable, étant au désespoir pour avoir donné au démon un papier signé de sa main, par lequel il s'abandonnait à lui, le Saint contraignit cet ennemi des hommes de rapporter publiquement ce papier, pour être déchiré et mis en pièces. Il délivra aussi une fille dont le démon s'était emparé, parce qu'elle n'avait pas fait le signe de la croix dans un grand tumulte qu'il avait lui-même excité dans la maison de son père ; mais s'il le chassa de quelques corps, il le fit sortir d'une infinité d'âmes, qui s'étaient rendues ses esclaves par le péché. Et tous ces pays se sont longtemps ressentis du changement qu'il y avait fait par la force de ses admirables prédications. On dit même que le présidial de Caen, après les prédications de notre Saint, fut plusieurs années sans avoir de procès à juger, la charité chrétienne rendant elle-même la justice, et terminant tous les différends des parties.

Le démon faisait bien tout ce qu'il pouvait pour empêcher ces grands fruits : il s'est quelquefois travesti en ermite, et mêlé parmi ses auditeurs pour le décrier, et les détourner de l'entendre ; d'autres fois il a excité des tempêtes et fait paraître en l'air des nuages noirs et épais, prêts à se résoudre en pluie et en grêle, afin que le monde qui était au sermon, en pleine campagne, se retirât promptement et allât chercher un abri dans les maisons. Il a pris aussi la figure de chevaux fougueux qui semblaient venir fondre sur l'auditoire, pour en troubler l'attention et interrompre le Saint au milieu de son discours. Mais cet homme admirable a toujours découvert ses ruses et dissipé ses mauvais desseins. Un jour, ce monstre lui dit que c'était avec raison qu'on l'appelait Vincent, puisqu'il était toujours victorieux, et que tout l'enfer ne lui pouvait pas résister.

La persécution des langues médisantes fut beaucoup plus sensible à saint Vincent que celle des démons, et, à dire vrai, ça été ici la pierre de touche par laquelle Notre-Seigneur a voulu éprouver la constance, la fidélité, l'amour du prochain, l'humilité et généralement toutes les vertus qui étaient en lui. En effet, il s'est trouvé des personnes, ayant même quelque apparence de piété, qui l'ont chargé d'injures, et qui l'ont traité de coureur, de bateleur, d'hypocrite et de faux prophète ; d'autres disaient que c'était un prêcheur de fables et de rêveries, et qu'il n'entreprenait ces grandes missions que pour fuir la solitude, se soustraire à l'obéissance de ses supérieurs, avoir entrée chez les grands et se faire adorer des peuples. On montre même encore aujourd'hui des prisons que l'on dit avoir été sanctifiées par son humilité et son invincible patience. Mais toutes ces contradictions n'étaient que des fleurons pour composer sa couronne, et le faire paraître devant Dieu comme un or purifié par le feu et exempt de tout mélange. Sa vie, plus austère que celle des plus rigoureux solitaires, son aversion pour les charges et pour les dignités de l’Église, ses miracles continuels, et le succès inestimable de ses prédications, faisaient bien voir l'injustice de tous ces reproches, et que saint Vincent était un apôtre extraordinairement envoyé du ciel pour la réformation des mœurs des fidèles. Dieu fit aussi des prodiges pour punir ces langues médisantes ; et la plupart, frappées de sa main, furent obligées d'avoir recours au Saint pour être délivrées des fléaux qu'elles s'étaient attirés par leurs calomnies.
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Re: 600e anniversaire du dies natalis de Saint Vincent Ferrier 5 avril 1419 - 5 avril 2019

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Après avoir parcouru la Normandie, il retourna à Vannes, pour y continuer ses travaux. Mais les cinq compagnons qu'il menait toujours avec lui, pour l'assister dans les confessions et pour avoir une sainte compagnie avec qui il pût garder une forme de communauté hors des couvents de son Ordre, voyant que sa santé diminuait notablement, et qu'il ne pouvait pas vivre encore longtemps, le prièrent, avec beaucoup d'instance, de retourner à Valence, afin que cette ville, qui avait été le lieu de sa naissance, fût aussi celui de sa sépulture. Il leur résista quelque temps ; mais, enfin, se rendant à leur avis, après avoir exhorté les habitants de Vannes à ne jamais oublier les vérités qu'il leur avait prêchées, il partit de nuit, avec ses confrères, pour prendre la route d'Espagne. Ils marchèrent toujours jusqu'au lever du soleil, et croyaient déjà être éloignés de plusieurs lieues de la ville ; mais, le jour étant levé, ils virent qu'ils étaient encore aux portes. Vincent voyant ce prodige, dit à ses religieux qui étaient avec lui : « Rentrons, mes frères, Dieu veut que je meure ici, et jamais Valence n'aura mes os, parce qu'elle n'a pas voulu suivre les avis que je lui ai donnés ».

Ils rentrèrent donc dans la ville, et la joie y fut si grande, que l'on courut aux églises pour y sonner les cloches. Mais elle ne dura guère ; car, peu de temps après, Vincent tomba malade et déclara à l'évêque, qui était Amaury de La Motte, et aux magistrats qui le vinrent voir, que dix jours après il partirait de ce monde. Il ne voulut point avoir de médecins en cette maladie, parce qu'il savait qu'elle était ordonnée de Dieu pour le disposer à la mort ; mais il se confessait tous les jours, considérant le sacrement de la Pénitence comme un remède souverain contre les maladies de l'âme. Le lundi de la semaine de la Passion, il se fit appliquer l'indulgence plénière que le pape Martin V lui avait envoyée pour l'heure de la mort ; il était persuadé que, malgré les travaux que l'on peut avoir entrepris pour la gloire de Dieu, l'on est toujours serviteur inutile et qu'on a toujours besoin de son indulgence et de sa miséricorde. Enfin, après avoir reçu les derniers Sacrements de la main du grand-vicaire de l'église cathédrale, il rendit son esprit à Dieu en présence de la duchesse Jeanne de France et de toutes les dames de la cour, le mercredi 5 avril, l'an de Notre-Seigneur 1419, et de son âge le soixante-dixième. Saint Vincent prêcha de 1398 à 1419. Par les fruits qu'il a produits, on ne saurait dire qu'aucun autre missionnaire l'ait dépassé. Il a été l'homme de la Providence pour maintenir les peuples dans la foi, à l'époque du schisme d'Occident.
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InHocSignoVinces
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Re: 600e anniversaire du dies natalis de Saint Vincent Ferrier 5 avril 1419 - 5 avril 2019

Message par InHocSignoVinces »

Laetitia a écrit : sam. 06 avr. 2019 11:32
Après avoir parcouru la Normandie, il retourna à Vannes, pour y continuer ses travaux. Mais les cinq compagnons qu'il menait toujours avec lui, pour l'assister dans les confessions et pour avoir une sainte compagnie avec qui il pût garder une forme de communauté hors des couvents de son Ordre, voyant que sa santé diminuait notablement, et qu'il ne pouvait pas vivre encore longtemps, le prièrent, avec beaucoup d'instance, de retourner à Valence, afin que cette ville, qui avait été le lieu de sa naissance, fût aussi celui de sa sépulture. Il leur résista quelque temps ; mais, enfin, se rendant à leur avis, après avoir exhorté les habitants de Vannes à ne jamais oublier les vérités qu'il leur avait prêchées, il partit de nuit, avec ses confrères, pour prendre la route d'Espagne. Ils marchèrent toujours jusqu'au lever du soleil, et croyaient déjà être éloignés de plusieurs lieues de la ville ; mais, le jour étant levé, ils virent qu'ils étaient encore aux portes. Vincent voyant ce prodige, dit à ses religieux qui étaient avec lui : « Rentrons, mes frères, Dieu veut que je meure ici, et jamais Valence n'aura mes os, parce qu'elle n'a pas voulu suivre les avis que je lui ai donnés ».

(...)

Una santa y triste verdad. Como español y valenciano, puedo confirmar que las palabras de San Vicente Ferrer fueron del todo acertadas en lo referente a Valencia en particular, y toda España en general. Ciertamente, nadie es profeta en su tierra, y la irreverencia, la falta de piedad verdadera y la ignorancia religiosa que existe entre mis compatriotas desde hace siglos es un fenómeno casi endémico. Debo añadir que gran parte de culpa de esta desolación espiritual fue, ha sido y es debida a la negligencia de los pastores de almas, los cuales no supieron, o a veces no quisieron, formarse debidamente en asuntos teológicos y espirituales, y las funestas consecuencias de esa negligencia las sufrieron y las sufren los fieles.

Por otra parte, me anima el pensamiento de que la bendita tierra de Francia sí supo acoger y apreciar la divina predicación de San Vicente Ferrer, y a pesar de las muchas dificultades que el santo hubo de padecer también en suelo francés, su espíritu y su recuerdo perduran entre los instruidos fieles de la Galia.

Gracias por este pequeño y generoso homenaje a su figura en este señalado aniversario, querida Laetitia.
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