Sermon sur la tempérance chrétienne.

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Laetitia
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Sermon sur la tempérance chrétienne.

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  Bourdaloue a écrit :
SERMON SUR LA TEMPÉRANCE CHRÉTIENNE (VIe dimanche après la Pentecôte).

ANALYSE.

Sujet. Alors Jésus prit les sept pains qui lui avaient été présentés; et rendant des actions de grâces, il les rompit et les donna à ses disciples pour les distribuer, et ils les distribuèrent au peuple.

Le Sauveur du monde, en nourrissant le peuple, nous enseigne la tempérance que nous devons garder dans les repas.

Division. Dans le mystère de. la multiplication des pains et dans le soin que prend Jésus-Christ de nourrir ces saintes troupes qui l’avaient suivi, il nous apprend à retrancher de la réfection du corps ce qu'il y a de défectueux et de déréglé : première partie. Et ce même Sauveur nous fait encore connaître de quelle sainteté cette réfection du corps est susceptible, et nous apprend à la perfectionner: deuxième partie.

Première partie. Jésus-Christ nous apprend à retrancher de la réfection du corps ce qu'il y a de défectueux et de déréglé, savoir : rattachement, l'excès, la délicatesse.

1° L'attachement, c'est-à-dire une attention trop grande à ce qui regarde le soulagement et l'entretien du corps. Pour corriger . Jésus-Christ mène le peuple qu'il traîne à sa suite, dans un lieu solitaire, inculte, dénué de tout; et c'est là en effet que ce peuple, bien différent des anciens Juifs, et uniquement attentif à écouter la parole de Dieu, se laisse conduire sans murmurer. Mais combien y a-t-il maintenant dans le christianisme de ces hommes dont saint Paul a dit qu'ils font de leur corps leur divinité, ne pensant à rien autre chose et ne s'occupant de rien autre chose ? Comparons cette insatiable avidité avec la sobriété de ces religieux dont parle Cassien, et combattons cet attachement immodéré, comme saint Augustin nous témoigne lui-même qu'il était sans cesse obligé de le combattre.

2° L'excès. La nature se contente du nécessaire; mais la convoitise cherche le superflu. Jésus-Christ ne pensa à la subsistance de ces quatre mille hommes, dont il se trouvait chargé, que lorsqu'ils furent dans une nécessité extrême : mais aujourd'hui, comme dans tous les autres temps, on va bien au delà de cette nécessité. De sorte que la parole du Saint-Esprit ne se vérifie que trop en nous, lorsqu'il nous dit que l'homme s'est rendu semblable aux bêtes. Encore les bêtes ont-elles cet avantage, qu'elles s'en tiennent à ce qui leur suffit. Quel opprobre pour nous, et en particulier pour les personnes du sexe, lesquelles se portent maintenant à des intempérances qui leur étaient autrefois inconnues !

3° La délicatesse, Jésus-Christ ne nourrit le peuple que de pain. Dieu, remarque l'abbé Rupert, avait fourni aux Israélites dans le désert les mets les plus exquis : Et pluit super eos volatilia pennata. Mais ce n'était point par un effet de sa libéralité; c'était plutôt par un châtiment de sa justice et pour punir leurs murmures. Car il n'est rien de plus dangereux ni de plus pernicieux que cette délicatesse; elle donne des forces à la chair pour se révolter et pour secouer le joug. Aussi les saints en ont-ils eu tant d'horreur : et c'est de là que les conditions les plus relevées et les plus aisées sont communément les plus corrompues.
(à suivre)
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Laetitia
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  Bourdaloue a écrit :
Deuxième partie. Jésus-Christ nous fait encore connaître de quelle sainteté la réfection du corps est susceptible, et nous apprend à la perfectionner ; par où ? par la bénédiction des viandes et l'action de grâces, par sa présence adorable, et par les œuvres de charité.

1° Par la bénédiction des viandes et l'action de grâces. Il bénit les pains et rendit grâces à son Père. Il est bien juste que nous nous acquittions de l'un et de l'autre devoir, puisque c'est de Dieu que nous recevons notre nourriture. C'est par là que se faisaient distinguer les premiers fidèles, et saint Ambroise observe que ces deux voyageurs à qui le Sauveur des hommes se joignit sur le chemin d'Emmaüs le reconnurent dans la fraction du pain, et à la bénédiction qu'il lui donna avant que de le manger. N'est-il pas étrange que nous jouissions des bienfaits de Dieu, sans penser à Dieu et sans le remercier ?

2° Par sa présence adorable. Ce fut en la présence de Jésus-Christ que le peuple prit la nourriture qui lui avait été distribuée. Dieu est présent partout pour tout voir; mais on peut dire qu'il redouble en quelque sorte son attention dans les lieux et dans les rencontres où nous pouvons plus aisément nous échapper, comme dans les repas. C'est donc là que nous devons le perdre moins de vue. Les païens eux-mêmes faisaient exposer leurs idoles devant leurs tables, afin que l'idée de ces faux dieux les tint dans une juste modération. Mais parce que nous oublions notre Dieu, tout présent qu'il est, qu'arrive-t-il souvent ? Jugeons-en par l'exemple de Balthasar. Si Dieu n'éclate pas ouvertement contre nous, comme il éclata contre ce prince, ses jugements secrets n'en sont pas moins redoutables ni moins funestes.

3° Par les œuvres de charité. Jésus-Christ fit recueillir les restes pour ceux qui pouvaient survenir. Ainsi les riches doivent-ils entretenir les pauvres du superflu de leurs tables. Saint Louis en nourrissait tous les jours, dans son palais, un certain nombre. On laisse périr dans les maisons tant de choses dont les pauvres pourraient se nourrir. On les laisse périr eux-mêmes, et par là on s'expose au triste sort de ce mauvais riche de l'Évangile qui fut enseveli dans l'enfer. Puissions-nous, pour fruit de ce discours, nous affranchir de l'esclavage de nos corps !
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Laetitia
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Et accipiens septem panes, gratias agens fregit, et dabat discipulis suis ut apponerent, et apposuerunt turbæ. Alors Jésus prit les sept pains qui lui avaient été présentés, et rendant des actions de grâces, il les rompit et les donna à ses disciples pour les distribuer, et ils les distribuèrent au peuple. (Saint Marc, chap. VIII, 6.)

Si nous étions, comme les anges, de purs esprits, toutes nos vertus devraient se ressentir de la condition et de l'excellence de cet état : mais parce que nos âmes sont attachées à des corps, et que ces corps font une partie de nous-mêmes, Dieu veut que nos vertus aient un caractère particulier pour sanctifier nos corps, aussi bien que nos âmes ; et que nos corps, de même que nos âmes, reçoivent de nos vertus le fonds de sainteté et de perfection qui leur est propre. En effet, il n'y a point de vertu dans l'homme, soit morale, soit chrétienne, qui ne puisse contribuer à l'un et à l'autre; mais entre les vertus, il y en a toutefois une qui sert spécialement à tous les deux par une différence essentielle ; c'est-à-dire une vertu qui ne réside dans l'âme que pour sanctifier le corps, et dont la fonction principale est de gouverner le corps, est de régler les appétits du corps, est de pourvoir à l'entretien du corps, est d'assujettir le corps à l'esprit, pour assujettir ensuite plus aisément l'esprit à Dieu. Or cette vertu, c'est la tempérance.

Les philosophes l'ont mise au nombre des vertus morales, mais les Pères de l'Eglise et les théologiens nous l'ont proposée comme une vertu surnaturelle dans le christianisme, et l’Évangile nous en fait un devoir absolument indispensable, et un moyen de salut. Il est donc important, mes chers auditeurs, de vous la faire connaître ; et je n'en puis trouver, ce me semble, une occasion plus favorable que celle-ci. Le Sauveur du monde, suivi d'une nombreuse multitude jusques au milieu d'un désert sec et aride, après avoir nourri leurs cœurs d'une pâture toute céleste, pense au soulagement de leurs corps pressés de la faim ; et vous savez par quel miracle il multiplia les pains et fournit à la subsistance d'un si grand peuple. C'est de ce miracle même que je veux tirer aujourd'hui d'excellentes leçons, pour vous apprendre à vous comporter chrétiennement et saintement dans l'une des actions de la vie les plus ordinaires, qui est le repas et la nourriture du corps.
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Ce sujet, me direz-vous, ne convient guère à la dignité de la chaire ; et moi je vous réponds : Ne convenait-il pas à saint Paul ? Cet apôtre le croyait-il au-dessous de son ministère, et n'en a-t-il pas plus d'une fois entretenu les fidèles, lorsqu'il leur écrivait : Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu : Sive  manducatis, sive bibitis,  omnia in gloriam Dei facite (1 Cor., X, 10.) ? C'est une matière, il est vrai, que les prédicateurs traitent rarement, et peut-être n'en avez-vous jamais entendu parler ; mais c'est pour cela même que je ne la dois pas omettre, afin que vous ne manquiez pas d'instruction sur un point où tous les jours on se laisse aller à tant de désordres. J'aurai néanmoins, dans toute la suite de ce discours, des écueils à éviter et des précautions à prendre. Implorons le secours du ciel, et demandons les lumières du Saint-Esprit par l'intercession de Marie : Ave, Maria.

Deux choses, selon saint Thomas et selon tous les maîtres de la morale, sont nécessaires pour l'accomplissement d'une action vertueuse. Premièrement, d'en corriger les abus ; et secondement, de la revêtir de toute la perfection dont elle est capable. Je puis dire, Chrétiens, et l'expérience ne nous en convainc que trop sensiblement, qu'il n'y a point d'action sujette à de plus grands désordres, que ces repas où la nature cherche à réparer ses forces affaiblies, mais où la passion, au lieu de se contenir dans les bornes du besoin, s'abandonne aux plus honteuses et aux plus scandaleuses débauches. Comme cette action, toute naturelle par elle-même , procède immédiatement de l'appétit que nous nommons concupiscible, on ne doit point être surpris qu'elle en contracte les qualités. Or cette convoitise est la source de tous les vices ; et n'ayant rien en soi que de matériel, il faut que la grâce fasse des efforts extraordinaires pour la purifier et la rendre digne de Dieu.

Voici donc en deux mots tout mon dessein, renfermé dans l'évangile de ce jour. Je veux vous montrer comment le Fils de Dieu, dans le mystère de la multiplication des pains, et dans le soin qu'il prend de ces saintes troupes qui l'avaient si longtemps accompagné sans soutien et sans nourriture, nous enseigne à retrancher de la réfection du corps ce qu'il y a de défectueux et de déréglé : ce sera la première partie. Et nous verrons encore de quelle sainteté il nous fait connaître que cette réfection du corps est susceptible, et comment il nous apprend à la perfectionner : ce sera la seconde partie. Ce Sauveur des hommes répand sur tout un peuple les effets de sa charité ; et dans cette charité qu'il exerce, je trouve tout ensemble et une réforme générale de tous les dérèglements de l'appétit sensuel, et le plus parfait modèle d'un usage sobre et chrétien des dons de la Providence, qui servent d'aliments à nos corps. Ne négligeons pas, je vous prie, ces leçons : pour peu que vous y donniez d'attention, elles vous paraîtront, comme à moi, bien solides et bien nécessaires. Commençons.
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Laetitia
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PREMIÈRE  PARTIE.

Saint Grégoire, pape, parlant des devoirs de la tempérance chrétienne, remarque surtout trois désordres qu'elle doit retrancher, en ce qui regarde la subsistance et la nourriture du corps. Premièrement, dit-il, elle nous en doit ôter l'affection, c'est-à-dire un certain attachement servile qui rend l'homme en quelque manière esclave de son corps ; secondement, elle en doit modérer l'excès, qui souvent nous en fait user hors du besoin et de la nécessité ; troisièmement, elle en doit bannir la délicatesse, si contraire à l'obligation que le christianisme nous impose, de crucifier notre chair avec ses passions et ses désirs corrompus : Qui Christi sunt, carnem suam crucifixerunt cum vitiis et concupiscentiis (Galat., 5.).

Or, c'est d'abord ce que je trouve marqué de point en point dans notre évangile, et de quoi Jésus-Christ, dans le grand miracle qu'il opère, nous donne un exemple éclatant. Observez-y, s'il vous plaît, trois circonstances. Il nourrit une multitude innombrable de peuple qu'il traîne à sa suite, mais avant toutes choses il les dégage d'une attention trop grande au soulagement de leur corps et à son entretien, en les attirant dans un lieu solitaire, inculte, dénué de tout; et voilà le premier désordre corrigé.

De plus, il ne donne à ce peuple la nourriture corporelle que dans l'extrémité, et lorsqu'il est à craindre qu'ils ne tombent dans une entière défaillance; et voilà le second désordre retranché. 

Enfin , quoiqu'il fasse un miracle de sa providence en faveur de ce peuple, il ne leur fournit après tout qu'un aliment commun et peu propre à flatter le goût, quelques petits poissons et du pain, et c'est ainsi qu'il remédie au troisième désordre. Écoutez-moi, Chrétiens, et développons chaque article pour nous l'appliquer à nous-mêmes et pour en profiter.

Est-il rien de plus touchant que de voir des milliers d'hommes courir après notre divin Maître, et marcher dans une affreuse solitude, sans secours, sans provisions, déterminés à souffrir la faim, la soif, toutes les misères, pour contenter une sainte ardeur de l'entendre, et pour se repaître de sa doctrine ? Ce miracle, à le bien considérer, n'est-il pas en quelque sorte plus étonnant et plus glorieux à Jésus-Christ que celui même des pains multipliés ?

Quelle différence entre ce peuple qui suit avec tant de résolution et tant de constance le Fils de Dieu, et ces anciens Juifs qui suivirent autrefois Moïse dans les déserts de la Palestine ! A peine ceux-ci eurent-ils ouvert les yeux pour reconnaître la route où les avait engagés leur législateur et leur conducteur, qu'ils éclatèrent contre lui en plaintes et en reproches. Une défiance criminelle s'empara de leurs cœurs ; les viandes de l'Égypte leur revinrent sans cesse dans l'esprit, et Moïse en vain pour les rassurer fit tant de prodiges; en vain lui virent-ils fendre les flots de la mer et en adoucir l'amertume ; en vain, par le seul attouchement de sa baguette, tira-t-il du sein des rochers des fontaines d'eau vive ; en vain chaque jour leur parlait-il de la part du Dieu vivant, leur annonçait-il sa loi, leur faisait-il entendre ses sacrés oracles, ces hommes charnels ne pouvaient être contents qu'ils ne fussent rassasiés : Si non fuerint saturati, et murmurabunt (Ps., 58.) ; et, toujours occupés de leur corps, plût au ciel, s'écriaient-ils, que nous fussions restés jusqu'à la mort dans le lieu de notre exil, où nous avions du pain en abondance ! Utinam mortui essemus in terra Aegypti, quando comedebamus panem in saturitate (Exod., 16.) ! Telle était l'avidité de cette nation toute sensuelle.
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Laetitia
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Mais voici un spectacle et des sentiments bien opposés dans un peuple fidèle, qui se rend docile aux divines instructions de son Sauveur; qui, pour l'écouter, soutient toutes les fatigues d'une longue marche, et ne se laisse rebuter ni de la difficulté des chemins, ni de la stérilité d'une terre déserte. D'où vient cela ? Ah ! mes Frères, répond saint Chrysostome, n'en soyons point surpris : c'est que Jésus-Christ, ce nouveau législateur, a bien une autre vertu que Moïse. L'un n'avait qu'une conduite extérieure sur les Israélites, mais l'autre agit intérieurement dans les âmes ; et, par l'efficace de sa grâce, il a le pouvoir d'en arracher toutes les passions terrestres et animales, et d'y en substituer d'autres toutes spirituelles et toutes pures.

Comprenez donc cette première leçon qu'il nous fait, de réprimer et de dompter les insatiables appétits de notre chair, pour être en état de suivre Dieu et de goûter sa sainte parole. C'est par là que nous devons commencer, et voilà l'ennemi qui doit être défait avant tous les autres, parce que les autres reçoivent de celui-là toute leur force.
Ennemi qui, dès la naissance de l’Église, a infecté de son poison le monde même chrétien , et qui maintenant le répand aussi loin que jamais. C'est ce que déplorait saint Paul écrivant aux Philippiens. Oui, mes Frères, leur disait ce maître des Gentils, il y en a plusieurs parmi vous dont je vous ai déjà parlé, et dont je vous parle encore avec douleur, qui vivent en vrais apostats de la croix de Jésus-Christ. Hommes livrés à leurs sens, plongés dans leurs sens, idolâtres de leurs sens, et qui ne doivent point attendre d'autre fin qu'une damnation éternelle : pourquoi ? parce qu'ils se font une divinité de leurs corps : Quorum Deus venter est (Philip., 3.), et que toute leur attention est à satisfaire cette chair mortelle et corruptible.

Or, ce que cet apôtre remontrait en des termes si forts aux premiers chrétiens, n'ai-je pas droit de vous le dire à vous-mêmes, et ne puis-je pas vous adresser les mêmes paroles ? car ne savons-nous pas qu'il n'y en a que trop de ce caractère dans le siècle où nous sommes, qui ne semblent vivre que pour nourrir et engraisser leur corps ; qui n'ont d'autre pensée, d'autre vue, d'autre occupation que celle-là; qui, pour une partie de plaisir et de bonne chère, abandonnent aux plus saints jours tous les exercices de piété ; et, bien loin de se priver du nécessaire, comme ces troupes de notre évangile, pour venir entendre Jésus-Christ dans la personne de ses ministres, laissent les prédications les plus importantes et les plus salutaires enseignements, pour ne manquer pas une occasion de satisfaire leur cupidité ?

Je veux croire, mes chers auditeurs, que vous n'êtes pas de ce nombre ; mais je dois toujours condamner ici ce scandale, pour vous en préserver : je dois vous faire souvenir que c'est par cette porte que le péché est entré dans le monde ; que de toutes les armes qu'avait en main l'ennemi de notre salut, il n'en trouva point de plus assurées, comme dit saint Basile, et de plus puissantes que cette tentation pour terrasser le premier homme; qu'il osa même attaquer par là le Saint des saints et un Homme-Dieu. Or, nous ne sommes pas plus à l'épreuve des traits de cet esprit tentateur que ne l'étaient nos premiers parents, et nous sommes bien éloignés de la sainteté de Jésus-Christ. C'est donc à nous de juger si ce démon, tout impur et tout vil qu'il est, n'est pas à craindre pour nous, et s'il n'est pas juste que nous nous tenions toujours en défense contre lui.
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Mais voici un spectacle et des sentiments bien opposés dans un peuple fidèle, qui se rend docile aux divines instructions de son Sauveur; qui, pour l'écouter, soutient toutes les fatigues d'une longue marche, et ne se laisse rebuter ni de la difficulté des chemins, ni de la stérilité d'une terre déserte. D'où vient cela ? Ah ! mes Frères, répond saint Chrysostome, n'en soyons point surpris : c'est que Jésus-Christ, ce nouveau législateur, a bien une autre vertu que Moïse. L'un n'avait qu'une conduite extérieure sur les Israélites, mais l'autre agit intérieurement dans les âmes ; et, par l'efficace de sa grâce, il a le pouvoir d'en arracher toutes les passions terrestres et animales, et d'y en substituer d'autres toutes spirituelles et toutes pures.

Comprenez donc cette première leçon qu'il nous fait, de réprimer et de dompter les insatiables appétits de notre chair, pour être en état de suivre Dieu et de goûter sa sainte parole. C'est par là que nous devons commencer, et voilà l'ennemi qui doit être défait avant tous les autres, parce que les autres reçoivent de celui-là toute leur force.
Ennemi qui, dès la naissance de l’Église, a infecté de son poison le monde même chrétien , et qui maintenant le répand aussi loin que jamais. C'est ce que déplorait saint Paul écrivant aux Philippiens. Oui, mes Frères, leur disait ce maître des Gentils, il y en a plusieurs parmi vous dont je vous ai déjà parlé, et dont je vous parle encore avec douleur, qui vivent en vrais apostats de la croix de Jésus-Christ. Hommes livrés à leurs sens, plongés dans leurs sens, idolâtres de leurs sens, et qui ne doivent point attendre d'autre fin qu'une damnation éternelle : pourquoi ? parce qu'ils se font une divinité de leurs corps : Quorum Deus venter est (Philip., 3.), et que toute leur attention est à satisfaire cette chair mortelle et corruptible.

Or, ce que cet apôtre remontrait en des termes si forts aux premiers chrétiens, n'ai-je pas droit de vous le dire à vous-mêmes, et ne puis-je pas vous adresser les mêmes paroles ? car ne savons-nous pas qu'il n'y en a que trop de ce caractère dans le siècle où nous sommes, qui ne semblent vivre que pour nourrir et engraisser leur corps ; qui n'ont d'autre pensée, d'autre vue, d'autre occupation que celle-là; qui, pour une partie de plaisir et de bonne chère, abandonnent aux plus saints jours tous les exercices de piété ; et, bien loin de se priver du nécessaire, comme ces troupes de notre évangile, pour venir entendre Jésus-Christ dans la personne de ses ministres, laissent les prédications les plus importantes et les plus salutaires enseignements, pour ne manquer pas une occasion de satisfaire leur cupidité ?

Je veux croire, mes chers auditeurs, que vous n'êtes pas de ce nombre ; mais je dois toujours condamner ici ce scandale, pour vous en préserver : je dois vous faire souvenir que c'est par cette porte que le péché est entré dans le monde ; que de toutes les armes qu'avait en main l'ennemi de notre salut, il n'en trouva point de plus assurées, comme dit saint Basile, et de plus puissantes que cette tentation pour terrasser le premier homme; qu'il osa même attaquer par là le Saint des saints et un Homme-Dieu. Or, nous ne sommes pas plus à l'épreuve des traits de cet esprit tentateur que ne l'étaient nos premiers parents, et nous sommes bien éloignés de la sainteté de Jésus-Christ. C'est donc à nous de juger si ce démon, tout impur et tout vil qu'il est, n'est pas à craindre pour nous, et s'il n'est pas juste que nous nous tenions toujours en défense contre lui.
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Je suis surpris, Chrétiens, quand je considère les règles de morale et de discipline qu'observaient sur cela ces saints religieux dont Cassien nous rapporte la vie pénitente. C'étaient des hommes parfaits, des hommes séparés du monde, des hommes étroitement unis à Dieu, et dans un commerce perpétuel avec Dieu ; mais en même temps toujours adonnés aux plus rigoureux exercices de la mortification, toujours dans les abstinences et dans les jeûnes : pourquoi ? pour éteindre toujours de plus ni plus cette concupiscence de la chair que nous portons dans nous-mêmes, et dont il est si difficile de se garantir : car c'est pour cela, mes Frères, disait Cassien, que nous avons embrassé une vie si austère. Il faut nous rendre maîtres de nous-mêmes, et réduire nos corps à un tel point, que la nourriture et les aliments ne leur soient plus un plaisir, mais une peine : Eo usque emendanda caro jejuniis, ut et refectionem sibi non tamjucunditati concessam, quam oneri sibi impositam  cognoscat (Cassia). Sans cela, ajoutait-il, nous ne sommes pas propres pour la milice chrétienne, et sans cela nous n'avons pas la première disposition pour être à Dieu. Or, si ces grands hommes parlaient de la sorte, et s'ils le pensaient ainsi qu'ils le disaient ; si, tout éloignés qu'ils étaient des enchantements et des délices du siècle, ils ne laissaient pas de combattre sans cesse l'intempérance comme un des plus dangereux ennemis qu'ils eussent à vaincre, que devez-vous faire, vous qui n'avez ni les mêmes avantages de la retraite et de la profession religieuse, ni la même sainteté ?

Je ne suis pas dans un moindre étonnement, quand j'apprends de saint Augustin lui-même, de ce grand génie, de cet esprit si sublime et si élevé, de ce docteur de l’Église rempli des plus hautes connaissances ; quand, dis-je, j'apprends de sa propre confession le soin qu'il apportait à s'étudier sur ce point, à s'examiner, ou plutôt à se juger dans la dernière rigueur, et à se condamner. Savez-vous, disait-il, ce qui fait maintenant ma peine, dans l'état même de ma pénitence, et depuis l'heureux moment où je me suis converti à mon Dieu ? Ce n'est plus la curiosité et la présomption de mon esprit, je l'ai soumis à la foi ; ce n'est plus l'ambition et le désir des honneurs mondains, j'y ai renoncé, ce n'est plus la faiblesse de mon cœur ni mes engagements criminels, je suis libre enfin, et, avec le secours de la grâce, j'ai rompu mes liens : toute la difficulté qui me reste est à l'égard de l'entretien du corps, et ce qui me coûte le plus est une sobriété raisonnable. D'une part, Dieu m'ordonne de soutenir mon corps, et de l'autre il me défend de m'y attacher : il me commande d'en avoir soin, afin qu'il serve aux opérations de mon âme ; et il me défend de m'y attacher, afin qu'il ne les trouble pas. De là je me vois engagé dans une guerre continuelle, et contre qui ? contre la concupiscence qui règne encore dans moi malgré moi, et qui me doit être d'autant plus suspecte qu'elle me paraît moins criminelle, parce qu'elle se couvre du prétexte de la nécessité : His ergo tentationibus liber, certo adhuc adversus concupiscentiam manducandi et bibendi. Et où est l'homme, Seigneur, poursuivait ce saint pénitent, où est celui que cette concupiscence n'emporte quelquefois ? Et quis est ? S'il y a quelqu'un qui l'ait entièrement détruite, il est vraiment grand, et c'est à lui qu'il appartient de louer et d'exalter votre nom : Quisquis est ille, magnus est, magnificet nomen tuum. Mais moi, mon Dieu, je n'en suis pas encore là, parce que j'ai encore dans moi les restes du péché : Ego autem non sum, quia homo peccator sum.

Or, si saint Augustin, je dis saint Augustin revenu de ses égarements et sanctifié par une grâce particulière du ciel, se sentait néanmoins dans une telle disposition, quelle doit être la vôtre, Chrétiens, dans la dissipation et le libertinage d'une vie mondaine ? Enfin, ce que j'admire par-dessus tout, c'est d'entendre le Fils de Dieu qui nous recommande si expressément de prendre bien garde et de veiller exactement sur nous-mêmes, de peur que nos cœurs ne viennent à s'appesantir par un amour désordonné de nos corps, et par une attache immodérée à les nourrir; c'est, dis-je, de lire dans l’Évangile cet avertissement si formel et si salutaire, et de voir toutefois combien peu il est pratiqué : Attendite vobis, ne forte graventur corda vestra (Luc, 21.).
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De là, mes chers auditeurs, de cet attachement suit un autre désordre que j'ai marqué; c'est l'excès : désordre non moins ordinaire, mais encore plus pernicieux ; désordre contre lequel je ne puis m'expliquer avec trop de force, et qui demande toute l'ardeur de mon zèle. La nature se contente du nécessaire, et s'en tient précisément à ce qui lui suffit; mais la convoitise de l'homme ne sait point ainsi se renfermer dans le besoin ; et vouloir l'arrêter là, c'est lui opposer une barrière qu'elle franchit bientôt, et lui imposer une loi dont elle tâche par toute sorte de moyens à s'affranchir.

Quand est-ce que le Fils de Dieu pourvoit à la subsistance de ces quatre mille hommes dont il se trouvait chargé, et que sa providence dans une pareille conjoncture ne pouvait abandonner ? Apprenez-le de lui-même. J'ai compassion, dit-il, de ce peuple : pourquoi ? parce qu'il y a déjà trois jours qu'il souffre pour demeurer avec moi, et qu'ils sont dépourvus de toutes choses : Quia jam triduo sustinent me, nec habent quod manducent (Marc, XVIII). Si je les renvoie sans leur faire prendre quelque nourriture, ils tomberont dans une défaillance entière : Et si dimisero eos jejunos, deficient in via (Ibid.). Voyez-vous, Chrétiens, la nécessité ? Mais le Sauveur du monde ne pouvait-il pas prévenir ce besoin, et, dès qu'ils entrèrent avec lui dans le désert, leur fournir des vivres en abondance ? Il le pouvait sans doute, lui qui fait d'une parole tout ce qu'il lui plaît; mais s'il n'en use pas de la sorte, c'est, selon la belle réflexion de saint Basile, pour vous donner à connaître que la seule nécessité doit être notre règle, dès qu'il s'agit de la nourriture et des aliments du corps, que ce n'est point un aveugle appétit, puisqu'on ne le peut presque jamais satisfaire dès qu'on l'écoute ; que ce n'est point la coutume, puisque souvent elle est vicieuse ; que ce n'est point la complaisance, puisque ce serait une complaisance vaine, et qu'elle devient même quelquefois un sujet de raillerie pour le monde ; enfin, que ce n'est pas toujours la raison, si elle n'est bien épurée, puisqu'en mille rencontres, sous une fausse apparence de nécessité, elle autorise la volupté : Sub obtentu necessitatis patrocinium agit voluptatis (Basil.). Non pas, après tout, continue le même saint docteur, que la raison, qui est notre première loi, ne pût d'elle-même nous diriger là-dessus et nous conduire ; mais parce que le péché l'a affaiblie, elle se laisse aisément tromper par l'habitude du vice ; et alors, toute raison qu'elle est, elle ne peut plus être pour nous un guide fidèle et sûr, puisqu'elle ne suit plus ses propres lumières; c'est-à-dire qu'alors, bien loin d'agir en chrétiens, nous n'agissons pas même en hommes.

Je dis en hommes ; et ne pourrais-je pas employer ici la figure du Saint-Esprit, et faire la même comparaison : Homo cum in honore esset, non intellexit : comparatus est jumentis insipientibus , et similis factus est illis (Psal. XLVIII). L'homme, cet homme l'image de Dieu, cet homme marqué du sceau de Dieu, cet homme au-dessus de la bête par le don d'intelligence et par le rayon de la lumière de Dieu qui lui a été communiqué, oubliant le caractère de sa grandeur, s'est honteusement dégradé lui-même; il s'est réduit au rang des brutes insensées, et comment ? par un honteux asservissement à sa chair; de sorte qu'il ne lui refuse rien, autant qu'il lui est possible, de tout ce qui la peut remplir.

Car c'est ainsi que nous devons entendre cette parole de l'Ecclésiaste, qui a semblé si difficile à quelques interprètes, et dont nos libertins ont prétendu se prévaloir. Concevez-en bien le sens. Salomon, au troisième chapitre de l'Ecclésiaste , dit qu'il a formé une pensée dans son cœur, qu'il a imaginé une chose dont il a été comme persuadé, savoir, que l'homme était semblable aux bêtes, et de même condition que les bêtes, qu'il respirait comme les bêtes, qu'il vivait et qu'il mourait comme les bêtes ; en un mot, qu'il n'y avait entre lui et les bêtes nulle différence : Dixi in corde meo : Nihil habet homo jumento amplius (Eccles., 3).

De là les athées, déterminés à faire valoir tout ce qui favorise leur impiété, ont conclu que l'âme n'est pas plus immortelle que le corps ; et ils n'ont pas vu, ou plutôt ils n'ont pas voulu voir ce qui précède immédiatement dans le texte sacré, et qui condamne formellement leur erreur : car c'est là même que Salomon déclare qu'il a été encore convaincu de cette autre vérité, qu'un jour viendrait où Dieu jugerait le juste et l'impie, et que ce serait dans ce jugement dernier que chaque chose aurait son temps : Et dixi in corde meo : Justum et impium judicabit Deus, et tempus omnis rei tunc erit (Ibid.). Or il est évident que ces paroles ne peuvent s'expliquer de la vie présente, puisque, dans la vie présente, les justes sont communément plus maltraités que les impies, et les impies plus favorisés que les justes. D'où il s'ensuit qu'il y a donc une autre vie que celle-ci, où les justes et les impies recevront de Dieu chacun ce qui leur sera dû, et par conséquent que les âmes survivront au corps, pour lui être réunies à la fin des siècles. C'est l'invincible raisonnement de Guillaume de Paris.
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Laetitia
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Re: Sermon sur la tempérance chrétienne.

Message par Laetitia »

Mais cela étant, pourquoi donc Salomon a-t-il dit que les bêtes sont égales aux hommes, et que les hommes n'ont aucun avantage sur les bêtes ? Et nihil habet homo jumento amplius , et æqua utriusque conditio. Le voici , selon l'interprétation de saint Jérôme et de plusieurs après lui : C’est-à-dire, répond ce saint docteur, qu'à l'égard des actions sensuelles et animales, comme à celle de manger et de se repaître d'aliments matériels, l'homme ressemble à la bête, et la bête ressemble à l'homme : avec cette différence néanmoins, que l'homme pourrait relever ses actions basses d'elles-mêmes, et, tout animales qu'elles sont, les faire d'une manière en quelque sorte spirituelle, par les vues qu'il s’y proposerait, et par la règle qu'il y mettrait. Mais quand il n'y garde nul ménagement, et qu'il ne veut pas se restreindre à la juste mesure d'une discrétion prudente et sage, dès là il n'a plus rien au-dessus de la bête : Et nihil habet homo jumento amplius.

Je dis plus, Chrétiens, et je prétends que les bêtes alors commencent à avoir l'avantage sur l'homme. Car enfin les bêtes ne tombent point dans ces excès infâmes où l'homme se laisse entraîner. Si elles n'ont pas la tempérance par raison et par vertu, du moins l'ont-elles par un instinct de la nature : au lieu que l'homme n'étant pas conduit par cet instinct, et ne se gouvernant pas d'ailleurs selon la droite raison, ni selon la foi, il ne l'a ni de l'une ni de l'autre manière. Quand une fois il s'est abandonné au libertinage de ses sens, à quoi ne se porte-t-il point ? dans quelles débauches ne se plonge-t-il point ? En quel état ne se réduit-il point ? jusqu'à ruiner son corps, ce qui est monstrueux, et, ce que nous ne voyons point dans les bêtes, jusqu'à se consumer et à se détruire lui-même.

Quel opprobre pour nous, mes chers auditeurs, et pour nous tous; mais en particulier (car je ne puis ici passer sous silence un des plus grands scandales de notre siècle ; je dis de notre siècle, où nous l'avons vu naître, et où le voyons croître tous les jours), quel opprobre en particulier pour les personnes du sexe ! Que le sexe soit vain, qu'il soit jaloux d'un agrément périssable, qu'il mette sa gloire à paraître et à briller, ou par la richesse des ornements dont il se pare, ou  par l'éclat de la beauté que la nature lui a donné en partage, une mondanité qu'on lui a reprochée tous les temps : mais que, par une corruption toute nouvelle, il en soit venu à des Intempérances qui lui étaient autrefois inconnues; qu'il affecte sur cela une prétendue force et qu'il s'en glorifie, c'est un abus que l'iniquité de ces derniers âges a introduit parmi nous; et plaise au ciel qu'il n'achève pas de bannir du christianisme toute vertu ! Encore ose-t-on quelquefois demander si ce sont là toujours devant Dieu des excès criminels ! mais je demande, moi, si l'on peut former là-dessus le moindre doute. Faut-il recourir à la morale Chrétienne peur résoudre une telle question, et les païens ne s'élèveraient-ils pas contre nous au jugement de Dieu, si nous ne condamnions ces désordres, non-seulement comme des crimes, mais comme des abominations ?

Le remède, mes chers auditeurs, je l'ai dit et je le répète, c'est de se resserrer dans ce nécessaire qui suffit à la fragilité humaine; et parce que les excès se commettent plus ordinairement en certaines assemblées, le moyen de se maintenir dans une vie sobre et tempérante, c'est de les éviter, autant que le permettent la charité du prochain et votre état; c'est de méditer souvent ces paroles que saint Augustin confesse avoir été le principe de sa conversion : Non in comessationibus et ebrietatibus, sed induimini Dominum Jesum Christum (Rom., 13); L'Esprit de Dieu n'est point dans ces fréquents repas, ni dans ces fausses joies du monde, mais pour se revêtir de Jésus-Christ, il faut se résoudre à vivre frugalement : Sobrie vivamus in hoc sæculo (Tït., 2); c'est de faire divorce avec ces faux amis et ces compagnons de débauche, qui sont les vrais ennemis de la piété, et autant de corrupteurs ; c'est de fuir ces maisons publiques où l'intempérance semble être dans un plein règne; de considérer que si l’Église en a défendu l'entrée à ses ministres sur les plus grièves peines, si les Pères généralement en ont donné horreur aux chrétiens, c'est parce qu'ils ont cru que si l'excès n'y était pas toujours, au moins l'occasion prochaine de l'excès en était moralement inséparable : car voilà comme ils en ont jugé, et ce que nous en devons juger nous-mêmes. Après cela, que nous restera-t-il ? de corriger le troisième désordre, qui est la délicatesse et la sensualité.
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