Résumé de théologie dogmatique, Livre I : Fondements du savoir théologique

chartreux
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Re: Résumé de théologie dogmatique, Livre I : Fondements du savoir théologique

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SWS, Livre I, II, C2, §48 traduit par le chartreux a écrit : Section 48. Caractère scientifique de la théologie.

I. Une science pure et simple ne devrait pas être seulement un catalogue de faits et de vérités, mais un système complet dont toutes les parties sont liées entre elles par des lois fixes, et réductible à une unité objective. La théologie remplit éminemment ces conditions. Son principe subjectif de connaissance est un, et son objet est un : c'est Dieu, l'unité substantielle suprême. Les choses créées ne sont traitées que dans la mesure où elles tendent vers Dieu, et sont des facteurs ou des éléments de l'ordre divin. On dit parfois que la science ne devrait s'occuper que de ce qui est nécéssaire, éternel et universel, pas de ce qui est contingent, temporel et particulier. Bien compris, cela veut dire que la science ne doit pas regarder ce qui est transitoire et changeant, mais seulement les idées et les lois qui gouvernent et relient entre eux de tels phénomènes. En ce sens aussi, la théologie est éminnement scientifique. Son objet, Dieu, est nécéssaire et éternel, et régit sur toutes choses. De plus, les faits contingents ne sont considérés par elle que dans la mesure où ils existent éternellement dans la volonté toute-puissante de Dieu, et plusieurs de ces faits, comme par exemple la naissance du Christ, ont une importance durable, que dis-je éternelle, et sont donc en quelque sorte universels.

II. La théologie est une science distincte et séparée de par son principe de connaissance particulier et son objet particulier. Son principe de connaissance la distingue en genre de toutes les autres sciences. Son objet aussi, puisqu'Il concerne tout l'ordre surnaturel. Cela n'empêche pas la théologie d'inclure dans son domaine propre bien des vérités qui appartient aussi à d'autres sciences. Elle tire son savoir de l'omniscience de Dieu, et peut donc rencontrer tout ce qui est connaissable. Mais le surnaturel est sa matière première, directe et propre. Le naturel n'intervient en théologie que jusqu'à un certain point et pour des raisons bien perticulières, quand il est rattaché au surnaturel. Ainsi, la théologie ne traite pas les objets des autres sciences comme celles-ci le font, et pas avec la même exhaustivité. Cf. S. Thom. Contra gentes, 1.ii c.4 ; et card. Newman, Idea of a University, p.430.
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SWS, Livre I, II, C2, §49 traduit par le chartreux a écrit : Section 49. Rang de la théologie parmi les sciences.

I. La théologie, en raison de l'excellence de son objet et de son principe de connaissance, est la plus noble et la plus élevée des sciences à la fois subjectivement et objectivement. Objectivement, la dignité et l'excellence d'une science dépendent de la dignité, de l'universalité et de l'unité de son objet - trois attributs, qui, nous venons de le voir, appartiennent éminemment à la matière de la théologie. Subjectivement, l'excellence d'une science se mesure au degré de certitude qu'elle offre. Mais la théologie, à la fois dans ses principes et ses conclusions, et particulièrement quand ils sont garantis par l'Église, possède la certitude la plus parfaite. De plus, comme son contenu est fondé sur des raisons éternelles (rationes aeternae), c'est-à-dire Dieu et ses idées éternelles, c'est aussi la science la plus profonde et la plus totale. Il est vrai qu'elle est inférieure à certaines autres sciences sur le plan de la clarté et de la distinction des idées, par ce que ses preuves ne sont pas directes, et par ce que ses notions sont analogiques. Ceci ne diminue pas la théologie,car ce défaut - si c'en est un - est largement compensé par d'autres perfections, et est même une preuve de la dignité de la théologie, étant une conséquence du caractère peu accessible du savoir surnaturel. On peut bien exprimer les choses en disant que la théologie est la science transcendentale par excellence ; car, appuyée sur la foi et son courage invincible, elle atteint réellement ce que la science moderne athée, présomptueuse et imprudente poursuit en vain.

II. Les pères et théologiens, suivant l'exemple de l'Écriture-Sainte, expriment cette dignité particulière de la théologie en l'appelant "Sagesse pure et simple", ou bien "Sagesse Divine" (Sapientia). On désigne par là un savoir bien au-dessus du savoir ordinaire, un savoir traitant des principes les plus élevés et des objets d'étude les plus exaltés, avec pourtant la certitude la plus parfaite ; un savoir qui perfectionne le mental et l'éleve à Dieu qui est le plus grand Bien et la Fin de tout ; un savoir qui nous permet dans l'ordre pratique de diriger toutes nos actions et tendances vers leur objet propre - la béatitude éternelle. La raison humaine s'efforce en effet d'atteindre un savoir qui remplisse ces conditions, et c'est pourquoi Aristote appelait sa métaphysique "sagesse", par ce qu'il la considérait comme la science la plus noble. La sagesse de ce monde est appelée philosophie, c'est-à-dire une quête et un amour de la sagesse ; mais c'est la théologie seule qui est la Sagesse même. C'est pourquoi l'Écriture-Sainte donne souvent le nom de Sagesse au savoir contenu dans la Foi, ou qui s'en déduit (cf. particulièrement 1Cor. 1 et 2).
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SWS, Livre I, II, C2, §50 traduit par le chartreux a écrit : Section 50. Les trois grandes branches de la théologie - fondamentale, positive et spéculative.

Nous avons déja mentionné les diverses branches de la théologie dans notre introduction. Nous pouvons maintenant en parler plus en détail.

I. La théologie peut être dite science de la Révélation. Elle nous dit (1) qu'il y a une Révélation, (2) comment les choses révélées doivent être connues ; (3) quelles sont les choses qui ont été révélées ; et (4) quelles sont les diverses relations entre ces choses révélées, et qu'est ce qui peut en être déduit. Il est clair que 1 et 2 servent de fondement à 3 et 4 ; que 3 a un caractère positif - c'est-à-dire factuel ; et 4 est plus subtile et métaphysique que les autres. D'où ces trois grandes branches de la théologie : fondamentale, positive et spéculative.

II. L'existence et les attributs de Dieu sont démontrés dans la branche appelée théologie naturelle. La raison naturelle est compétente dans ce domaine, et n'a pas besoin de l'aide de la Révélation surnaturelle (Rom. 1:20, 2:14-15, Actes 14:14-16, Sap. 13:1-9). Cependant, Dieu nous a librement donné un accès à une connaissance plus haute de Lui et de son commerce avec les hommes. Il a parlé directement par Sa voix et la voix de son Fils, et indirectement par les Prophètes, Apôtres et écrivains inspirés (Héb 1:2). Les témoins directs de Dieu ou de Ses envoyés étaient convaincus de l'origine directe de ce qu'ils entendaient, par des miracles et des réalisations de prophéties. Ceux qui vinrent longtemps après avaient besoin d'être d'abord convaincus de l'authenticité de tous les dires transmis par écrit ou oralement, pour être ensuite convaincus que ces dires venaient vraiment de Dieu. C'est la tâche de la théologie fondamentale de démontrer la fiabilité de ces documents, monuments et annales, d'examiner les preuves des divers miracles et prophéties, et d'établir vraiment que Dieu a "parlé par la bouche des prophètes dans le passé", et ensuite par Son Fils. Mais la preuve de l'existence de la révélation n'est pas une affaire purement historique. Nous avons devant nos yeux une preuve claire que Dieu a parlé et agi surnaturellement. L'Église Catholique, par sa propagation merveilleuse, son éminente sainteté, et sa fertilité inépuisable en tout ce qui est bon, est un argument perpétuellement présent et irrécusable en faveur de son origine et de sa mission divine. La constitution dogmatique publiée pendant la troisième session du concile du Vatican résume la portée et le rôle de la théologie fondamentale, en distinguant quatre parties : (1) Dieu créateur de toutes choses ; (2) La Révélation ; (3) La Foi ; (4) La Foi et la Raison.
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SWS, Livre I, II, C2, §50 traduit par le chartreux a écrit : Dès que nous savons que Dieu a parlé nous nous demandons tout naturellement, où trouver ce qu'Il a dit ? Cette question était capitale dans la contreverse entre catholiques et protestants au seizième siècle, et elle a été décidée par le concile de Trente (à la quatrième session). La branche de la théologie qui s'occupe de cette question peut être appelée fondamentale, puisqu'elle traite des bases mêmes de notre foi ; mais elle est plus habituellement appelée théologie polémique ou de controverse. La théologie fondamentale comprend aussi ce qu'on appelle la théologie apologétique, par ce qu'elle défend la Révélation contre les rationalistes, déistes, athées etc.

III. Après avoir établi que Dieu nous a donné une Révélation, et après avoir pris connaissance des moyens de savoir ce qu'Il a revelé, l'étape suivante est de s'informer des choses qu'Il a révélées. La théologie positive tient pour acquis tout ce qui est démontré par la théologie fondamentale, à la fois apologétique et polémique. Elle examine les diverses sources de la Révélation, écrites et non-écrites ; elle nous dit qu'en Dieu il y a trois personnes, que Dieu a elevé l'homme a l'ordre surnaturel, que l'homme est déchu, que Dieu le Fils a assumé une chair et est mort pour nous, et ainsi de suite pour les autres grands mystères. Son rôle propre est d'établir les vérités révélées, et pas encore de pénétrer dans leur sens profond et intime et leurs relations mutuelles. Ce qui ne l'empêche pas d'anticiper parfois et de faire des excursions dans le niveau supérieur.
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SWS, Livre I, II, C2, §50 traduit par le chartreux a écrit : IV. La branche la plus noble de la théologie est celle qui s'occupe non pas de déterminer quel est le contenu de la Révélation, mais de comparer les vérités révélées entre elles et d'entrer dans leur essence même autant que la raison guidée par la Foi le peut. La théologie spéculative commence là ou la théologie positive finit : la théologie positive prouve un dogme ; la théologie spéculative l'examine de près, fait le lien avec les autres dogmes, et approfondit par là sa connaissance. Les attaques des protestants contre la règle de foi, et celles des rationalistes contre l'existence même de la Révélation, ont naturellement détourné l'attention publique de cette étude profonde et sublime. Mais aujourd'hui les signes de regain d'interêt ne manquent pas. La vision profonde et multiple que cetet étude donne sur les choses divines est un enrichissement très-souhaitable de l'esprit qui nous permet de participer plus pleinement aux bénédictions et fruits de la Foi. Elle aide aussi notre Foi, non pas en augmentant sa certitude mais en donnant un meilleur éclairage aux vérités révélées par la lumière qu'elles renvoient les unes sur les autres, et par l'harmonie de leurs relations mutuelles. Elle est utile même contre les hérétiques. Ceux-ci tirent leur force de la confusion des idées, de la falsification des notions vraies, et du mépris de la logique. Sur tous ces points la théologie spéculative rend un grand service à la vérité. Les grands polémistes des trois derniers siècles étaient aussi de profonds théologiens spéculatifs. Cf. Canus, 1. viii., et 1. xii., c. 2; Kleutgen, Theol., vol. iii., diss. 1 and 5.

V. Un exemple ne sera peut-être pas inutile pour comprendre les diverses distinctions que nous venons d'expliquer. Considérons le dogme de la Sainte Trinité.

1. La théologie naturelle, qui est en fait une branche de la philosophie, nous démontre que Dieu existe.

2. La théologie apologétique démontre qu'Il nous a révélé des vérités au-dessus de notre raison.

3. La théologie polémique démontre que le témoignage et l'autorité de l'Église catholique est le moyen de savoir ce que Dieu a révélé.

4. La théologie positive démontre qu'il a été révélé qu'il y a trois Personnes en Dieu.

5. La théologie spéculative nous apprend comment une seule essence divine est possédée par trois personnes distinctes, qu'une des Personnes possède cette divinité en tant qu'elle est incommuniquée, une deuxième Personne la possède en tant qu'elle est communiquée par la connaissance ; et une troisième la possède en tant qu'elle est communiquée par l'amour.

Nous répétons que dans le présent manuel nous nous occupons surtout de théologie positive. Il nous arrivera occasionnellement de rencontrer la théologie spéculative, surtout au livre II, partie II, chap. iv, où nous nous efforçerons de pénétrer le mystère de la Trinité.
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SWS, Livre I, II, C2, §51 traduit par le chartreux a écrit : Section 51. Relation entre la raison et la foi.

I. La raison humaine, tout comme la foi, a son objet propre et son domaine propre. Elle pose les fondements de la foi, et participe au développement des doctrines révélées. Il y a cependant un certain territoire qui est commun à la raison et la foi. La question de la relation entre les deux se pose alors sur ce territoire. Ce sujet a été clairement décidé par le concile du Vatican (sess.3, chap.4), il ne nous reste plus qu'à citer puis à expliquer.

1 "Si quelqu'un dit que la révélation divine ne contient aucun mystère proprement dit, mais qu'une raison convenablement cultivée peut comprendre et démontrer par les principes naturels tous les dogmes de la foi, qu'il soit anathème".
2 "Si quelqu'un dit que les sciences bumaines doivent être traitées avec une telle liberté que leurs assertions, bien que contraires à la doctrine révélée, doivent être admises connue vraies et ne peuvent pas être proscrites par l'Eglise, qu'il soit anathème".
3 "Si quelqu'un dit qu'avec le progrès de la science il peut arriver qu'il faille donner aux dogmes proposés par l'Eglise un sens différent de celui que l'Eglise a compris et comprend, qu'il soit anathème".

Ces trois canons condamnent les principales erreurs revendiquées par les rationalistes : (1) le droit de traiter les vérités révélées comme on traite les vérités purement naturelles, c'est-à-dire avec des principes purement naturels et une certitude purement naturelle ; (2) le droit de la raison humaine a soutenir des conclusions scientifiques, indépendamment de l'autorité de l'Église, et même si elles sont en conflit avec des doctrines révélées ; et (3) le droit de substituer des nouveaux sens aux anciens, dans les définitions de foi. Il est évident que ces prétentions non seulement émancipent la raison du contrôle de la foi, mais la font également envahir le domaine propre de la foi et détruisent son caractère surnaturel.
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SWS, Livre I, II, C2, §51 traduit par le chartreux a écrit : II. Le concile a donc déclaré que les principes fondamentaux qui régissent les relations entre la foi et la raison sont les suivants :

1. La raison est un principe ou encore une source de connaissances, et possède son domaine propre. La foi aussi est un principe de connaissance, d'une dignité plus haute, et qui a aussi son domaine propre.

2. Puisque la raison comme la foi viennent de Dieu, elle ne peuvent s'opposer l'une à l'autre, ni atteindre des conclusions contradictoires.

3. De ces deux principes le concile déduit que toute conclusion ou assertion opposée à la foi surnaturelle est fausse, et raisonnable seulement en apparence. Ainsi un catholique a le droit et le devoir de rejeter toute conclusion ou assertion de ce genre dès que l'enseignement infaillible de l'Église l'avertit que telle ou telle chose est réellement de foi. La foi et la raison s'aident l'une l'autre, mais d'une manière que chacune conserve son caractère propre et une certaine indépendance relative. La raison aide la foi en démontrant la crédibilité de la foi, en contribuant à la compréhenson de son contenu, et en la structurant en science théologique. De son côté, la foi aide la raison en lui faisant éviter de nombreuses erreurs, même dans les sciences purement humaines, et en la guidant vers une connaissance plus profonde et plus étendue des vérités naturelles.

III. On peut résumer les relations entre Raison et Foi par la célèbre formule : "la Raison est la servante de la Foi". Ce qui veut dire que la Foi et son développement théologique constituent la plus haute science, l'objet suprême et la fin la plus élevée vers laquelle l'activité humaine doit se diriger. S. Thomas exprime la même doctrine ainsi : "Voyant que la fin de toute la philosophie est inférieure, et ordonnée à la fin de la théologie, cette dernière devrait régner sur toutes les autres sciences, et mettre à son service ce qu'elles enseignent" (prol. in I. Sent, q. 1, a. 1). Et S. Bonaventure : "La théologie extrait de la nature les matériaux d'un miroir qui réflechit les choses divines, et construit en quelque sorte une échelle dont le plus bas degré est sur terre et le plus haut dans le ciel" (Prol. Breviloq.). Le docteur séraphique développe la même idée dans son magnifique ouvrage Reductio artium ad Theologiam. Cf. Dr. Clemens, De Scholasticorum sententia : Philosophiam esse ancillam Theologiae, Leurgen, vol. iv., n. 315 et suiv. ; Franzelin, De Trad., Append., cap. vi. ; Card. Newman, Idea of a University, p. 428.
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SWS, Livre I, II, C2, §51 traduit par le chartreux a écrit : IV. Il découle de cela que la philosophie doit être, en un certain sens, chrétienne et catholique à la fois dans son esprit, ses principes, et ses conclusions. Son esprit est catholique quand le philosophe est guidé par les doctrines de la Foi, quand il cherche une connaissance plus complète des vérités naturelles contenues dans la Révélation, et prépare le développement scientifique des vérités surnaturelles. Les principes et conclusions sont catholiques quand elles s'accordent avec la Foi, ou au moins n'entrent pas en conflit avec elle, et quand elles peuvent être utilisées en théologie spéculative. En d'autres termes, la philosophie est chrétienne et catholique quand elle est vraiment juste et bien fondée. La philosophie non-chrétienne peut elle aussi être juste et bien fondée jusqu'à un certain point ; mais la nature même de la science ainsi que son histoire montrent que le développement correct de la science dépend de l'esprit chrétien. En des temps pré-chrétiens, la philosophie socratique avait atteint un haut degré de perfection, et devint la base sur laquelle la philosophie chrétienne fut fondée. Les Pères voient en cela la main de Dieu qui a préparé la science de l'Évangile. Par philosophie socratique, nous entendons la juste combinaison entre ses deux formes, platonique et aristotélicienne. Elles se completent et se corrigent mutuellement, et ne devraient pas être séparées. (Cf. l'intéressant parallèle entre Platon et Aristote, dans l'opuscule De Substantiis Separatis de S. Thomas). La philosophie chrétienne fusionne les deux, quoiqu'elle ait parfois mis l'une ou l'autre plus en avant. L'usage que l'Église a fait, et qu'elle continue de faire, de cette combinaison des deux, est une garantie de la vérité de ses principaux principes et conclusions. C'est pourquoi il faut se méfier de toute proposition de la remplacer par un système totalement nouveau ou différent, d'autant que toutes les tentatives modernes de ce genre ont échoué lamentablement.
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SWS, Livre I, II, C2, §52 traduit par le chartreux a écrit : Section 52. La théologie, science sacrée.

I. Une illumination surnaturelle est nécéssaire avant tout pour aider le mental à vaince les difficultés inhérentes à la connaissance des choses surnaturelles. Ces difficultés proviennent de la nature de l'esprit humain, qui tient ses notions du monde sensible, et qui subit l'influence des passions et des préjugés. L'Apôtre fait mention de ces deux types de difficultés : "Or l'homme animal (ψυχικὸς) ne perçoit pas les choses qui sont de l'Esprit de Dieu ; car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les comprendre, parce que c'est spirituellement (πνευματικὸς) qu'on en juge." (1. Cor. 2:14-15). L'assistance divine requise pour dépasser ces difficultés est souvent mentionnée dans l'Écriture, par exemple "son onction vous enseigne toutes choses" (1 Jn 2:27, cf. Eph. 1:17).

Disons une fois de plus que l'action de l'Esprit-Saint est nécéssaire, au moins moralement, pour produire cette pureté d'intention et cette humilité de coeur qui sont indispensables à tout savoir moral et religieux, particulièrement lorsque ce savoir est surnaturel. Cette assistance est si efficace qu'elle contribue plus à la perfection de la science spirituelle que les habilités naturelles les plus développées mais non-assistées par l'Esprit-Saint. C'est pourquoi il arrive que des enfants et des personnes sans éducation perçoivent plus clairement les mystères de la foi que les personnes qui se disent philosophes. "Je Vous rends grâce, Père, Seigneur du Ciel et de la terre, de ce que Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents (άπο σοφῶν καὶ συνετῶ), et de ce que Vous les avez révélées aux petits (νηπίοις)" (Matth. 11:25, cf. verset 8 et Sag. 1:4). Cf. Card. Newman, Oxford University Sermons, xiii., “On Implicit and Explicit Reason“ ; Grammar of Assent, chap. viii., § 3, “Natural Inference.”

II. L'influence du Saint-Esprit sur notre connaissance spirituelle atteint sa perfection lorsquvelle diffuse dans notre âme la vie surnaturelle de l'Amour divin. Cette vie nous attache de la façon la plus intime aux mystères de la foi, les maintient constamment dans notre esprit, et nous identifie en queluqe sorte avec eux. La charité divine, qui produit des bonnes oeuvres, produit aussi un acroissement de connaissance dans les choses spirituelles. Elle transforme la compréhension élementaire en une sagesse parfaite qui est à la fois un avant-goût et le début de la vision béatifique. La charité aiguise le regard spirituel, et le fixe sur l'Amour divin ; la Charité nous donne le sens de la beauté et de la douceur divines ; la Charité nous identifie à Dieu lui-même, dans la mesure où il est le principe des plus grands mystères ; plus nous aimons et plus nous comprenons l'amour chez les autres. La satisfaction spirituelle apportée par la charité dans l'âme fait réaliser l'harmonie entre la vérité révelée et les aspirations les plus nobles de la nature. Le feu de la charité divine est naturellement accompagné d'une lumière divine, par laquelle Dieu se manifeste d'une façon merveilleuse. Cf. 1 Cor. 2:13-16 ; 2 Cor. 3:16-18, Eph 3.14 et suivants.
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Re: Résumé de théologie dogmatique, Livre I : Fondements du savoir théologique

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SWS, Livre I, II, C2, §53 traduit par le chartreux a écrit : Section 53. Le progrès de la science théologique.

I. La possibilité, et même la nécéssité d'un progrès en théologie, découle de la richesse inépuisable des vérités révélées, la perfectibilité de l'esprit humain, la sagesse de la Providence qui a progressivement distribué la Révélation, et enfin, de la nécéssité de combattre l'hérésie et l'infidélité.

II. Le progrès en théologie diffère nécéssairement du progrès dans les sciences humaines. Par exemple, la théologie ne peut jamais quitter le point de vue de la Foi pour y substituer des principes purement rationnels ; elle ne peut jamais abandonner ou changer quelque chose qui a été défini ; elle ne peut découvrir aucun nouveau domaine d'étude -sauf peut-être dans certaines branches auxiliaires de la recherche - par ce que ses limites essentielles ont déja été fixées, quand la Révélation a été achevée. Le progrès positif n'est possible que dans trois directions : (1) ce qui est incertain, indéfini ou obscur peut être rendu certain, défini et clair ; (2) des opinions érronnées tenues par certains peuvent être corrigées ; et (3) les preuves et l'apologétique peuvent être remodelées ou améliorées. De façon générale, il y a progrès surtout dans la correction des opinions partiellement érronnées.

III. Le progrès n'est pas aussi constant et régulier dans la théologie que dans le dogme, par ce que la théologie dépend beaucoup plus que le dogme de la compétence variable des membres individuels de l'Église. Aux époques d'apprentissage profond succèdent des époques de stagnation relative. Les mathématiques, les sciences naturelles et historiques progressent plus régulierement que la théologie, par ce qu'elles s'occupent de faits et de formules fixées. Mais pourtant la théologie progresse plus rapidement que la philosophie, par ce que les principes fondamentaux de la théologie sont clairement fixés, et aussi par ce que l'assistance de l'Esprit-Saint, agissant à travers l'Église, l'empêche de s'éloigner de la vérité.
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