Re: Magnificat anima mea Dominum.
Publié : sam. 04 juil. 2020 18:27
Elle dit ensuite : « Parce que Dieu a regardé l'humilité de sa Servante ». Quelques auteurs traduisent : « la bassesse de sa Servante », fondés que ce que la Verge était trop humble pour s'attribuer à elle-même la vertu d'humilité, et pour dire que cette vertu l'avait rendue digne d'être Mère de Dieu ; mais ils ne considèrent pas que Marie parlait comme d'elle-même et comme organe du Saint-Esprit, qui lui faisait dire des vérités auxquelles elle ne s'attendait pas, et que son admirable modestie lui cachait ; parlant comme d'elle-même, elle ne parlait que « de sa bassesse et de son néant », et le sens de ses paroles est qu'elle se réjouit en Dieu son Sauveur, parce qu'il a jeté un regard de faveur et de miséricorde sur son indignité, et que sans nul mérite de sa part il l'a élevée à une gloire inestimable ; mais parlant comme organe du Saint-Esprit, elle parle de son humilité prodigieuse, parce que le Saint-Esprit nous a voulu apprendre par sa bouche, sans qu'elle le prétendît, que c'est cette humilité qui l'a rendue agréable au Très-Haut, qui a attiré sur elle les regards de la très-saint Trinité, qui a consommé les dispositions qui lui étaient nécessaires pour être Mère de Dieu, et qui l'a rendue digne de porter sans son sein Celui qui est le plus grand et ne même temps le plus humble de tous les enfants des hommes.
Ainsi, pour remplir toute la signification de ces mots : Respexit humilitatem ancillæ suæ, il ne faut pas traduire : la bassesse de sa Servante ; mais : l'humilité de sa Servante : parce que ce mot d'humilité signifie l'une et l'autre, c'est-à-dire la bassesse et la vertu d'humilité. On pourra dire que le mot grec ταπεινωσις, dont se sert le saint Évangéliste, ne signifie que petitesse et abjection; mais cela n'est pas véritable, puisque, selon l'observation de saint Jérôme dans sa Lettre à Algasia, il y a d'autres endroits dans l’Écriture, comme en saint Matthieu, chap. II ; en l'Epître de saint Jacques, chap. III, et en la première de saint Pierre, chap. V, où il signifie aussi la vertu d'humilité : parce qu'en effet la bassesse reconnue et ressentie est une véritable humilité. On peut voir là-dessus le savant Benzonius, dans l'explication de ce verset.
« Toutes les générations m'appelleront bienheureuse ». C'est là la continuation du même verset où notre auguste Reine, renfermée dans un coin de la Judée et dans la petite maison de Zacharie, fait une prédiction dont nous voyons tous les jours la vérité. Elle dit que « parce que Dieu a regardé la bassesse et l'humilité de sa Servante, et l'a regardée d'un œil si favorable, qu'il l'a exaltée jusqu'à l'éminente dignité de Mère de Dieu, toutes les nations et tous les siècles la proclameront bienheureuse ».
C'est ce qui s'accomplit dans tous les lieux où l’Église est répandue : c'est ce qui s'est accompli depuis la naissance du Christianisme, et s'accomplira jusqu'à la consommation du monde car, en quel lieu ne chante-t-on pas avec allégresse : « Bienheureuses les entrailles de la Vierge Marie qui ont porté le Fils du Père éternel, et bienheureuses ses mamelles qui ont allaité Jésus-Christ Notre-Seigneur ? » Mais bien que les paroles de Notre-Dame ne soient qu'au temps futur, nous croyons néanmoins qu'elles se peuvent et se doivent même étendre à tous les temps. Car, si l’Église chrétienne et tout ce qu'il y a eu de fidèles dans le Nouveau Testament l'ont appelée bienheureuse : ce qui se fera encore jusqu'au jour du jugement et dans l'éternité ; il est constant que les Patriarches et les Prophètes de l'Ancien Testament, qui la voyaient en esprit, ont aussi applaudi à son bonheur.
C'est ce qui lui a mérité l'union de la fécondité avec la virginité car, si elle eût été Vierge et qu'elle n'eût pas été Mère, la synagogue, qui préférait les mères aux vierges et aux stériles, ne l'eût pas appelée singulièrement bienheureuse. Si, au contraire, elle eût été féconde et Mère et n'eût pas été Vierge, l’Église, qui estime beaucoup plus la virginité que la fécondité, n'eût pas préféré son bonheur à celui des vierges; mais unissant en elle les qualités de Mère et de Vierge, et les unissant si étroitement, que sa virginité honore sa fécondité, et que sa fécondité relève infiniment sa virginité, elle est l'objet de la vénération et des bénédictions de tous les âges, et il n'y en a point qui ne la publie bienheureuse et la plus heureuse de toutes les vierges, de toutes les mères et de toutes les femmes.