Une hérésie proférée par Réginald ? par abbé Zins (2005-05-30 16:01:36)
Cher Réginald,
a) VOTRE REPONSE du 29/5 à 8h55 à ma réponse concernant votre triple syllogisme, NE CONTIENT RIEN MOINS QUE LA MATIERE D’UNE HERESIE. Ce qui va être montré à la suite.
Auparavant, il convient d’indiquer le but du début de ma réponse à vos syllogismes, et de faire une remarque de fond sur votre manière de penser et d’argumenter, en espérant que cela vous rendra personnellement service.
b) Quel a été mon but en vous imitant, en vous invitant à mon tour à résoudre une difficulté exprimée à votre manière sous la forme d’un syllogisme ? Il a été double.
D’abord de vous incliner à percevoir les limites de notre pauvre intelligence humaine et la faiblesse de raisonnements fondés sur la seule raison face à la Sagesse et l’incommensurable sublimité des desseins de Dieu.
Ensuite, pour le cas où vous auriez exprimé correctement la juste réponse concernant la difficulté soulevée par la mort temporaire de Notre Seigneur, mon propos était de vous mettre une fois de plus sur la voie de la juste réponse se rapportant à son Corps Mystique qu’est la Sainte Eglise Catholique.
c) Avant de montrer que votre réponse comporte la matière d’une hérésie, il convient aussi d’attirer à nouveau votre attention sur une disposition qui semble profondément ancrée en vous, et qui vous fait penser et raisonner en philosophe et non en théologien.
Vos écrits donnent en effet une importance plus grande à vos propres raisonnements qu’à des données expressément révélées, qu’aux arguments d’autorité, aux commentaires des Saints Pères et des Saints Docteurs. Il m’a déjà fallu faire une remarque semblable au mathématicien et scientifique qu’est le Professeur Salet.
d) Si, en philosophie, en mathématique, en science naturelle la démarche de l’esprit tend à attacher plus d’importance et de valeur à la force d’un raisonnement en lui-même, à la rigueur d’une analyse ou démonstration scientifique plus qu’à l’autorité de tel sage ou savant, si célèbre soit-il, il n’en est pas ainsi en théologie et dans les matières sacrées, en lesquelles une telle pente d’esprit peut même devenir fort dangereuse.
La philosophie est très précieuse dans son domaine, cependant dans les matières sacrées elle n’est pas la directrice mais la servante de la théologie. Son rôle n’est point de remettre en cause le donné révélé par Dieu, mais seulement de l’approfondir, de l’exposer, d’en tirer les conséquences, en un mot de se mettre à son service et non de le mettre en doute, encore moins de s’y opposer.
e) En théologie, l’argument en soi le plus fort et le plus sûr est l’argument d’autorité. C’est pourquoi Saint Thomas, « le Docteur Commun ou universel de l’Eglise » (Pie XI, Encyclique Studiorum ducem), cite toujours en premier, dans sa Somme Théologique, l’argument d’autorité (sed contra) et ne fait ensuite que l’expliciter. La raison en est que la science ou plutôt la sagesse théologique est fondée sur la divine Révélation, sur l’autorité même de Dieu se révélant par son Eglise qui ne peut ni se tromper ni nous tromper (acte de Foi), et que son objet est Dieu Lui-même, ses Mystères, les desseins cachés de sa divine Providence dont la connaissance dépasse notre seul entendement.
f) Voyons à présent en quoi consiste l’hérésie objectivement exprimée par Réginald, qui sera sans doute un des premiers à le saisir aussitôt.
Il est de soi hérétique de nier que le Christ, même en tant qu’homme, soit éternel.
g) Ceci est absolument certain, en raison de ce que les théologiens, dont leur prince Saint Thomas au début de la Tertia pars de sa Somme, appellent la communication des idiomes, laquelle est fondée sur l’Union Hypostatique.
Le Christ a certes la nature divine et la nature humaine, donc aussi une intelligence et une volonté humaines, mais Il n’a point de personnalité humaine, Il n’est qu’une seule et même Personne, la seconde Personne de la Très Sainte et Auguste Trinité, le Verbe de Dieu fait homme.
Ainsi, tout ce qui est dit du Christ, de Notre Seigneur se réfère à son unique Personne, qui est divine.
Par exemple, Notre Dame est la Mère du Christ, et par là Mère de Dieu. Elle est la Mère du Verbe qui est Dieu. Pourtant, Elle n’est point la Mère de la nature divine du Verbe, mais seulement de sa nature humaine, et néanmoins Mère du Verbe, Mère de Dieu.
Il importe aussi de dire que c’est Dieu le Fils qui est mort. Certes, Il est mort non en sa nature divine mais en sa nature humaine, mais c’est néanmoins Dieu le Fils qui est mort. Le nier, c’est rien moins que nier la divine Rédemption, dont une formule patristique dit justement : acquérir par le Sacrifice et la mort de la Croix le mérite infini nécessaire pour réparer l’offense infinie du péché humain ni quelqu’un de seulement Dieu, ni quelqu’un de seulement homme ne le pouvait.
h) De même pour nier que le Christ en tant qu’homme soit éternel il faudrait soit lui attribuer une personnalité humaine : ce qui est hérétique, soit tenir que l’Union Hypostatique puisse cesser : ce qui est non moins hérétique.
i) Pour résoudre la difficulté soulevée en mon syllogisme, ce n’est donc point en la majeure qu’il fallait établir une distinction, mais en la mineure.
Mais pour ce faire, le recours au seul raisonnement humain serait impuissant. Seules les données révélées sont aptes à fournir la clé à cette difficulté insoluble pour la raison humaine livrée à elle seule.
La raison humaine, par elle-même, ne peut que dire : ce qui est éternel en soi ne peut pas mourir. Seule la raison éclairée par la Foi, la théologie cherchant l’intelligence de ce qu’elle croit (Saint Anselme) déjà avec ferme assurance et sans le moindre doute (même si c’est encore sans comprendre comment cela est possible et explicable), peut établir la distinction qui donne raison à la fois du fait et de sa compatibilité avec la donnée de Foi.
j) Au fait : nous avons sous les yeux le Corps du Christ mis au tombeau. Et à la donnée de Foi : le Christ, même en tant qu’homme, est éternel, bien qu’un des propres de la nature humaine soit d’être mortelle.
k) Que répond donc la théologie à cette difficulté apparemment insoluble ? Que certes, en soi, ce qui est éternel, ce qui doit durer toujours, ne peut pas mourir, mais que, en fait, un être éternel, le Verbe de Dieu, a pu mourir parce qu’Il l’a voulu en assumant une nature de soi mortelle tout en faisant participer cette nature mortelle à son éternité tant en se l’unissant hypostatiquement qu’en la ressuscitant corporellement.
l) Que cette comparaison de ce qui se rapporte à la Tête avec ce qui touche à son Corps Mystique, nous mette sur la voie de cerner mieux la nature du mystère d’iniquité que nous avons sous les yeux, c’est ce que mes précédentes réponses à Réginald ont largement démontré.
m) Ajoutons deux remarques pour finir.
1̊ Dans la notion de « la fin du monde », il y a lieu de distinguer ce qui a trait à l’ultime période, comprenant le mystère d’iniquité et le règne éphémère de l’Antéchrist, et l’instant final ou déluge de feu final coïncidant avec la Parousie, à laquelle Réginald et bien d’autres la réduise à tort.
2̊ Une fois de plus Réginald fait comme s’il ne se souvenait plus des citations de Saint Grégoire le Grand et de Saint Jérôme par cet à-peu-près atténuant et déformant essentiellement leurs affirmations : « enseignent, SEMBLE-T-IL, que l’Eglise connaîtra une crise », somme toute simplement une de plus. Or si nos lecteurs se rappellent avec précision leurs commentaires ou s’y rapportent, il ne leur est pas difficile de constater que ces deux Saints Docteurs ont là des déclarations plus fortes que celles qu’aucun « sédévacantiste » n’a osé faire à ce sujet.
Implorons de tout cœur l’Esprit-Saint de daigner faire passer enfin Réginald de sa démarche seulement philosophique à une pensée vraiment théologique.
Que le Père Eternel, dont Elles émanent, fasse triompher la Vérité en nos intelligences et la Charité en nos cœurs.
Abbé V.M. Zins