Re: Famille de Saint Grégoire le Grand
Publié : mar. 12 avr. 2016 15:31
Pour en revenir à Jean, patriarche de Constantinople, on croit qu'il se rendit aux admonitions du saint Pape, car il est certain qu'il continua de reconnaître l'autorité du Saint-Siège, et de renvoyer au Pape le jugement définitif des causes ecclésiastiques. Dans un de ces cas, Grégoire découvrit et démontra aux envoyés de Jean que le concile de Chalcédoine et celui d'Ephèse se trouvaient falsifiés dans l'église de Constantinople ; il leur recommanda donc de rechercher des exemplaires plus anciens de ces conciles, et il leur dit en passant que la vérité se conserve bien mieux chez les Latins que chez les Grecs, car les Latins, qui n'ont pas tant d'esprit, usent moins d'impostures ; solide critique et d'histoire et de mœurs. Dans un autre cas, il renvoya absous, après l'avoir jugé dans un concile, Jean, prêtre de Chalcédoine, contre lequel on avait prononcé une injuste sentence, au nom du patriarche de Constantinople : précédemment un moine faussement accusé de manichéisme, et battu de verges, par ordre du même patriarche, en ayant appelé au Pape, celui-ci l'avait jugé de nouveau, cassé la sentence du patriarche, et fait à ce dernier une sévère réprimande, l'exhortant à renvoyer un favori qui abusait de sa confiance, et à demander pardon à Dieu ; si vous refusez,lui disait-il, de garder les canons de l'Eglise, je ne sais qui vous êtes.
Nous ne pouvons nous lasser de considérer ce grand Saint, qui, à tous les instants et sur tous les points du globe, veille, scrute toutes choses, et s'il aperçoit que la liberté des âmes, que l'honneur de Dieu, que les intérêts de la religion, de la civilisation souffrent, vient aussitôt à leur secours. L'empereur et ses mille fonctionnaires empiétaient sans cesse sur des choses que notre Saint était obligé de défendre. En 592, l'empereur Maurice défendit, par un édit, aux soldats d'embrasser la vie monastique. Saint Grégoire reçut cet édit comme tous les patriarches pour le notifier aux laïques de son district. Il écrivit à l'empereur pour lui représenter qu'il attentait aux lois de Dieu et aux droits de la conscience ; il lui rappelle habilement l'origine de ce pouvoir dont il abuse, et l'invite à penser au jugement dernier, où le Christ lui dira : « Je t'ai fait de secrétaire, comte des gardes ; de comte, césar; de césar, empereur; ce n'est pas assez, je t'ai fait père d'empereur. J'ai soumis mes prêtres à ta puissance, et toi tu retires tes soldats de mon service. Dites, seigneur », continue-t-il, « dites à votre serviteur ce que vous pourrez répondre à Celui qui, au jour du jugement, vous parlera ainsi ». Le sujet demeurait toujours fidèle dans ce grand Pape. Il donna à sa remontrance le nom de supplique, et il l'accompagna de tous les termes obséquieux alors en usage : de plus, il expédia la loi, contre laquelle il réclamait, dans les diverses provinces. « Par là», disait-il à Maurice, « j'ai rempli mon double devoir ; obéi à l'empereur en publiant son édit, et rempli mon ministère en représentant que cet édit ne s'accordait point avec les intérêts de la gloire de Dieu ». Si cette réclamation déplut d'abord à l'empereur, elle l'éclaira pourtant ; il modéra la rigueur de sa loi en permettant de recevoir les soldats à la profession monastique, après un noviciat de trois ans. Saint Grégoire l'annonça et en témoigna sa joie, dans une lettre aux évêques de l'empire.