Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

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Abbé Zins
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Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Abbé Zins »


Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière :



Oyez ! Oyez ! Bonnes gens !

La merveilleuse histoire que j'm'en va vous conter !


Elle s'est passée tout près d'ici, en notre pays de la Mayenne.


C'était le 17 janvier 1871 !

Demain en sera donc l'anniversaire.


Si quelqu'un d'autre à de précieux documents pour m'aider à la conter,

il sera le bienvenu pour chanter avec moi

et la puissance admirable de la Prière

et la Bonté sublime de notre douce Reine de France !


Oyez ! Oyez ! Bonnes gens !

La merveilleuse histoire que j'm'en va vous conter !
Marc
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Marc »

Monsieur l'Abbé,

Je m'absente quelques jours.

Cela sera donc avec plaisir qu'à mon retour je pourrai lire l'histoire de Notre Dame de Pontmain.

Dans les Saints Coeurs de Jésus et Marie.

Marc.
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Abbé Zins
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Abbé Zins »


Pontmain !
C'est à peine à 50 km d'ici !

A environ 30 km au nord de Laval.

Aux confins nord-ouest de la Mayenne avec la Bretagne, dont la porte de ce côté-ci est Fougères.

Sa puissante enceinte fortifiée est même beaucoup plus près de Pontmain que le château de Laval qui domine fièrement notre fleuve la Mayenne.


Dans l'après-midi de ce terrible mois de janvier,

un voisin avait hurlé la nouvelle de par le bourg :

les Prussiens sont à Laval !


A Laval ? Pas encore tout à fait.

Mais après avoir occupé la veille notre métropole voisine du Mans,

vouss'avez ? la fameuse ville des 24 heures automobiles !


Ben les Prussiens fonçaient effectivement sur Laval,

sans que personne ne puisse les arrêter !


Personne ?

Pas tout à fait non plus !
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Abbé Zins
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Abbé Zins »

- Dis-moi ? le Julien !

C'est-y ben vrai qu'les schleuhs soient arrivés en c'temps-là jusque par chez nous ?


- Ben voui, hein !

Dis-moi, le Cénéric, t'sais ben j'a pas l'habitude d'affabuler !


- Mais alors, z'avez d'jà enfoncés les parigos ! les boches ?

- Cela faisait des semaines qu'ils encerclaient puis canonnaient Paris !

- Ben mon'eux !


- Même qu'la Mère de'la Providence, qui se mourrait à la ceinture d'Paris, entendait en son début d'agonie les obus qui tombaient jusqu'd'dans le'jardin de's'on couvent !

- La Mère Marie de la Providence ? La fondatrice des Soeurs Auxiliatrices des Ames du Purgatoire ?

- Ben voui, la Jeanne-Marie ! c'était ben-t-elle !


- Ben c'est qui donc qu'a pu alors arrêter les Prussiens en not'pôve campagne ?

D'autant plus s'ils avaient d'jà enfoncé not'pôve armée d'est jusqu'en ouest !?
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Abbé Zins
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Abbé Zins »

M'zieu l'cuhé ! - M'zieu l'cuhé !

Le Jacques dit qu'les Prussiens sont à Laval !


- Mes pauvres enfants, allons comme chaque soir à l'église,

réciter notre Chapelet et chanter nos cantiques !


- Ave Maria, gratia plena..

- Gloria Patri, et Filii, et Spiritui Sancto..



- Ma Soeur Vitaline ?

- Oui, M. le Curé ?

- Pourquoi n'entonnez-vous pas notre cantique de la confrérie de Saint Brieuc à La Vierge ?

- Oh ! Ce soir où les Prussiens arrivent à Laval,

croyez-vous que cela vaille bien la peine ?


- Oui, ma Soeur !

Oui, mes enfants, allons !

Chantez votre beau cantique !



- Mère de l'Espérance !

dont le nom est si doux !

Protégez notre France !

Priez ! Priez ! pour nous !

Priez ! Priez ! pour nous !
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Abbé Zins
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Abbé Zins »

M'zieu l'cuhé ! - M'zieu l'cuhé !

- Que se passe-t-il donc à cette heure tardive, où la nuit est déjà tombée ?

- C'est la Soeur Vitaline qui veut vous parler !


- Ma Soeur Vitaline ? A cette heure-ci ? Mais qu'arrive-t-il donc ?

- M. le Curé ! M. le Curé !


- Mais enfin, ma Soeur Vitaline ?

Pourquoi semblez-vous si nerveuse à cette heure ?


- M. le Curé ! Ce sont les enfants d'Auguste ! et de la mère Barbedette !


- Eugène ! Et Joseph ?

Que leur est-il donc arrivé, à ces chers petits ?


- Ils disent qu'ils voient quelque chose,

au-dessus de la maison de la Guidecoq !


- Ils voient quelque chose ?

Sont-ils donc dehors par ce froid de canard ?


- Non, M. le Curé, c'est depuis la grange de leurs parents,

où ils pilaient les ajoncs !


- Que voient-ils donc ?

Et où ? au-dessus de la maison de la Guidecoq ?

En ce beau ciel étoilé !


- Ils disent qu'ils voient une Belle Dame !


- Une Belle Dame ? au-dessus de la maison de la Guidecoq ?


- Oui ! M. le Curé ! Ils disent même que c'est la Sainte Vierge !


- Oh ! Une apparition au-dessus de la maison de la Guidecoq ?

- Oui !

- La Sainte Vierge !? Oh ! Ma Soeur ! Vous me faites peur !


- Venez donc M. le Curé, la moitié du village est déjà là !

réuni dehors ! Et tous vous attendent !
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Abbé Zins
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Abbé Zins »

- Monseigneur, les Prussiens sont au Mans !

- Ils ont levé une lourde taxe sur les Mançaux !

- On dit même que leur commandant en chef a donné l'ordre à ses troupes de marcher sur Laval, et qu'il a déjà pareillement fixé le montant d'un lourd tribut pour les Lavallois !


- Allons, Messieurs les Chanoines,

allons prier en notre lieu de pèlerinage local !


- Oh ! Notre Dame d'Avesnières, je fais le voeu que

si les Prussiens ne rentrent point à Laval

je ferais aussitôt réparer le clocher de votre sanctuaire si aimé !



- Saints Prêtres Martyrs, qui avaient versé votre sang sous la terrible Révolution, et dont les corps reposent en ce saint sanctuaire de Notre Dame d'Avesnières, obtenez de notre Sainte Protectrice que notre pauvre diocèse, fondé il y a tout juste quinze ans par Notre Saint Père le Pape Pie IX glorieusement régnant, et placé sous le Patronage de son Immaculée Conception, ne soit point dévasté par cette terrible guerre !


- Monseigneur, on dit que les nombreux membres de l'Association de prières de Saint Brieuc multiplient les neuvaines et les prières publiques pour que l'ennemi ne puisse mettre le pied en Bretagne !


- Oui, prions tous avec confiance que Notre puissante Souveraine étende sur nous son virginal manteau protecteur !
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Abbé Zins
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Abbé Zins »

Qui pourrait mettre en ligne

une représentation

de la Belle Dame

au-dessus de la maison Guidecoq ?
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Laetitia
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Laetitia »


UN SIGNE DANS LE CIEL


Quelques minutes avant six heures , Jeanne Détais[…]entre dans la grange. […]elle a recueilli des nouvelles sur les soldats et vient les communiquer aux Barbedette .

Pourquoi Eugène, anxieux de son parrain, ne reste-t-il pas là ? Peut-être ignore-t-il encore l'objet de la conversation. Il sort pour voir « les signes dans le temps ». Non pas les indices du beau ou du mauvais temps. Il guette le retour de l'aurore boréale qu'il a vue, au soir du 11 janvier, pendant la bataille du Mans.

— C'est un signe du temps, a dit le père sentencieusement. C'était la première fois qu'Eugène entendait cette expression.

La neige couvre le sol et les toits. Le ciel pur darde un froid piquant. La nuit vient de tomber, une nuit sans lune. Jamais l'enfant n'avait vu autant d'étoiles. Au-dessus du chemin qui va vers Fougères, elles forment un panache blanc à travers le ciel : la voie lactée, sans doute. Un peu à droite, face à la grange, il y en a moins : juste la Grande Ourse et son pâle environnement.

Mais, de ce côté, à vingt pieds au-dessus de la maison de Guidecoq, qu'est-ce donc ? Une étoffe bleu sombre, parsemée d'étoiles d'or, comme le plafond de l'église.... Un sourire en plein ciel. Une belle dame tend « ses mains abaissées » dans un geste d'accueil. Jamais Eugène n'a rien vu de tel. II ne fait encore aucune hypothèse.

........Image

Il la regarde et elle le regarde. Elle semble éprouver plus de joie à le voir que lui à la contempler. De larges manches étoffent le geste d'accueil. La tunique bleue étoilée, sans ceinture, tombe droit sur les chaussons à ruban d'or. Un voile noir encadre la figure petite et blanche. Il couvre le front aux deux tiers, cache les oreilles et les cheveux, et retombe en arrière jusqu'à la taille. Sur la tête, une couronne sans fleurons, plutôt une sorte de toque dont les bords s'écartent, depuis les tempes jusqu'au sommet arrondi, sans autre ornement qu'un liséré rouge à mi-hauteur.

Combien de temps se passe ainsi ? Un quart d'heure peut-être. Jeanne sort de la grange. En franchissant le seuil, elle s'entend dire en patois :

Veyez vous bè d'beau què sû la maison Guidecô ? (Jeannette, voyez-vous ce qu'il a de beau sur la maison Guidecoq ?)

Ma fé, mon pauv' gâs Ugèn je n'vè rin en tout. (Ma foi, mon pauvre Eugène, je ne vois rien du tout.)

Le père et Joseph ont entendu. Ils sortent, ils regardent au-dessus de la maison. Le père ne voit que le ciel et les étoiles.

J'vè bèn mè (Je vois bien moi !), dit Joseph.

Comment qu'elle est ? (Comment est-elle ?) dit Eugène.

—Une robe bleue avec des étoiles, des chaussons bleus avec des boucles dorées.

Une « boucle », dans la région, cela désigne toute espèce de noeuds, qu'il s'agisse de ruban ou de lacet.
—Dis donc, Josè, regarde donc si elle a une couronne ?

—Oui, une couronne dorée qui va en s'égrandissant, un fil rouge au milieu, et pis un voile noir.

Ils sont joyeux. Mais le père, qui a vainement scruté le ciel, intervient :

Mes pauv'p'tits gâs, vous n'veyez rin, si v'veyiez d'què, on vérè bé etout (Mes pauvres enfants, vous ne voyez rien. Si vous voyiez quelque chose on verrait bien nous aussi.)

Image
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Laetitia
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Re: Notre Dame de Pontmain ou la puissance de la Prière

Message par Laetitia »

Il ajoute :
V'nez piler les jancs (ajoncs), vite ! j'crois qu'la soupe est trempée.

Ils obéissent, tandis que César Barbedette prend congé de l'ensevelisseuse :

— N'en dites rien, Jeannette... ça ferait du scandale.

Les deux garçons travaillent paisiblement... Mais c'est le père qui s'inquiète. Pourquoi dit-il, après dix coups de « piloche » :

Gâs Ugén', va donc voir si tu vè cor (si tu vois encore).

Oui, c'est cor tout pareil, dit Eugène sur le seuil de la grange.

Va chercher ta mère pour voir si è verra d'què (si elle verra quelque chose).

La mère, elle, voit tout, et on dirait parfois qu'elle a des antennes sur l'invisible. Mais il songe aux racontars de la servante fruste, robuste et bavarde, qui compense l'austérité de son dur travail par le commentaire des nouvelles :

Ne dis pas à la Louise de venir. Dis à ta mère que j'ai affaire au le (à elle).

La voilà aussitôt. Joseph bat des mains en criant au même rythme :

Oh ! qu' c'est beau ! Oh ! qu' c'est beau ! (Ils prononcent baou).

La mère lui donne un coup sur le bras.

Mais vas-tu te taire ! V'là déjà l'monde qui nous regarde !

R'gardez donc sur la maison d'Augustin Guidecoq, dit Eugène.

— Mais non, je ne vois absolument rien.

Les enfants insistent :

— Cette belle dame, la robe bleue...

Holà-non ! J' n'vè rin en tout (Non, je ne vois rien du tout).

Pourtant, la voilà ébranlée à son tour. Elle craint que« le signe dans le temps » ne signifie la mort de son aîné, son Auguste. Mais les enfants sont joyeux, et c'est une femme qui apparaît...

C'est vantié bé (peut-être bien) la sainte Vierge. Disons toujours cinq Pater et cinq Ave en son honneur.

Les voisins sortent sur le pas de leur porte.

Què donc qu'vous veyez ? De què donc qu'y 'a ? (Que voyez-vous ? Qu'est-ce qu'il y a ?).

Holà-rin, c'est les p'tits gâs qui allourdent. Y disent qu'i veyent de què et nous aut' on n'vè rin !(Rien, dit le père, ce sont les enfants qui se trompent, ils disent qu'ils voient quelque chose, et nous on ne voit rien.)

Là-dessus, la famille Barbedette s'enferme dans la grange. Tous quatre récitent avec ferveur les cinq Pater et les cinq Ave.
Ils ont fini...

R'gardez donc si vous veyez cor (si vous voyez encore), dit la mère.

Oui, oui, c'est tout pareil.

J'vas cherché mes Jeunettes ; p'tèt bé qu'avec j'vèré d'què (Allons, dit-elle, je vais chercher mes lunettes. Peut-être bien qu'avec je verrai)....

Elle revient, suivie de Louise la servante.

Rien n'y fait : ni les lunettes, ni les repères multipliés par les enfants. Victoire conclut dans son patois péremptoire :

Définitivement, vous n'veyez Tin! faut finir d'piler vos jancs. Vous êtes des p'tit menteux (menteurs) et des p'tit visionnaires !

Joseph est abasourdi. La mère a la taloche facile et silencieuse. Mais elle n'use guère de la violence des mots. Jamais, elle ne leur a parlé si dur et si sec. Les piloches reprennent leur cadence. Cinq minutes après, les ajoncs sont « coincés », c'est-à-dire écrasés au fond de l'auge .

Les deux frères sortent de la grange pour se rendre à la maison où on les attend. Ils regardent au-dessus du toit d'en face. La dame est toujours là, dans le ciel. Elle sourit. Ils vont vers la maison, à regret, en marchant de côté, tournés vers l'apparition.

Si vous me laissiez libre, j'rest'rais là tout du long.

Venez vite souper, dit le père.

Les enfants suivent à regret, presque à reculons, sans cesser de regarder.

—Oh ! qu' c'est beau ! Oh ! qu' c'est beau !. Il est près de six heures et quart.

A l'entrée, ils se lavent les mains, tachées d'ajoncs verdâtres. En les essuyant, ils retournent à la porte de la grange. La dame aux étoiles est toujours là. Elle les regarde, et son sourire les encourage à obéir. Ils s'y arrachent à regret, mais avec espoir de retour :

Pressons-nous bien vite, Josè, pour aller voir si on vè cor (si on voit encore), dit Eugène.

Les deux frères mangent debout à la hâte, l'écuelle en main. Il semble à Joseph que la mère lui en a « versé pour huit jours », lui le plus maigre appétit de la famille. Il profite d'un moment d'inattention pour en faire passer un peu chez les autres. Ils ont fini.
Les parents n'ont pas le coeur de contrarier ce qui les dépasse...

Pisque v'z'allez cor vouèr, dites cor cinq Pater et cinq Ave, mais sûbout parce qu'il fait frë (Puisque vous retournez voir, dites encore cinq Pater et cinq Ave, mais debout, parce qu'il fait froid, dit la mère ).

Ils reviennent quelques minutes après, les pantalons enneigés. La recommandation de la mère leur est sortie de l'esprit. En voyant la belle dame pour la septième fois (la sixième pour Joseph), d'instinct, ils se sont mis à genoux. La prière dite, ils reviennent ponctuellement :

C'est tout pareil... La dame est grande comme soeur Vitaline.

Cela ferait 1 m 65. Comment ont-ils apprécié la hauteur en plein ciel ? Quoi qu'il en soit, la comparaison suggère une idée à la mère :

Faut aller chercher la soeur Vitaline. Les soeurs valent mieux que vous. Si vous voyez, è verront bé etout (elles verront bien aussi).
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