Homélie pour le XXIVe et dernier dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Homme. Quel usage avez-vous fait des dons naturels que Dieu vous avait accordés pour parvenir à votre fin ? Comment vous êtes-vous servi de votre corps, de votre âme, des diverses facultés de votre être et de tous les avantages dont il vous avait enrichi avec tant de profusion ? Homme baptisé. Par votre baptême, vous aviez été purifié de la tache originelle ; vous étiez devenu enfant de Dieu et son héritier ; vous aviez renoncé au démon, à sa pompe et à ses œuvres pour vous attacher irrévocablement à Jésus-Christ. Comment avez-vous conservé l'innocence baptismale, respecté votre auguste caractère, observé vos promesses et tenu vos serments ? Homme, baptisé et confirmé. Vous deviez aimer et servir Jésus-Christ avec plus de zèle, de courage et de ferveur, parce que vous aviez été revêtu du Saint-Esprit, et reçu des grâces plus abondantes et plus fortes. Cependant, dans presque toutes les occasions, vous avez lâchement trahi vos devoirs, abandonné la vertu et combattu contre Dieu. Vous avez été brave, mais seulement pour le mal et le vice.

Homme, baptisé, confirmé et prêtre. Je m'arrête, mes frères ; ces paroles me regardent aussi bien que ceux qui, comme moi, sont revêtus du caractère sacerdotal. Je m'arrête, car je ne puis qu'élever vers mon Dieu des mains suppliantes, et lui adresser pour eux comme pour moi cette touchante prière : 0 Jésus, mon doux Sauveur, entendez les gémissements d'un pauvre coupable, qui compte sur vos miséricordes et pleure devant vous : Ingemisco tanquam reus. Le souvenir de mes fautes me couvre de confusion, et la rougeur de la honte me monte au visage : Culpa rubet vultus meus. Mon Dieu, ô mon Dieu, pardonnez-nous tous et exaucez nos supplications : Supplicanti parce, Deus. (Pro., De defunc. ) Car, mes frères, si l'accusation portée contre le simple fidèle est si terrible, que dirons-nous donc de celle du prêtre ? Prions donc ; oui, prions, afin que nous soyons tous sauvés.
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Mais voici bien de quoi augmenter notre confusion, redoubler notre honte et rendre plus vive la colère de Dieu, déjà si grande contre nous, à cause de nos fautes nombreuses ; ce sont les reproches que le démon adressera à Jésus-Christ lui-même. Moi, dira avec ironie le démon, l'ennemi de Dieu et le nôtre ; moi, je n'ai point été souffleté, flagellé comme vous pour ceux que vous voyez avec moi ; je n'ai point été chargé du poids d'une croix infâme ; je n'ai pas répandu une simple petite goutte de sang. Cette famille, que je me suis acquise, ne m'a rien coûté, si ce n'est de fallacieuses promesses ; je ne l'ai point achetée au prix d'une passion douloureuse, moins encore du supplice de la croix ; je ne lui ai point promis le ciel, bien loin de là, je ne la mène point avec moi dans le céleste royaume pour l'y revêtir de gloire et d'immortalité. (S. Cypr., De op. et elec., vers. fin. ) Et cependant, Seigneur, vous voyez que ces malheureux m'ont servi avec fidélité, et pour moi ils se sont lassés, exténués de fatigues dans le chemin de l'iniquité ; ils sont morts à mon service. En tout, partout et toujours ils m'ont écouté ; ils ont acquiescé aux conseils que je leur ai donnés pour les perdre éternellement. Il est donc juste qu'ils subissent la même condamnation que moi : je n'ai péché qu'une fois, tandis qu'eux...... . Qu'ils partagent le sort que je me suis fait. Vengez-vous, et jugez : ils m'appartiennent par les péchés qu'ils ont commis, puisqu'ils n'ont pas voulu être à vous par la grâce. Ils sont mes enfants. Eh bien ! que je sois leur père et leur bourreau pendant l'éternité : Vindica et judica, meum esse per culpam, qui tuus esse noluit per gratiam. (S. Basil. ; S. Ephr. )

Oh ! mes frères, comprendrons-nous enfin toute l'injure que ces paroles font à Jésus-Christ ? Entendrons-nous sans frémir le démon reprocher à Jésus-Christ l'inutilité du sang qu'il a répandu pour sauver les coupables ? Vide quis jam fructus in sanguine tuo ? ( Ibid. ) Est-ce que nous ne prendrons pas, dès aujourd'hui, la sainte résolution d'aimer, de servir, de suivre Jésus-Christ, ce divin Sauveur, qui a tout fait et tout souffert pour nous ? Si nous ne le faisons pas, si la vue d'un Dieu mort sur la croix nous trouve froids et indifférents, assurons que nous sommes sans amour pour Jésus-Christ, nous sommes maudits, nous sommes morts : Qui non diligit; manet in morte. (Joan., II, 14. ) Craignons donc les conséquences de notre conduite, craignons nos œuvres, et sachons bien que, si Dieu pardonne à un repentir sincère, s'il reçoit un cœur contrit et humilié, il ne pardonne point le péché joint à la mort. (Job., IX, 28. )
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Voilà donc le premier accusateur, le premier témoin déposant contre nous, le démon ; mais cela ne doit point nous surprendre, car il est pour nous un ennemi cruel et acharné à notre perte. D'autres vont se présenter, et ceux-là sont nos amis, cependant. Les cieux feront connaître nos iniquités, dit Job, et la terre s'élèvera contre nous. (Job, x, 27. ) Ces témoins, ce sont : Les bons anges. Levez-vous, Seigneur, s'écrieront-ils ; levez-vous donc pour juger et défendre votre cause : Exsurge, Deus, judica causam tuam. (Ps. LXXIII, 22. ) Rappelez à votre souvenir les outrages dont ces insensés vous ont abreuvé tous les jours de leur vie, tout en se disant vos enfants et vos serviteurs. Gardez-vous bien d'oublier les blasphèmes de vos ennemis, les paroles horribles qu'ils avaient sans cesse à la bouche, qui montraient un orgueil superbe et toujours croissant. (Ibid. ) Nous savons tout, Seigneur ; nous avons tout vu, tout entendu, tout écrit, même leurs actions les plus secrètes, et vous pouvez compter sur nous nous sommes des témoins fidèles, et nous ne saurions mentir : Testis fidelis non mentitur. (Prov., XI, 5. ) Quel langage, mes frères, et que n'avons-nous pas à craindre de pareils accusateurs ?

Et votre ange gardien, ce bon ange que Dieu vous avait donné, qu'il avait chargé de prier pour vous, de veiller aux besoins de votre corps, et surtout de votre âme, il ne vous a pas quitté un seul instant. Cet ange gardien, vous deviez le respecter, l'honorer, l'invoquer, le remercier et suivre ses inspirations. Eh bien ! mon frère, comment avez-vous respecté et honoré ce prince de la cour céleste, ce ministre de Dieu, chargé de vous communiquer les ordres du Très-Haut ? Vous êtes, vous aussi, l'ange de la terre, et vous deviez imiter la pureté de votre frère du ciel. L'avez-vous fait ? Hélas ! que de fois, au contraire, ne l'avez-vous pas fait rougir par vos péchés ! Que de fois ne l'avez-vous pas forcé à se voiler la face de ses ailes pour n'être pas témoin de ces actions abominables, que vous n'auriez pas osé commettre en présence d'une personne tant soit peu respectable, de ces débauches, dont vous rougissiez même en présence de ceux qui les partageaient avec vous ? L'avez-vous invoqué comme vous le deviez dans vos tentations et vos dangers ? Vous vous êtes laissé entraîner par la fougue de vos sens, par des conseils perfides et les mauvais exemples que vous aviez sous vos yeux ; mais c'est votre faute. Votre ange gardien vous aurait protégé, si vous l'aviez voulu, si vous l'aviez prié. Il avait reçu de Dieu l'ordre précis de vous guider dans toutes vos voies ; il vous aurait porté sur ses mains et dans ses bras, dans la crainte que les pierres du chemin, les scandales qui inondent la terre ne vous fissent tomber. Avec son secours, vous eussiez marché sans danger au milieu des aspics et des basilics ; vous n'auriez eu rien à craindre, ni du lion, ni des plus affreux serpents. (Ps. XC, 11, et seq. )

L'avez-vous remercié ? Car, enfin, quoique vous ne l'ayez point invoqué, il veillait sur vous, cependant. Ses soins charitables, empressés, gratuits et nullement demandés ont éloigné de vous des dangers sans nombre qui menaçaient et votre corps et votre âme. Vous deviez suivre ses inspirations, et vous les avez méprisées, Oui, sachez-le bien : cette crainte salutaire du mal, cette peine intérieure, ce remords secret, ce tremblement involontaire, qui vous ont saisi au moment de commettre le mal ; cette répugnance, comme instinctive, qu'il a fallu surmonter pour contenter une passion coupable, était le fruit de ses prières pour vous. Et vous, vous n'avez pas voulu de ses secours, vous les avez repoussés, vous avez étouffé la voix de la conscience, qui, après le mal commis, vous rappelait à Dieu. Eh bien ! aujourd'hui, en ce moment suprême, votre ange gardien, votre ami, mais avant tout l'ami de Dieu et de la vérité, s'élève contre vous devant le tribunal de votre juge, et il est votre accusateur et un témoin à charge. J'ai tout vu, dit-il, tout entendu, tout écrit. Levez-vous donc, Seigneur ; jugez votre cause et condamnez ce coupable : Exsurge, Deus, judica causam tuam.

Et les anges gardiens de vos frères, de ces petits enfants, d'une humble domestique, d'une pauvre servante, d'une ouvrière simple et naïve que vous avez perdus par vos scandales, sollicités au désordre par la crainte, les menaces, des promesses et votre or. Et les anges gardiens de ceux auxquels vous avez appris la pratique d'un vice qu'ils n'auraient point connu sans vous, ou dont vous avez favorisé, entretenu, développé les désordres en les partageant avec eux, en leur fournissant les moyens, les occasions, les facilités pour contenter leurs passions. Ils s'élèveront aussi contre vous, ils seront vos accusateurs et des témoins à charge. Seigneur, nous avons tout vu, tout entendu, tout écrit. Levez-vous donc, jugez votre cause, et condamnez ces coupables : Exsurge, Deus, judica causam tuam.
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Et les anges qui veillent dans nos saints temples, aux portes du tribunal de la pénitence, au pied des saints autels et autour de la table sacrée, témoins du maintien, des paroles, des pensées, des regards peu convenables, pour ne rien dire de plus, des irrévérences qui ont profané si souvent le saint lieu, la maison de la prière, le moment du sacrifice ou de l'instruction... témoins de ces confessions rendues inutiles par votre manque de dispositions convenables, ou sacrilèges peut-être, par votre silence calculé, et le manque de contrition ou de ferme propos... témoins de nos communions faites sans préparation, sans foi, sans amour, sans respect, sans actions de grâces... témoins enfin de tous les secours, de tous les moyens que Dieu nous a donnés pour nous sanctifier et nous sauver. Ces anges, disons-nous, s'élèveront contre nous au jugement : ils seront nos accusateurs et des témoins à charge. Seigneur, nous avons tout vu, tout entendu, tout écrit. Levez-vous donc, jugez votre cause, et condamnez les coupables : Exsurge, Deus. .. Et Ninive (Matth., XII, 41 ; Jon., n, 1 ), et la reine de Saba (Matth., XII, 42), Tyr, Sidon (Matth., xi, 21, 22), Sodome et Gomorrhe. (Ibid.) Voilà autant de témoins contre nous, et qui demanderont au Seigneur une vengeance éclatante.

Et tous les païens plongés dans les ténèbres de l'infidélité, assis aux ombres de la mort, pour qui la lumière de la foi n'a pas encore brillé, tandis que nous en sommes éclairés et inondés. Et tous ces pauvres, enfants privés de toute instruction religieuse, demandant en vain le pain de la parole de Dieu. (Thren., IV, 4.) Et tous les hérétiques attachés à l'erreur uniquement par le malheur de leur naissance. Et tous ces pécheurs enfin, beaucoup moins coupables que nous, avec moins de grâces et de secours... ne voilà-t-il pas autant de témoins et d'accusateurs qui s'élèveront contre nous, et demanderont une condamnation terrible et éclatante ? Mais, mes frères, songeons-y bien, le témoin le plus à craindre, parce qu'il confirmera et assurera tous les témoignages portés contre nous, c'est notre propre conscience.

La conscience. Dans ce jugement formidable pour nous, dit saint Augustin, les anges et les hommes seront jugés. Dieu, par sa vertu toute-puissante, fera que toutes les œuvres de chacun de nous soient fidèlement représentées à notre mémoire, et alors, avec une célérité aussi prompte qu'admirable, et d'un simple coup d'œil, nous distinguerons parfaitement toutes les circonstances diverses de notre conduite, de sorte que cette connaissance servira soit à accuser, soit à excuser notre conscience : Accuset vel excuset scientia conscientiam. (De Civ. Dei, lib. XX, cap. 1. )

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Oui, mes frères, la conscience, voilà pour tous un redoutable accusateur. Et, par ce mot conscience, nous n'entendons point cette conscience fausse, erronée, surtout si large et si élastique de ces mondains dont les yeux, troublés par les passions, les intérêts de la terre, les maximes du monde, ne voient du mal nulle part, pourvu qu'il n'y ait rien à craindre du gendarme, de la justice et des lois. Nous n'entendons pas davantage la conscience de celui qui se dit honnête homme, et dont la religion consiste à ne faire tort à personne. Pourvu qu'il ne tue point et ne vole point, comme si ces deux choses renfermaient l'accomplissement de la loi de Dieu et de l'Église, pourvu que ses actions honteuses ne se produisent pas au dehors par le scandale et le déshonneur, pourvu qu'il sauve au moins les apparences, tout le reste lui devient indifférent ou permis. Non, non, encore une fois, ce n'est pas là ce que nous entendons par conscience.

Mais, par ce mot, nous entendons cette lumière intérieure et sûre, cette raison naturelle, ce jugement enfin qui nous font prononcer sur la malice ou la bonté de nos actions, et nous dictent ce que nous devons faire ou éviter. Nous entendons ce moi humain, ce sentiment qui, de suite et de prime abord, nous dit : Cela est bon ou ne l'est pas ; cela est permis ou ne l'est pas. Langage secret qui ne nous tromperait jamais, si vous voulions l'écouter.

La voilà cette conscience, accusateur secret, dont saint Ambroise invoque le témoignage contre nous. Témoin sûr et incorruptible, qui nous a parlé si souvent par la voix du remords, et dont alors nous ne pourrons ni fuir, ni décliner le jugement. Aujourd'hui, nous ne l'entendons pas, nous ne voulons pas l'entendre, nous étouffons sa voix ; mais elle parlera à son tour, quand Dieu viendra éclairer les ténèbres dans lesquelles nous nous enveloppons, et les fautes les plus cachées auxquelles nous nous abandonnons. Ego testimonium conscientiæ tuæ posco, quam judicem tui effugere et declinare non poteris, cujus testimonium non poteris recusare in die qua revelabit Dominus occulta hominum. (S. Ambr., De Naboth, cap. x, n. 45.)

Éclairée de Dieu lui-même, elle mettra sous nos yeux et ceux de notre Juge notre vie telle qu'elle a été, nos actions telles que nous les avons faites, nos crimes tels que nous les avons commis, sans qu'il nous soit possible de nier un seul fait, une seule action, un seul de nos désordres. Que dis-je, nier ? Le pécheur, dit saint Augustin, laisse ici-bas sur la terre, en mourant, tout ce qui l'a fait pécher ; mais il emporte son péché même, et c'est ce qui fait son malheur. (Serm. LVIII. ) Oui, mes frères, nos péchés, nos crimes, nos désordres, les dérèglements de notre jeunesse et de toute notre vie, ont pénétré jusqu'à la moelle de nos os, et ils reposent avec nous dans la poussière du tombeau. (Job, XX, 11. ) Ils nous suivent au tribunal de Dieu, et font entendre contre nous ces formidables paroles : Tu nous as faits, nous sommes ton ouvrage, nous nous attachons à toi pour ne te quitter jamais : Tu nos egisti, opera tua sumus, non te deseremus. (S. Bern. )

Nous verrons alors nos pensées, nos désirs, nos affections, nos paroles, nos actions et omissions, nos injustices, nos blasphèmes, nos travaux sacrilèges du dimanche, nos ivrogneries, nos impudicités, tous nos crimes enfin. Et à chaque accusation formulée par le démon, les bons anges, notre conscience dira : Oui, cela est vrai ; j'ai commis ce crime, j'ai fait cette action abominable tel jour, à telle heure, dans tel lieu, à l'église, au cabaret, dans cette maison, au bois, dans cette grotte avec tel et telle, ou seul. Or, si selon saint Pierre, le juste lui-même a tant de peine à se sauver, où donc, grand Dieu, paraîtront les pécheurs et les impies ? comment pourront-ils soutenir les regards du Juge irrité et se soustraire à sa colère ? (1, Petr., IV, 18. ) Telles, et plus terribles encore, seront les charges que ces témoins porteront contre nous. Mais nous sera-t-il possible de trouver une défense quelque part ?

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Laetitia
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Notre défense. Oh ! si du moins le coupable pouvait se justifier au tribunal de Dieu, comme il le peut devant les juges de la terre, ainsi que nous l'apprend le saint homme Job ! (Job, XVI, 22. ) Devant les hommes, quelque coupables que nous soyons, nous trouvons un avocat, qui, moyennant salaire ou d'office, prend notre défense, parle en notre faveur, et détruit une à une toutes les charges qui pèsent sur nous. Mais, au tribunal de Dieu, il n'en est point ainsi, dit un Père de l'Église. Là, en effet, qui pourrait se constituer notre avocat, parler en notre faveur, et imaginer même l'ombre d'une défense ? Par quel art, par quels prestiges d'éloquence produire la persuasion de notre innocence dans l'esprit du juge, et détruire la vérité des faits qui nous accablent ? Ibi vero quis erit advocatus ? Quæ protectio ? Quæ excusatio ? Quæ persuasio artificiosa ? Quæ contra veritatem excogitatio pervertet ? (S. Grég. Naz., Orat. x. ) Là, donc, que nous le voulions ou non, toute défense est inutile ou impossible.

Mourez-vous dans la pratique de vos devoirs, dans les sentiments et les œuvres d'une pénitence sincère, exempts de tout péché ; en un mot, dans la grâce de Dieu ? Votre défense est inutile, car vos œuvres sont là pour vous justifier ; la vue de vos souffrances passées, le souvenir de ce que vous avez fait et enduré pour votre Dieu vous rempliront d'une immense joie, et de la plus grande confiance en ses miséricordes infinies : Videbunt justi, et lætabuntur (Psal. cvi, 42 ; Job, xxII, 19. ) Qui donc oserait vous accuser devant Dieu, vous qui êtes du nombre de ses élus et de ses amis, quand c'est lui-même qui vous justifie ? Qui donc oserait vous condamner, quand Jésus-Christ est celui qui est mort pour vous, qui est ressuscité pour votre justification, qui est assis à la droite de son Père, et qui intercède pour vous ? (Rom., VIII, 33, 34. )

Mourez-vous en état de péché mortel, dans la pratique du mal, ennemi de Dieu, dans l'impénitence, enfin ? Votre défense est dès lors impossible ; vos crimes vous suivent au tribunal de Dieu pour vous accuser, et sont les preuves matérielles sur lesquelles votre condamnation sera motivée et basée. Vous verrez alors de vos propres yeux votre ruine entière, et déjà vous boirez à longs traits dans le torrent de la fureur de Dieu ; vous épuiserez la coupe de sa colère. (Job, XXI, 20. ) Tout est fini pour vous, pauvres pécheurs ; car que répondrez-vous, ou plutôt que pourriez-vous répondre à vos accusateurs et à votre juge ? Rien, absolument. Vos iniquités vous ont fermé la bouche : Et omnis iniquitas oppilabit os suum. (Ps. CIV, 42 ; Job., X, 4, et seq. ) Fussiez-vous juste, vous fût-il possible de trouver en vous un commencement de vertu et de sainteté, vous n'auriez pas à répondre à Dieu, vous ne pourriez vous excuser devant lui, mais le supplier humblement d'avoir pitié de vous : Meum judicem deprecabor. (Ibid., IX, 15. ) Mais, hélas ! vous êtes pécheur : malheur donc à vous, dit Job. (Ibid., X, 15. ) Direz-vous que les accusations portées contre vous sont fausses? Dieu vous répond, par son prophète : Si je suis maintenant votre juge, j'ai été aussi le témoin de tous vos actes, et je ne me trompe point. (Jer., xxix, 23. ) Me voici, dit-il encore par un autre de ses prophètes ; je me hâte de venir pour être témoin et juge de tous les empoisonnements, des adultères, des parjures, de tous ceux qui retiennent par ruse ou par violence le prix du mercenaire, qui oppriment les veuves, les orphelins et les étrangers, sans être retenus par la crainte. (Malac., III, 5. )
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Vous excuserez-vous sur votre ignorance ? Et pourquoi ne vous instruisiez-vous pas ? Pourquoi fuyiez-vous l'Église, refusant d'entendre la parole de Dieu dans celle des pasteurs aux catéchismes, aux instructions et aux prônes? Vous avez été dans l'ignorance : c'est votre faute ; on ne vous connaîtra pas, et vous serez condamné. (I Cor., XIV, 38. )-Mais je ne savais pas ! Pourquoi n'écoutiez-vous pas la voix de la conscience, et ne suiviez-vous pas ses lumières ? — J'étais si faible ! Oui, sans doute, et le juste aussi ; mais, avec la grâce de Dieu qui vous était offerte, vous eussiez été fort si vous l'aviez voulu. (Phil., IV, 13. ) La faiblesse d'ailleurs est le fondement et la source de la force, parce qu'alors, ne comptant point sur nous, nous recourons à Dieu : Cum enim infirmor, tunc potens sum. (II Cor., x, 12. ) Il fallait enfin vous purifier dans le tribunal de la pénitence, vous nourrir du pain eucharistique, froment des élus, source de toute vertu, et vous auriez pu ce qu'ont pu tant d'autres aussi faibles que vous ; ils ont surmonté leurs faiblesses, et vous auriez surmonté les vôtres. Ils sont aujourd'hui au ciel, et vous n'y entrerez jamais, — J'ai été violemment tenté : l'occasion était si favorable ; je n'ai pu résister ! Mais pourquoi, au lieu de fuir ces occasions, causes de presque toutes vos tentations, les cherchiez-vous ; pourquoi vous y exposiez-vous ? N'aviez-vous pas, pour les combattre et les vaincre, les mêmes moyens que les saints ont trouvés dans la prière, les sacrements, la mortification, la défiance de vous-même, le recours à Dieu et à Marie ? Je n'ai pu résister ! dites-vous : c'est-à-dire que l'homme abandonné à lui-même ne peut rien ; mais, en Dieu et avec Dieu, tout lui est possible. (Matth., XIX, 26.) Dites donc que vous n'avez pas voulu. — J'ai été entraîné par les scandales au milieu desquels je vivais ; j'ai trouvé ces scandales jusque dans la maison paternelle, et auprès des personnes qui, par état comme par devoir, étaient obligées de ne m'en donner que de bons ! Mais les vices des autres seront-ils des vertus ou des exemples pour vous ? Ces mauvais exemples d'ailleurs ont-ils violenté, forcé votre volonté ? Nullement ; mais vous les aimiez, vous les suiviez, parce qu'ils favorisaient vos mauvais penchants et votre inconduite. Puis enfin, si vous avez eu sous les yeux de mauvais exemples, est-ce que vous n'en aviez pas de bons pour vous porter à la vertu, et vous affermir dans la pratique du bien ? Voyez plutôt les saints.

Oh ! mes frères, que je plains ce pauvre pécheur jeté tout tremblant, sans défense et sans excuse, aux pieds de son Dieu, et qu'il est malheureux : Quid sum miser tunc dicturus ? A qui recourir, quel patron invoquer et prier ? Quem patronum rogaturus ? Osera-t-il invoquer le saint dont il porte le nom, après avoir si peu imité les exemples de vertu qu'il lui avait donnés, déshonoré son nom, et ne l'avoir jamais invoqué peut-être ? Si l'appui du saint patron rassure à peine le juste, rassurera-t-il mieux le pécheur ? Cum vix justus sit securus.
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Appellerez-vous Marie à votre secours, Marie, si bonne, le refuge des pécheurs, l'avocate et la mère de tous les hommes? Oui, tant que vous avez été sur la terre, Marie a été bonne pour vous ; elle a été votre refuge assuré, votre avocate toute-puissante, une mère pleine de tendresse et de miséricorde ; elle vous a toujours aimé, même au milieu de vos désordres. Mais vous, vous n'avez pas voulu répondre à sa tendresse et à ses soins maternels ; vous avez méprisé ou du moins méconnu son pouvoir ; malgré elle, vous avez vécu dans le désordre, et la mort vous a frappé au milieu de vos crimes. Eh bien ! dussiez-vous bondir d'indignation, et me taxer d'exagération, je le dirai pourtant, comme effrayé moi-même de cette triste et désolante vérité. Au tribunal de Dieu, Marie n'est plus votre mère, elle n'est plus la mère du pécheur, et vous n'êtes plus son enfant ; elle ne voit plus en vous que l'ennemi de son Fils et le sien.

Élèverez-vous enfin la voix pour toucher le cœur de Jésus ? Ne voyez-vous pas que par votre persévérance dans le crime, vous lui avez ôté le pouvoir de vous faire miséricorde, et vous lui avez lié les mains. Vos iniquités ont mis entre Dieu et vous un mur de séparation, un abîme immense ; vos crimes lui ont bouché les oreilles et fermé les yeux ; vous êtes mort dans le péché, sans vouloir lui en demander pardon, et il ne vous écoute plus, il ne vous connaît plus. (Is., LIX, 1 et 2. ) C'est pour cela, dit-il par son prophète, c'est pour cela que je le traiterai dans ma fureur ; mon œil le verra sans en être touché, et je serai pour lui sans miséricorde : Ego, ego faciam in furore ; non parcet oculus meus, nec miserebor. (Ezech., vin, 18. ) Vous voilà donc devant votre juge.

Jésus, juge des vivants et des morts. Et je vis un grand trône d'une éclatante blancheur, dit l'apôtre de Pathmos, et une personne assise dessus devant laquelle la terre et les cieux s'enfuirent, et ne trouvèrent point où se placer : Et locus non est inventus eis. (Apoc., xx, 11. ) Et cette personne assise sur le trône, c'était Jésus-Christ. Tandis que nous vivions sur la terre, Jésus-Christ était pour nous un père, un ami, un frère, l'époux de nos âmes, un Sauveur enfin qui avait donné tout son sang pour nous, faisant dans le ciel, auprès de son Père, l'office de pontife, d'avocat et d'intercesseur : et maintenant, le voilà notre juge. Or, l'amour blessé et méprisé se change en fureur : il devient une haine implacable : Læsa patientia fit furor. Job l'avait bien senti, quand il se plaignait à son Dieu qu'il était complètement changé à son égard, qu'il était devenu cruel pour lui, et que pour le combattre il employait toute la force de son bras. (Job, xxx, 21. ) Et, saint Jean, l'apôtre de la charité, lui si pur, si aimant, et le bien-aimé de Jésus, tombe à ses pieds cependant, et comme frappé de mort. Et cum vidissem eum, cecidi ad pedes ejus tanquam mortuus. (Apoc., 1, 17. ).. .
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Re: Homélie pour le XXIVe et dernier dimanche après la Pentecôte

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S'il en est ainsi, mes frères, si les justes eux-mêmes ne peuvent sans frayeur paraître en la présence de leur juge, que feront donc des pécheurs comme nous ? (S. Jér. ) Juge infiniment saint à qui le moindre péché fait horreur, qui en a une haine infinie, et qui déteste l'iniquité aussi bien que celui qui la commet. (Sap., XIV, 9. ). - Juge clairvoyant : il sonde les reins et les cœurs (Ps.VII, 10.) et rien n'échappe à ses regards divins. Il a vu non-seulement nos actions publiques, extérieures, mais encore nos œuvres les plus secrètes e nos pensées les plus intimes. - Juge juste : il traitera chacun selon ses œuvres, et de même qu'il ne laissera point de bonnes actions sans récompense, de même aussi il ne laissera point de crimes sans châtiment, et tous ses châtiments seront également justes et équitables. (Ps. CXVIII, 137. ) - Juge sans appel : impossible de faire révoquer sa sentence ; car, où trouver un juge supérieur et compétent pour la réformer, et quel est celui qui peut s'interposer entre Dieu et le pécheur ? Postquam (la sentence) nulla erit appellatio, non judex superior, non excusatio. (S. Grég. Naz., Orat. XIII ; Job, IX, 33. ) - Juge tout-puissant : comment échapper aux châtiments de sa justice ? Il vous tiendra dans sa main puissante, et nul ne pourra vous en arracher. (Job, x, 7. ) Isaïe dit quelque chose de plus fort encore : Son rugissement ressemble à celui du lion, ou de ses jeunes petits quand la faim les tourmente. Il grincera des dents, il fondra sur sa proie, et la saisira, il l'enfermera, il l'embrassera dans ses bras puissants : et alors qui pourra la lui ravir ? Et non erit qui eruat. (Is., v, 29. )

Que ferons-nous donc, mes frères, que deviendrons-nous quand le Seigneur se lèvera pour nous juger, et quand il nous interrogera, que pourrons-nous lui répondre ? (Job, XXXI, 14. ) Il était pourtant si doux, si bon, si miséricordieux pour les pécheurs, témoin, saint Pierre, Magdeleine, la femme adultère, la Samaritaine. Il courait après eux, comme le bon pasteur court après la brebis perdue, et comme le bon pasteur, il a donné sa vie pour son troupeau (Joan., X, 11. )

Voyez plutôt sa croix, et contemplez Celui qui y est attaché : c'est ainsi qu'il nous a aimés. Vois-tu, semble-t-il dire à chacun de nous, vois-tu cette couronne d'épines qui ceint mon front ensanglanté ? C'est pour toi que je la porte, et c'est toi qui l'as placée sur ma tête. Vois-tu mon corps ? Depuis les pieds jusqu'à la tête il ne présente qu'une seule et affreuse plaie : c'est pour toi que je l'endure, et c'est toi qui l'as faite. (Is., 1, 6. ) Mets ici ton doigt et regarde mes mains, avance ta main et mets-la dans mon côté ; ne sois plus incrédule ; mais fidèle (Joan., xx, 27. ), et connais tout ce que j'ai souffert pour toi et par toi : Et agnosce quæ pro te, et a te pertulerim. (S. Euch. ) Car toutes mes douleurs, toutes mes plaies, je les ai éprouvées et reçues dans la maison de ceux qui m'aimaient, et ce sont eux qui en sont la cause. (Zach., XIII, 16. )

Vois, par conséquent, et juge toi-même combien il doit m'en coûter de condamner celui pour qui j'ai tant souffert, de punir pendant l'éternité celui que j'ai tant aimé, celui dont le souvenir est gravé dans mon cœur, dans mes mains et sur tout mon corps. (Is., XLIX, 16. ) Il le faut pourtant : et, pour punir un ennemi qui n'a pas voulu se repentir, je suis forcé d'oublier mes bontés et mon amour, ma juste colère doit arrêter le cours de mes miséricordes. (Ps. LXVI, 10. ) Je me consolerai, hélas ! de la perte de ceux qui me combattent et m'offensent, et je serai vengé de mes ennemis (Is., 1, 24. ) Me voici sur mon tribunal pour faire mon œuvre, œuvre de vengeance bien éloignée des sentiments de mon cœur, et je prononcerai une sentence bien étrangère à ma bonté. (Ibid., XXVIII, 21. )
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Laetitia
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Re: Homélie pour le XXIVe et dernier dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Et quelle sentence, grand Dieu ! Il est bien vrai qu'il dira aux justes : Venez, ô vous qui êtes les bien-aimés de mon Père, venez posséder le royaume qui vous est préparé dès le commencement du monde. Mais il est vrai aussi qu'il dira aux pécheurs : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel, qui a été préparé aux démons et à leurs anges. (Matth., XXV, 34-41. )
Mes frères, je n'ai ni la force, ni le temps de développer cette affreuse sentence de malédiction, prononcée contre le pécheur. Je termine par ces deux pensées bien frappantes : méditez-les sérieusement. On dit qu'il meurt par jour quatre-vingt mille âmes : c'est donc plus de trois mille par heure, presque soixante par minute, c'est-à-dire une âme par seconde. Pensons-y bien.-Saint Augustin observe que si le jour du dernier jugement est encore loin de nous, celui de la fin de notre vie est néanmoins très-proche, et ne peut être éloigné : Iste dies judicii, si sæculo longe est, unicuique homini vitæ suæ ultimus prope.

Ô Marie, mère de grâce, douce mère du miséricordieux Rédempteur, défendez-nous contre les ennemis qui nous environnent de toute part, et quand sonnera notre dernière heure, recevez notre âme dans vos mains, conduisez-la en présence de votre Fils, notre juge, et obtenez de lui une sentence qui nous mette en possession du royaume céleste pour l'éternité. Ainsi soit-il.
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