III.
Il nous reste à voir ce que notre Seigneur répondit à la demande de l'officier : « Allez, lui dit-il, votre fils est en vie. Il crut à la parole de Jésus, et s'en alla. » Certes, voilà un merveilleux accroissement de la foi dans cet homme, fruit sans doute du reproche que Jésus lui avait adressé. Le centurion, à la foi duquel l'Evangile rend un si magnifique hommage, croyait-il autre chose, si ce n'est que le Sauveur pouvait guérir de loin, par une parole ? C'est ce que croit aussi l'officier, et il le croit si bien qu'il part à l'instant même sans exiger davantage la présence de notre Seigneur : ce qui montre clairement que Jésus avait en même temps rendu la santé au fils et donné la foi au père.
Ce bienfait nous avertit de ne pas perdre courage quand le Seigneur nous reprend ou nous traite avec sévérité ; relevons au contraire plus haut notre espérance. Plus il aura été sévère au commencement, plus il se montrera doux et miséricordieux à la fin. Souvent, en effet, il semble au premier abord abandonner ou négliger les siens ; mais il les comble de ses faveurs au moment même où ils s'imaginent qu'il les délaisse. Aussi les âmes pieuses se plaignent-elles souvent d'être abandonnées de Dieu. Ecoutez David au psaume XIe : « Jusques à quand, Seigneur, m'oublierez vous ? Jusques à quand détournerez-vous de moi votre face ? » Et ailleurs : « Levez-vous ; pourquoi restez-vous endormi, Seigneur ? Levez-vous et ne nous repoussez pas pour toujours. Pourquoi détournez-vous votre visage et oubliez-vous notre pauvreté et notre affliction ? » Ps. XLIII, 23, 24. C'est de cette manière que le Seigneur exerce et éprouve les justes : « Je vous ai éprouvé, dit-il, aux eaux de contradiction, » Ps. LXXXVI, 8 (cf. Exod. XVII, 2 ), c'est-à-dire, j'ai voulu que l’eau vous manquât pour connaître votre foi et votre confiance en moi. Au milieu de ces épreuves, l'homme doit, quoiqu'il semble repoussé de Dieu, se livrer à la prière avec plus d'instance, à l'exemple du Prophète qui disait : « J'ai crié vers vous, Seigneur; tout le jour j'ai étendu mes mains vers vous, » Ps. LXXXVII, 10. Ce saint personnage savait que le Seigneur a coutume d'effrayer d'abord les siens, pour les rassurer et les consoler ensuite. C'est ainsi qu'au chapitre vie du Deutéronome nous lisons des Israélites : « Je vous ai affligés par la disette, je vous ai donné la manne, » afin que nous apprenions par cet exemple à ne point perdre confiance lorsque Dieu nous envoie quelque fléau, mais à le regarder comme un indice de sa miséricorde prochaine. Le Seigneur en agit ainsi dans l’Évangile avec la Chananéenne, qu'il semblait repousser d'abord, Malth. XV ; et avec le père du lunatique, qu'il interpella sévèrement avant de guérir son fils, Matth. XVII ; et avec l'officier d'aujourd'hui, à qui il commença par adresser un grave reproche, et qu'il traita ensuite avec tant de bonté, qu'il donna au fils la santé, et la foi au père, ainsi qu'à toute sa famille. Car la foi est un don de Dieu, et le plus grand de tous, et il l'accorda à l'officier qu'il éclairait au dedans d'une lumière céleste, en même temps qu'il lui adressait au dehors des paroles sévères.
(à suivre)