Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIXe dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIXe dimanche après la Pentecôte

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SECOND SERMON POUR LE XIXe DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE,

où l'on explique l'Évangile du jour.


Simile est regnum cælorum homini regi qui fecit nuptias filio suo.
Le royaume des cieux est semblable à un homme qui voulut faire les noces de son fils.
Matth. XXII, 2.


Le Maître céleste, mes chers frères, nous propose dans la leçon du saint Evangile une parabole très-riche en enseignements. On appelle parabole un genre de discours où, sous le sens littéral et extérieur des mots, se cache un autre sens plus intérieur, qui est le véritable. Vous savez tous que notre Seigneur s'est servi très-souvent dans l’Évangile de cette manière de parler. Comment ne nous aurait-il pas parlé en parabole, celui qui, en prenant notre nature, s'était fait comme une parabole vivante, montrant au-dehors l'extérieur de l'homme et au-dedans cachant un Dieu ? D'ailleurs ce genre d'instruction convenait parfaitement, par sa forme simple et populaire, à la lumière de la doctrine évangélique, qui s'adressait de préférence aux pauvres et aux ignorants.

Après vous avoir donné lecture de la parabole de notre évangile, nous essaierons de l'expliquer dans toutes ses parties. Voici donc cette parabole : « Le royaume des cieux est semblable à un Roi qui voulut faire les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs pour y appeler ceux qu'il avait invités ; mais eux ne voulurent point y venir. Il envoya une deuxième fois d'autres serviteurs dire aux conviés : Voici que mon festin est préparé, » etc. Ave, Maria.

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Commençons maintenant l'explication de cette parabole, comptant sur le secours de celui qui a daigné en donner l'enseignement à la terre. Ce Roi qui voulut célébrer les noces de son Fils, c'est Dieu le Père. L’Épouse unie par le mariage au Fils du Roi, c'est l’Église. En effet, nous connaissons deux épouses de Jésus-Christ : l'une est son humanité sainte, qu'il s'est associée par un lien indissoluble dans l'unité d'une seule personne : car ce qu'il a pris une fois, il ne l'a jamais quitté ; nous en avons parlé dans l'instruction précédente ; l'autre épouse, dont nous parlerons aujourd'hui, c'est l’Église, aussi bien celle qui milite sur la terre, que celle qui triomphe dans le ciel. Elles ne forment toutes deux qu'une seule Église, qu'une seule épouse de Jésus-Christ, quoique l'une combatte encore et que l'autre triomphe déjà. C'est d'elle que saint Jean dit dans son Apocalypse (chap. XXI, 9) : « Un des sept anges vint me parler : Venez, dit-il, et je vous montrerai l’Épousé qui a l'Agneau pour époux. Et il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la ville, la sainte Jérusalem qui descendait du ciel, venant de Dieu, et illuminée d'une clarté divine. » Cet éclat divin qui resplendit autour de l’Épouse et lui donne une incomparable beauté, la prépare pour le céleste Époux, et la rend digne de lui.

Nous trouvons une admirable figure de cette union dans notre premier père, à qui, pendant son sommeil, Dieu enleva une côte pour lui en former une épouse. Lorsqu'à son réveil il aperçut Eve pour la première fois, instruit en même temps de tout ce qui s'était passé par une lumière intérieure, il lui dit : « Voilà maintenant l'os de mes os et la chair de ma chair. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, s'attachera à son épouse, et ils seront deux dans une seule chair. » Hoc nunc os ex ossibus meis, et caro de carne mea. Quamobrem relinquet homo patrem suum et matrem suam, et adhærebit uxori suæ : et erunt duo in carne una. Gen. II, 23, 24.

Le mariage raconté ici fut la figure de l'union de Jésus-Christ avec son Église, au témoignage de l'Apôtre, qui s'exprime ainsi : « Ce sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et dans l’Église, » Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia, Ephes. v, 32. En effet, la ressemblance est parfaite, que l'on considère, soit le mode de formation de l'épouse, soit l'amour que lui porte son époux. Car Jésus étant endormi sur la croix du sommeil de la mort, un coup de lance ouvrit son corps sacré, d'où il sortit du sang et de l'eau, et avec ce sang et cette eau toute la beauté et la perfection de son épouse.

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Examinons maintenant si nous trouverons dans les noces de Jésus-Christ avec son Église toutes les conditions des mariages ordinaires. La première de ces conditions, c'est l'union des âmes, qui a son principe dans l'affection mutuelle. Or, le céleste Époux brûle d'un si grand amour pour son Église, que l'Apôtre ne craint pas de dire : « Époux chrétiens, aimez vos épouses comme Jésus-Christ a aimé l’Église, et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après l'avoir purifiée dans le baptême de l'eau par la parole de vie, pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n'ayant ni tache, ni ride, » Ephes. v, 25, 26.

Une autre loi du mariage, c'est la communauté de toutes choses, aucun des deux époux n'ayant rien en propre et pour lui seul. Cette loi est observée dans l'union de Jésus-Christ plus parfaitement que dans toutes les autres. Voilà pourquoi saint Paul admire avec beaucoup de raison la grandeur de ce sacrement. N'est-ce pas en effet une grande chose que l'homme soit élevé jusqu'à une sorte de participation à la divinité, et que Dieu s'abaisse jusqu'à l'humilité de la nature humaine ? Que l’Église participe à toutes les grâces, à toutes les richesses, à tous les dons et à toutes les souffrances de Jésus-Christ, le même Apôtre l'enseigne clairement, lorsqu'il nous dit que Dieu le Père nous a rendu la vie en Jésus-Christ, nous a ressuscités et fait asseoir avec lui dans le ciel (Ephes. II, 5, 6). Tout cela, qu'est-ce autre chose que de nous faire entrer en société de tous les biens du Sauveur ? D'où il suit que le Père céleste nous montre le même visage qu'à son divin Fils lui-même, dont il retrouve en nous l'esprit et la fidèle image.

Écoutez encore saint Paul : « Dieu, dit-il, par lequel vous avez été appelés à la société de son fils Jésus-Christ, » etc., I Cor. 1, 9. (Saint Jean tient le même langage au chapitre premier de sa première épître). Du reste, cette société est tout-à-fait semblable à celle que des marchands forment entre eux, et dont la loi fondamentale porte que tous les profits seront communs. Telle est l'heureuse société où nous sommes appelés à entrer avec Dieu le Père et son Fils ; les richesses et les biens infinis de la divinité deviennent communs entre Dieu et nous. Peut-on imaginer un plus grand bonheur pour l'homme ? Aussi l'apôtre saint Pierre affirme-t-il, dans un langage nouveau et hardi, que nous sommes appelés à « être arrosés du sang de Jésus-Christ, » in aspersionem sanguinis Jesu Christi, I Petr. 1, 2, indiquant clairement par là que tout le mystère de la passion et le sang précieux du Fils de Dieu répandu sur la croix nous appartiennent, que ce sang a été versé pour nous, afin que nous puissions par lui racheter nos péchés et entrer en possession de l'héritage du ciel. Un homme a combattu sur terre et sur mer ; pour récompenser sa bravoure attestée par de nombreuses blessures, son roi le comble de distinctions et d'honneurs : eh bien ! son épouse, qui n'a pas quitté le foyer domestique, dont la frêle main n'a touché que le fuseau et la quenouille, partagera sa gloire : tels sont les droits du mariage. Or, ces droits n'ont jamais reçu d'application plus parfaite que dans l'union spirituelle de Jésus-Christ. Cet Époux céleste donne à son épouse tout le fruit de ses travaux, ne se réservant rien, du moins en ce qui concerne la grâce et la gloire qu'il possédait sans avoir besoin de ces mérites, lui qui avait reçu l’Esprit-Saint dans sa plénitude. Vous voyez donc, mes frères, combien cette heureuse union a enrichi l’Église des plus précieux trésors.

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Quels avantages le céleste époux, à son tour, en a-t-il recueillis ? Certainement tout ce que l'épouse apporta avec elle lui appartient. Mais l'épouse fait partie de l'humanité, et aucun homme n'est sans péché, parce que, dit l'Apôtre, « tous ont péché en Adam et ont besoin de la gloire de Dieu, » omnes enim peccaverunt et egent gloria Dei, Rom. II, 23. Salomon parle de même au livre des Proverbes : « Quel homme peut dire : Mon cœur est sans tache, je suis pur de tout péché ? » Quis potest dicere : Mundum est cor meum, purus sumi a peccato ? Prov. XX, 9. Et ailleurs : « Il n'y a point d'homme juste sur la terre, qui fasse le bien et qui ne pèche point, » non est homo justus in terra, qui faciat bonum et non peccet, Eccle. VII, 21. Et le Seigneur lui-même dans Isaïe : « Rappelez-moi vos mérites, si vous en avez quelqu'un ; plaidons chacun notre cause, et proposez vos moyens de défense. Votre père m'a offensé le premier, et vos interprètes m'ont désobéi, » Isai. XLII, 26, 27, c'est-à-dire, le premier ancêtre du genre humain, avec qui commença la loi de nature, s'est montré rebelle à mes préceptes, et vos interprètes, Moïse et Aaron, chargés de vous conduire et de vous transmettre la loi écrite, ont prévariqué contre moi aux eaux de contradiction.

Nous concluons de là que le genre humain tout entier était souillé de péchés sans nombre, dont l’Époux céleste se chargea pour les effacer et les expier. Or, le péché est une dette, comme nous le disons chaque jour dans l'Oraison dominicale : « Remettez-nous nos dettes, » dimitte nobis debita nostra. Voilà donc la dot, voilà les biens, voilà le patrimoine que l'épouse de Jésus-Christ apporte à son Époux, je veux dire les dettes du monde entier, que l’Époux, en vertu de la loi qui règle les mariages, s'oblige à acquitter.

C'est ce que nous indique ce passage du prophète Isaïe : « Tous nous étions errants comme des brebis égarées, chacun s'était détourné pour suivre sa propre voie ; et Dieu l'a chargé lui seul de l'iniquité de nous tous, » Isai. LIII, 6. L’Époux lui-même atteste la même chose au livre des Psaumes : « J'ai payé ce que je n'avais pas pris, » quæ non rapui, tunc exolvebam, Ps. LXVIII, 5. S'il en est ainsi, n'est-ce pas avec raison que l'Apôtre appelle cette union un grand sacrement ? Comment le fils de Dieu a-t-il daigné, d'une part, communiquer à son épouse tous les biens, la gloire et les richesses incompréhensibles de sa grâce ; de l'autre, recevoir d'elle tous les crimes du monde pour les effacer et les expier par son sang ? D'où a pu sortir la pensée d'un pareil échange, si ce n'est de l'abîme sans fond de la bonté de Dieu ?
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Il y a encore une autre raison pour laquelle le saint Apôtre donne à ce sacrement le nom de grand, et je suis certain que cette raison ne vous plaira pas moins que la précédente : c'est qu'il figure clairement l'amour de Jésus-Christ pour son Église. Lorsque le premier ancêtre du genre humain eut aperçu devant lui cette belle créature que Dieu lui donnait pour épouse, instruit en même temps par une lumière intérieure de ce qui s'était passé pendant son sommeil, et sachant qu'Eve avait été formée, non d'une matière étrangère, mais de la substance même de son corps, il laissa échapper cette exclamation pleine de tendresse : « Voici maintenant l'os de mes os et la chair de ma chair ; c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à son épouse. » On voit clairement par ces paroles combien il avait d'amour pour elle ; ce n'était pas l'amour que l'on porte à une personne étrangère, mais celui qu'on a pour soi-même; car il savait qu'elle avait été tirée de sa propre substance. De même qu'un père éprouve une très-vive tendresse pour ses enfants, qui tiennent de lui la vie du corps et qu'ils regardent comme d'autres lui-même ou comme des parties de lui-même, ainsi le premier ancêtre du genre humain aimait son épouse, non-seulement comme épouse, mais encore comme une partie de son corps et de sa substance.

Appliquons cela à notre Seigneur, afin de comprendre la grandeur de ce sacrement. C'est de la même manière et pour la même cause que Jésus-Christ aime son Église. Car ce quelque chose de spirituel et de divin qui fait de l’Église l'épouse du Sauveur, c'est de lui qu'elle le tient, c'est un écoulement et un fruit de ses mérites. En vertu des mérites de sa passion et de son sang, le même Esprit dont il avait la plénitude a été répandu dans l’Église ; formée par lui, elle reproduit l'image de celui dont elle a reçu l'Esprit ; de telle sorte que, transporté d'amour pour son Église ainsi formée et sanctifiée par l'Esprit-Saint, il pourrait redire en toute vérité les paroles du premier homme : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair, » c'est-à-dire, épouse bien aimée qui êtes sortie de mon côté, non-seulement en vous repose mon esprit, mais vous êtes mon image; aussi je vous regarde et vous aime, non comme une personne étrangère, mais comme un autre moi-même, et je ne puis pas ne pas avoir pour vous un ardent amour, tant que j'en aurai pour moi, puisque c'est moi que j'aperçois en vous. N'est-ce pas avec raison que saint Paul appelle grand ce sacrement ? Oui, il est grand et admirable ; il doit remplir notre cœur de joie.

Tous les hommes pieux qui ont la confiance d'être unis à Jésus-Christ par le lien de la charité doivent tressaillir, triompher, être fous de bonheur à la pensée que le Créateur et le souverain Seigneur de toutes choses les aime si ardemment. Et pour vous dire ici tout ce que je pense, mes frères, j'avoue que jusqu'à présent je n'ai jamais aussi bien compris et l'étendue et la raison de l'amour de Dieu pour nous, que par ces paroles de l'Apôtre. Oui, je comprends qu'un homme pieux ne peut pas ne pas être aimé de Dieu, et fortement aimé. De même qu'il est impossible que Jésus-Christ ne s'aime pas, ainsi il est impossible qu'il n'aime pas celui en qui il se retrouve. Or, comme l'amour est le premier et le plus grand de tous les dons, et la cause de tous les autres, que ne peut pas espérer de ce riche Souverain de l'univers celui qui est ainsi aimé de lui ? Telles sont les noces, mes frères, tels sont les mets de ce festin, tels sont les dons magnifiques auxquels sont invités tous les fidèles qui sont membres de l’Église.

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I.


Quelle est la conduite des invités ? Quel est leur empressement à se rendre au festin des noces ? Ô inconcevable folie des hommes ! Ô prodigieux aveuglement de l'esprit humain ! Jésus-Christ nous invite miséricordieusement au banquet de ses grâces, et nous, insensés, nous refusons, nous dédaignons ses offres. Voilà, mes frères, de la part de Dieu le comble de la bonté, de la part des hommes, le comble de la perversité. Cette conduite néanmoins ne rebute pas ce roi très-clément; il renouvelle ses offres, il envoie derechef d'autres serviteurs avec ordre de dire aux invités : « Voici que j'ai préparé mon festin ; mes bœufs et mes autres animaux gras sont tués, tout est prêt, venez aux noces. » Notre Seigneur embrasse ici, sous l'image d'un banquet splendide, l'ensemble des grâces que le mystère du Verbe incarné a procurées au monde, c'est-à-dire tous les moyens de salut, tous les secours dont nous avons besoin pour arriver à l'éternelle félicité. Il est certain, en effet, que le fils de Dieu est descendu du ciel pour aider les hommes à y monter.

Mais comme la voie qui conduit au céleste séjour est rude, qu'elle était auparavant embarrassée de beaucoup d'obstacles, il l'a aplanie et nous l'a rendue facile par le moyen de ses grâces. Avec quelle abondance et quelle plénitude il nous a accordé ce secours de la grâce divine pour nous aider à faire la route et à parvenir au céleste héritage, nous en aurons une idée si nous considérons soit la dignité et l'excellence de sa personne, soit la grandeur de son œuvre. Car le Fils unique de Dieu, en qui habite la plénitude de la divinité, étant descendu du ciel sur la terre pour opérer le salut et la rédemption du genre humain, c'est à-dire la plus magnifique de toutes les ouvres divines, nous devons nécessairement accorder qu'il a accompli ce grand ouvrage de la manière la plus parfaite, et nous a surabondamment procuré tous les secours nécessaires au salut.

A défaut d'autres preuves, nous pourrions invoquer la providence aussi sage que libérale par laquelle il gouverne et conserve tout dans la nature. Sans parler des quadrupèdes, des oiseaux et des autres espèces d’êtres, voyez quelle infinité de poissons naissent d'un seul au sein des mers quelle infinité de grains sont produits par un seul dans les plantes et les herbes des champs ! C'est à peine si on peut les compter, tant leur multitude défie tout calcul. Si donc le Seigneur prend un tel soin de tout ce qui regarde la conservation de l'ordre naturel, quelle ne sera pas sa providence dans l'ordre de la grâce, sa sollicitude pour prévenir la perte éternelle des hommes qu'il a créés à son image, et à l'empire desquels il a soumis, si je puis ainsi parler, le ciel et la terre ! Ce raisonnement vous fera comprendre, mes frères, la pensée du Sauveur quand il dit que « tout est prêt » pour les noces. « Tout est prêt, » c'est-à-dire une infinité de grâces, de dons spirituels et de célestes richesses, en un mot une rédemption abondante, fruit de son incarnation et de sa passion. L'Ancien Testament nous offre une image de cette abondance et de cette richesse dans l'opulence qui régnait à Jérusalem au temps de Salomon : « Alors, dit la sainte Ecriture, l'argent devint aussi commun que les pierres. » Fecitque ut tanta esset abundantia argenti in Jerusalem, quanta et lapidum, III Reg. x, 27.
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Mais, dites-vous, si de si grands moyens de salut nous sont donnés, pourquoi y a-t-il si peu d'hommes qui marchent dans le chemin du salut ? La réponse est facile. Est-ce qu'un remède, si précieux et si salutaire qu'il soit, pourra me soulager, si je refuse de le prendre, si je néglige de l'appliquer à ma blessure ? Or, user des remèdes spirituels que le Sauveur nous a procurés, c'est étudier sa doctrine, méditer ses mystères et ses bienfaits, fréquenter les sacrements, demander en son nom grâce et secours au Père céleste. Sa doctrine éclaire l'intelligence, le souvenir de ses bienfaits embrase la volonté du feu de l'amour divin, ses sacrements guérissent les maladies de l'âme, la prière obtient le secours de la grâce, et la grâce amène à sa suite toutes les vertus, dont elle excite les hommes à remplir les devoirs. Vous restez étranger à tout cela, et vous vous étonnez de l'inutilité d'un remède auquel vous ne voulez pas toucher ! Ah ! vous ressemblez aux invités de notre évangile, lesquels, tout occupés de soins et d'affaires terrestres, refusent de venir aux noces : en d'autres termes, livrés uniquement aux choses profanes, ils négligent de s'appliquer aux besoins de leur âme.

Les premiers invités n'étant pas venus, d'autres les remplacent : les Juifs sont exclus, et les Gentils sont appelés à leur place au festin des noces, c'est-à-dire à la grâce de l’Évangile. Ainsi fut remplie de convives la salle des noces. « Et le roi entra pour voir ceux qui étaient à table, et il aperçut un homme qui n'avait point la robe nuptiale. On sait que cette robe désigne la charité, qui distingue les enfants du royaume des enfants de la géhenne. Ce convive avait donc la foi : cette vertu lui avait ouvert les portes de la salle du festin ; mais il n'avait pas la charité, qui était nécessaire pour célébrer la solennité des noces. « Mon ami, lui dit le roi, gravement irrité, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale ? » Rien de plus juste que ce reproche. C'est comme s'il disait : Comment cette maison où vous êtes venu, ou bien la foi par laquelle vous y êtes entré, ne vous a-t-elle pas averti qu'une robe commune ne convenait pas à ce festin ? Vous saviez par la foi que Dieu a tellement aimé les hommes, qu'il a daigné pour eux, non-seulement prendre une chair mortelle, mais subir le supplice de la croix. Vous faisiez profession de cette croyance chaque fois que vous récitiez ces paroles du symbole : « Je crois en Jésus-Christ qui, pour nous, misérables hommes, et pour notre salut, » non pour son avantage ou par une nécessité de sa nature, mais « pour notre salut, descendit du ciel, s'incarna, souffrit, fut crucifié et mourut. »

C'est donc l'amour qui l'a attiré du ciel sur la terre, l'amour qui l'a livré chargé de chaînes aux mains des impies, l'amour qui l'a attaché à la colonne, l'amour qui l'a couronné d'épines cruelles, l'amour qui en a fait l'opprobre et le jouet des hommes, l'amour enfin qui a mis la croix sur ses épaules, qui l'y a cloué, l'a abreuvé de fiel et de vinaigre, et percé d'une lance son côté sacré. Puisque telle était votre foi, comment cet incendie d'amour, cette œuvre d'amour, cet exemple d'amour, cette preuve d'amour n'ont-ils pas allumé en vous les flammes d'un amour réciproque ? Comment cela a-t-il pu se faire ? Que répondra le pécheur à ces justes reproches ?

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Parlerai-je des motifs qui doivent exciter en nous l'amour du prochain ? A celui qui hait son frère, on pourrait dire : Vous êtes entré dans la maison du Seigneur, où il n'y a qu'un père, qui est Dieu ; qu'une mère, l’Église ; qu'une table, le pain de Jésus-Christ ; qu'un baptême, où nous sommes tous régénérés ; qu'une loi, qui nous trace la même règle de vie ; qu'une foi, que nous professons tous d'une seule bouche ; qu'une espérance, dont l'objet est l'héritage du ciel; qu'un Esprit enfin, principe d'une vie nouvelle. Comment donc, avec tant de motifs d'union et de charité, nourrissez-vous des pensées de haine et de discorde. Ce reproche s'adresse principalement à ceux que divisent des haines et des inimitiés privées, à ceux qui ne veulent ni demander pardon après une injure faite, ni l'accorder après une injure reçue. Il regarde aussi ceux qui s'approchent indignement de la table des anges. Car il en est qui viennent recevoir la sainte Eucharistie, guidés par une froide coutume, ou par un esprit d'orgueil, pour paraître pieux et dévots. Le Roi pourra aussi leur dire avec raison. « Mon ami, pourquoi êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale, » qui convient surtout aux convives de cette table sacrée ?
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II.


A ce reproche du Roi, l'indigne convive resta muet. Et comme il n'avait pas la moindre excuse à faire valoir, le Roi prononça contre lui la sentence : « Qu'on le jette, dit-il, pieds et mains liés, dans les ténèbres extérieures. » Les mains, dans les saintes Lettres, désignent les œuvres, les pieds signifient les affections et les désirs.

Cette sentence de notre Seigneur insinue donc qu'en enfer les réprouvés sont tellement fixés dans le mal, qu'ils ne peuvent plus ni faire, ni même désirer aucun bien. Leur état est celui de l'expiation pure, non de la satisfaction ; ils ne sont plus dans la voie, comme disent les théologiens, mais au terme. Dans la voie, l'homme peut reculer ou avancer, mériter ou démériter ; arrivé au terme, il ne le peut plus, car, s'il pouvait avancer encore, il ne serait pas au terme, mais dans la voie.

Voilà pourquoi Salomon nous donne cet avertissement : « Tout ce que votre main pourra faire, faites-le sans retard, parce qu'il n'y aura plus ni œuvre, ni raison, ni sagesse, ni science dans les enfers où vous courez. » Quodcumque facere potest manus tua, instanter operare : quia nec opus,nec ratio, nec sapientia, nec scientia erunt apud inferos, quo tu properas. Eccle. IX, 10. Par ces paroles Salomon nous enseigne que tout espoir de salut est interdit aux réprouvés ; aucune œuvre, aucun art, aucune science, aucune ruse, aucune invention, aucune force, aucune pénitence ne pourra leur venir en aide. Aussi l’Évangile ajoute-t-il immédiatement : « Là il y aura des pleurs et des grincements de dents » de la part des réprouvés, qui maudiront éternellement le souverain Juge et lanceront contre lui des paroles de blasphème. Cette peine doit inspirer aux âmes pieuses plus d'horreur que toutes les autres.

Blasphémer le nom du Seigneur, n'avoir pas d'autre occupation pendant toute l'éternité, n'est-ce pas le plus grand de tous les maux et le plus redoutable pour l'homme ? De même que le Psalmiste ( Ps. LXXXIII) proclame heureux ceux qui louent Dieu aux siècles des siècles, ainsi nous devons regarder les réprouvés comme très-malheureux de le blasphémer aux siècles des siècles, d'être animés contre lui d'une sorte de rage et d'inextinguible fureur. « L'orgueil de ceux qui vous haïssent, dit le Prophète royal, monte toujours, » Ps. LXXIII, 23.

Car, quoique ces infortunés aient leur libre arbitre, comme il est endurci dans le mal, ils ne peuvent pas vouloir le bien : de même que les âmes bienheureuses dans le ciel, quoique libres, ne peuvent pas vouloir le mal. Sans doute ils peuvent pécher, et pèchent sans cesse, comme nous l'avons dit, mais par un acte damnatoire, selon le langage des théologiens, et non déméritoire.

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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIXe dimanche après la Pentecôte

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Qui de vous, mes frères, en entendant gronder le tonnerre de ces divins oracles, ne serait saisi d'effroi et glacé d'épouvante, surtout si tel est l'état de son âme qu'il se sente sous le coup de cet affreux supplice ?

Peut-être en est-il qui se rassurent un peu par la pensée qu'un seul, parmi ces nombreux convives, y fut condamné. Plût à Dieu, mes frères, qu'il vous fût permis de conserver ce motif de confiance ! Mais il doit s'évanouir devant l'assertion suivante, qui termine la parabole : « Il y en a beaucoup d'appelés, dit le Sauveur, mais peu d'élus. Cette parole me semble moins une parole qu'un coup de foudre. Quand le supplice de l'enfer est si affreux, quoi de plus épouvantable que d'apprendre qu'un petit nombre y échapperont et seront au nombre des élus, et qu'un grand nombre y seront condamnés. Cette question du grand ou du petit nombre des élus préoccupe beaucoup d'esprits ; tous les hommes qui s'inquiètent de leur salut ne manquent pas de se la poser. Qu'il nous suffise, parmi tout ce que nous pourrions dire sur ce sujet, de rappeler l'infaillible parole de l'Apôtre : « Ceux qui ont péché sans la loi, périront sans la loi, et ceux qui ont péché étant sous la loi, seront jugés par la loi. » Quicumque sine lege peccaverunt, sine lege peribunt: et quicumque in lege peccaverunt, per legem judicabuntur, Rom. II, 12. Cette loi, c'est celle dont nous faisons profession dans le symbole : « Ceux qui auront fait le bien iront à la vie éternelle ; ceux qui auront fait le mal iront au feu éternel. » Qui bonu egerunt, ibunt in vitam æternam ; qui vero mala, in ignem æternum. La loi, c'est l'oracle qu'a entendu le Psalmiste : « Dieu a parlé une fois, j'ai entendu ces deux choses, que la puissance appartient à Dieu, et que vous êtes, Seigneur, rempli de miséricorde; car vous rendrez à chacun selon ses œuvres. » Semel locutus est Deus, duo hæc audivi, quia potestas Dei est, et tibi, Domine, misericordia : quia tu reddes unicuique juxta opera sua, Ps. LXI, 12, 13.

Cette loi, c'est celle que Jérémie, parlant au Seigneur, exprime ainsi : « C'est vous qui êtes le fort, le grand, le puissant; le Seigneur des armées est votre nom. Vous êtes grand dans vos conseils et incompréhensible dans vos pensées. Vos yeux sont ouverts sur toutes les voies des enfants d'Adam, pour rendre à chacun selon sa conduite et selon le fruit de ses œuvres et de ses pensées, » Jerem. XXXII, 18, 19. La loi enfin, c'est cette menace de l’Évangile : « Tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. » Omnis arbor quæ non facit fructum bonum, excidetur, et in ignem mittetur, » Matth. III, 10. Voilà les lois en vertu desquelles seront jugés ceux qui vivent sous la loi, sauf le remède de la pénitence auquel les prévaricateurs peuvent avoir recours, nous ne le nions pas ; et nous voyons par là que les chrétiens, s'ils vivent comme les infidèles, souffriront le même supplice qui est destiné à ces derniers. Le Seigneur l'atteste lui-même dans Ezéchiel : « Vous avez marché, dit-il, dans la voie de votre sœur, et je vous mettrai en main la coupe dont elle a bu, » Ezech. XXIII, 31, c'est-à-dire, vous avez imité les crimes des Gentils, comme eux vous serez abreuvé de fiel et d'absinthe. Or, trois vices principaux souillent la vie des païens : l'ambition, la volupté et l'avarice. Un païen, en effet, en tant qu'homme raisonnable, désire les honneurs ; en tant qu'homme animal, recherche les plaisirs charnels ; et pour arriver à satisfaire ces deux convoitises, il recherche l'argent dont il a besoin pour cela. Ces trois passions sont comme la source d'où sortent la colère, la haine, l'envie et les autres péchés. Ceux qui s'abandonnent à ces vices auront le sort des païens dont ils imitent les désordres.
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