Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIXe dimanche après la Pentecôte

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIXe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Quoi donc ? la profession de la foi, qui distingue les fidèles des infidèles, ne sera-t-elle d'aucune utilité aux premiers s'ils suivent la voie des seconds ? Il en est beaucoup qui, tout en vivant dans le péché, se flattent de cet espoir. Les Juifs étaient de ce nombre ; distingués par la circoncision de tous les autres peuples, et possesseurs d'une loi sainte, mais qu'ils ne pratiquaient pas, ils espéraient être sauvés. Saint Paul consacre tout le commencement de son épître aux Romains à renverser cette confiance présomptueuse, et résume ainsi la discussion : « La circoncision est utile si vous observez la loi; mais si vous transgressez la loi, vous n'êtes plus qu'un incirconcis, » c'est-à-dire, fidèle, vous devenez semblable à un infidèle. Circumcisio quidem prodest, si legem observes; si autem prævaricator legis sis, circumcisio tua præputium facta est, Rom. II, 25. Nous voyons par là que les fidèles qui vivent comme les infidèles, sont de même condition que les infidèles. Car sous les noms de circoncis et d'incirconcis, c'étaient les Juifs et les Gentils qu'on désignait alors. Nous pouvons appliquer le raisonnement de saint Paul à un chrétien qui vit mal : le sacrement de la foi et du baptême vous sera utile si vous observez la loi de Dieu ; mais si vous la violez, ni le baptême, ni votre dignité de chrétien, ni la profession de votre foi ne vous serviront, votre vie toute païenne étant en désaccord avec votre foi de chrétien. Nous lisons au chapitre XIXe des Actes des apôtres que des exorcistes juifs, qui allaient de ville en ville, voyant saint Paul chasser au nom de Jésus le démon du corps des possédés, essayèrent de faire la même chose en invoquant aussi le nom de Jésus : « Je vous adjure, disaient-ils, par Jésus, que Paul prêche.» Adjuro vos per Jesum, quem Paulus prædicat. Mais le malin esprit leur répondit : « Je connais Jésus, et je sais qui est Paul; mais vous, qui êtes-vous ? » Jesum novi, et Paulum scio ; vos autem qui estis ? Aussitôt l'homme qui était possédé d'un démon très-méchant se jeta sur eux et les tourmenta cruellement. Ce passage nous montre que c'est la sainteté de la vie, et non la sainteté du nom invoqué, qui impose aux démons. Tel est le sens de ces paroles : « Mais vous, qui êtes-vous ? » c'est-à-dire, je ne m'arrête pas aux noms sacrés que votre bouche invoque, c'est votre âme que je regarde, c'est votre vie et votre conduite, qui sont étrangères à la sainteté de ce nom ; c'est pourquoi je me précipite sur vous, pour vous tourmenter, j'exerce sur vous ma cruelle domination à laquelle votre vie coupable vous assujettit. Vous voyez donc que l'invocation des noms les plus vénérables est sans utilité quand notre conduite n'est pas d'accord avec eux. La connaissance de la religion, loin d'être utile à ces hommes présomptueux, leur prépare une damnation plus sévère, en leur ôtant la circonstance atténuante de l'ignorance. Enfin les théologiens enseignent que les infidèles à qui l'Evangile n'aura pas été annoncé ne subiront aucune peine spéciale pour leur infidélité ; ils ne seront punis que pour leurs autres crimes. Or, autant leur ignorance sera pour eux une excuse, autant la lumière de la foi sera pour les mauvais chrétiens une aggravation de leurs fautes.
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIXe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Ce long raisonnement démontre l'assertion posée plus haut, que les fidèles, dont la vie est mauvaise, auront le sort des infidèles. Mais comme il y a beaucoup de chrétiens de cette sorte, qui, sans aucune crainte de Dieu, s'abandonnent avec une sorte de fureur à tous les crimes, qui ne suivent d'autre règle que leurs passions, que leur cupidité, que leurs convoitises, que les appétits de la chair, qui ne se rappellent jamais ni la pensée de la mort, ni celle du jugement et du compte qu'ils auront à rendre, est-il besoin, je vous le demande, d'autre raison pour prouver qu'il y en a beaucoup d'appelés et peu d'élus ? Quel motif plus sérieux de craindre pourrait nous être offert ? Pour le bien comprendre, représentez-vous une immense armée rassemblée dans une plaine; un oracle divin a annoncé que dans un instant un coup de foudre épouvantable en anéantira la plus grande partie ; ajoutez que nul ne doute de la vérité de l'oracle.

Quelle terreur universelle ! Où fuir, où se cacher pour se soustraire à un danger si imminent ? Qu'est-ce pourtant que ce coup de foudre, qui ne peut qu'ôter en un clin d’œil une vie d'ailleurs bien courte, en comparaison de la sentence épouvantable du souverain Juge : « Allez, maudits, au feu éternel, préparé pour le diable et ses anges ? » Ite, maledicti, in ignem æternum, qui paratus est diabolo et angelis ejus. Si donc cette sentence doit frapper un si grand nombre d'hommes, car il est infini, dit Salomon, le nombre des insensés, s'il en est si peu qui arrivent à l'éternelle béatitude, quelle n'est pas notre stupidité, notre folie de dormir sur les deux oreilles, oubliant l'extrême danger qui nous menace ? Loin de nous, mes frères, loin de nous, un pareil aveuglement ! Que ce danger soit, au contraire, le premier de nos soucis, qu'il nous ôte le sommeil, qu'il nous fasse, comme cela est arrivé pour quelques saints, oublier jusqu'à nos repas. Redoutons ce châtiment,mettons-le continuellement devant nos yeux, pensons-y le jour et la nuit, de peur que l'ayant trop négligé pendant cette vie, nous ne soyons condamnés à le subir dans l'autre. L’Évangile nous donne aujourd'hui un avertissement salutaire ; écoutons-le si nous ne voulons pas avoir le sort de Pharaon et de ses serviteurs. Avant de ravager l’Égypte par la terrible plaie de la grêle, Moïse, voulant préserver de ce fléau Pharaon et ses serviteurs, leur tint ce langage : « Envoyez maintenant à la campagne, et faites retirer vos bêtes et tout ce que vous y avez ; car et les hommes et les bêtes, et toutes les choses qui se trouveront dehors et qu'on n'aura point retirées des champs, mourront frappées de la grêle, » Exod. IX, 19. L'historien sacré ajoute aussitôt : « Ceux d'entre les serviteurs de Pharaon qui craignirent la parole du Seigneur firent retirer leurs serviteurs et leurs bêtes dans leurs maisons; mais ceux qui négligèrent ce que le Seigneur avait dit laissèrent leurs serviteurs et leurs bêtes dans les champs, » et tout périt sous les coups de la grêle. Il arrive souvent quelque chose de semblable aux ministres de la parole de Dieu. Quand nous vous mettons devant les yeux la sévérité de la justice divine, le supplice des méchants, le feu de l'enfer, le ver qui ne meurt pas, l'interminable éternité de toutes ces peines, et la mort qui nous menace à chaque instant, quelques-uns se rendent à nos discours, et faisant pénitence dans un temps favorable pourvoient à leur salut.
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIXe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

D'autres, au contraire, imitant la folie des serviteurs de Pharaon, font peu de cas de nos salutaires avertissements, et se jettent dans un abîme d'où ils ne sortiront jamais. Ils reconnaîtront alors, par une fatale expérience, quelle a été leur folie et leur stupidité de négliger les avertissements de l’Église, en voyant qu'ils pouvaient si facilement pendant la vie faire leur salut, tandis que maintenant des supplices et des regrets éternels ne leur obtiendront pas le moindre soulagement. Aussi en est-il, parmi ceux qui m'entendent en ce moment, qui vont travailler à se procurer la robe nuptiale, afin d'être trouvés un jour devant le souverain Juge, « non pas nus, mais revêtus » de la charité, II Cor. v, 3. Ceux au contraire qui ferment l'oreille de leur cœur, « s'engagent eux-mêmes dans la damnation, » Rom. XIII, 2, et s'en repentiront un jour, mais trop tard, quand, ayant les pieds et les mains chargés de chaînes, tout recours à la pénitence leur sera fermé. Procurons-nous donc, mes frères, la charité qui couvre la multitude des péchés, afin qu'étant revêtus de cette robe nuptiale, nous méritions d'être admis avec les autres bienheureux à prendre part dans la sainte Jérusalem au banquet céleste, aux noces de l'Agneau sans tache !
Répondre

Revenir à « Temporal&Sanctoral de l'année liturgique »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 0 invité