Sermon XXIX de Saint Bernard
Sur le triple amour de Dieu.
1. « N'aimez point le monde, ni ce qui est dans le monde, car tout ce qui est dans le monde est, ou concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou ambition du siècle, toutes choses qui ne viennent point du Père (Joan. II, 17). » Mais quoi, y a-t-il donc quelque chose qui vienne du Père, et qui nous indemnise de tout cela ? Oui certainement, et ce quelque chose est bien plus doux et bien plus aimable que tout ce qui précède; mais il n'est point confié aux serviteurs, il ne l'est qu'aux amis. Or, quiconque veut être ami de ce monde se fait ennemi de Dieu. C'est aux amis qu'il fait part de ses desseins, à eux qu'il dit : « Je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père (Joann. XV, 15). » Saint Grégoire démontre que cette connaissance n'est autre que l'amour.
Or, il y a trois sortes d'amour qui excluent ces trois choses qui ne viennent point de Dieu. C'est pour cette raison, je pense, que le Seigneur a dit par trois fois à saint Pierre. « M'aimes-tu, m'aimes-tu, m'aimes-tu (Joann. XXI, 15) ? » Peut-être bien, est-ce aussi à cause de cela qu'il est dit dans la Loi : « Vous aimerez le Seigneur, votre Dieu, de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes vos forces (Deut. VI, 5) ; » c'est-à-dire vous aimerez avec tendresse, avec affection, vous aimerez avec prudence, vous aimerez avec force. L'amour du cœur a quelque ressemblance avec l'amour de la chair, puisque les affections sont particulièrement attribuées au cœur. Quant à l'âme, elle sonne déjà à nos oreilles comme quelque chose de plus élevé, aussi est-elle appelée le siège de la sagesse, en sorte que c'est à elle qu'il semble départi d'aimer Dieu avec prudence.
(à suivre)