Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIe dimanche après la Pentecôte
Publié : ven. 22 sept. 2023 11:37
III.
Il y a encore une autre circonstance à considérer dans ce bienfait de la création, dont le Seigneur avait consacré la mémoire par la loi du sabbat. Nous savons, en effet, que cet univers, la plus grande, la meilleure, la plus belle, la plus parfaite, la plus admirable chose qu'il soit donné à nos yeux de contempler ici-bas, est l'œuvre de la toute-puissance, de la sagesse et de la bonté de Dieu.
Mais en faveur de qui ce grand architecte a-t-il exécuté une œuvre si belle et si merveilleuse ? Nous l'avons dit souvent ailleurs, Dieu n'a point créé pour lui-même, n'ayant besoin de rien ; ni pour les anges, êtres incorporels à qui cet univers matériel est inutile ; ni enfin pour les brutes, qui, dépourvues de raison, ne peuvent ni connaître leur Créateur, ni lui rendre grâces pour ses bienfaits. Il ne reste que l'homme pour qui ce grand ouvrage ait pu être fait ; et ce qui prouve qu'il en est ainsi, c'est que toutes les créatures de ce bas monde servent à l'utilité de l'homme. Si donc c'est pour l'usage et l'agrément de l'homme que Dieu a créé l'univers, l'homme lui-même, à qui il a bâti un palais si magnifique, pour quelle fin, je vous le demande, l'a-t-il créé ? Est-ce pour jouer ? Pour rester oisif ? Pour satisfaire ses inclinations ? Pour se livrer aux plaisirs ? Pour passer le temps à manier des cartes ? Pour planter des vignes et des oliviers ? Pour faire la guerre à ses voisins ? Pour écumer les mers avec des flottes armées ? Un insensé lui-même, s'il a conservé une lueur de raison, ne le soutiendrait pas ; il comprendrait qu'une créature si noble que l'homme a été faite pour une fin meilleure et plus haute.
Quelle est donc cette fin ? C'est qu'instruit par le spectacle de tout ce qui l'entoure, il reconnaisse Dieu comme son Créateur et son très-bon Père, qu'il l'aime, qu'il obéisse à ses commandements, et que, lui rendant grâces pour ses nombreux bienfaits, il se rende digne d'en recevoir de plus grands encore. Telle était la fin vraiment digne et du grand ouvrier et du noble ouvrage qui porte l'empreinte de la ressemblance divine : la création pour l'homme, et l'homme pour le Créateur.
Ainsi, toutes les fois que l'homme est occupé à servir Dieu ou à chanter ses louanges, il remplit sa fonction, il accomplit la fin pour laquelle lui-même a été placé en ce monde, et ce monde a été fait en sa faveur. Toutes les fois qu'il néglige ce devoir pour se livrer tout entier aux passions charnelles, alors il consume en vain sa vie, il abuse et se rend indigne de la soumission qu'il trouve dans toutes les créatures; alors il devient un fripon et un voleur qui reçoit le salaire de son maître sans remplir la tâche qui lui est assignée.
Voilà ce que nous enseignent tout ensemble la foi et la raison.
(à suivre)