Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVe dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVe dimanche après la Pentecôte

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Quant au mode de ce jugement et à la sentence qui y sera prononcée, le Prophète royal s'exprime ainsi : « Dieu a parlé une fois, j'ai entendu ces deux choses, que la puissance appartient à Dieu, et que vous êtes, Seigneur, rempli de miséricorde ; car vous rendrez à chacun selon ses œuvres, » semel locutus est Deus, duo hæc audivi, quia potestas Dei est, et tibi, Domine, misericordia ; quia tu reddes unicuique justa opera sua, Ps. LXI, 12, 13; et cette sentence est proclamée à chaque page des saintes Écritures. Celui donc qui pendant sa vie n'aura fait presque aucun acte de vertu et de piété, qui aura la conscience toute chargée de crimes, qui aura passé sa vie presque tout entière dans le sommeil, le jeu et l'oisiveté, qui aura toujours fait, non la volonté de Dieu, mais la sienne, toujours servi, non le Seigneur, mais le siècle, de quelle angoisse, de quel tremblement ne sera-t-il pas saisi à la pensée de tant d'iniquités dont il va rendre compte ? Est-il possible que des chrétiens admettent ces vérités, et demeurent insensibles devant un si grand danger ? Comment n'ont-ils pas la plus vive appréhension d'un jugement qui décide de la vie ou de la mort éternelle ? Comment n'y songent-ils pas et le jour et la nuit ? Comment cessent-ils un seul instant de s'y préparer ? Car enfin ils ne sauraient, quoi qu'ils fassent, ni échapper à ce tribunal, ni s'y faire remplacer par des serviteurs ; il faut qu'ils y comparaissent en personne, et cela presque dans un moment.

Pour vous peindre l'aveuglement de ces hommes, je rappellerai à votre souvenir l'histoire de Sédécias, roi de Juda. Pendant qu'il était assiégé par le roi de Babylone, le prophète Jérémie, parlant au nom du Seigneur, lui annonça clairement qu'il tomberait au pouvoir de cet ennemi implacable et perdrait son royaume. Cette prédiction ne tarda pas à s'accomplir : Jérusalem ayant été prise, des soldats s'emparèrent de lui et le conduisirent au roi de Babylone. Et que fit ce roi barbare ? Il commença par faire égorger tous les enfants de Sédécias sous les yeux de leur père ; puis il fit massacrer à Reblata tous les princes de Juda, et, pour comble d'horreur, il donna l'ordre d'arracher les yeux de l'infortuné prince, de le charger de chaînes et de l'amener à Babylone, où il le tint en prison jusqu'au jour de sa mort. Quoi de plus épouvantable, je vous le demande, quoi de plus affreux qu’un pareil sort ? Supposons que Dieu envoie quelque prophète semblable à Jérémie annoncer à quelqu'un des rois qui règnent aujourd'hui sur la terre, que, en punition de ses crimes, il va le frapper d’un désastre semblable, c'est-à-dire, le dépouiller du trône et de la liberté, et le livrer au sultan des Turcs, lequel, abusant de sa victoire, le chargera de chaînes, le condamnera à prendre soin de ses écuries et à se nourrir du pain noir des esclaves, sans le distinguer en rien des autres captifs. Si ce roi ajoutait une foi entière à cette prédiction divine, quel tourment intérieur, quelle angoisse n'éprouverait-il pas à la pensée de tomber, d'une si haute fortune, dans un si triste et si dur esclavage ? En quoi ! se dirait-il à lui-même, je vais donc perdre mon beau royaume et devenir l'esclave du sultan des Turcs ! Je vais être séparé de mon épouse, de mes enfants, des princes de ma cour ! On me chargera d'entraves et de chaînes ! Moi dont la table se couvrait chaque jour des trésors de la terre et des mers, je n'aurai plus à manger qu'un pain noir et rebutant ! Quelle est donc la cause de cette horrible infortune ? — Il n'est pas douteux que ce malheureux roi ne roulât le jour et la nuit ces pensées dans son esprit, sans pouvoir les écarter ni à table, ni pendant son travail, ni même dans le sommeil. Pour lui, plus de mets délicieux, plus de sommeil tranquille, plus d'agrément d'aucune sorte. Et si alors se présentait à son souvenir la pénitence des Ninivites ; s'il réfléchissait qu'en imitant leur conduite il pourrait apaiser la colère du Seigneur, quel repentir n'exciterait-il pas dans son cœur !

Quelles prières, quels vœux ne ferait-il pas monter vers le ciel ! Comme il s'efforcerait, et par le jeûne, et par les larmes, et par l'aumône versée dans le sein des pauvres, selon le conseil du prophète Daniel, de racheter ses crimes et ses iniquités !
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Et maintenant, mes frères, pour en venir à ce qui nous concerne, cette grande infortune, si on la compare à celle qui attend le pécheur à l'heure de la mort, qu'est-elle autre chose qu'une faible image, une ombre légère ? Il y a entre elles toute la différence du temps à l'éternité, du temps renfermé dans des bornes étroites, à l'éternité qui ne connaît aucune limite. Etre privé du royaume céleste et éternel, n'est-ce pas un plus grand malheur que de perdre un royaume temporel et terrestre ? Etre esclave du démon, l'implacable ennemi du genre humain, n'est-ce pas une infortune plus cruelle que d'obéir au sultan des Turcs ? Vivre parmi les démons, n'est-ce pas un sort plus triste que d'être confondu avec les esclaves du plus bas étage? N'est-il pas mille fois plus horrible d'habiter dans la géhenne que dans une étable, d'être perpétuellement environné des flammes de l'enfer que de coucher sur le sol avec les autres esclaves ? Si donc l'annonce et la pensée de cette dernière infortune jetaient ce roi dans l'épouvante et l'angoisse, comment des hommes qui passent leur vie sans aucune crainte de Dieu, et se préparent ici-bas une damnation certaine, ne conçoivent-ils aucune alarme? Comment cette affreuse destinée, qui leur est prédite, non par un ange ou un prophète, mais par le Seigneur des prophètes et des anges, les laisse t-elle sans inquiétude, sans souci, sans remords? Comment des hommes qu'une perte terrestre ou la menace de quelque danger afflige et tourmente, restent-ils insensibles en face d’un si épouvantable châtiment ? Si du moins ils ne croyaient ces vérités que d'une foi chancelante, on comprendrait leur indifférence et leur sécurité. Mais leur croyance est ferme et inébranlable, et leur vie mauvaise les accuse avec force : comment donc peuvent-ils vivre dans le sommeil, le jeu et l'oisiveté, sans aucun souci de leur salut, sans aucune crainte du péril qui les menace ? Ô hommes endurcis et aveugles ! Ô folie, qu'il faudrait pleurer avec des larmes de sang ! Qu'est devenue la raison ? Où est la sagesse ? Où est le jugement ? Où est du moins la crainte naturelle qu'inspire le danger, crainte d'autant plus vive que ce danger est plus grave et plus certain ? Or, quoi de plus certain que ce que nous enseigne la foi catholique ? Quoi de plus grave que le jugement qui doit nous assurer les joies du royaume céleste, ou nous condamner aux supplices éternels de la géhenne ? Qui donc nous a fait perdre ainsi le sens, qui donc a égaré ainsi notre raison, que nous négligions les biens infiniment précieux de la vie éternelle, nous qui sommes si sensibles à tout ce qui intéresse la vie présente ?
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

D'où vient, mes frères, cette étrange insensibilité, ce profond aveuglement de nos âmes, quand nous croyons d'une foi certaine que nul n'arrive au salut que par la voie de la pénitence ou par celle de l'innocence ? Plusieurs causes contribuent à enchaîner les hommes dans cette erreur ; mais la principale est qu'ils se promettent une très-longue vie, à la fin de laquelle ils renvoient une pénitence qu'ils savent être indispensable. Cette persuasion est l'œuvre du serpent, notre ennemi; le perfide, à force d'astuce et d'illusions, fait croire aux hommes que la mort, qui se tient à leur porte, est séparée d'eux par une énorme distance. En quoi il imite l'habileté des peintres, qui distribuent leurs couleurs de telle sorte que tous les personnages ou objets qu'ils représentent étant sur le même tableau, quelques-uns paraissent près de nous, et d'autres dans le lointain. Que d'hommes sont tous les jours les tristes victimes de cette ruse ! Comptant sur de longues années, ils remettent à plus tard une infinité de choses, et une mort inattendue les surprend au milieu de leur fausse sécurité.

Telle est, mes frères, la principale cause qui inspire aux amateurs du siècle une confiance si préjudiciable à leur salut éternel. Mais quoi de plus insensé que de faire reposer un intérêt si grave sur une espérance si incertaine ? Que cette espérance soit déçue, et voilà l'homme jeté à l'improviste devant le tribunal du juste Juge, qui nous propose dans son Évangile tant de paraboles pour nous exhorter à la vigilance. Veillons donc, mes frères, avec les serviteurs fidèles et prudents, et avec les vierges sages préparons l'huile pour nos lampes, afin que lorsque le Maître viendra et frappera à la porte, il nous trouve veillant, et ainsi nous fasse participer à la félicité et à la béatitude qu'il a préparée dans le royaume de son Père aux prudents et fidèles serviteurs, béatitude dont Isaïe a dit : « L’œil n'a point vu, l'oreille n'a point entendu, le cœur de l'homme n'a point compris ce que Dieu réserve à ceux qui l'aiment. » Daigne vous en faire la grâce Celui auquel appartient la gloire et l'empire aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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