Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIIe dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XIIe dimanche après la Pentecôte

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Quoi donc ? Toute voie de salut est-elle fermée au genre humain ? Si ni le libre arbitre, ni les enseignements des philosophes, ni la loi même donnée par Dieu ne nous arment pas de secours assez efficaces pour nous conduire à la justice et à la sainteté, quel espoir nous reste-t-il ? Le grand Apôtre répond à cette question. Après avoir longuement montré la maladie de la nature humaine et l'impuissance de la loi ; après avoir prouvé que ni les Gentils, dans la lumière naturelle de la raison, ni les philosophes, dans leur doctrine, ni les Juifs, dans la loi de Dieu, n'ont trouvé assez de force contre la tyrannie du péché, il s'écrie le cœur tout ému : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? » c'est-à-dire du corps du péché, où réside la concupiscence et la semence du péché et de la mort. Infelis ego homo, quis me liberabit de corpore mortis hujus ? Rom. VII, 24. Il répond par un seul mot, un mot qui dit tout : « La grâce de Dieu par Jésus-Christ, » c'est-à-dire accordée aux fidèles qui la demandent humblement par le mérite de la passion et du sacrifice de Jésus-Christ. En effet, la grâce est comme cette myrrhe dont nous parlions plus haut, qui préserve notre âme de la corruption du péché, qui guérit notre nature malade, qui lui communique une force invincible contre la tyrannie du péché, un secours efficace pour accomplir la loi de Dieu, qui enfin, et de là découle tout le reste, nous donne le Saint-Esprit et nous fait enfants de Dieu et les héritiers de son royaume.

Cette perle précieuse, qui surpasse toute autre chose en valeur et en dignité, nous la devons aux mérites de Jésus-Christ, comme nous l'enseigne l'Apôtre, et avec lui tout le chœur des prophètes. « Tous les prophètes, dit saint Pierre, lui rendent ce témoignage, que tous ceux qui croiront en lui recevront en son nom la rémission de leurs péchés, et il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. » Huic omnes prophetæ testimonium perhibent, remissionem peccatorum accipere per nomen ejus omnes qui credunt in eum. Act. X, 43. Nec aliud nomen est sub coelo datum hominibus, in quo oporteat nos salvos fieri. Ibid. IV, 12. Voilà le bon Samaritain qui a guéri par ses tendres soins l'homme dépouillé et blessé, que le prêtre et le lévite, c'est-à-dire la doctrine et les sacrifices de la loi, avaient laissé à demi-mort sur le chemin.

Celui qui a bien compris ce que nous venons de dire saisira sans peine le but de la belle épître écrite par saint Paul aux Romains. L'auteur commence par y montrer que le libre arbitre, la doctrine des philosophes et la loi mosaïque furent également impuissants pour guérir les blessures faites par le péché à la nature humaine; d'où il conclut la nécessité de la grâce divine et de la rédemption de Jésus-Christ, et nous exhorte à tout faire pour participer à cet inestimable bienfait. Mais examinons de quelle manière le Samaritain guérit le pauvre blessé.
(à suivre)
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Laetitia
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III.


Dès que le Samaritain l'aperçut, dit l'évangile, « il fut touché de compassion pour lui. » Cette compassion fut à la fois le commencement et la cause de ce bienfait et de tous ceux qui suivirent. Car, pour notre Seigneur Jésus-Christ, il n'y a pas d'autre motif de faire du bien que son ineffable bonté. C'est ce que chante Zacharie : « Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, dans lesquelles le Soleil levant nous visita d'en haut, » per viscera misericordiæ Dei nostri, in quibus visitavit nos Oriens ex alto. Luc. 1, 78 ; c'est ce que nous enseigne l’Apôtre : « Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de notre justice que nous aurions faites, mais à cause de sa miséricorde, » non ex operibus justitiæ quæ fecimus nos, sed secundum suam misericordiam salvos nos fecit. Tit. III, 5.

Ainsi touché de compassion, il s'approche du blessé. De quelle manière s'approcha-t-il ? Lorsque, pour opérer le salut du genre humain, il prit notre nature. Il ne pouvait venir plus près de nous qu'en prenant notre nature et en l'unissant à sa divinité par un lien hypostatique ou personnel; notre esprit ne conçoit pas une union plus étroite. C'est ainsi qu'il s'approcha du blessé ; ou bien encore, comme l'explique saint Ambroise, il s'en approcha par la compassion et la miséricorde.

Puis il descendit de cheval. De quelle manière ? Lorsqu'il « s'humilia et s'anéantit lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. » Humiliavit semetipsum factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Philip. II, 8. Le Très-Haut et le Tout-Puissant pouvait-il descendre plus bas ? Par cette humiliation et cette obéissance il expia le crime de nos premiers parents, crime d'orgueil et de désobéissance, et satisfit pleinement à la divine Majesté. Que dis-je ? Le Fils de Dieu, par cet acte d'humilité et d'obéissance, rendit plus de gloire à son Père que le premier homme ne lui avait fait d'injure par sa révolte et son orgueil ; et c'est pourquoi, dit saint Léon, « la grâce de Jésus-Christ nous a plus donné que l'envie du diable ne nous avait fait perdre. » C'est la doctrine de saint Paul : « Il n'en est pas, dit-il, de la grâce comme du péché ; où le péché a abondé il y a eu surabondance de grâce, » non sicut delictum, ita et donum. Ubi enim abundavit delictum, suprabundavit et gratia, Rom. v, 15, 20.

(à suivre)
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Laetitia
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Descendu de cheval, le bon Samaritain versa dans les plaies du blessé le vin et l'huile : le vin pour les purifier de toute souillure, l'huile pour adoucir ses douleurs. Mais l'huile et le vin sont la figure de la doctrine évangélique. L'huile, c'est la grâce, qui nous est donnée par l'Evangile, source de salut pour tous ceux qui croient ; cette doctrine renferme aussi un vin âcre et fort ; car, dit l'Apôtre, « la colère de Dieu éclatera du ciel contre toute l'impiété et l'injustice des hommes qui retiennent la vérité de Dieu dans l'injustice, » revelatur enim ira Dei de cælo super omnem impietatem et injustitiam hominum eorum, qui veritatem Dei in injustitia desinent. Rom. 1, 18. L’Évangile nous offre ces deux choses, savoir l'huile de la grâce divine, qui nous excite à l'amour de Dieu, et le vin de sa justice et de ses vengeances, qui imprime à nos âmes une crainte salutaire.

Le Samaritain bande ensuite les plaies du blessé. C'est, nous disent les saints Pères, la figure des sacrements institués par celui qui est par excellence le bon Samaritain pour guérir les blessures de notre âme, et nous appliquer les mérites de sa passion et de sa mort. La bonté de notre Samaritain va plus loin encore, il fait asseoir le blessé à sa place sur le cheval, et lui même achève la route à pied, s'imposant la fatigue du chemin pour l'épargner à celui qu'il a secouru. Notre Seigneur nous indique par là ce que notre salut lui a coûté. C'est avec ses blessures qu'il a guéri nos blessures, avec ses chaînes qu'il a brisé nos chaînes, avec ses verges qu'il a payé nos dettes, par ses travaux qu'il nous a mérité le repos éternel, au prix de son sang qu'il nous a rachetés de la captivité du démon, par son humilité qu'il nous a élevés à la gloire céleste, par sa mort qu'il nous a donné la vie, par le supplice de la croix qu'il nous a procuré le royaume du ciel. C'est de cette manière que le bon Samaritain descendit de cheval et fit asseoir le blessé à sa place.

Enfin il conduisit le blessé à l'hôtellerie la plus voisine, et le confia aux soins de l'hôte auquel il donna de l'argent et promit retour ce qu'il aurait dépensé de plus. Cette de rendre à son hôtellerie, c'est l'Eglise ; l'hôte, ce sont tous les prêtres auxquels notre Seigneur Jésus-Christ a confié le soin de guérir les âmes ; l'argent qụi leur est donné, c'est l'honneur et la grâce de leur ministère ; l'argent qui leur est promis, c'est la récompense du ciel, promise aux serviteurs bons et fidèles que le père de famille a établis sur ses serviteurs. « Car ceux qui auront bien rempli leur ministère, dit saint Paul à Timothée, seront élevés d'un degré plus haut, et auront une liberté plus grande pour prêcher la foi qui est en Jésus-Christ. » Qui enim bene ministraverint, gradum bonum acquirent, et multam fiduciam in fide, quæ est in Christo Jesu. I Tim. III, 13.

Telle est la manière, tels sont les remèdes avec lesquels notre Samaritain rétablit l'homme tombé, lui rendit la grâce perdue par le péché, et guérit ce pauvre blessé que ni le prêtre, ni le lévite, c'est-à-dire, ni la loi écrite, ni les sacrifices de la loi, n'avaient pu rendre à la santé.
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Laetitia
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Message par Laetitia »

Pourquoi donc, dira quelqu'un, Dieu a-t-il donné la loi, si elle était inefficace et impuissante à guérir le genre humain ? Voici la sage réponse de saint Augustin : « La loi a été donnée, pour que la grâce fût cherchée ; la grâce a été donnée, pour que la loi fût accomplie, ce qui était impossible, non à cause d'un vice propre, mais à cause du vice de notre nature ; la loi devait montrer ce vice, et la grâce le guérir. » Ainsi, pour n'indiquer que ce seul avantage, la loi a été donnée afin que l'homme, connaissant clairement par elle sa faiblesse, et se trouvant impuissant à l'observer, implorât le secours de la grâce divine qui devait guérir la nature malade et lui rendre les forces qu'elle avait perdues.

Mais, direz-vous encore, si le bon Samaritain nous a mérité une si grande abondance de grâces, s'il nous offre des remèdes si efficaces pour guérir les blessures de l'âme, pourquoi voit-on dans l'Eglise un si grand nombre de chrétiens tout couverts des blessures du péché ? Ah ! je vous le demande, mes frères, à quoi servent les remèdes, quelle qu'en soit la vertu, tant qu'ils demeurent rangés dans l'officine du pharmacien ? Que peut faire le médecin le plus habile, si l'on ne suit pas ses prescriptions ?

« Jésus-Christ notre Seigneur est devenu l'auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent, » factus est omnibus obtemperantibus sibi causa salutis æternæ. Hebr. v, 9. Mais c'est pour ceux qui lui obéissent, non pour les âmes paresseuses et négligentes, qu'il est l'auteur du salut éternel. Si donc vous n'allez pas trouver le céleste Médecin, si vous n'employez pas son secours par des prières ferventes et assidues, si vous abandonnez les sacrements qu'il a constitués pour vous guérir, si vous ne méditez pas la doctrine de l'Evangile, qui renferme du vin et de l'huile pour vos blessures, si vous ne vous rappelez jamais ses immenses bienfaits, si capables d'enflammer votre amour, imputez votre perte à vous-même et à votre langueur, non au bon Samaritain.

Ainsi, mes frères, si nous désirons être guéris, allons trouver le médecin, implorons son secours par des prières continuelles, obéissons à ses avertissements et à ses préceptes, nourrissons notre âme du souvenir de ses bienfaits, de la méditation de sa doctrine, fréquentons les sacrements institués par lui : par là nous mériterons avec sa grâce d'obtenir la guérison de nos blessures, le pardon de nos fautes, l'amitié de Dieu, le don de l’Esprit-Saint et enfin la gloire éternelle. Ainsi soit-il.
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