Salaverri et Bellarmin sur l'élection d'un pape

chartreux
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Salaverri et Bellarmin sur l'élection d'un pape

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Original en anglais sur le forum de John Lane : http://www.strobertbellarmine.net/viewt ... 11&p=17927


J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit : Ce que disent Salaverri et Bellarmin au sujet de l'élection d'un pape

par James Larrabee

Ad Majorem Dei Gloriam

Le propos du présent essai est d'examiner certains points concernant l'élection d'un pape, dans le contexte actuel produit par un demi-siècle d'hérésie invétérée des modernistes qui ont usurpé les plus hauts postes de l'Église depuis le concile du Vatican. Dès que l'on admet que la papauté a été vacante pendant toute cette période, et que les cardinaux nommés par le dernier vrai Pape (Pie XII) sont tous morts aujourd'hui, on est confronté au problème de la disparition des électeurs légitimes d'un nouveau pape. Si tous les papes depuis Jean XXIII ou Paul VI sont des imposteurs, il en découle évidemment que tous les cardinaux nommés par eux sont également illégitimes, et par conséquent inaptes à élire un nouveau Pape.

Si cette analyse paraît séduisante au premier abord, et est même fréquemment présentée comme une "réfutation définitive" du sédévacantisme par certains auteurs incompétents en théologie, il y en fait beaucoup à dire sur ce sujet - et beaucoup a déjà été dit par les grands théologiens du passé. Le cardinal Cajetan, Melchior Cano, Suarez, Jean de S. Thomas, S. Robert Bellarmin étaient tous célèbres et même plus que célèbres de leur vivant, si peu connus qu'ils puissent être à notre époque si dépourvue de religion et de vraie science. S. Robert est au moins vénéré annuellement à juste titre, comme saint et docteur de l'Église (et cela le 13 mai, anniversaire de la première apparition de Notre-Dame à Fatima).

Il est singulièrement consolant que, depuis que les controverses autour du sédévacantisme et des papes hérétiques ne concernant plus seulement les recoins les plus obscurs de la résistance traditionaliste au concile et à ses antipapes, mais sont maintenant criés sur les toits, les arguments de S. Robert Bellarmin sont généralement plus connus tant dans l'Église que hors de l'Église, même si ils ne sont peut-être pas mieux compris.
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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Effet plus étonnant encore, du (long) traité de S. Robert sur la papauté il a été publié non pas une, mais deux traductions anglaises (pour ceux qui ne le savent pas, une version anglaise d'un traité de théologie en latin est un événement aussi rare que de rencontrer une licorne ou le monstre du Loch Ness). Le cas de Jean de S. Thomas (contemporain de Bellarmin à peu de choses près) est semblable (bien que lui n'ait pas été traduit, quelques passages exceptés) ; mais par une ironie de l'Histoire, sa célébrité actuelle a très peu à voir avec ses nombreux mérites, mais beaucoup à voir avec le fait que, sur un point clé concernant la déposition d'un pape hérétique, il est en désaccord avec Bellarmin. Ainsi, une infime partie de son œuvre est grandie démesurément dans l'écran de fumée soufflé par certains défenseurs des "papes" de Vatican II.

Dans ce traité, je ne m'occuperai pas beaucoup de Jean de S. Thomas, mais plutôt d'un texte d'un théologien bien plus récent, un certain Fr. Joaquín Salaverri, jésuite espagnol écrivant à l'époque de Pie XII, et surtout de la partie de ce texte qui concerne la manière d'élire d'un pape. Ce manuel d'ecclésiologie pour séminaristes, par un auteur qui n'est ni meilleur ni moins bon que bien d'autres théologiens de son époque, jouit lui aussi du rare privilège d'une traduction anglaise complète, fait dont l'explication dépasse mon entendement.

L'intention était peut-être d'apporter au débat anglophone sur le sédévacantisme (dont les participants qu'ils soient traditionalistes ou conciliaires, ignorent généralement la langue latine de fond en comble), ce qui semble être à première vue un argument décisif de plus contre la position sédévacantiste. Cette première impression est fausse en tout cas, comme je vais le montrer bientôt, m'aidant d'abord de S. Robert Bellarmin, et ensuite de Salaverri lui-même (on peut d'ailleurs se demander ce que Salaverri aurait pensé de la "nouvelle ecclésiologie" présentée à Vatican II, lui qui possédait une expertise considérable dans ce domaine).

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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Pour Salaverri, un pape doit être élu hierarchico modo, c'est-à-dire "hiérarchiquement" (je ne sais pas comment cette expression est rendue dans l'édition anglaise, mais c'est en tout cas le sens général). Le problème de la position sédévacantiste, d'après ses détracteurs néo-modernistes, est que non seulement les cardinaux, mais même toute la hiérarchie actuelle, a dans sa quasi-totalité été nommée par des papes illégitimes, et ne saurait donc constituer une hiérarchie catholique légitime. Il serait alors impossible d'élire un pape hierarchico modo, par absence de hiérarchie valide. Comme avec les cardinaux, cela donnerait une voie sans issue, sans moyen d'élire un vrai Pape, ce qui serait le seul moyen de recréer une hiérarchie, etc. L'Église aurait de ce fait cessé d'exister sans retour.

Laissons de côté la réponse assez évidente à ces néo-modernistes, typiquement embourbés dans leurs écrans de fumée, que si l'extinction de l'Église indéfectible du Christ était possible, elle a manifestement eu lieu à Vatican II, par la renonciation à la doctrine apostolique enseignée par tous les papes antérieurs, et l'adhésion au libéralisme et au modernisme - laissons cela de côté, ai-je dit, avec bien d'autres questions liées à l'hérésie d'un pape et à sa déposition, pour nous concentrer sur la méthode d'élection d'un pape exposée par S. Robert Bellarmin, et faire le lien ensuite avec l'enseignement de Salaverri. Nous nous apercevrons alors combien ces deux enseignements se complètent l'un l'autre, et que loin de constituer une difficulté insoluble dans la situation actuelle, ils indiquent la voie pour une solution intégralement traditionnelle et catholique, comme elle l'est nécessairement.
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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Bellarmin traite de la méthode d'élection d'un pape dans sa Secunda Controversia Generalis De Membris Ecclesiae Militantis (Seconde controverse générale sur les membres de l'Église militante) (1). Il commence par expliquer que la méthode actuelle (d'élection par les cardinaux, comme aujourd'hui) est celle qui a perduré le plus longtemps et donc la meilleure, mais que plusieurs autres méthodes ont été pratiquées au cours de l'histoire.

(1) Le texte de Bellarmin sera donné un peu plus bas, avec sa traduction.

Pour illustrer cela, il parle rapidement des méthodes d'élection (autrement dit de choix) d'un évêque. Cela importe par ce que le Pape tient sa primauté de Souverain Pontife de sa condition d'évêque de Rome. Il doit alors nécessairement y avoir une certaine correspondance entre l'élection d'un pape et l'élection d'une évêque quelconque, en tout cas dans ce qui y est compatible avec l'office de pape. S. Robert fait remarquer que, si le Pape était seulement Pasteur suprême de l'Église, et pas évêque de Rome, il devrait nécessairement être élu par les évêques du monde entier, qui sont ses subordonnés immédiats dans la hiérarchie, et les possesseurs, en vertu de leur office, de la juridiction ordinaire (c'est-à-dire le pouvoir qui découle directement de l'office lui-même et qui n'est pas délégué ou exercé en tant que vicaire d'un autre). Mais le Pape, en plus d'être Pasteur Suprême, n'est pas seulement évêque de Rome ; son office même de Pasteur Suprême découle nécessairement et de iure de son office d'évêque de Rome, successeur de S. Pierre dans sa primauté.

Cela posé, S. Robert énumère les diverses méthodes d'élection d'un évêque, depuis les touts premiers siècles de l'Église. Certaines méthodes sont incompatibles avec la papauté, par exemple la nomination par le Pape lui-même ; d'autres méthodes sont inacceptables par principe, par exemple l'élection par l'empereur ou tout autre pouvoir séculier. Ces extrêmes rejetés, il se concentre sur deux méthodes principales.

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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Nous pouvons noter que les évêques n'ont pas toujours été nécessairement nommés directement par le Pape, et même sous la loi actuelle ce n'est pas une obligation absolue ; bien que ce soit quelque chose qui a toujours existé. Comme le remarque Bellarmin, c'était la voie suivie quand des nouveaux diocèses étaient créés (par décision du Pape, évidemment) et de nouveaux évêques étaient envoyés pour habiter ces diocèses. Mais, si l'on fait abstraction de la méthode particulière d'élection, ce qui a toujours constitué formellement l'office d'un évêque, c'est à ma connaissance la communion au Siège de Rome, exprimée par un échange formel de lettres de communion.

Dans la première de ces deux méthodes (la deuxième dans l'énumération de S. Robert), un évêque est choisi par tous les évêques d'une province donnée, avec accord de tout le clergé et du peuple du diocèse concerné ; non pas certes à la manière d'une élection démocratique, il faudrait plutôt voir cela comme une vérification préliminaire de l'aptitude et de la valeur morale du candidat, par consultation de ceux qui sont le plus à même de connaître ces choses et d'en juger. La même méthode était utilisée pour les patriarches et les métropolitains.

La deuxième méthode qui nous occupe ici (la cinquième dans l'énumération de S. Robert) est celle de l'élection par les seuls chanoines du diocèse ou de la cathédrale ; cette méthode était encore pratiquée en Allemagne à l'époque de Bellarmin (et peut-être même aujourd'hui encore), comme il l'indique lui-même.
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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
S. Robert explique que la méthode actuellement utilisée pour élire un évêque est un mélange de ces deux méthodes, qui d'après lui sont les meilleures et les plus traditionnelles. D'où il conclut que la méthode actuelle est la plus parfaite, non seulement par ce qu'elle est de loin celle qui a été pratiquée le plus longuement dans le temps, mais aussi par ce que son caractère mixte lui confère un cumul d'avantages. Remarquons que Bellarmin considère le cas particulier de l'élection directe par le Pape comme un cas particulier de notre première méthode ; et pour un pape, cela voudrait dire qu'un Pape choisirait son successeur. Sans rejeter absolument cette possibilité en théorie, S. Robert pense qu'elle ne s'est jamais réalisée en fait, et la qualifie d' "impraticable" (non expedit ut praedecessor eligat successorem). Il voit néanmoins comme une application de cette méthode dans le fait que les Papes peuvent faire des lois régissant l'élection de leurs successeurs.

Bellarmin justifie sa position de la manière suivante. On voit ce que nous appelons la première méthode à l'œuvre dans l'élection d'un Pape par le Collège de Cardinaux : les six évêques cardinaux sont les évêques de la province romaine, des diocèses dits suburbicaires. On retrouve ici l'ingrédient essentiel de la première méthode, l'élection par les évêques des diocèses avoisinants. Quant à la deuxième méthode, les cardinaux-diacres et cardinaux-prêtres sont l'équivalent dans le diocèse de Rome des chanoines de diocèse et de cathédrale des autres diocèses ; ils sont les anciens parmi le clergé du diocèse. Après avoir rejeté deux autres méthodes, S. Robert conclut que l'élection par les cardinaux, bien qu'elle ne soit pas la méthode la plus ancienne ou la seule utilisée, est néanmoins celle qui a été utilisée le plus longtemps (elle remonte beaucoup plus loin que le XIIᵉ siècle, comme il le démontre), et la meilleure.
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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Tout cela semble être de peu d'utilité, pour nous qui sommes dépourvus de cardinaux valides. Mais voyons maintenant la thèse suivante avancée par Bellarmin, qui est on ne peut plus pertinente aujourd'hui : "Huitième proposition. S'il n'existait pas de constitution [c'est-à-dire de loi] concernant l'élection du Suprême Pontife, ou si par un événement particulier tous les électeurs légalement désignés (autrement dit les cardinaux) auraient péri tous en même temps, le droit d'élection [ius electionis] appartiendrait alors aux évêques voisins et au clergé de Rome, avec l'intervention plus ou moins significative d'un concile général d'évêques".

S. Robert indique que les autorités ne s'accordent pas entièrement sur cette thèse qui est la sienne (il cite Cajetan, Franciscus de Victoria, et Sylvestre Prierias ; nous pouvons noter que Jean de S. Thomas s'étend lui aussi longuement sur ce point, et dit à peu près la même chose que Bellarmin). Il semble clair en tout cas que tous sont d'accord pour dire que le droit d'élection revient à quelqu'un quelque part : à un concile d'évêques d'après Cajetan et Victoria, au clergé de Rome d'après Sylvestre ou ceux qu'il cite.

S. Robert ajoute que ces deux opinions peuvent être conciliées. Il concède qu'un concile représenterait la plus haute autorité possible dans un tel cas de figure ; cependant, comme la papauté a toujours été liée au diocèse de Rome, il devrait être possible de faire appel au moins partiellement à cette méthode toujours en usage dans l'élection d'un évêque, comme exposé par Bellarmin et rapporté par nous plus haut.
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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Et puisque les Papes ont, de droit positif, pris le droit d'élection possédé par le clergé de Rome pour ensuite le donner aux seuls cardinaux (qui ne forment qu'une partie de ce clergé), il est juste qu'en l'absence de ces cardinaux, ce droit retourne au clergé : Ergo Cardinalibus deficientibus, deberet redire ius eligendi ad omnes episcopos et cleros Romanae Ecclesiae ("Donc, quand les cardinaux manquent, il faudrait rendre le droit d'élection à tous les évêques et clercs de l'église de Rome").

Il fait remarquer aussi qu'il n'y a pas de cas connu où les évêques du monde entier se sont réunis pour élire un Pape, sauf quand il y avait doute sur l'identité des électeurs légitimes. Cet exemple est bien sûr le Grand Schisme d'Occident, événement toujours très présent à l'esprit des théologiens ecclésiologues qui sont nés après lui (et qui n'était pas si lointain de Bellarmin ou de ses contemporains). Pendant le grand Schisme, chaque prétendant à la papauté avait nommé ses propres cardinaux, ce qui fait que chaque cardinal était considéré comme douteux par l'une ou l'autre portion majeure de l'Église. S. Robert conclut que "ce doute doit être résolu [explicari debet] par un concile général, comme il a été fait au concile de Constance."

On a procédé à cette résolution de façon assez simple. Après avoir éliminé tous les prétendants à la papauté sauf un (deux furent déposés, et un autre se désista après avoir subi une certaine pression), le concile rassembla tous les cardinaux (ou "prétendus tels") existants. Ces cardinaux élurent alors un Pape accepté par toute l'Église (avec un grand soupir de soulagement, sans doute). Toutes les imperfections éventuelles de ce procédé furent lavées par l'acceptation pacifique du Pape par l'Église.
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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Un principe fondamental (et mentionné par S. Robert) qui sous-tend toute cette discussion est que quand il est impossible de satisfaire aux exigences d'une loi positive humaine, cette loi cesse d'obliger, et les provisions plus générales (qui sont aussi des lois) de la raison, ou bien la loi positive divine, dans le cas de l'Église, prennent alors le relais. L'Église tient sa constitution et les fondements de sa loi du Christ lui-même par ses Apôtres, et c'est à cette loi première qu'il faut revenir dans les circonstances que nous étudions
présentement.

Voilà pour ce qu'enseigne S. Robert Bellarmin. Appliquons maintenant cet enseignement à la période qui est la nôtre (tout en espérant et en priant quotidiennement pour une amélioration de la situation à Rome). Il devrait désormais être clair que l'absence de cardinaux légitimes et l'apparente impossibilité d'en nommer des nouveaux, ne constitue pas en principe un obstacle insurmontable à l'élection d'un Pape, quelles que soient les difficultés pratiques concernées. L'idée qu'il y aurait là une réfutation du sédévacantisme est donc sans aucun fondement. Nous allons voir à présent que l'analyse que fait Salaverri de la même question nous conduit à la même conclusion.

Comme déjà noté plus haut, le point crucial de l'étude de Salaverri est l'expression modus hierarchicus. Dans ses thèses sur la fondation et l'indéfectibilité de l'Église, après avoir montré que le Christ a établi l'Église comme une société non seulement visible, mais aussi parfaite (c'est-à-dire incluant un gouvernement ou état de droit au sens strict), il passe à l'analyse de sa forme propre de gouvernement. En plus des aspects monarchiques et démocratiques bien connus, il inclut aussi la "hiérarchie" (au sens étymologique, "loi sacrée" ou bien "gouvernement sacré", forme qui elle est spécifique à l'Église, comme allons le voir).
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J. Larrabee traduit par le chartreux a écrit :
Dans la définition de Salaverri, cette forme hiérarchique revêt un double aspect : fondation directe par Dieu, qui est le premier à avoir conféré des pouvoirs à certaines personnes, dès lors sacrées ; et la continuation de ce pouvoir sacré par la désignation autorisée de leurs successeurs, qui, eux aussi, deviennent sacrés par cette désignation. Ce type de désignation est aussi en accord avec la nature de l'Église et de son gouvernement, tels qu'originellement fondés par les premiers dirigeants sacrés ou encore "hiérarques" (c'est-à-dire les Apôtres). Dans la terminologie scolastique de Salaverri, ces personnes sont dénommées "sujets détenteurs du pouvoir" (subiectum potestatem tenens), "sujets du pouvoir" (subiectum potestatis) ou expressions équivalentes.

Ces personnes doivent succéder aux Apôtres suivant le "mode hiérarchique de désignation du sujet détenant le pouvoir" (modus hierarchicus designationis subiecti potestatem tenentis), formule un peu lourde, mais précise. Il faut se souvenir que le plus souvent Salaverri emploie le terme de "hiérarchie" non comme nous le ferions pour désigner le collectif du Pape et des évêques, mais au sens abstrait de forme de gouvernement comme décrit ci-dessus ; le sens est donc assez proche de "théocratie", terme qui lui reste cependant assez vague.


Sur l'église fondée hiérarchiquement :
Christus tradidit Apostolis regendi, docendi et sanctificandi potestatem, cui ut sese submitterent homines obligavit: unde auctor est societatis hierarchicae, quam Ecclesiam appellavit. (Salaverri, Articulus III, p. 537, thesis 3.)(2)

Traduction : Le Christ a transmis aux Apôtres le pouvoir de gouverner, d'enseigner et de sanctifier, et d'obliger les hommes à se faire leurs sujets : Il est ainsi le fondateur d'une société hiérarchique qu'il a appelé l'Église.
(2) Sacrae theologiae summa. I, Theologia fundamentalis : introductio in theologiam. De revelatione christiana. De Ecclesia Christi. De S. Scriptura. Auctoribus P. Michaele Nicolau, S.I., P. Ioachim Salaverri, S.I. 3a editio. (Matriti : Biblioteca de Autores Cristianos, 1955). Pour les textes de Bellarmin et de Salaverri, je conserve la ponctuation et tous les autres éléments typographiques de l'édition citée, sauf en quelques rares cas indiqués où j'ajoute un soulignement. Toutes les traductions sont de moi.

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