Des Quatre-temps

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Laetitia
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Des Quatre-temps

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Benedicam Dominum in omni tempore.
« Je bénirai le Seigneur en tout temps. »

( Ps . XXXIII, 2.)

Troisième instruction sur le cinquième commandement de l'Eglise - Des Quatre-temps.
(extrait de l'ouvrage de l'abbé Clairin - La doctrine catholique expliquée... - 1863)

Mes Frères,

Bénir le Seigneur en tout temps et le louer sans cesse, c'est bien certainement le grand devoir du chrétien et son obligation essentielle. Il n'est que trop vrai cependant que nombre de chrétiens négligent ce de voir et méconnaissent cette obligation. C'est pour nous le rappeler et nous engager à nous en acquitter que l'Eglise nous fait annoncer aujourd'hui les quatre-temps. Elle a institué ces féries saintes pour élever nos esprits et nos cœurs vers le Seigneur notre Dieu, et nous porter efficacement à réparer nos négligences envers lui. Entrons dans ses vues, faisons de ces jours vénérables l'usage qu'elle a lieu d'attendre de notre piété ; et, pour cela, faisons-nous une juste idée de ce qu'il nous faut faire pour répondre au but de leur institution.

Qu'est-ce que les quatre-temps ? Ce sont des jours de pénitence que l'Eglise prescrit, de temps immémorial, à certains jours et à certaines époques, pour expier les fautes commises dans chaque saison de l'année ; pour attirer les bénédictions de Dieu sur les biens de la terre, le remercier de ceux qu'il nous a déjà donnés et obtenir la grâce d'en faire un bon usage; pour prier le Seigneur de donner à son Eglise des ministres selon son cœur ; enfin pour nous retremper et nous aider à passer plus saintement la saison qui va commencer. Donnons quelques développements.

J'ai dit : jours de quatre-temps, jours de pénitence. En effet, que prescrit l'Eglise en ces jours ? qu'exige-t-elle de ses enfants ? Le jeûne, l'abstinence, la prière plus assidue et plus fervente.
Le jeûne, qui dompte la chair, réprime les vices,met un frein aux passions, dégage l'âme de ses désirs et de ses affections terrestres, l'élève vers les choses célestes, en gendre, nourrit et conserve les vertus chrétiennes ;
l'abstinence, qui est le plus efficace de tous les hommages, l'hommage imposé par Dieu lui-même lorsqu'il constitua notre premier père vassal du ciel et roi de la terre, et qu'il lui prescrivit de s'abstenir d'un certain fruit dans le jardin de délices ;
la prière, qui est le sacrifice des lèvres et du cœur, qui pénètre les cieux, attire les grâces du repentir et du pardon, et a le double avantage d'humilier et d'élever à la fois celui qui prie.

Tout cela n'est-il pas essentiellement propre à inspirer à l'homme les sentiments d'abnégation et de renoncement qui constituent la véritable pénitence ? et pratiquer tout cela n'est-ce pas pratiquer la pénitence de la manière la plus excellente ?
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J'ai dit : jours de quatre-temps, jours prescrits par l'Eglise. Et ce mot, mes Frères, remarquez-le bien, renferme une injonction formelle. Les exercices de pénitence des quatre-temps ne sont donc pas de simples conseils ni des œuvres de surérogation, mais des devoirs réels, des obligations étroites et indispensables, auxquels sont assujettis tous les chrétiens de la même manière, selon leurs moyens, leurs forces et leur situation. En sorte que ceux qui ne peuvent pas observer la lettre du précepte sont, du moins, obligés d'en observer l'esprit. Telle est l'intention formelle de l'Eglise en nous enjoignant les œuvres de la pénitence pendant les jours des quatre-temps. De temps immémorial, les quatre-temps ont été prescrits dans l'Eglise ; leur origine remonte à la plus haute antiquité et probablement aux temps apostoliques, car nous n'en voyons l'établissement ordonné dans aucun concile, aucun Père de l'Eglise, aucun auteur ecclésiastique des premiers siècles, d'où nous sommes en droit de conclure, avec saint Augustin, que ces saints jours sont de tradition apostolique.

J'ai dit : jours de quatre-temps, jours de pénitence pour certains jours et certaines époques de l'année. L'Eglise a assigné les quatre-temps aux mercredi, vendredi et samedi d'une même semaine, parce que les mystères douloureux de la trahison, du crucifiement et de la sépulture du Sauveur, ayant été opérés en pareils jours, cette bonne mère espère que le souvenir touchant de ces augustes mystères deviendra pour nous un motif de douleur et de repentir. Elle en a fixé l'époque de trois mois en trois mois, au commencement de chaque saison, pour nous rappeler qu'il n'est aucune saison, aucun temps de l'année, que nous ne devions sanctifier par la prière et la pratique des bonnes œuvres, et que toutes les saisons de l'année doivent être consacrées à Dieu par la pénitence.

J'ai dit : jours de quatre-temps, jours de pénitence, pour expier les fautes commises dans chaque saison et prévenir les chutes à venir. Hélas ! chaque saison, en multipliant nos jouissances, ne fait trop souvent que varier nos peines. Le printemps, qui devrait être pour nous l'époque d'une résurrection à la grâce, à la piété et à la ferveur, nous dissipe, nous absorbe par la pensée des entreprises temporelles, et nous écarte de notre fin, au lieu de nous en rapprocher. L'été excite la fougue des passions; cette saison ne rappelle sur la terre que des divertissements coupables ou des profanations sacrilèges des saints jours. L'automne ne donne d'autre idée à l'homme que celle du gain qui va lui revenir du produit de ses biens, et il n'a peut-être pas une bénédiction pour le Dieu qui a fertilisé ses campagnes et ses propriétés. L'hiver est encore le signal de l'abandon du Seigneur et de désordres de toutes sortes. Et qui de nous, en rentrant au fond de sa conscience, n'a pas nombre de fautes et d'infidélités à se reprocher pendant les trois mois de chaque saison ? Que d'habitudes entretenues ou flattées, que de grâces perdues, que de bons mouvements, que d'inspirations saintes, que de pieuses résolutions étouffées et sans effet ! Quelle est la saison que nous avons passée chrétiennement ? Hélas ! plutôt quelle est celle où nous n'avons pas abusé des bienfaits de Dieu ? Ah ! il est donc bien juste que nous en fassions pénitence, puisqu'à toute faute est due une réparation, et que nous ne pouvons espérer de trouver grâce devant Dieu qu'autant qu'une pénitence exacte nous aura acquittés de toutes les dettes que nous aurons contractées, envers sa souveraine justice.
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J'ai dit : jours de quatre-temps, jours où nous devons nous efforcer d'attirer les bénédictions de Dieu sur les biens de la terre, le remercier de ceux qu'il nous a déjà donnés, et lui demander la grâce d'en faire un bon usage. « L'homme plante et arrose, dit saint Paul, mais il n'appartient qu'à lieu de donner l'accroissement. » C'est lui seul qui est l'auteur de tous les biens temporels, qui peut nous les donner et nous les ôter. Il tient entre ses mains la rosée et la pluie douce qui fertilise les campagnes et l'abondance des eaux qui les inondent. Il dispose des vents, de la sécheresse, de la grêle et de la foudre, qui sont les instruments de sa colère et de sa vengeance, lorsqu'il veut punir son peuple. C'est lui, et lui seul, qui donne sa fertilité au grain que sème le laboureur. C'est donc afin d'attirer sa bénédiction sur les biens de la terre, que les quatre-temps sont établis ; c'est aussi pour le remercier de ceux qu'on a déjà reçus de sa main bienfaisante. C'est ce que le Seigneur avait prescrit à son peuple par Moise. Au commencement de chaque saison, les Israélites devaient observer un jeûne accompagné de prières extraordinaires et de bonnes œuvres, pour remercier le Seigneur des biens de la terre qu'ils avaient reçus pendant la saison précédente, et le prier de continuer ses soins paternels pendant la suivante. Cette observance était trop juste pour n'être pas adoptée par l'Eglise de Jésus-Christ ; aussi en a-t-elle fait une obligation stricte et indispensable. Et mes Frères, il y va de notre intérêt de nous en acquitter avec zèle ; car, outre qu'il serait honteux pour des disciples de Jésus-Christ de se laisser surpasser en reconnaissance par des enfants de Jacob, nos besoins ne sont-ils pas aussi pressants que les leurs ? Pourquoi donc n'imiterions nous pas leur gratitude et leur ferveur à ces époques mémorables ? D'ailleurs, notre reconnaissance n'est elle pas tout à notre avantage ? L'ingratitude, en effet, est un vent brûlant qui dessèche les sources des grâces, tandis que la reconnaissance ouvre les mains du bienfaiteur.

Témoignons donc à Dieu, pendant ces jours, combien notre gratitude est vive pour les biens qu'il nous donne si libéralement, et conjurons-le surtout instamment de nous accorder la grâce d'en faire un saint usage, afin de ne pas imiter le désordre commun de certains chrétiens, qui, au lieu de se servir des biens que Dieu leur donne pour s'affectionner davantage à son service, s'en servent pour l'offenser toujours davantage.
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J'ai dit : jours de quatre-temps, jours de supplications et de prières pour obtenir du Seigneur qu'il donne à son Eglise des ministres selon son cœur. Nous lisons dans saint Luc, que le Sauveur du monde, avant de choisir ses apôtres, passa la nuit précédente en oraison ; non pas, remarque un saint Père, pour éclairer et fixer son choix, puisqu'il était la sagesse même,mais pour montrer à l'Eglise la conduite qu'elle devait tenir dans la suite, dans l'élection et l'ordination de ses ministres. Aussi, l'Eglise, fidèle interprète des intentions de son fidèle Epoux, recommande-t-elle à ses enfants de prier le Seigneur, d'une manière toute particulière, aux quatre-temps, afin qu'il daigne envoyer la grâce de son Esprit-Saint sur ceux qui doivent être élevés, à cette époque, aux augustes fonctions de son sacerdoce. Et ici, mes Frères, comprenez combien il vous importe de répondre à l'appel de l'Eglise en cette circonstance. Point de société sans religion, point de religion sans prêtres, mais point de prêtres utiles à la religion et à la société sans les vertus de leur saint état. Jugez, après cela, si vous êtes intéressés à obtenir de l'Auteur de tout don parfait des pasteurs selon son cœur, des pasteurs qui soient le salut des âmes au lieu d'être leur ruine.

J'ai dit : jours de quatre-temps, jours établis pour nous retremper et nous aider à passer plus saintement la saison qui va commencer. Il est utile, mes Frères, il est même nécessaire au voyageur qui parcourt une route pénible de se reposer de temps en temps ; il est utile, il est même nécessaire au soldat qui est en campagne, d'avoir des jours de trêve, soit pour panser ses blessures, soit pour réparer ses armes. A ce double titre, les quatre-temps sont nécessaires au chrétien. N'est-il pas tout à la fois un voyageur et un soldat ?

Voyageur, le chemin de la vie, nous le savons bien, n'est pour lui ni sans danger ni sans fatigue ; son âme a besoin de reprendre haleine, elle le fait en se rapprochant de Dieu par les prières et par les mortifications de la chair.

Soldat, l'homme, dans les luttes qu'il soutient depuis le berceau jusqu'à la tombe, reçoit, hélas ! Plus d'une blessure ; il a besoin de remèdes, il les trouve encore dans les pieuses prescriptions de l'Eglise aux quatre-temps. Fortifié, guéri par ces salutaires pratiques, il peut recommencer son combat et reprendre sa route avec plus de confiance, car il s'est revêtu de la cuirasse du salut et du bouclier spirituel avec lequel il peut repousser tous les traits enflammés de l'esprit de malice, et c'est ainsi, mes Frères, que les quatre-temps sont pour le chrétien des jours infiniment chers, infiniment précieux.

Puissent,mes Frères, les réflexions que je viens de vous adresser vous porter à sanctifier désormais de la manière la plus chrétienne les jours des quatre-temps, à pratiquer exactement dans ces jours les œuvres saintes que la religion vous prescrit, à vous ranimer dans la ferveur, à marcher avec une constance inébranlable dans les voies du salut, jusqu'au jour où ayant atteint la consommation de la perfection, vous mériterez d'être introduits dans les tabernacles du Dieu vivant, pour le bénir et le louer à jamais. C'est, mes Frères, le bonheur que je vous souhaite.

Ainsi soit-il.
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Rational ou manuel des divins offices de Guillaume Durand, évêque de Mende, XIIIe siècle.


Durand de Mende,Tome 3, Note 5, page 403. a écrit :
DU JEÛNE DES QUATRE-TEMPS.

Le jeûne des quatre-temps a beaucoup de rapport avec celui des stations, dont nous parlerons ailleurs, avec cette différence pourtant que les jeûnes ou demi-jeûnes des stations, qui étaient d'obligation dans l'Orient, étaient purement volontaires et de dévotion dans l'Occident ; tandis que, comme l'atteste une lettre de saint Augustin (1), le peuple de Rome jeûnait quelquefois trois jours la semaine, ce qui ne se peut guère mieux entendre que des quatre-temps (2).On pourrait s'imaginer que ce n'était qu'une dévotion arbitraire qui portait les Romains à jeûner quelquefois trois jours la semaine. Mais ce qui est dit un peu plus bas montre clairement que c'était l'Eglise romaine en corps qui jeûnait ces trois jours en des semaines déterminées (3).

(1) Epist. 86.
(2) Christianus qui quarta et sexta feria, et ipso sabbato jejunare consuevit, quod frequenter romana plebs facit.
(3) Videat quanta afficiat contúmelia ipsam romanam Ecclesiam, ubi et his hebdomadibus, in quibus quarta et sexta et sabbato jejunatur tribus tantum diebus continuis, Dominico scilicet , et deinde secunda et tertia prandetur.
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Ces deux passages de saint Augustin ne nous apprennent pas seulement l'antiquité des quatre-temps à Rome, mais ils nous éclaircissent une difficulté qui a quelquefois embarrassé de fort habiles critiques. Car le pape saint Léon, annonçant le jeûne des Quatre- Temps en chaque saison de l'année à Rome, avait accoutumé de prescrire le jeûne de la quatrième et de la sixième féries (mercredi et vendredi), et la veille du samedi, dans l'église de Saint- Pierre, sans parler expressément du jeûne du samedi. Quelques-uns se sont persuadés, après cela, qu'on ne jeûnait pas à Rome les samedis des quatre-temps, et que c'était un accommodement dont on usait pour ne pas joindre le travail de la veille à celui du jeûne. Voici les paroles de saint Léon (1) : Quarta igitur et sexta feria jejunemus ; Sabbato autem apud beatissimum apostolum Petrum vigilias celebremus, qui et orationes, et jejunia et eleemosynas nos tras precibus suis dignabitur adjuvare.

Outre l'autorité de saint Augustin, que nous venons de rapporter, on doit considérer que, si l'on jeûnait tous les samedis de l'année à Rome, comme le prouve le P. Thomassin avec beaucoup d'érudition (2), saint Léon avait raison de ne pas annoncer le jeûne du samedi avec celui du mercredi et du vendredi ; car les jeûnes du mercredi et du vendredi n'étaient nullement d'obligation à Rome : ainsi on les ordonnait nommément aux quatre- temps. Le jeûne du samedi y était d'obligation pendant toute l'année : ainsi il n'en fallait pas faire une nouvelle ordonnance aux quatre-temps. Et quelle apparence y a-t-il, que les semaines des quatre-temps étant consacrées à la pénitence, on s'y relachât d'un jeûne qui s'observait le reste de l'année ? Le pape Innocent ler, dans sa lettre décrétale ( 3), déclare absolument qu'il faut jeûner tous les samedis de l'année en mémoire de la sépulture de Jésus-Christ pendant le Samedi saint, comme il faut célébrer tous les dimanches de l'année pour honorer la résurrection au dimanche de Pâques. Enfin, ce n'est point une raison solide, de dire que le jeûne ne s'accordait pas bien avec la veille. Il est évident, au contraire, que l'Eglise a assujetti au jeûne presque toutes les veilles (4).

(1) Sermo 1, De Jejun. decimi mensis.
(2) Traité des Jeûnes de l'Eglise , 1re partie , chap, 20 et 21.
(3) Epistola 1 , cap. 4.
(4) Thomassin , 1. c. sup ., 1re partie , chap. 18.
(à suivre)
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Revenons à saint Léon, pour dire avec lui que les jeûnes des quatre temps ont été imités sur ceux de l'Ancien-Testament. Car, quoique les figures de l'Ancien-Testament aient été dissipées par la lumière et la présence de la Vérité incarnée, il n'en est pas de même des pratiques et des lois de la plus sainte morale, qui ont été reçues et portées à un plus haut comble de perfection dans l'Eglise. Voici comment saint Léon parle des quatre-temps du mois de décembre : « Le jeûne solennel de ce dixième mois ne doit pas être négligé, par la raison qu'il tire son origine de l'observance de l'ancienne loi. Cette loi, qui contenait les figures des choses futures, maintenant que ces choses sont accomplies est aussi abrogée. Cependant, la grâce du Nouveau-Testament ne décline pas l'utilité des jeûnes » (1). Il dit, dans un autre sermon, que « les anciens Pères ont établi ce jeûne au temps que tous les fruits de la terre sont recueillis, afin que par l'abstinence et l'aumône nous commencions à en user sobrement pour nous ' et libéralement pour les pauvres » (2).

Comme toute la morale chrétienne est comprise dans l'exercice de ces deux vertus, la mortification de notre chair et l'effusion de notre charité, saint Léon remarque aussi que c'est pour cela que l'Eglise a attaché le jeûne des quatre-temps aux quatre saisons de l'année, afin de nous apprendre que l'exercice de ces deux vertus ne devait jamais être interrompu, ou devait aussitôt se renouveler (3). Nos quatre-temps des quatre saisons de l'année sont attachés à peu près aux mêmes mois que les quatre jeûnes semblables de l'Ancien-Testament (4).

(1) Decimi hujus mensis solenne jejunium, quod non ideo negligendum est, quia de observantia veteris legis assumptum est. Illa enim quæ rerum futura rum figuras gerebant, impletis , quæ significavere , finita sunt. Jejuniorum vero utilitatem novi Testamenti gratia non removit ( Sermo 4 , De Jejun . decimi mensis ).
(2) Sancti Patres nostri divinitus inspirati, decimi mensis sanxere jejunium , ut omnium fructuum collectione conclusa, rationabilis Deo abstinentia dicare tur, et meminisset quisque ita uti abundantia , ut et circa se abstinentior, et circa pauperes esset effusior.
(3) Quæ jejunia ex doctrina Spiritus sancti ita per totius anni circulum dis tributa sunt, ut lex abstinentiæ omnibus sit ascripta temporibus ( Sermo 8, De Jejun. decimi mensis).
(4) Siquidem jejunium vernum in Quadragesima, æstivum in Pentecoste, autumnale in mense septimo, hyemale autem in hoc, qui est decimus, celebramus ( idem, ibid. )
.
(à suivre)
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Saint Léon parle, dans son premier sermon de la Pentecôte, du jeûne des quatre-temps, attaché à la semaine même de la Pentecôte, pour expier par le jeûne et par la prière les négligences passées (1).

Il assure, dans le sermon suivant, que ce jeûne est de tradition apostolique (2) ; ce qui est encore plus probable de ce jeûne des quatre-temps que des autres. La raison en est que, le Fils de Dieu ayant dit que ses disciples jeûneraient lorsque le céleste époux leur aurait été enlevé, toutes les églises témoignèrent un saint empressement de vérifier cette parole de la Vérité éternelle, et affectèrent de jeûner aussitôt après la fête de la Pentecôte.

Saint Léon ajoute, dans le premier de ses quatre sermons sur le jeûne de la Pentecôte, que les apôtres ne furent pas plus tôt remplis du Saint-Esprit, qu'ils se virent comme forcés de publier des jeûnes, pour détruire les œuvres et les passions de la chair, et rendre par ce moyen nos esprits plus purs et plus disposés à recevoir les influences et les dons du même Saint-Esprit.

Mais il commence son second sermon sur la même matière, par ce principe admirable et admirablement conforme à ce qu'enseignent saint Jérôme et saint Augustin, que les coutumes et les observances pieuses de l'Eglise viennent de la tradition des apôtres et de la doctrine du Saint-Esprit, qui réside toujours dans le cour de l'Eglise et anime ses pasteurs, afin qu'ils gardent et fassent garder aux peuples fidèles ces pratiques de piété (3).

Ce saint pape commence son premier sermon sur le jeûne des quatre temps de septembre par un éloge qu'il donne à la piété du peuple romain, qui jeûnait volontairement plusieurs jours de l'année (4). Mais, après cela, il les exhorte à une nouvelle ferveur pour ces jeûnes qui sont d'obligation et communs à tous les fidèles. De sorte qu'on ne peut douter que les jeûnes des quatre-temps ne fussent de précepte et d'une étroite obligation. En effet, toute l'Eglise orientale jeûnant les mercredis et les vendredis de toute l'année, il était bien juste que le jeûne de ces quatre semaines fût d'obligation à Rome, et non-seulement à Rome, mais encore aux autres provinces, où la même loi des jeûnes était déjà gardée ; car saint Augustin, parlant de ces jeûnes des quatre temps, et ne les attribuant qu'au peuple romain ou à l'église de Rome, témoigne assez qu'il s'en fallait beaucoup que l'observance n'en fût généralement reçue dans toute l'Eglise. Au moins, on ne peut douter des Orientaux, qui ne jeûnaient jamais le samedi que la veille de Pâques, et qui n'avaient que des demi-jeûnes le mercredi et le vendredi; mais qui, en revanche, observaient ces demi-jeûnes pendant toute l'année, excepté depuis Pâques jusqu'à la Pentecôte.

(1) Ut si quid macularum proximis diebus negligentia incauta contraxerit, id et jejunii censura castiget, et devotio pietatis emendet.
(2) Jejunium quod ex apostolica traditione subsequitur.
(3) Dubitandum non est observantiam omnem christianam eruditionis esse divinæ, et quidquid ab Ecclesia in consuetudinem est devotionis receptum, de traditione apostolica et de sancti Spiritus prodire doctrina : qui nunc quoque cordibus fidelium suis præsidet institutis, ut ea omnes et obedienter custo diant, et sapienter intelligant.
(4) Ut animas vestras non solum legitimis, sed etiam voluntariis jejuniis ex colatis.
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Dans les autres sermons sur les quatre-temps de septembre (1), saint Léon remarque que l'Eglise a emprunté ce jeûne de la Synagogue, mais que sa manière de jeûner n'a rien de la superstition des Juifs. Cette conformité de nos quatre-temps avec les quatre jeûnes des Juifs, aux quatre mêmes mois marqués dans l'Ecriture, est une marque visible que l'Eglise a imité en cela la Synagogue, et c'est tout ensemble une preuve que le jeûne des quatre-temps dans l'Eglise latine est de tradition apostolique ; car il est incomparablement plus vraisemblable que ce sont les apôtres, et non les conciles ou les évêques des siècles suivants, qui ont communiqué à l'Eglise quelques usages des anciens Hébreux.

Saint Chrysostome a cru que le jeûne dont saint Luc parle dans la navigation de saint Paul était le jeûne du mois de décembre, que les Juifs célébraient, et vraisemblablement l'Eglise aussi. Les stations ou les deux jeûnes de chaque semaine, dans l'Orient, étaient aussi fort vraisemblablement ces deux jeûnes que les plus religieux d'entre les Juifs pratiquaient, quoique en divers jours, et dont le pharisien de l'Evangile tirait un vain sujet de gloire, quand il disait : « Je jeûne deux fois la semaine » (2). Le pape Gélase a remarqué, dans une de ses lettres (3), les mêmes quatre-temps et les jeunes qui y sont fixés. Mais il a ajouté, ce que l'on n'avait pu reconnaître dans les sermons ou dans les lettres de saint Léon, que les ordinations des prêtres et des diacres ne doivent se faire qu'au samedi des quatre-temps ou à la mi-carême (4). Voilà le jeûne du samedi exprimé, quoique le pape saint Léon ne l'eût pas exprimé. La raison pourrait en être que Gélase parle des ordinations qui devaient se faire en continuant le jeûne du samedi jusqu'au commencement du jour du dimanche, comme saint Léon, pape, l'a remarqué dans sa lettre à Dioscore, archevêque d'Alexandrie.


(1) Sermons 4 et 7.
(2) Jejuno bis in sabbato.
(3) Epistola 9, cap. 7.
(4) Ordines etiam presbyterorum diaconorumque, nisi certis temporibus et diebus exercere non audeant, id est quarti mensis jejunio, septimi et decimi sed etiam quadragesimalis initii, ac mediana Quadragesimæ die, sabbati jejunio (idem, ibid.).
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Re: Des Quatre-temps

Message par Laetitia »

En France, les quatre-temps n'ont guère été connus et pratiqués avant Charlemagne. Le Concile de Mayence, que ce prince fit assembler un an avant sa mort (813), en parle comme d'un établissement nouveau qui se faisait dans l'Eglise de France, sur le modèle de celle de Rome (1).

En voici le canon, qui place ces quatre jeûnes à peu près aux mêmes temps qu'ils sont encore : « Nous avons établi que les quatre-temps de l'année seraient observés avec le jeûne par tous, savoir : dans la première semaine du mois de mars, et le mercredi, le vendredi et le samedi ; dans la seconde semaine de juin ; dans la troisième de septembre, et au mois de décembre, dans la semaine qui précède Noël, comme c'est la tradition de l'Eglise romaine » (2). Cette phrase : Et a carne ab omnibus abstineatur, montre que ceux qui étaient légitimement dispensés du jeûne pendant les trois jours étaient néanmoins obligés à l'abstinence. Charlemagne avait auparavant ordonné le même jeûne des quatre-temps dans son Capitulaire de l'an 769 (3).

Mais le Concile de Mayence, en 813, donna le dernier affermissement à ce nouveau règlement, et, quoique le canon précité de ce Concile ne fasse point mention des Ordres, les Capitulaires de Charlemagne s'en expliquent clairement en un autre endroit, en faisant connaître que ces jeûnes sont consacrés à obtenir du ciel cette abondance extraordinaire de grâces qui est nécessaire aux ministres des autels (4). Le Concile de Rouen, tenu en 1072, avait encore laissé les quatre-temps au même état que le Concile de Mayence.

Au reste, il ne faut pas s'étonner si la France (comme l'Espagne et l'Allemagne) (5), avant Gré goire VII, ne s'étaient point encore conformées à la discipline de l'Eglise romaine, puisque le Capitulaire d'Athon, évêque de Verceil, en Italie, au milieu du Xe siècle, nous apprend que jusqu'alors, dans son église même, on n'avait encore célébré les quatre-temps que trois fois l'année. Il commença à ordonner qu'on les célébrât à l'avenir quatre fois, pour sanctifier les quatre saisons de l'année par ces marques de religion et de pénitence, pour s'accommoder en quelque façon à l'usage de la Synagogue remarqué par le prophète Zacharie, et encore plus pour se conformer à la coutume la plus universellement reçue dans l'Eglise (6).

(1) Canon 34.
(2) Constituimus ut quatuor tempora anni ab omnibus cum jejunio obser ventur, hoc est in mense martio hebdomada prima, et feria quarta et sexta, et sabbato venient omnes ad ecclesiam hora nona cum litaniis ad missarum so lennia. Similiter, in mense junio hebdomada secunda, feria quarta et sexta, et. sabbato jejunetur usque ad horam nonam, et a carne ab omnibus abstineatur. Similiter, in mense septembrio hebdomada tertia, et in mense decembrin heb domada quæ fuerit plena ante vigiliam Nativitatis Domini, sicut est in romana Ecclesia traditum.
(3) Ut jejunium quatuor temporum et ipsi sacerdotes observent, et pleb denuntient observandum (Capitul. Baluz., t. 1, p. 192-1081).
(4) Doceant presbyteri populum quatuor legitima temporum jejunia obser vare, hoc est mense martio, julio, septembrio et decembrio, quando sacri or dines juxta statuta canonum distribuuntur (Capitul. Baluz., t. 1, p. 954).
(5) V. le P. Thomassin, 1. C. sup., p. 426-428, 429-432.
(6) Jejunium quod ter in anno apud nos celebrare didicistis, convenientius.
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