SUR LA PRÉDESTINATION ET LE PETIT NOMBRE DES ÉLUS

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Message par InHocSignoVinces »

[Prédestination et liberté ]Le point de la plus grande conséquence, en cette matière , regarde l'accord de la prédestination avec l'usage de notre liberté : c'est-à-dire que la connaissance soit certaine , infaillible et inébranlable, et que cette certitude ne blesse ni n'endommage en aucune manière la liberté de nos actions, ne nous impose aucune nécessité; que ce qu'il a arrêté et résolu de toute éternité s'accomplisse immanquablement, sans qu'il viole les droits de notre franc-arbitre, qui fait les choses aussi librement que s'il n'y avait ni prévision ni prédestination en Dieu. Cette difficulté, mal éclaircie , a fait naître des erreurs et des hérésies que l'Eglise a condamnées, et encore aujourd'hui elle cause des troubles et des inquiétudes dans l'esprit de plusieurs, et les porte à des extrémités fâcheuses.


La grande question agitée depuis si longtemps dans les écoles, sur le choix que Dieu fait des prédestinés pour la gloire , et qui partage les théologiens en deux opinions , est de savoir si cette prédestination à le gloire, est arrêtée de toute éternité indépendamment des mérites et des dispositions qu'y ont apportées avec le secours de la grâce ceux que Dieu a ainsi prédestinés et choisis ; ou bien si ce choix n'a été conclu qu'après avoir prévu leurs mérites. En deux mots, pour m'exprimer avec les théologiens mêmes, si le choix et la prédestination est avant ou après la prévision des mérites. Ce n'est pas au prédicateur à faire le théologien en chaire, ni à prendre parti dans cette question ; mais comme , dans l'opinion qui soutient que ce choix est fait indépendamment de nous et de nos mérites, il est difficile de parer aux conséquences qu'en peuvent tirer les réprouvés, qui par-là semblent être exclus du bonheur éternel avant de l'avoir mérité, parce que , n'étant pas choisis ni compris dans la nombre des élus, lequel est compté et déterminé, quelque distinction qua l'on apporte, ils ne peuvent s'empêcher de croire que Dieu n'a pas voulu sincèrement ni efficacement leur salut, c'est pourquoi il vaut mieux se ranger de l'autre parti, qui semble plus conforme à la bonté et à la justice de Dieu.


Dans ces deux opinions, qui ont chacune de grands docteurs et très- catholiques
qui les défendent, ils sont tous d'accord : 1°. Que, quelque
parti qu'on veuille prendre, la prédestination ne blesse nullement notre
liberté, parce que si on ne peut être sauvé sans la grâce qui est le moyen
de notre salut, et qui nous est toujours donnée gratuitement, il est tou-
jours en notre pouvoir d'y consentir ou de la rejeter ; 2°. Dans les deux opinions,
il est constant que Dieu ne sauvera jamais les adultes sans leurs mérites et sans
leurs bonnes œuvres ; et dire ou penser le contraire c'est s'éloigner des règles
de la foi; 3°. Que la manière de s'exprimer, avant ou après les mérites, ne les
exclut nullement, parce que, dans l'une de ces deux opinions, la volonté que
Dieu a de nous sauver suppose notre conversion, et dans l'autre elle la renferme.
Je veux dire que notre conversion a été ou le motif pour lequel Dieu veut nous
sauver, ou le moyen par lequel il veut nous sauver, et, par conséquent , que
dans l'un ou dans l'autre sentiment il est toujours de foi que Dieu ne nous sauvera jamais
sans notre coopération, et ensuite sans nos mérites. Ainsi, ni l'une ni l'autre opinion
ne favorise le relâchement.



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Message par InHocSignoVinces »

[Réprobation et prédestination]. — Il y a cette différence entre la réprobation et la prédestination, que la volonté de l'homme est la première cause de la réprobation, et la justice et la volonté de Dieu ne font que la suivre; mais, dans la prédestination, c'est toujours, et en toute opinion catholique, la volonté de Dieu qui est la première cause. Sa volonté prévient celle de l'homme, et l'homme ne fait que coopérer avec lui et le suivre en ses desseins. La volonté de Dieu nous prépare les grâces, qui sont les moyens et les voies conduisant à l'heureuse fin du bonheur éternel ; c'est uniquement sa bonté qui nous appelle à la foi, et de nous-mêmes nous ne pouvons mériter la grâce de la justification, non plus que la grâce finale. De manière que, si l'on prend la prédestination pour tout ce qu'elle renferme, savoir, pour la vocation, la justification, la persévérance et la gloire, il est manifeste qu'elle précède nos mérites, et la contestation n'est qu'à l'égard du décret que Dieu a formé de nous donner la gloire, comme une récompense et une couronne de la justice. Pour ce qui est de la réprobation, c'est une hérésie, foudroyée par les conciles, de dire avec Calvin que Dieu l'a conclue et arrêtée avant toute prévision des péchés et des démérites ; d'où il conclut à cette doctrine monstrueuse : 1°. Que Dieu refuse la foi et toutes sortes de grâces aux réprouvés ; 2°. Qu'il les incite et les porte lui-même au péché; 3°. Qu'il les abuse misérablement en feignant de leur vouloir du bien, quoiqu'il n'ait point d'autre dessein que de les perdre ; 4°. Qu'il ne les a créés enfin que pour en faire des victimes de sa justice, sans autre raison que de faire connaître et exercer sa justice, même sur ces misérables. N'est-ce pas faire Dieu cruel, injuste, plus barbare que ce dieu des gentils auquel les pères immolaient leurs propres enfants, qu'ils jetaient tout vivants dans les flammes ?

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Message par InHocSignoVinces »

[La grâce n'agit pas toute seule].Il est de foi que le grand principe est la première cause , qui opère en nous la volonté d'agir saintement, et que par conséquent il est aussi la première cause de notre prédestination. Mais S. Paul et toute la théologie nous enseigne qu'il ne l'opère pas tout seul ; et quelque victorieuse, quelque puissante que l'on conçoive la grâce, c'est toujours sans préjudice de ce que la foi nous enseigne , que cet acte de volonté qui fait notre conversion et qui coopère à la grâce est un acte libre : et c'est cet acte que Dieu attend et exige de nous pour mériter la gloire, comme un prix et une récompense de nos mérites.


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Message par InHocSignoVinces »

[Du nombre des prédestinés].Autant il est certain qu'il y a en Dieu une
prédestination et une réprobation, c'est-à-dire qu'il en a choisi quelques-uns de toute éternité
pour la gloire, et rejeté les autres par un décret éternel, qui ne blesse non plus notre liberté
que sa prescience, autant est-il constant que Dieu connaît les uns et les autres, comme l'enseigne
S. Augustin, (de Praedest. sanctorum) : Novit Deus qui sunt ejus, novit qui
permaneant ad coronam et qui permaneant ad flammam...
Nous avons dans
l'Evangile la preuve de cette vérité, puisque le Sauveur dit : Oves meae
vocem meam audiunt , et ego cognosco eas, et vitam aeternam do eis, et non
peribunt aeternnm.
(Joan. x). Le même Sauveur parle aussi de la réprobation,
lorsqu'il dit aux Juifs : Vos non creditis, quia non estis ex ovibus meis. Où il
faut remarquer que cette proposition, « Vous ne croyez pas parce que vous n'êtes pas
de mes ouailles »,
ne se doit pas entendre comme si la réprobation des Juifs avait
été la cause de leur infidélité ; le Sauveur voulait dire seulement : « Parce que je sais
que vous n'êtes pas du nombre de mes élus, je ne m'étonne pas que vous soyez incrédules,
quoique je doive vous racheter par le prix de mon sang, lequel néanmoins
ne vous sera point appliqué, par votre faute. »
C'est ce qu'a voulu dire
S. Augustin : Quia videbat eos ad sempiternum interitum praedestinatos, non
ad vitam aeternam sui sanguinis pretio comparatos.



Dieu connaît non-seulement quel est le nombre des élus et quel est celui des réprouvés,
mais quelles personnes sont du nombre des prédestinés, et quelles du nombre des réprouvés.
Et ce nombre est déterminé dans la prescience et le décret de Dieu, aussi bien que le nombre des
étoiles qui sont au ciel et des grains de sable qui sont dans la mer. Dieu sait qu'il y en a tant, et
non pas plus, et que ce sont tels et tels, et non d'autres , comme chante l'Eglise, dans l'une des
messes du Carême : Deus eut soli cognitus est numerus eleclorum in supernâ felicitate locandus.
Et il le sait aussi certainement, dit S. Augustin, qu'il sait combien il y a d'anges, combien d'hommes,
combien d'animaux de telle espèce. C'est pourquoi le Fils de Dieu, en parlant du bon Pasteur, dit qu'il
appelle ses propres ouailles par leur nom; ce qu'il ne pourrait faire s'il ne savait combien il y en a et
quelles elles sont : Proprias oves vocat nominatim ; puis il ajoute qu'il les connaît : Ego cognosco
eas.
Or, ne serait-ce pas les ignorer que de n'en pas savoir le nombre et la qualité ? C'est ce que
S. Augustin explique plus au long dans le traité 47 sur S. Jean. Mais ce qu'il faut bien faire entendre,
c'est que la vue et la connaissance de Dieu ne nous imposent aucune nécessité; nous ne devons nous
défier que de nous-mêmes , de la malice et de l'inconstance de notre volonté, parce que, dans toute
opinion catholique, Dieu n'exclut personne de ce nombre qu'après avoir prévu que par sa malice et son
mauvais cœur il se sera rendu indigne d'y être admis.



Quoique, après l'oracle que la Vérité même a prononcé sur le petit
nombre des élus, on ne puisse en douter, ni contredire sans témérité
et sans erreur une décision si expresse et si formelle, cependant, comme
nous savons par ce que l'Ecriture nous a appris que le nombre de ceux
qui entrent dans la Jérusalem céleste est si grand qu'on ne le peut compter,
il est bon de remarquer ce que les théologiens , appuyés de l'autorité des Pères,
enseignent là-dessus. — 1°. Il n'est pas question de savoir si le nombre des prédestinés
est grand, et même très-grand, personne ne peut le révoquer en doute ; mais on demande
s'il est plus grand que celui des réprouvés, et si l'un est petit en comparaison de l'autre :
ce que le Fils de Dieu a distingué et décidé lui-même. — 2°. Si l'on parle en
général de tous les élus et de tous les réprouvés, de quelque nature qu'ils
soient, comme la multitude des anges sont compris dans ce nombre des bienheureux,
et que le nombre en est incomparablement plus grand que
celui de tous les hommes qui sont, qui seront et qui ont été dans tous les
siècles, au sentiment des Pères et des docteurs, il n'y a nul danger de
dire, dans ce système, que le nombre des élus surpasse celui des réprouvés. —
3°. S'il est question des seuls hommes, mais pris en général, en y
comprenant les païens, les hérétiques et tous les mauvais chrétiens, il est
évident qu'il y a plus de réprouvés que d'élus. — 4°. S'il s'agit des seuls chrétiens,
en y comprenant les enfants qui meurent avant l'usage de la raison et après avoir
reçu le Baptême , on peut encore dire qu'il y a plus de prédestinés que de réprouvés.
— 5°. Mais, s'il est question des chrétiens adultes, c'est proprement en ce sens que
la Vérité même s'est déclarée pour le petit nombre : Multi vocati, pauci vero electi.

On peut en donner plusieurs raisons que l'expérience autorise; il serait trop long de
les rapporter : on les peut voir dans Recupitus, De signis praedestinationis
et reprobationis,
où elles sont expliquées en détail , dans la seconde partie de
cet ouvrage.



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Message par InHocSignoVinces »

§ VI. - Endroits choisis des Livres spirituels et des Prédicateurs.


[Mystère de la prédestination].Il est certain qu'il y a une prédestination : car il y a un Dieu, il y a une providence. S'il y a une providence, il y a aussi une prédestination, puisque cette providence surnaturelle n'est autre chose qu'un soin particulier que Dieu prend de l'homme pour le conduire à son bonheur éternel par des moyens infaillibles. Mais , sans entreprendre de pénétrer les secrets de ce haut mystère, ou de découvrir les ressorts par lequels la Providence fait réussir ses desseins, il suffit d'être bien persuadé qu'il ne peut rien y avoir dans Dieu et dans toute sa conduite qui ne soit saint, qu'il n'y a rien d'injuste, rien contre la raison, rien qui soit contraire à sa bonté infinie, à sa justice, ou à quelque autre de ses perfections divines : autrement, Dieu ne serait pas Dieu. C'est ce que l'Apôtre a observé : car, ayant rapporté quelques difficultés qui semblaient s'opposer au mystère impénétrable de la prédestination, il n'y répond point autrement que par ces paroles : homo, quis es qui respondeas Deo? (Rom. ix). En effet, quelle témérité à une vile et aveugle créature de demander à Dieu raison de sa conduite ! L'autorité du Créateur ne doit-elle pas suffire à l'homme, quoi qu'il oppose, quoi qu'il y trouve à redire, soit qu'il comprenne ou qu'il ne comprenne pas ce mystère? L'autorité d'un Dieu ne lui doit-elle pas suffire? et si, dans tous les autres mystères que notre raison ne peut découvrir, nous nous reposons sur sa parole, pourquoi voudrons-nous pénétrer ses desseins? (Le P. de Lingendes, Mercredi après la Passion).


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Re: SUR LA PRÉDESTINATION ET LE PETIT NOMBRE DES ÉLUS

Message par InHocSignoVinces »

[Dieu nous aime].La prédestination étant éternelle, jugeons de-là
combien nous sommes redevables à Dieu d'avoir pensé à nous de toute éternité,
et d'avoir eu un soin particulier de notre bonheur avant même notre
naissance. Pourquoi tardons-nous donc tant à aimer un Dieu qui nous a
tant aimés avant même que nous fussions capables de l'aimer et de connaître
l'amour qu'il a eu pour nous?
Nos ergo diligamus Deum, quoniam
ipse prior dilexit nos.
Mais considérons de combien son amour a précédé
le nôtre, puisqu'il nous a ainsi aimés avant tous les siècles et de toute
éternité. N'est-ce pas là une faveur insigne, puisque Dieu ne s'est pas
plus tôt aimé lui-même qu'il nous a aimés : car enfin, on ne peut rien
concevoir avant l'éternité, comme il n'y a rien après. Quoi ! cette seule
pensée n'est-elle pas capable de toucher le cœur le plus insensible ?
Dieu
a daigné jeter les yeux sur moi avant tous les siècles et sans aucun mérite de ma part,
il m'a tiré de la masse de perdition, faveur qu'il n'a pas faite à une infinité
d'autres qui n'étaient pas plus indignes que moi d'une si favorable distinction.
Il a eu compassion de moi lorsque je ne paraissais encore devant ses yeux que
comme un objet de haine : et cet amour qu'il a eu pour moi de toute éternité n'a
pas été stérile ; il m'en fait tous les jours ressentir les effets par tant de grâces qu'il
me fait, et qui sont autant de moyens d'accomplir les desseins qu'il a formés sur moi
avant tous les temps. Ah! du moins, mon Dieu! si j'ai été assez malheureux pour ne
vous pas aimer, ni si tôt que je le pouvais ni si ardemment que je le devais , je veux
commencer dès maintenant, pour ne cesser jamais de vous aimer.
(Le même, en partie).


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Re: SUR LA PRÉDESTINATION ET LE PETIT NOMBRE DES ÉLUS

Message par InHocSignoVinces »

[Notre salut nous vient de Dieu].Comme c'est Dieu seul qui peut prédestiner,
et qu'il n'y a que lui seul qui puisse donner la grâce qui nous fait mériter
la gloire, en cela nous dépendons de Dieu seul : ce qui nous est sans doute
plus avantageux que si nous dépendions ou de nous-mêmes ou de
quelque autre créature. Car enfin , nous devons être plus assurés de
l'amour qu'il nous porte et du soin qu'il a de notre salut, que du soin
que nous en prenons nous-mêmes.
Hélas ! si ma prédestination dépendait de
moi seul, j'aurais grand sujet de vivre continuellement dans la défiance,
puisque je n'expérimente que trop, tous les jours, que je néglige l'unique
affaire importante que j'aie, qui est celle de mon salut, que je me manque
à moi-même, quoique Dieu m'assiste et me prévienne par tant de grâces.
Si j'étais seul et sans secours , que deviendrais-je, dans une si profonde
ignorance de toutes choses, au milieu de tant d'ennemis, parmi tant de
dangers, environné d'écueils de tous côtés , dans une si grande faiblesse,
dans une si grande légèreté d'esprit, et dans une si grande inconstance
de tous mes desseins ?
Il est donc bien plus sûr de se fier aux soins que
Dieu prend de notre salut, et de dire avec le prophète : Mon sort est
entre vos mains, et je me repose sur votre bonté infinie :
In manibus
tuis sortes meae.
(Le même).


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Message par InHocSignoVinces »

[Ne point s'alarmer].Il n'y a nulle raison d'appréhender la connaissance
infaillible que Dieu a eue avant que nous fussions, de ce que nous serons éternellement , comme
si elle nous imposait quelque nécessité de faire ou de ne pas faire notre salut. Cependant il n'est
rien de plus commun que cette appréhension frivole , il n'est pas jusqu'aux personnes les plus
vertueuses à qui la pensée de la prédestination ne donne quelquefois d'étranges inquiétudes.
« Mon intention est bien de servir Dieu jusqu'à la mort, dit une àme vraiment chrétienne ;
mais , hélas ! quel sera le fruit de mes désirs si Dieu m'a destiné aux flammes éternelles avant
même que je fusse au monde ? Est-ce que je lui ferai changer les ordres de sa providence, ou que
je l'obligerai lui-même. à revenir d'une volonté qui est éternelle et immuable de sa nature? Il fait
ce qu'il doit faire de moi durant toute l'éternité : si je suis écrit dans le livre de vie, il n'a garde de
m'en effacer; mais, si mon nom ne s'y trouve pas , mon malheur est sans remède, et je puis me
compter parmi les réprouvés. »
Je conviens que ce discours peut embarrasser et ceux qui ne
veulent pas se donner la peine d'entrer un peu plus avant dans ce mystère et ceux qui le veulent
trop approfondir. Mais il est aisé de rassurer des esprits humbles et dociles, et de
leur ôter tous les doutes qui pourraient entretenir leur défiance.



Vous craignez que Dieu ne veuille pas vous sauver. Mais ne savez-vous pas qu'en vous tirant du néant il n'a pas eu d'autre vue que de former une créature qui pût le servir, et qu'il pût rendre éternellement bienheureuse en récompense de ses services ? Le commandement qu'il nous a fait de travailler sans cesse pour le ciel, l'inclination naturelle qu'il nous a donnée pour le souverain bien, et ce qu'il a fait pour nous le mériter, sont des marques sensibles et effectives de la volonté sincère qu'il a de nous faire part de son royaume : et ces marques sont si évidentes, que, si le mystère de la prédestination renfermait une volonté absolue de nous perdre, je ne ferais nulle difficulté de dire qu'il y aurait de la contradiction dans la volonté de Dieu, qu'il voudrait et en même temps ne voudrait pas une même chose, ce qui est indigne de Dieu, et ce qui ne peut même se rencontrer dans aucune volonté créée. La notion même et l'idée que nous avons d'une providence , dont la prédestination fait une partie, doit nous rassurer de cette crainte, puisque cette providence n'est autre chose que le soin continuel que Dieu prend de nous conduire à notre dernière fin, c'est-à-dire à notre
bonheur éternel. C'est l'application qu'il a à nous fournir sans cesse des moyens propres pour y arriver, à disposer toutes choses en sorte que tout ce qu'il y a dans la nature, tout ce qui arrive dans l'univers, nous soit utile pour notre salut. Comment donc pouvons-nous douter que Dieu n'ait la volonté de nous sauver, lui qui ne fait rien, qui ne peut même rien faire à notre égard, que dans cette vue? Bienfaits naturels, fortune, disgrâces, inspiration, tout se rapporte à ce but dans l'intention de notre Dieu ; si quelque chose s'en éloigne, ce ne peut être que malgré lui et par la malice de ses créatures.



N'est-il pas vrai, Chrétiens auditeurs, que la crainte qu'on peut avoir
d'être du nombre des réprouvés est inutile pour nous réformer ? qu'elle
fait même un effet tout contraire ? Toute autre crainte, soit celle que la
justice de Dieu inspire aux pécheurs, soit celle que la vue de sa bonté
fait naître dans le cœur des justes ; toute autre crainte nous éloigne du
péché, nous rend fervents et circonspects, nous porte à la vigilance et au
travail : au lieu que, celle-ci nous faisant appréhender un mal qui est sans
remède, elle ne nous peut inspirer que du relâchement et du déses-
poir. Car ne voyons-nous pas que c'est la conséquence qu'en tirent ceux
qui conçoivent ces noires pensées? Que me servira, puisque je suis réprouvé,
de mener une vie mortifiée, d'observer tant de préceptes gênants
et de me rendre misérable par avance ? n'est-il pas plus expédient de jouir
des biens de cette vie, puisque je n'ai rien à prétendre à ceux de
l'autre ?



Quoi, mon aimable Sauveur, y a-t-il des hommes qui doutent si c'est tout
de bon que vous désirez les sauver? Ils en doutent, après que vous
l'avez déclaré, que vous l'avez même juré solennellement par la bouche
des Prophètes ! On en doute, après ce que vous en avez dit vous-même
en tant d'endroits de l'Evangile ? que dis-je, après ce que vous en avez
dit ? on en doute encore après ce que vous avez fait pour notre salut !
Votre incarnation, vos anéantissements, vos courses, vos sueurs, la joie
que vous faites éclater à notre conversion, les larmes que vous versez sur
nos égarements, ne peuvent pas nous persuader que vous ne nous perdez
qu'à regret !



L'Ecriture compare le petit nombre des élus aux grappes de raisins qui restent sur le cep après que le vendangeur y a passé. Les Pères ont dit que ce serait beaucoup s'il en échappait trois ou quatre de cent mille. Cela est vrai, mais de quoi vous mettez-vous en peine, pourvu que vous soyez de ces trois ou quatre ? Vous auriez sujet de trembler si, pour diminuer le nombre des bienheureux, après en avoir retranché tous les méchants, on excluait encore quelques-uns des bons ; mais vous êtes assuré que nul des bons ne peut être exclu. Quand de cent mille il n'y en aurait qu'un seul de sauvé, si vous êtes bon et juste, soyez sûr que ce sera vous; comme au contraire, quand, pour cent mille sauvés, il n'y en aurait qu'un seul de perdu, si vous êtes mauvais et coupable de quelque péché grief, soyez sûr que ce sera vous. (La Colombière, Sermon 56).


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Message par InHocSignoVinces »

[Inutile de savoir ici-bas le mystère].Si Dieu vous avait révélé que votre nom
est écrit au livre de vie, quel secours en tireriez-vous ? Le chemin de la vertu vous serait-il plus facile,
vos passions plus calmes, les objets sensibles moins agréables, les tentations plus aisées a surmonter,
votre constance plus forte, le démon moins subtil ? Vous sauriez si vous êtes prédestiné; mais, pour
l'accomplissement de cette prédestination, ne faudrait-il pas se mortifier, faire une pénitence sincère
et entière? n'auriez- vous pas les mêmes obstacles? Vous serez donc, avec cette connaissance, dans les
mêmes obligations où vous êtes. Mais si Dieu, d'un autre côté, vous faisait connaître votre réprobation,
quelle horreur saisirait votre esprit ! quel chagrin rongerait votre cœur ! quelles plaintes ne
feriez-vous pas contre Dieu qui vous aurait ôté la douce espérance que les réprouvés mêmes peuvent
avoir en cette vie ! Quelle rigueur, diriez- vous, de ce qu'il aurait prévu votre enfer avant même que vous
l'eussiez mérité ! Bien plus: si les prédestinés étaient sûrs de leur prédestination, ne voudraient-ils pas
avoir part aux plaisirs de cette vie? Car enfin les plaisirs ont des charmes qui ne laissent pas d'attaquer
les plus justes. Or, quand le frein de la crainte serait rompu par l'assurance de la pénitence
future que les prédestinés se promettraient, que ne feraient-ils pas?...


Persuadés de la fragilité de notre vie et de l'incertitude de notre salut, nous continuons de vivre dans le péché comme si notre salut était assuré : que serait-ce si nous étions assurés de notre prédestination ? Que si les prédestinés abusaient de la connaissance de leur bonheur, quel mauvais usage les réprouvés ne feraient-ils point de la connaissance de leur réprobation? Ils abandonneraient la vertu, ils tâcheraient, par les plaisirs de cette vie, de se dédommager des peines qu'is devraient endurer dans l'enfer. (Le P. de la Rue, Mercredi de la passion).


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Re: SUR LA PRÉDESTINATION ET LE PETIT NOMBRE DES ÉLUS

Message par InHocSignoVinces »

[C'est nous qui ne voulons pas notre salut]. Dieu veut votre salut, et non pas votre
perte: Nolo mortem impii, sed ut convertatur et vivat, dit-il lui-même dans
Ezéchiel. Mais vous-même voulez-vous votre salut ? Rien de plus douteux.
Mais, direz-vous, la volonté de Dieu pour votre salut, cela est bien incertain.
Ah ! pécheurs, voyez ce que Dieu a fait pour vous sauver et ce que
vous faites vous-mêmes. Je vois que Dieu vous a mis au monde, et par
conséquent vous êtes son ouvrage; il a lavé vos péchés dans son sang,
il vous a reculés des siècles de l'idolâtrie; il a mis un ange à vos côtés pour
vous observer et vous guider pendant toute votre vie ; il vous ouvre les
yeux avant que vous tombiez dans le péché: de sorte que vous n'y tombez
point qu'il ne vous fasse connaître auparavant le précipice. Enfin, il est mort
pour vous. Et vous, que faites-vous pour votre salut ? Ah ! non-seulement vous
ne répondez pas à tous ses soins et à ses faveurs, mais vous les détruisez par
avance ; vous regardez votre salut comme la dernière de vos affaires, et vous
dites que ce n'est pas Dieu qui veut votre salut ! Vous êtes dans un assoupissement
continuel, une indifférence entière pour votre salut, et vous voulez que Dieu vous
sauve lui seul ! Vous demandez qu'il vous signe l'arrêt de votre prédestination, et
vous ne voulez pas de votre part y contribuer en ce qui est nécessaire !
(Le même).


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