formation à l'humilité du chanoine Beaudenom

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Alexandre
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III. L'esprit de reconnaissance et générosité.

1/ Se juger indigne de tout, se voir pauvre, se sentir infirme; puis, les yeux au ciel contempler le Dieu infini, bon et maternel se penchant vers cette misérable créature pour la relever, la guérir, l'enrichir et l'aimer, n'est-ce pas donner au sentiment de la reconnaissance l'impression la plus vraie et le stimulant le plus puissant? or, c'est l'oeuvre de l'humilité.
L'ingratitude tient peut-être plus à l'inattention et à l'oubli qu'au manque de coeur. Placé en face de la bonté, l'homme tend naturellement vers elle; mais il passe trop souvent sans la voir. Les bienfaits divins nous enveloppent de toute part: ils sont de tous les jours; ils se répandent sur tous les hommes; et nous nous habituons à en jouir comme s'ils se produisaient eux-mêmes sans une pensée dirigeante.
Les bienfaits particuliers ne réveillent pas toujours notre attention distraite.
Les rapports surnaturels de Dieu avec notre âme sont en quelque sorte continuels.
Les grâces spéciales ne sont point rares; mais nos yeux, hélas! restent fermés.

Parfois, cependant quelque faveur nous les a fait ouvrir, et nous nous sommes écriés: que Dieu est bon!... Mais bientôt occupés autour de ses dons, nous l'avons oublié lui-même.
Nous ressemblons aux petits enfants qui se laissent combler de soins avec l'égoïsme de l'inconscience.

2/Or rien ne met en lumière les bienfaits de Dieu, rien ne rend la reconnaissance généreuse, comme l'esprit d'humilité: j'ai mérité l'abandon et je suis l'objet d'une sollicitude attentive!
J'ai mérité la haine, et je suis l'objet de l'amour!... Ce contraste pourrait se prolonger indéfiniment; il a toute l'étendue de nos misères et toute celle de la miséricorde. Il rappelle ce beau cantique des psaumes qui redit à chaque verset: "Quoniam in aeternum misericordia ejus: il me faut l'éternité pour chanter toutes vos miséricordes!"

3/ L'âme vraiment humble ne craint donc pas de regarder en elle les dons de Dieu; et le Magnificat, qui s'échappe de ses lèvres, procède de ces deux vues opposées, qui s'harmonisent et se complètent.
Autant la vue du bien qui est en nous est dangereuse quand elle demeure seule, autant elle est utile quand elle reste unie à sa contre-partie: la vue de la bonté de Dieu, source de ses bienfaits.
L'important est donc de nous tenir dans la vérité toute entière.
La légèreté d'esprit, l'attrait de la vaine complaisance, la louange surtout peuvent insidieusement entraîner l'âme hors de ce milieu naturel... ce sont là ses seuls ennemis.
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Alexandre
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QUATRIEME MEDITATION DE LA QUATRIEME SEMAINE

XXVè Exercice: De l'humilité de nos rapports avec le prochain

Premier point: Envers les supérieurs.
Deuxième point: Envers les égaux.
Troisième point: Envers les inférieurs.

Préparation pour la veille.
Il y a sans doute une humilité plus haute que l'humilité en face du prochain, car celle-ci a des limites.
En revanche, il n'y en a pas qui soit plus vertueuse, s'il est permis de s'exprimer ainsi: elle coûte habituellement, révolte parfois et se dément, hélas! bien vite.
Et pourtant, c'est elle qui est le soutien le plus solide de notre vertu: seule, une âme bien humble et toujours patiente; seule, elle a l'esprit juste et raisonnable; seule, elle attendrit le coeur: le nôtre, comme celui de nos frères.
Toute dureté, tout manque d'égards, tout égoïsme font sentir que l'humilité manque.
Dieu nous a donné un signe auquel nous pouvons reconnaître que nous l'aimons: c'est l'amour envers ceux qui nous inspireraient naturellement de l'indifférence ou de l'aversion. Il en est de même pour l'humilité. S'humilier devant Dieu, c'est facile, pourvu que l'on ait la foi; mais être humble envers le prochain, quel qu'il soit, c'est presque toujours héroïque.
A cette pierre de touche on reconnaît la véritable vertu d'humilité.
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MEDITATION

Prélude. Demander la grâce de comprendre ces devoirs jusque dans leur perfection, et de déterminer des résolutions très spéciales. cette méditation ayant un caractère éminemment pratique.

I. Envers le supérieurs.
Si nous sommes humbles par rapport à Dieu, nous le serons aussi à l'égard de nos supérieurs, car nous verrons et nous respecterons en eux l'empreinte de la divine majesté. Ce caractère sacré des représentants de Dieu, rayonnant sur toute leur personne, nous aveuglera quant à leurs misères individuelles; nous n'arrêterons plus notre pensée aux défauts qui nous rendrait leur supériorité pénible, insupportable peut-être, selon les vues humaines; toute notre conduite envers eux sera pénétrée par l'esprit de soumission intérieure et finale.

II.Envers les égaux.
L'âme qui vit dans le double sentiment de la grandeur de Dieu et de sa propre bassesse, ne se met avec personne sur le pied de l'égalité; pour elle, les égaux sont toujours, par quelque côté, des supérieurs; et c'est du fond du coeur qu'elle honore leur supériorité relative.
Son instinct est merveilleux pour découvrir dans les égaux des avantages naturels ou spirituels, devant lesquels elle se plaît à s'incliner intérieurement; des talents, des qualités, des mérites, qui sont autant de titres à ses respects et dont elle s'autorise pour s'effacer modestement.
Elle aime la dernière place parmi ses égaux et ne manque jamais de bonnes raisons pour s'en emparer. Bien loin de rivaliser avec personne, elle est toujours prédisposée à céder le pas, à déférer aux autres, à se ranger à leur jugement, à leurs goûts, à leur volonté.
Plût à Dieu que tous les hommes, dans leurs rapports mutuels, fussent animés de cet esprit!
Quelle parfaite union, quelle délicate charité règnerait entre eux, s'ils réalisaient le souhait de saint Paul:" In humilitate, superiores sibi invicem arbitrantes. pratiquez cette humilité qui fait que chacun regarde les autres comme ses supérieurs."

III.Envers les inférieurs.
Celui qui se considère dans la lumière de la vérité ne s'attribue aucune supériorité personnelle sur le prochain; en ce sens, il estime qu'il n'a pas d'inférieurs. "Ne comptez pas avoir fait le moindre progrès tant que vous ne vous sentirez pas au-dessous de tous.", dit l'auteur de l'Imitation.
S'il lui faut exercer de la part de Dieu quelque autorité, l'humble n'oublie pas son néant; il ne le perd pas de vue un seul instant.
Par sa sollicitude, son dévouement et sa douceur, il se fait le serviteur de tous.
Quand il leur rend des services de sa charge, il remplit avec joie les fonctions les moins relevées, il s'abaisse intérieurement devant eux, il s'agenouille en esprit, à leurs pieds, à l'exemple du divin Maître "qui n'est pas venu pour être servi mais pour bien pour se faire serviteur."
Il se met à la place de ses subordonnés, pour comprendre leurs difficultés et leurs peines, pour y compatir et les alléger. Il cherche à obtenir une obéissance spontanée, en la leur demandant du bon Dieu.
Jamais il ne leur fait de reproches publics, ni même privés, qui puissent offenser leur susceptibilité. C'est par une douce et invincible patience qu'il tâche de prévaloir sur les indociles.
Oh! si nous étions vraiment humbles, que nous aurions de puissance sur les âmes! La grandeur peut inspirer de la crainte; les talents de l'admiration; la simplicité et la modestie mettent les coeurs à l'aise, les attirent, les subjuguent, car ils ne peuvent s'empêcher d'y reconnaître l'image vivante de Celui qui fut l'humilité et la douceur mêmes.

Nota. A la cinquième semaine nous retrouverons l'amour du prochain dans une vue plus vaste.
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Alexandre
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CINQUIEME MEDITATION DE LA QUATRIEME SEMAINE

XXVIè Exercice: De la culture de l'humilité par l'extérieur

Premier point: Nous entourer d'humilité.
Deuxième point: Nous imprégner d'humilité.
Troisième point: Exhaler l'humilité.

Préparation pour la veille. "Les actes extérieurs de l'humilité, dit saint François de Sales, ne sont pas l'humilité, mais cependant ils sont très utiles, ils sont l'écorce de cette vertu, ils en conservant le fruit."

Les esprits superficiels ne se rendent pas assez compte de l'influence qu'exerce le physique sur le moral; l'humilité peut trouver dans les pratiques extérieures qu'elle commandent une répercussion qui favorise son développement. Il semble que les choses entrent en nous par les sens et y dépose leur genre d'impression.
Peut-être jusqu'ici ai-je regardé avec dédain ou du moins avec indifférence cette sorte d'action formatrice. Elle est pourtant à ma portée, mieux que tout autre; et elle n'est pas la moins puissante. Le gouvernail qui n'est dans le navire qu'une pièce de peu d'étendue, se trouve néanmoins le maître de la direction. Une attitude maintenue humble avec persistance peut conduire bien loin dans la vertu.
Et puis, un extérieur dépourvu d'humilité ne serait-il pas en contradiction avec la vertu intérieure, si elle est réelle? ou plutôt n'est-il pas permis de suspecter, comme bien peu active, une vertu qui ne pousserait pas son mouvement jusqu'à ses dépendances naturelles? Tout principe vivant crée l'harmonie.
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MEDITATION

Prélude. demander la grâce de m'attacher à quelque pratique spéciale d'un usage fréquent.

I.Nous entourer d'humilité.

Logement pauvre, surtout la partie qui nous est personnelle.
Vêtements modestes, aussi modestes que possible.
Pour notre société, de préférence les moins riches, les moins haut placés, etc.

Un logement personnel pauvre, des habits de dessous très pauvres et très raccommodés, etc., toutes ces indigences agissent sur nos impressions et nous inclinent à l'humilité... Un logement riche, des habits relativement riches, font le contraire.
Ces effets se produisent d'eux-mêmes et sans que l'on puisse s'y opposer.
L'acte bon ou mauvais dépend de notre volonté; mais l'impression dépend des choses.
Il est donc sage de s'entourer de tout ce qui entretien des impressions d'humilité.
Pourquoi également ne pas faire produire à cette cause tout ce qu'elle contient virtuellement? Ayons donc soin d'arrêter souvent nos yeux sur ce qui est pauvre autour de nous,.. de l'aimer,...de nous en faire heureux,... de nous répéter que cela nous convient à merveille,... que nous n'en méritons pas tant.
Mettons souvent sur nos lèvres ces simples paroles: "O Dieu, faites passer en mon coeur l'humilité de ces choses!"

II. Nous imprégner d'humilité.
Ayant établi son choix sur les objets qui nous entourent, cette vertu saintement envahissante sent grandir son ambition, à la vue des heureuses influences dont elles profitent. Notre extérieur, lui aussi, deviendra sa conquête; il recevra sa loi; il subira son empreinte; il sera tout imprégné de ses suaves attraits.
A son tour, il paiera son tribut à l'humilité intérieure, en lui procurant de nouveaux accroissements.
Là, en effet, s'applique le principe de corrélation entre physique et le moral. Une prudente contrainte qui modère la vivacité des mouvements, et l'aisance peu mortifiée de la tenue, et le ton dominateur de la voix, et la liberté des regards, communique à l'âme le sentiment de l'humilité. Elle est même un acte positif de cette vertu, puisqu'elle agit sous ses ordres. D'ailleurs, pour rendre son influence plus décisive, on peut y joindre son motif explicite: je n'ai pas le droit de me donner tant de liberté!
La puissance de l'exercice s'ajoute donc ici à celle de l'impression.
Une personne bien humble a un extérieur particulier, mélangé de candeur, de déférence et d'amabilité.
Point d'affectation: sa tenue, sa démarche, le ton de sa voix, ses regards, tout est empreint d'humilité; et la physionomie résume dans son expression cet harmonieux ensemble.
Se faire une physionomie douce et humble, quel secours pour nous, quel édification autour de nous, quelle puissance pour notre action sur les âmes!... l'image de cette vertu attire instinctivement...
Ah! puissé-je m'imprégner aussi d'humilité!...
Puissé-je n'en pas faire un seul acte au dehors sans en attirer au dedans le parfum!
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Alexandre
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III. Exhaler l'humilité.

Un vêtement imprégné d'un parfum l'exhale autour de lui; une humilité qui pénètre le coeur et l'extérieur, s'exhale tout naturellement de l'attitude, les actes et les paroles.
Cette vertu va du coeur, où elle réside, à l'extérieur qu'elle gouverne.
Elle y passe; elle y vit; on pourrait dire: elle y rayonne, car elle jette autour d'elle un éclat touchant.
Voyez cette personne humble. Elle aborde ses frères, même les moindres, avec les témoignages du respect; elle ne saurait s'en départir jamais; et si elle en varie la forme et l'atténue, c'est par sagesse et charité.
Choisir ce qu'il y a de moindre, céder le pas aux autres, les laisser diriger la conversation, paraître contente de tout et de tous... Voilà ce qu'elle fait de la façon la plus naturelle.
Ne parlant point d'elle-même, s'effaçant le plus qu'elle peut, elle n'aura point brillé dans une société; et pourtant, chose merveilleuse, elle aura répandu je ne sais quel charme.
On a respiré près d'elle un parfum si vrai qu'on le remarque à peine, et si profond qu'on en est pénétré... Dieu permet souvent que ceux qui en jouissent, ne songent point à la petite violette cachée qui le donne; et de tous, elle est celle qui s'en doute le moins...
Mais comme la vertu progresse à la faveur de ces constants abaissements! Elle s'y cache; et c'est beaucoup. Elle s'en fait un saint exercice; et c'est davantage... Chaque respect manifesté, chaque silence gardé, chaque contestation évitée, ont augmenté la force de l'habitude et le contentement de Dieu...
O Seigneur, c'est l'orgueil que respirent trop souvent mes paroles, mes empressements, mes manques d'égards, mes contestations, mes désirs de paraître, hélas! et mes tristesses aussi!
O Jésus! si doux et si aimable par cette vertu donnez-moi ce que je ne saurais me donner à moi-même!...

Résolution: O mon Dieu,je veux que tout en moi me serve à devenir humble. Je veux aussi que tout vous le prouve, tout, jusqu'au son de ma voix, jusqu'au moindre de mes sourires.
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SIXIEME MEDITATION DE LA QUATRIEME SEMAINE

XXVIIè Exercice: De l'amour du mépris

Premier point: Nature de ce sentiment.
Deuxième point: Ses mobiles.
Troisième point: Sa culture.
Quatrième point: Sa justification.

Préparation pour la veille.
Aborderai-je cette méditation qui semble si peu faite pour ma vertu! M'élever à l'amour du mépris, moi qui ne sais pas même en accepter les inévitables rigueurs! Moi, devant l'humiliation: que c'est bon! et remercier en quelque sorte les créatures par qui elle me vient! Moi la choisir de préférence, si le bien le permet!
Ah! ce serait le monde renversé; un miracle seul pourrait me transformer ainsi!
Et cependant, ô Jésus, du milieu de vos abjections, peut-être m'appelez-vous à en partager l'amertume et l'honneur?
Ne vous ai-je pas dit mille fois que je voulais être toujours près de vous, le plus prêt possible?
Ne vous ai-je pas demandé un coeur fait comme le vôtre?
Vous laisserai-je marcher seul vers les abaissements où vous allez à ma place?
Pourquoi du moins refuserais-je d'y conduire ma pensée?
La sereine contemplation d'une haute humilité fera rugir en moi des regrets sans doute, mais aussi des élans. Quoique de plus impulsif que le beau. Il émeut nos plus nobles facultés. Certaines âmes resteront peut-être stationnaires dans les voies de l'humilité, jusqu'au jour où cette vertu leur aura révélé son idéal.
Les considérations qui vont suivre sont formatrices: elles ont beau s'élancer ça et là, dans la région ardue des conseils et parcourir des hauteurs que notre pied n'atteindra jamais, elles ne laissent pas néanmoins d'exercer sur nous une action profonde. Ce sont des idées qu'elles font naître, des aspirations qu'elles soulèvent, des essais qu'elles déterminent: la conscience du vrai s'élève, et tend, de toute sa puissance, à élever avec elle la vie pratique.
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MEDITATION

Prélude.Demander la grâce de me dégager du sens humain; d'admirer ce que je ne puis encore atteindre et d'en concevoir du moins le sincère désir.

I. Nature de ce sentiment.

1/ Le mépris sincère de soi porte déjà bien loin l'humilité; mais par lui-même, il ne l'amène pas à ses dernières limites. Il suppose assurément des vues de foi très élevées et une courageuse logique; mais son effet s'arrête à une conviction pour ainsi dire platonique: nous restons le seul spectateur de notre bassesse, et l'aveu qui sort de notre bouche ne retentit qu'à nos oreilles.
L'amour du mépris va plus avant: il désire le mépris au grand jour, le mépris qui se lit sur le visage des autres: Ce n'est plus en face de nous seules que nous abaissons!
Nous passons de l'ordre de l'idée vague à l'ordre du fait positif, c'est le nuage qui se balance paisiblement dans les hauteurs: le fait, c'est l'orage qui fond sur notre tête et nous rudoie.
Le mépris de soi n'atteint qu'une des deux tendances qui forment notre fonds d'orgueil: l'estime personnelle;
_l'amour du mépris immole en outre le désir de l'estime.
_Ce deux ennemis à combattre, deux blessures à subir à la fois.
Puisque cet amour étrange est l'acte suprême de l'humilité, il est naturellement sa preuve la plus certaine. On a beau s'enfoncer dans le mépris de soi, on ne peut s'assurer d'une humilité complète qu'au contact du mépris des autres. Là seulement toute notre vie d'orgueil est en éveil, toutes nos fibres sont atteintes, et, pour que nous aimions un tel sacrifice, il faut que la vertu ait passé, pour ainsi dire, dans notre sang.
Si la révolte gronde, si des bouillonnements s'élèvent malgré l'acceptation, il faut en conclure, non à l'absence d'humilité, mais à sa seule imperfection: l'inclination vertueuse n'est pas assez profondément entrée dans la nature pour en transformer les impressions; mais elle est assez maîtresse de la volonté pour les vaincre; elle peut du moins, si elle est sincère, les désavouer. Un certain trouble est inséparable de cet état encore imparfait.
Si, au contraire, rien de violent ne se soulève dans la nature pour réagir contre l'humiliation, c'est que la nature est domptée la vertu a établi fortement son règne, et sous ce règne la paix s'étend imperturbable.
Que cette paix se sente pénétrée d'une intime douceur; qu'elle retentisse d'accent de joie: la vertu est parfaite. Elle va au devant de l'humiliation, elle l'embrase comme une amie; elle se complaît dans les abaissements qu'elle lui apporte, transformant en amour ses amertumes. De tels effets supposent une inclination d'un entière puissance: toute l'âme lui appartient jusque dans les profondeurs insondables de la sensibilité, jusqu'à ces mouvements instinctifs qui n'obéissent qu'à une longue habitude.

2/ Certains auteurs veulent distinguer deux degrés dans cette humilité.
Le premier serait le désir du mépris et le second don acceptation réelle. Ils confondent ici degré et priorité: le désir naturellement vient le premier, l'acte le suit; mais le désir peut contenir déjà autant de perfection que l'acte. L'acte aura cet avantage de porter avec lui la preuve, mais la preuve d'un sentiment n'est pas sa mesure. Cette mesure se trouve toute entière dans la solidité de l'habitude, dans l'intensité de l'inclination et enfin dans l'élévation des sentiments qui l'animent.
Rassurez-vous donc ô âmes saintes à qui sont épargnées les humiliations réelles, il vous reste de les désirer. Par là vous pourrez atteindre tous les sommets. Portez envie, si vous le voulez, aux victimes qui montrent à leur Dieu ce témoignage extérieur de leur abnégation complète, cette image plus parlante de son Fils; mais rappelez-vous que ce Dieu lit dans les coeurs et qu'à ces ses yeux les désirs sont de vrais actes aussi transformateurs que ceux du dehors, et qu'enfin, ils ont l'avantage de pouvoir être nombreux.
Le monde inférieur est si vaste, la vie qui l'anime est si intense, les prodiges qui le remplissent sont si étonnants! C'est le jardin secret où Dieu prend ses délices; c'est efflorescence printanière, dont tout le coloris brille pour lui seul, et dont tous les parfums lui sont réservés.
O vous qui comprenez et qui sentez les choses, tournez vos espérances vers le désir, cet agent créateur de tant de merveilles; et faites-en le principe d'une vie intérieure toujours plus active.

Le fait et le désir s'équivalent dans l'ordre de la vertu, nous venons de le voir; mais, si le désir a sur le fait cet avantage de pouvoir se renouveler le plus souvent, le fait a, de son côté, celui de provoquer une réaction plus vigoureuse.
La réalité saisit jusqu'à nos sens et saisit notre âme d'une façon violente. Contre un tel assaut, la vertu a besoin de rassembler toutes se forces: or, par l'intensité d'action qu'elle réclame, la lutte se présente plus animée, plus imposante, et se termine par une victoire plus belle et plus décisive.
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II. Mobiles de ce sentiment.

1/ L'amour du mépris peut résulter d'une vue très pénétrante de notre misère et surtout du souvenir très douloureux de nos fautes. Le sentiment du vrai éveille ici le sentiment du juste: je suis méprisable; je désire être méprisé; je dois aimer qu'on me méprise!

Une grande sincérité, une grande noblesse d'âme peuvent déterminer cette disposition. Il s'y joint ordinairement l'ambition de se réhabiliter et de réparer: l'humiliation sera ma rançon et je la veux entière!

2/ Il est rare cependant que l'amour du mépris ait cette seule origine. Il naît le plus souvent de l'amour divin et, de fait sans un grand amour, n'a peine à concevoir un telle rigueur contre soi-même.
Tous les motifs d'amour portent à s'humilier: l'amour ne peut prendre son parti d'avoir blessé son Dieu et il en éprouve une telle souffrance que l'humiliation vengeresse lui devient un soulagement; l'amour admire la beauté divine,et, face à face avec ses splendeurs, il rougit tellement de ses propres misères qu'il voudrait s'enfuir et se cacher. L'humiliation lui sert de refuge. De ce bas lieu il lui semble voir les grandeurs divines s'harmoniser avec sa petitesse et se laisser aimer de lui!

3/Sans être étrangers à ces sentiments, la plupart des fidèles arrivent à l'amour du mépris par l'amour tout simple du divin Sauveur. Qu'une âme aimante s'attache à ses pas; qu'elle l'aime assez pour ne pas accepter qu'il souffre seul un seule humiliation; qu'elle désire prendre sa place et se sent prête à tout, pour lui épargner un affront ou pour l'en consoler: voilà une humilité qui se surpasse elle-même, en empruntant à l'amitié sa noblesse, sa chaleur, ses ingénieuses ressources, sa constance forte comme la mort, sa domination triomphante. Jésus est dans l'humiliation et je m'y jette. Comme je la veux; avec lui je m'y complais. Le silence que je garde et qui me condamne, il l'a gardé; l'ingratitude qui me délaisse, il l'a subie, lui, jusqu'à la trahison!...
O perspective infiniment douce! à l'heure où devant les pires outrages Jésus appelait à lui l'amitié des apôtres et le secours des anges, il voyait, par sa préscience, accourir au lointain une troupe merveilleuse d'âmes consolatrices... J'étais l'une d'elles, ô Jésus, offrant à vos lèvres desséchées le calice réconfortant de mes propres humiliations aimées pour vous; et, dans votre soif douloureuse, vous avez daigné le boire en m'envoyant de ce lointain, un "merci" de vos lèvres blémies... Et je ne les accueillerais pas, je ne les désirerais pas ces occasions bénies qui m'ont rendu présent à votre calvaire!
Certes! Elles sont vôtres, ô Jésus, ces humiliations de ma pauvre vie, puisqu'elles vous sont offertes et que vous les avez acceptées; mais elles sont vôtres à un titre plus intime encore. Cette résignation qui les accueille, ce désir qui les invite résultent de dispositions que ne crée pas la nature; elles relèvent essentiellement de la grâce. Or la grâce, ô Jésus, n'est-elle pas le mouvement intime de votre action? Quand j'aime un abaissement, un mépris, c'est donc vous qui l'aimez par moi; je vous prête ma volonté, mon coeur et vous vous en serviez sur terre de votre volonté et de votre propre coeur. Ce que vous faisiez alors par vous-même, c'est par moi que vous continuez à le faire divinement!
Qu'y a-t-il en effet de plus divin que ce ravissant mélange de nos deux vies! Qu'elle n'est pas aussi ma joie de vous enrichir de quelques humiliations dont vous ne souffrez pas, et de me voir, moi, être infirme, grandi à ce point que je prolonge et que j'accroisse votre vie!... Dans l'éblouissement de ces révélations, le mépris transformé devient si aimable, que tout le coeur s'y porte, s'y complaît et s'y perd.
O Esprit saint, donnez-moi l'intelligence complète de ces grandes choses; remplissez-moi de l'amour qui leur ouvre les bras!
Utilisez-moi bien à vous, ô Jésus méprisé, pour que je palpite des sentiments qui animaient votre passé et que vous venez vous-même, à cette heure, faire vibrer en moi.
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III. Culture de ce sentiment.

1/ O vous qui ne comprenez pas de tels sentiments, rappelez-vous qu'ils sont surnaturels, c'est-à-dire au-dessus de notre portée et que Dieu seul les enseigne. O Père, soyez béni de ce que vous les avez révélés aux petits et aux humbles, tandis que vous les tenez cachés à la superbe, qui ne croit qu'en ses propres lumières. Ah! faisons-nous petits et humbles dans la mesure de notre grâce, petits et humbles devant Dieu, petits et humbles surtout devant les personnes qui nous entourent; ce sera le premier pas vers ces hauteurs.

2/Et vous, âmes timides, qui admirez ces nobles dispositions sans y prétendre, ne dites pas: c'est trop haut, c'est trop difficile!...
Trop haut pour votre taille actuelle c'est vrai; mais votre taille n'a pas atteint sa croissance dernière!
Trop difficile pour vos forces présentes? C'est encore vrai; mais ne savez-vous que, par l'exercice, les forces peuvent s'accroître d'une façon merveilleuse; et que l'action de Dieu, s'unissant à la nôtre, supprime toute impossibilité. Céderez-vous à cette lâcheté si humaine qui croit faire assez pour la vertu en lui rendant hommage? Non ce n'est pas assez.
L'admiration doit être un principe de mouvement qui soulève le désir, un idéal qui attire en haut, une chaleur qui développe l'énergie.
Si, à cette heure, vous sentez une lueur matinale se lever sur votre ciel, parte avec une espérance certaine; graduez votre marche; commencez par accepter d'un coeur plus ami les humiliations que vous ne pouvez éviter; ne cherchez pas de moyens extrêmes pour vous les épargner; écarter tout dépit; commandez-vous de vous dire à Dieu parfois: merci; soyez doux pour ceux qui vous ont humiliés, du moins priez pour eux!
A mesure qu'on s'élève, on entre dans une région plus lumineuse; le mystère de l'humiliation laisse deviner quelque chose de ses secrets, une invisible main toute-puissante fait franchir les obstacles et au besoin relève des chutes, paternellement.

3/ Appeler l'humiliation ne contredit pas la défiance de soi-même.
L'amour qui ambitionne de suivre Jésus jusque-là, compte avant tout sur sa grâce.
D'autre part, ne point l'appeler, mais l'attendre avec un secret désir, peut-être aussi parfait, quand un amour égal, par une délicate réserve, laisse à Jésus le soin de nous la départir à son gré. Toute la générosité de l'âme semble alors se ramasser sur elle-même prête au premier signal. C'est l'attente filiale, dont saint François de Sales fait un digne éloge.
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