Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Disons tout. Lidwine trouvait au sein même de sa famille de fréquentes et amères épreuves.Un de ses frères, en se mariant, avait amené une triste femme sous le toit paternel. C'était bien la plus acariâtre créature qu'on pût imaginer; elle eût rivalisé avec la femme de Job. Jamais contente, toujours et en tout il fallait qu'à tort ou à raison elle trouvât matière à se plaindre. Alors c'était un déluge effrayant de paroles sans fin. Par surcroît de malheur, elle ne parlait pas, mais elle criait à rompre la tête. Surtout, pour qu'il ne manquât rien aux charmes de sa conversation , elle avait invariablement soin d'assaisonner ses gracieux discours d'injures plus ou moins grossières... vrai tyran en un mot, espèce de démon domestique, elle faisait autour d'elle de nombreux martyrs. Et Lidwine était loin de lui échapper. Il n'y avait ni angélique douceur, ni éminente sainteté qui pût trouver grâce aux yeux d'une telle femme; la douce vierge était même sa victime de prédilection, sa victime de presque tous les instants. Un jour donc, le duc Jean de Bavière était venu, sous un sûr déguisement, s'entretenir avec la sainte de quelques affaires de conscience; la terrible femme survint. Ne connaissant pas le prince, comme toujours, sans gêne et n'importe à quelle occasion,elle se mit à quereller. Mais elle le fit tant et tant, elle arriva à un diapason si élevé, que le prince, impatienté enfin, s'écria : « Eh ! que veut donc cette hirondelle bavarde qui trouble à elle seule toute la maison ? mais c'est une calamité, qu'une semblable femme, Lidwine ! comment pouvez-vous la souffrir ? - Monseigneur, répondit la pieuse fille, il y a tout profit à bien supporter des personnes ainsi faites. Ou on les corrige en les gagnant à force de patience ; ou bien on se perfectionne soi-même de plus en plus par cet exercice incessant qu'elles fournissent à la vertu; ou tout au moins on évite de les jeter dans l'irritation qui ne ferait que les déchaîner davantage. » Le prince édifié admira cette réponse. Mais il avait besoin de silence ; il donna à cette femme quelques pièces d'argent pour l'engager à se taire, au moins jusqu'à son départ. Ce qu'elle fit ou à peu près... disent les historiens. Encore semblent-ils hésiter et n'être pas bien sûrs !

Combien d'autres vertus nous pourrions montrer ici à côté de l'humble et douce patience de notre sainte ! Que n'aurions-nous pas à raconter surtout sur son obéissance si surnaturelle, mais si entière, si prompte et si pleine d'abnégation ! Et aussi, sur cette beauté immaculée du cœur qu'elle gardait avec tant de pieux scrupule et qui resplendissait en elle d'un tel éclat que, même pendant sa vie comme après sa mort, tout le monde, à Schiedam, ne l'appelait que la Vierge !

Mais devant nous restreindre, nous nous hâtons d'arriver à celle de ses vertus qui a rempli et dominé toute sa vie, à celle qui est le foyer comme la plénitude de toutes les autres vertus, en embrassant, dans une même étreinte, et Dieu et les hommes. Nous arrivons à la charité !

Ouvrez la porte de votre cœur à une vertu ; bientôt elle appellera toutes les autres, car les vertus sont sœurs, comme les vices sont frères !
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE X.

Charité ou amour des pauvres.

Puissance de l'inspiration chrétienne.- Pauvre et crucifiée, Lidwine est une providence. - Sainte milice qu'elle organise. Les pauvres sont des rois ! - La viande salée. - Une malheureuse épileptique et le flacon de vin. - Six aunes de drap. - La bourse de Jésus.- Une femme charitable merveilleusement consolée.- Bien fait immédiatement rendu. - Admirable vision au ciel.

Il y a, dans le christianisme, une activité merveilleuse, une puissance inouïe de fécondité qui, à elle seule, suffit à démontrer son caractère divin. Et c'est un spectacle éloquent autant que sublime que celui qu'il nous donne quand il fait jaillir ou des trésors du sein de la pauvreté, ou la vie et la joie des entrailles même de la douleur.... comme autrefois Dieu fit jaillir des mondes splendides du fond même des abîmes du néant !

Voici une pauvre femme couchée sur un pauvre lit de paille. Elle est là avec son affreuse misère, immobile, torturée par une maladie sans nom, presque depuis son enfance et pour jamais. Que peut-on lui demander, à cette femme ? en quoi veut-on qu'elle s'occupe du reste des hommes ? Elle a bien assez, vraiment, de ses propres douleurs ! Lui demander de s'estimer heureuse de son lamentable sort serait déjà une ironie cruelle ; mais lui demander de venir en aide, de faire du bien à l'humanité, ne serait-ce pas une sorte de sanglante injure ? Tout au plus, ce qu'on peut raisonnablement espérer d'elle, c'est qu'elle n'attriste point trop le monde du spectacle de ses plaies comme de ses désespoirs, en attendant qu'elle s'éteigne et meure dans sa douloureuse et inévitable inutilité !

Eh bien ! avec le christianisme il n'en est pas ainsi. Parce que le christianisme a touché cette femme au cœur, non-seulement elle n'a pas d'affreux désespoirs, mais elle trouve dans ses douleurs qu'elle bénit un charme inconnu, des suavités qui la ravissent jusqu'à l'héroïsme de la patience, presque jusqu'à l'extase du bonheur... ce qui déjà évidemment est un immense bienfait pour elle, un immense bienfait aussi pour l'humanité qu'elle enseigne et fortifie par un tel exemple. Mais il y a mieux encore. Voilà qu'il se fait dans cette âme un mouvement d'amour, une vie qui a besoin de se dilater. Cette pauvre femme ne se souvient plus ni de sa pauvreté, ni de ses souffrances ; il lui faut, et elle cherche, elle appelle autour d'elle, pour les soulager, toutes les souffrances, toutes les pauvretés. Au besoin, elle enfantera des prodiges; à elle seule, dans sa misère, elle fera plus de bien, elle consolera plus de douleurs que tous les opulents d'une cité, ou même d'une province !

Lidwine était en effet la douce providence des pauvres, des affligés, de tous ceux qu'atteignait le malheur. De toutes parts on venait à elle comme on vient à une mère, et toujours, pour tous,elle avait d'inépuisables secours. Aux pauvres elle donnait ce qu'elle avait, tout ce qu'elle avait jusqu'à la dernière obole. Quand elle avait tout donné, elle donnait encore; car alors, aux pauvres comme aux affligés, elle donnait des larmes, des encouragements, elle donnait des consolations qu'elle puisait dans les trésors de son cœur, des consolations si douces, si affectueuses, si vraies que ceux qui avaient reçu l'aumône du pain ne s'en allaient jamais plus heureux que ceux qui n'emportaient que cette sainte aumône du cœur !

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Nous l'avons dit plus haut : Dieu, pour l'éprouver de toute façon, avait permis dans le principe que la bienveillance à son égard se refroidît parfois d'une manière sensible ; aussi, on ne lui faisait alors que de rares offrandes. Mais quand on l'avait vue, dans sa charité ardente, ne rien accepter, ne rien garder pour elle de ces offrandes si modestes et, malgré son extrême misère, ne penser qu'à ses pauvres,pour leur tout donner avec tant d'amour, on était revenu à elle avec des aumônes et plus nombreuses et plus abondantes. Dès lors, elle avait pu élargir le cercle de ses bonnes œuvres. Le soulagement des malheureux qui se présentaient chez elle n'avait même bientôt plus suffi à sa sollicitude.Ceux qui ne pouvaient pas, ceux qui n'osaient pas venir, fallait-il donc les délaisser ?

En conséquence elle organisa, sous son pauvre toit, comme une sainte milice de servantes des pauvres. C'étaient de pieuses femmes qu'elle avait su gagner, au cœur desquelles elle avait mis une étincelle du feu divin qui la dévorait et elle les envoyait par les rues, par les galetas de Schiedam, à la découverte des indigents, des malades, des infirmes, à la recherche de toutes les douleurs. De son lit, elle dirigeait tout, elle présidait à tout. C'était elle qui ordonnait les moindres détails. « A ce vieillard, il faut donner tels soins ; vous porterez tels secours à cette pauvre mère ; pour cet infirme, apprêtez tels aliments et de telle façon ; surtout n'oubliez pas de faire aujourd'hui tels achats, de faire telles provisions demain...;» car elle allait jusqu'à penser aux provisions. En hiver, par exemple, elle faisait saler de considérables quantités de viandes qu'elle distribuait, une fois l'été venu, à ses chers indigents.

Aucune souffrance d'ailleurs ne lui échappait et elle savait surprendre les plus secrètes douleurs. Ainsi il y avait à Schiedam plusieurs familles, riches naguère, mais que les circonstances avaient réduites à une pauvreté d'autant plus douloureuse qu'elles s'efforçaient de la dérober à tous les regards. Lidwine n'y fut point trompée. Elle devina, avec son cœur, ce qu'il y avait d'affreux dans cette misère qui succédait au bien-être et qui n'osait se révéler; sa charité en fut vivement émue. Avec une sorte d'ardente prédilection, elle s'attacha à ces malheureuses familles et veilla sur elles comme une mère. Soulagements, secours de toute espèce, elle leur envoyait tout, mais toujours avec tant de discrétion et de secret, avec une telle délicatesse de respect et de ménagement pour leur fierté que c'était en réalité les sauver deux fois.

Du reste, quand les ressources venaient à lui manquer, elle n'abandonnait point pour cela ses bien-aimés pauvres. Alors elle quêtait; elle se faisait mendiante pour leur trouver du pain. Elle appelait près de son lit quelques personnes fortunées ; et devant elles, elle plaidait en faveur de ceux qu'elle nommait ses enfants. Comment résister à cette parole si tendre, si pathétique ?Comment refuser quelque chose à cette émouvante misère implorant la pitié, non pour elle, mais pour d'autres misères ? Aussi, toujours, en même temps que des larmes d'attendrissement, quelque nouveau trésor tombait, quelque trésor qui peut-être fût resté enfoui, mais que Lidwine se hâtait de mettre à profit, en consolant d'autres douleurs et en répandant de nouveaux bienfaits.

Qui pourrait compter les indigents, les malades, les infirmes, les pauvres honteux, les orphelins, les vieillards qu'elle secourut ainsi ! L'imagination s'effraye devant tout ce qu'elle distribua en pain, en viandes, en vin, en remèdes, en bois, en linges, en vêtements, en argent même, en secours de toute espèce !

Et ce n'était qu'une pauvre femme, couchée dans une affreuse misère, martyrisée sur un lit de paille par d'incroyables tortures !
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Quelquefois même, pour ses bien-aimés malades, pour ses pauvres tant chéris, elle allait jusqu'à la magnificence. « Catherine, disait-elle à une pieuse veuve qu'elle employait à ses bonnes œuvres, Catherine, aujourd'hui vous irez au marché, vous achèterez ce que vous trouverez de plus délicat et vous l'apprêterez le mieux possible pour nos pauvres. Oh ! Voyez-vous, nos bien-aimés pauvres, ce sont des rois, les rois du ciel ! Ce sont d'autres Jésus-Christ ! Il faut bien, au moins de temps en temps, les traiter avec honneur ! Allez, ma sœur, fermez les yeux sur la dépense. Dieu saura bien pourvoir à tout !»

Et Dieu en vérité ne restait pas en arrière. Plus d'une fois il se plut à montrer combien lui étaient agréables et cet amour des pauvres et cette filiale confiance en lui. Plus d'une fois, pour récompenser Lidwine et multiplier ses joies en multipliant ses bienfaits, comme aussi pour bien laisser voir au monde que cette magnifique charité n'était pas une charité humaine, prenant sa puissance dans les seules forces humaines, il glorifia notre sainte en daignant miraculeusement augmenter ses ressources.

Un jour,- et, Lidwine ce jour-là avait plus de trente pauvres familles à pourvoir : c'était après le terrible incendie, - elle avait envoyé ses femmes à sa provision de viande salée. Au bout d'un certain temps, ces femmes reviennent précipitamment près d'elle. « Lidwine, Lidwine ! criaient-elles, un miracle ! un grand miracle ! nous avons beau puiser dans votre provision ; nous avons servi déjà et abondamment trente familles, et votre provision ne diminue pas le moins du monde ! - Eh bien ! répondit la sainte, remercions Dieu ; c'est un prodige que je dois non à mes mérites, mais à sa bonté. Vous savez qu'il a dit : Donnez et le Ciel vous donnera ! Et on continua la distribution. On y revint d'autres fois, on y revint souvent. Cette viande merveilleuse se multipliait toujours ! Les pauvres en vivaient; on en servait aux pèlerins qui visitaient Lidwine; sa famille aussi s'en nourrissait; même les riches de Schiedam voulaient en avoir et en mangeaient par dévotion, tant le prodige était incontestable ! Mais cette énorme consommation n'y faisait rien ; toujours la provision durait... Pendant longtemps ce fut un précieux et inépuisable trésor.

Un autre jour, une pauvre femme épileptique entr'ouvrit la porte. La malheureuse venait d'être foudroyée en pleine rue par une crise plus terrible que jamais, si terrible que tout le monde avait fui épouvanté, la laissant se débattre dans son effrayant mal ; et enfin, revenue à elle, mais brisée, à bout de forces, dévorée surtout d'une intolérable soif, elle entrait chez Lidwine, elle criait : « A boire ! Oh ! à boire ! Donnez-moi à boire ! » Lidwine, oubliant qu'il lui restait un peu de vin, car à cette époque elle prenait encore quelque légère boisson, Lidwine lui indiqua du doigt un vase plein d'eau. Mais d'un trait ce vase fut épuisé, et la pauvre femme criait encore : « Oh ! que j'ai soif !» La mémoire alors revint à la vierge; elle s'empressa de montrer son vin. Mais ce vin aussi disparut. Ce n'était qu'une goutte jetée sur un brasier ardent. Toujours l'infortunée répétait : « A boire ! Oh ! Donnez moi à boire !- Tenez, dit enfin la vierge attendrie en lui offrant une pièce de monnaie ; avec cet argent, ma fille, allez demander de quoi éteindre votre cruelle soif. » Et la pauvre épileptique partit.

Or, quelques heures plus tard, Lidwine, brûlée par la fièvre, dévorée à son tour par une soif horrible,demandait à son père accouru près d'elle quelques gouttes de vin sur ses lèvres pour les rafraîchir. La sainte fille avait oublié déjà que, ce vin, elle l'avait fait boire à l'épileptique. Ne sachant rien, le père va, prend le flacon, le présente à sa malade chérie. Mais Lidwine s'est tout à coup souvenue. O bonté de son Dieu ! Non Seulement le flacon est plein, mais il est plein, ce flacon sur lequel se sont collées les lèvres de l'épileptique, d'un vin délicieux comme jamais elle n'en a goûté et qu'elle boit sans peine, elle qui ne peut qu'avec difficulté, que goutte à goutte prendre n'importe quelle liqueur ! Ce miracle resta permanent, Lidwine, pendant plusieurs mois, sans l'épuiser, se fortifia à ce vin de la divine bonté.
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Autre bienfait, autre merveille. La pieuse vierge venait d'apprendre qu'un pauvre prêtre n'avait pas même des vêtements conformes à la dignité de son caractère. Elle avait dès lors voulu pourvoir à ce besoin et immédiatement elle envoya chercher une étoffe convenable. Mais on eut beau courir chez tous les marchands de Schiedam. Il fallut revenir près de la sainte sans avoir rien trouvé. « Mon Dieu ! fit alors, comme sans y penser, une femme qui venait d'entrer chez Lidwine, j'ai bien chez moi une étoffe précisément de couleur noire et je voudrais de grand cœur que ce qui en restera pût être suffisant; je l'abandonnerais volontiers. - Vraiment ? reprit vivement la vierge, vous avez une telle étoffe ? - Oui, Lidwine, mais je suis folle en vérité d'en parler; je n'en ai que six aunes et quand j'aurai levé ce qui m'est nécessaire à ma fille et à moi, que peut-il en rester Qu'importe ? ma sœur; montrez-moi votre étoffe; qui sait ? Dieu aidant, peut-être y trouverions-nous de quoi suffire à tout. » L'étoffe est donc apportée. Lidwine la prend, fait semblant de vouloir la mesurer, se servant pour cette opération de sa bouche et du bras que le mal a épargné. Mais dix fois, vingt fois le mouvement se renouvelle. et la pièce d'étoffe s'y prête, s'allonge toujours. Elle s'allongea si bien qu'on y trouva un ample vêtement pour le pauvre prêtre, d'amples vêtements aussi pour celles qui l'avaient fournie, pour la fille et pour la mère. « Mais c'est inouï ! s'écriaient ces femmes stupéfiées. Mais, Lidwine, lui disaient-elles en l'obsédant, mais expliquez-nous donc comment cela s'est fait !-C'est Dieu, mes sœurs, répondit l'humble vierge, c'est Dieu seul qui, par le ministère de mon bon ange, a vêtu ce pauvre prêtre sans cependant vous frustrer d'une étoffe dont vous aviez besoin. »

Remarquons-le. L'immense charité de Lidwine semblait aller quelquefois jusqu'à provoquer la bonté de Dieu, jusqu'à la forcer en quelque sorte à seconder par de tels prodiges l'ardent besoin qu'elle avait de trouver dans de plus abondantes ressources une plus grande puissance d'expansion. Dieu, de son côté, répondait avec amour à cette généreuse et sainte provocation de son enfant. En voici une admirable preuve.

Quelques années avant sa mort, elle perdit son frère Wilhelme. Père malheureux, Wilhelme ne laissait pour héritage à ses pauvres enfants que d'énormes dettes auxquelles évidemment on ne pouvait faire honneur, même en acceptant la plus affreuse misère. Cette découverte brisa le cœur de Lidwine. Mais à un cœur comme le sien des larmes ne suffisent pas. A sa charité, il faut l'action; au besoin, avec sa confiance, elle tentera même l'impossible ! Donc, sur le-champ, elle fait vendre quelques mauvais meubles laissés par Wilhelme, et de plus un bijou, le dernier qui lui restât, chère et sainte relique qu'elle gardait de sa mère. Meubles, bijou, tout cela forme une somme de huit livres de Hollande qu'elle ferme dans une bourse. Puis, elle fait demander, elle appelle près de son lit un parent qui avait toute sa confiance. « Mon cousin, lui dit-elle, voici une bourse; avec l'argent que vous y trouverez, allez, payez les dettes de mes neveux, toutes leurs dettes jusqu'à un denier ; quand vous aurez fini, vous me rapporterez le reste.» Le parent se met aussitôt en route, trouve tous les créanciers, paie chacun d'eux et revient. La bourse paraissait bien ronde encore ! « Videz-la, dit Lidwine, afin que je sache ce qui m'est resté. » Il la vide sur une table, tout en disant : « Mais enfin, voilà une bourse étrange ! Quels trésors donc y avait-on mis ? J'ai payé je ne sais combien sans qu'elle ait cessé de suffire. A présent, voilà qu'il semble que rien n'y manque ! - Mais comptez donc ! reprend Lidwine. Alors il se met à compter. - Recommencez, je vous prie, ajoute la malade. Une deuxième, une troisième fois il recommence. Eh bien! combien reste-t-il ? Ni plus ni moins, ma parente, il vous reste huit livres. - Huit livres ? s'écrie Lidwine avec transport... Huit livres ! la somme précisément que vous aviez emportée... Mon Dieu, soyez béni ! cette bourse désormais ne s'appellera plus que la Bourse de Jésus !

Le nom convenait on ne peut mieux. Cette bourse en effet resta inépuisable. De nombreux témoins et des plus graves l'ont eue entre leurs mains, ont vu l'argent s'y multiplier. Lidwine toutefois n'y touchait jamais tant qu'elle avait quelque ressource d'ailleurs. Mais quand les aumônes lui manquaient, quand elle était prise au dépourvu, elle y puisait largement et Dieu sait avec quelle magnificence alors elle comblait de largesses ses pauvres tant aimés ! Le jour où elle mourut, on trouva près d'elle cette miraculeuse Bourse de Jésus. Elle était encore à moitié pleine !
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Ajoutons que Dieu ne s'en tenait pas à toutes ces merveilles. Pour mieux montrer combien cette charité de sa servante était précieuse à ses yeux, il se plaisait à la bénir de temps en temps, d'une manière non moins admirable, jusque dans ceux qui autour d'elle la pratiquaient en son nom et sous son inspiration.

Il y avait, par exemple, au nombre des personnes que Lidwine employait à la visite et au service des pauvres, une femme qui lui avait inspiré une particulière affection et qui en réalité en était digne. Piété, dévouement à toute épreuve, par-dessus tout zèle ardent pour les œuvres charitables, on trouvait en elle toutes les meilleures qualités. Mais par malheur elle était le plus souvent d'une noire tristesse que rien ne pouvait distraire et qui faisait pitié !

Un jour Lidwine l'appelle près de son lit. « Ma sœur, lui dit-elle d'un ton de voix plein d'un indéfinissable attendrissement, allez au marché, je vous prie. Vous achèterez pour nos malades et nos infirmes les meilleurs poissons que vous pourrez trouver; puis vous les apprêterez de la façon que vous savez leur être le plus agréable. Je me sens aujourd'hui un irrésistible besoin de réjouir un peu ces membres souffrants de Jésus-Christ. » Et la pieuse femme était aussitôt partie, prompte comme Marthe, quand on lui annonça qu'elle aurait l'insigne honneur de recevoir à sa table son Sauveur même et son Dieu.

Mais pendant qu'elle s'empressait, Lidwine de son côté, comme Marie aux pieds de Jésus, se mettait à prier pour elle et, avec des transports de ferveur, appelait sur tant de dévouement une récompense que le divin Maître lui semblait ne pouvoir pas refuser.

Enfin la charitable messagère revint. « Ma bien-aimée sœur, se hâta de dire la vierge, et il y avait dans ce mot une extraordinaire effusion de cœur, avez-vous fait ce que je vous ai demandé ? L'avez-vous fait ? - Oui, répondit celle-ci, avec son triste sourire, avec son air de sombre mélancolie, oui, je l'ai fait le mieux que j'ai pu. - Eh bien ! ma très-chère, vous avez fait une chose des plus agréables à Dieu et je crois qu'il va vous récompenser. Demandez-lui ce que vous inspirera votre conscience, ce que vous croyez pouvoir le plus vivement désirer. J'appuierai votre prière, auprès de notre bon et puissant Maître, de toute la ferveur dont je serai capable. - Ah ! Lidwine, reprit la pauvre femme en tremblant d'émotion, ce que je désire ? ce que toute mon âme ambitionne ? Mais si vous me l'obteniez, vous seriez pour moi une sœur, non, ce n'est pas assez dire, vous seriez pour moi une mère, la plus vraie, la meilleure de toutes les mères, et je vous aimerais de tout l'amour dont un enfant peut aimer sa mère ! - Alors demandez, continua la malade attendrie. - Mais, Lidwine, qu'allez-vous penser ? Oh ! si vous saviez comme je suis malheureuse ! quelle affreuse tristesse me dévore ! Et je suis triste, voyez-vous, horriblement triste, parce que j'ai énormément péché ; parce que, sachant ma faiblesse, je tremble de ne pas rester fidèle à Dieu jusqu'à la fin ; c'est tout à la fois l'avenir et le passé qui se dressent devant moi et qui m'épouvantent ! Oh ! Demandez donc au Seigneur et le pardon de mes fautes et la grâce de ma persévérance.Tout le reste ne m'est rien, je l'abandonne à votre charité. - Vous demandez beaucoup, ma bien-aimée sœur, répondit la sainte ; car le pardon et la persévérance, c'est tout. Mais ayons confiance, et, pour ma part, je supplie ardemment notre Sauveur d'écouter votre prière; il est bon et miséricordieux et il n'aspire qu'à nous exaucer.»

A ces mots, à l'instant même où la vierge prononçait ces mots, l'humble femme sentit se passer en elle quelque chose d'inouï. Il lui semblait qu'on ôtait de son cœur un immense fardeau, que toute son âme s'ouvrait à une lumière et à des joies jusque-là inconnues. Elle était dès ce moment comme transfigurée. La tristesse avec ses découragements s'était enfuie pour ne plus revenir. L'espérance, la paix, toutes les allégresses et toutes les délices de la vertu formaient désormais le cortège de sa vie. C'était l'aumône qui avait opéré ce prodige; une fois de plus s'était réalisée, même dès ici-bas, la parole de Celui qui a dit : « Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu'il leur sera fait miséricorde !»
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Une autre fois, notre chère crucifiée avait près d'elle un homme dont elle connaissait la piété. Avec toute sa simplicité habituelle, elle lui fit une demande où la charité, comme toujours, était intéressée. « J'ai, lui dit-elle, quelques pauvres que je voudrais réconforter, que je ne serais même pas fâchée de régaler tant soit peu, car il faut bien de temps en temps les dédommager de la dure abstinence à laquelle trop souvent ils sont condamnés; pourriez-vous me donner pour eux un morceau de lard ?– Oui, Lidwine, et bien volontiers, répondit l'obligeant visiteur ; je le puis même avec d'autant plus de facilité que je viens précisément de faire ma provision. » Puis le digne homme rentre chez lui, le cœur tout embaumé de cette sainteté avec laquelle il s'est entretenu, de cette émouvante charité qui se fait mendiante pour Jésus-Christ. Déjà sa résolution est formée. Ce n'est plus un simple morceau de lard qu'il détachera de sa provision ; à quoi bon et comment pourrait-on marchander quand les saints se donnent eux-mêmes si admirablement ? Lidwine aura tout ; c'est sa provision tout entière qu'il prend et il la lui fait porter.

Alors que se passa-t-il dans le cœur de la vierge ? Quelle prière fit-elle à son Époux dans l'effusion de sa charité ainsi réjouie ? Dieu le sait; mais à peine quelques instants s'étaient-ils écoulés, que le pieux ami de notre sainte, rentrant par hasard dans l'appartement d'où sa provision venait de sortir pour aller chez Lidwine, pousse tout à coup un cri, un grand cri d'étonnement et d'admiration. C'est une provision nouvelle qu'il trouve, une provision et plus ample et plus belle ! Toute sa famille accourt,tout le voisinage bientôt est là. Le fait était humainement inexplicable ; il fallut bien y voir l'action de Dieu qui avait voulu faire comprendre combien lui est agréable la main qui s'ouvre pour donner, et, en même temps, récompenser son serviteur que ce miracle d'ailleurs rendit plus que jamais dévoué à la vierge, généreux envers les pauvres et plein de courage et d'ardeur dans toutes les voies de la piété.

Or, tous ces miracles , ou plutôt toutes ces ressources fournies à sa charité par tant de miracles inspiraient à notre sainte une profonde reconnaissance. Mais cette reconnaissance elle-même était souvent récompensée ; une fois entre autres, elle le fut d'une manière qui dut, de plus en plus, vivement enflammer son zèle.

Elle avait l'habitude, quand elle envoyait quelques femmes porter des secours à ses pauvres, et aussitôt ces femmes parties, de se mettre en prière. Avec une angélique ferveur, elle remerciait l'Auteur de tout bien de la faveur qu'il lui faisait en daignant l'associer au privilège le plus doux comme le plus glorieux de sa divinité, c'est-à-dire en lui permettant de répandre autour d'elle quelques bienfaits et, un jour qu'elle accomplissait ce touchant devoir, elle eut une vision.

Elle voyait dans les cieux une admirable lumière et elle montait avec d'autres âmes vers cette lumière. Avec ces âmes enfin elle entrait dans le ciel ! Quelle magnificence ! Quelle splendeur ! Et voilà qu'elle voyait venir les anges, les bienheureux, tous les élus de l'éternel royaume, tous revêtus d'une éblouissante majesté ; et Marie, le diadème au front, était au milieu d'eux, mille fois plus belle encore, mille et mille fois plus éclatante de gloire ! Et pendant qu'elle s'enivrait de bonheur à ce spectacle, des tables somptueuses s'étaient dressées ; les saints avaient apporté dans des vases précieux et déposé sur ces tables des vins et des viandes. Et un ange, se détachant du chœur glorieux des esprits, était venu à l'humble vierge, et la saluant avec respect : « Lidwine, lui disait-il, regarde ces vins, regarde ces viandes sur ces tables; ce sont tes aumônes !» Et la vierge, avec une inexprimable félicité, voyait que ces grossières viandes qu'elle avait données aux pauvres étaient transformées comme en des viandes célestes, exhalant un divin parfum ; elle voyait que ce vin qu'elle avait envoyé dans des vases d'argile aux malades et aux vieillards, c'était maintenant, là, dans le ciel, comme un vin d'immortelle vie qui coulait dans des vases d'or. Et elle entendit une incomparable symphonie. Puis, Marie ayant donné le signal, le festin commença. Les anges, les prophètes, les apôtres, les martyrs, les prêtres, tous les saints avaient pris place au banquet. Et Lidwine était avec eux, au milieu d'eux. Et elle servait tous ces élus de Dieu, et les élus de Dieu la servaient ! Avec eux, comme eux, elle était bienheureuse !

Ainsi Dieu glorifie dans le ciel les aumônes de la terre. Faire l'aumône, c'est prêter à Jésus-Christ ; car Jésus-Christ a dit: « Ce que vous ferez au plus petit des miens, c'est à moi-même que vous l'aurez fait !»
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE XI.

Charité ou zèle pour le salut des âmes.


Sages conseils que donne Lidwine aux jeunes personnes, aux artisans, à ceux qui sont dans l'aisance, aux époux, aux âmes inquiètes et mobiles, à une veuve, à un religieux appelé à l'épiscopat. - A tous, elle recommande le travail, l'accomplissement des devoirs de l'état, l'obéissance à l'Église et aux supérieurs, la charité


Mais, Lidwine le savait, au dessus de la misère des corps, il y a une misère bien autrement désolante, celle des âmes ! Et par conséquent, au-dessus de la charité qui s'occupe des besoins terrestres et prend garde aux souffrances de la chair, au cri de la faim et du froid, il y a la charité qui prend souci de l'âme, qui s'ingénie à guérir ses ignorances et ses plaies, qui la moralise et la réhabilite, en la ramenant sur la voie de ses glorieuses destinées. En d'autres termes, au-dessus de l'aumône du pain et du vêtement, il y a l'aumône de la vérité et de la vertu, l'aumône de l'instruction et du conseil ; deux charités, deux aumônes, c'est-à-dire deux sœurs, marchant ensemble et se donnant la main ; l'une, c'est le temps, mais l'autre c'est l'éternité ; celle-ci c'est la terre, mais celle-là c'est le ciel !

Nous le répétons, Lidwine le savait, et autant la charité qui fait du bien aux âmes l'emporte sur la charité qui fait du bien aux corps, autant elle trouvait dans son cœur et dans sa foi plus d'élan et d'ardente passion pour l'aumône qui moralise que pour l'aumône qui rassasie. Un zèle de feu la dévorait. Elle eût voulu pouvoir, dans les étreintes de ce zèle, sanctifier le monde entier ! De près, de loin, par les conseils qu'elle donnait, par les supplications qu'elle envoyait, par tous les moyens en son pouvoir, il fallait qu'elle gagnât des âmes à la vérité et au bonheur, c'est-à-dire à Jésus-Christ.

Un vaste champ d'ailleurs lui était ouvert. Sa chambre qui ne désemplissait pas de visiteurs pieusement avides était devenue comme un sanctuaire où elle exerçait un apostolat aussi fécond qu'étendu. C'étaient toutes les conditions, tous les âges qui se pressaient autour de son lit. Il y avait là des artisans , des hommes en place, des femmes de tout rang, des jeunes gens, des vieillards, d'illustres grands seigneurs, des prêtres, des religieux, même des évêques ! Et à tous, même aux religieux et aux prêtres, même aux évêques, la sainte crucifiée donnait d'admirables conseils. Elle n'était qu'une humble et ignorante fille, sans lettres, sans étude; mais elle avait appris ce qu'on n'apprend pas dans le livre des hommes ou aux leçons des plus grands maîtres ; avec sa foi et son amoureuse patience, elle savait lire et elle lisait si bien dans le divin livre de la croix !

Aussi, quelle science profonde elle montrait, quel zèle ardent elle déployait, quand elle parlait des intérêts du salut, quand elle enseignait aux justes les moyens qui font persévérer, aux pécheurs les moyens qui réhabilitent ! Comme alors sa parole était douce, pressante, saintement onctueuse ! Il fallait bien en emporter quelque chose ! Et toujours on s'en allait meilleur d'auprès d'elle. Les mondains avaient moins d'attachement pour ce monde dont elle venait de leur dire le néant ; les jeunes gens étaient plus décidés à cette vie régulière dont elle leur avait vanté les charmes, et les prêtres, en la quittant, se sentaient le cœur tout embrasé d'un généreux enthousiasme de respect et d'amour pour la sublimité de leur vocation et la sainteté de leur ministère.

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

Les jeunes personnes surtout excitaient toute sa tendre sollicitude. A ses yeux, leur grand péril, le poison le plus mortel pour leur innocence, c'était l'oisiveté. « Non, non, leur disait-elle, ne soyez jamais un seul instant oisives ! Ah ! quand vous êtes pieuses et modestes, vous êtes si belles devant Dieu ! Mais prenez garde ! vous avez dans l'oisiveté un ennemi terrible qui vous épie pour vous découronner ; et cet ennemi-là ne vient jamais seul ! Derrière l'oisiveté, il y a toujours la dissipation, le plaisir, l'amour de la parure, l'orgueil et de funestes liaisons !»

« Mes amis, disait-elle aussi aux artisans, aimez votre profession, aimez le travail. Votre profession, c'est une noblesse, car Jésus-Christ a été artisan comme vous. Mais le travail, c'est l'honneur et la joie avec le bien-être, comme le désœuvrement, c'est le vice et la honte, avec la misère par-dessus !»

Même aux personnes dans l'aisance, elle conseillait quelque labeur, quelque commerce, toujours une occupation quelle qu'elle fût. « Que dois-je faire dans ma position nouvelle ? lui demandait une veuve, venue pour la consulter. - Travaillez, répondit la sainte. - Mais je n'ai pas d'enfants. - Travaillez, néanmoins. - Mais, sans être riche, j'ai assez de fortune pour couler en paix mon existence. - Travaillez toujours. - Mais à quoi bon, puisque tous les miens sont morts et que je n'ai point à redouter la misère ? –Travaillez, vous dis-je ! Travaillez pour éviter, de toutes les misères, la plus dangereuse et la plus terrible, c'est-à-dire l'oisiveté. - Mais quel travail donc voulez-vous que j'entreprenne ? – Celui-là même qui vous a réussi. Vous êtes habile dans la confection des étoffes de laine, il faut y revenir. - Mais, Lidwine, ce retour au commerce peut m'entraîner à la cupidité, à trop d'attachement aux biens de ce monde ; je crains d'y exposer mon âme. - Ah ! ma sœur, je crains bien autrement pour vous les tentations du désœuvrement. Et d'ailleurs , contre la cupidité, il y a un remède facile autant qu'infaillible : travaillez pour les pauvres ; ou tout au moins, au nom de Jésus-Christ et par amour pour lui, partagez avec les pauvres tous les bénéfices que vous obtiendrez ; il y aura de cette façon profit pour vous de tout côté !»

Quand c'étaient des époux qui l'interrogeaient, elle leur conseillait avant tout une chrétienne et sainte union. « Là est le grand secret, leur disait-elle, pour embellir votre vie. Oui, aimez Dieu et soyez unis ! Ensemble priez, mutuellement supportez-vous. Ensemble, parlez souvent, par la prière, le langage des anges ; parlez toujours, par la paix, le langage des saints, et Dieu descendra au milieu de vous ; il viendra, comme aux premiers jours du monde, se promener dans le paradis terrestre de votre cœur pour y causer familièrement avec les pensées et les désirs de votre âme. »

« Gardez-vous, répondait-elle à d'autres personnes inquiètes et mobiles, toujours prêtes à maudire l'état de vie où elles sont, et à regretter celui où elles ne sont pas, gardez-vous bien de semblables imaginations. Vous dépaysez la sainteté en la supposant possible ailleurs seulement que là où vous êtes. Pour vous, la sainteté, ce n'est ni tel autre lieu, ni tel autre état, mais c'est l'état même où Dieu vous a placées, cet état bien compris, chrétiennement accepté dans ses difficultés par votre courage, et dans ses peines par votre résignation. L'homme le plus saint n'est pas celui qui a le plus saint état; c'est celui qui accomplit le mieux, quels qu'ils soient, les devoirs de l'état dans lequel la divine Providence l'a engagé.»

« Quant à vous, dit elle un jour à un religieux qui passait presque sa vie à changer de maison, dans l'espérance de changer aussi de conduite et d'arriver à plus de perfection, vous vous trompez étrangement, mon frère. Vous ressemblez à un homme qui, désolé d'être pauvre, s'imaginerait, pour s'enrichir, de voyager à grands frais ! Comptez en effet tout ce que vous dépensez de piété en rêves, en désirs, en soucis, en démarches, en dissipations de toute espèce, chaque fois que vous entrez dans quelque nouvelle communauté. Somme toute, qu'avez-vous gagné ? Votre pauvreté spirituelle s'est augmentée de toutes ces dépenses de la route, voilà tout ! Vous n'êtes pas meilleur dans cette nouvelle maison que dans celle que vous avez quittée ; car, vous avez beau faire, vous vous portez partout vous-même ; quelque part que vous alliez, vous vous retrouvez toujours avec vos propres misères, et ce n'est jamais tel ou tel lieu qui vous sanctifiera ! Laissez donc tous ces changements, tristes voyages de l'âme qui n'aboutissent qu'à la ruiner. En fixant votre tente là où Dieu vous a placé, faites-vous au fond de votre cœur comme un saint ermitage où vous aimerez à vous renfermer pour y prier dans le silence, pour y cultiver l'humilité et le renoncement sous le seul regard de Jésus-Christ, et vous verrez comme alors votre solitude fleurira, comme bientôt vous vous enrichirez en faisant chaque jour une plus abondante moisson de courage et de piété, de grâces salutaires et de généreuses vertus ! »
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

Message par Laetitia »

N'oublions pas de mentionner ici une des préoccupations les plus vives de son zèle si éclairé et si pieux. Elle s'efforçait en toute rencontre d'inspirer à tous ceux qui l'approchaient une inébranlable fidélité à l'Église. « Obéissance ! obéissance ! aimait-elle à répéter; l'enfant n'apprend à marcher et à parler qu'en obéissant à sa mère ; le disciple ne devient habile dans sa science ou dans son art qu'en demandant des enseignements, c'est-à-dire qu'en obéissant à son maître; et l'Église, pour le chrétien, c'est sa mère, c'est son maître, c'est le seul maître qui puisse efficacement l'enseigner, car c'est Jésus-Christ lui même qui lui parle par elle ! »

« D'ailleurs, ajoutait-elle, qu'on le veuille ou non, c'est là une question de vie ou de mort. Avec l'Église, vous avez infailliblement la lumière, la vérité, la vertu, toute la perfection; mais si vous cessez d'obéir à l’Église, vous cessez inévitablement de prier, de vous confesser, de communier, en un mot d'être chrétien dans la pratique. Et, comme il faut toujours que vous obéissiez, n'obéissant plus ni à Jésus-Christ, ni à son Église, c'est à l'homme que vous obéirez, à la passion, à l'orgueil ou à la haine, à l'ambition ou à la volupté, c'est-à-dire c'est à la dégradation et à toutes les misères du vice que vous marchez !» Aussi la sainte fille regardait-elle le mépris de l'autorité ainsi que des commandements de l’Église comme le symptôme le plus effrayant qui pût caractériser l'état moral d'un peuple ou d'un siècle.

« Au sein de l'Église, disait-elle encore, obéissez à votre confesseur qui tient sa place et continue en son nom, près de vous, la mission même de Jésus-Christ. A lui, à tous les supérieurs que le Ciel vous a donnés, obéissez toujours, en tout, humblement, sans hésitation et de grand cœur, absolument comme si Dieu vous parlait. C'est dans cette obéissance que vous trouverez le repos de l'âme et vous ne le trouverez que là ! »

Un jour, un religieux de l'ordre de Cîteaux se présentait chez notre vierge. Une grande parole était venue le troubler dans sa cellule; on lui avait annoncé qu'il était désigné pour l'épiscopat, et il hésitait, il s'épouvantait de l'immense responsabilité qui allait peser sur lui, il ne pouvait se décider à accepter le terrible honneur qu'on lui offrait ; il venait dans son angoisse, consulter l'admirable crucifiée. « Lidwine, lui dit-il en ayant l'air de parler pour un autre, car il ne voulait pas qu'elle connût qu'il s'agissait de lui, un de nos frères est appelé à l'épiscopat, mais il résiste. Il croit n'avoir ni les talents ni les vertus que réclame une telle dignité; sentiment de sa faiblesse, perspective de grands dangers à courir, tout le jette dans l'effroi, peut-il refuser ? - Mon Père, répondit la vierge qui ne se méprit nullement sur la réalité du personnage en question, j'ai bien peur que toutes ces magnifiques raisons ne soient qu'un dangereux subterfuge. Dites-moi, en règle générale, un homme est-il obligé d'obéir, quand les supérieurs ordonnent ? - Oui. - Quand cet homme s'est, de plus, enchaîné par les vœux de religion, s'appartient-il et peut-il à son gré disposer de lui ? – Non. - Dès lors, mon Père, la question semble tranchée. Ne me parlez ni d'incapacité, ni d'imperfections prétendues ; le vrai juge en ce double point, d'ordinaire ce n'est pas le subordonné, c'est le supérieur lui seul. Oui, on peut redouter, on peut fuir les honneurs ; on peut même soumettre à l'autorité de respectueuses observations ; mais, après cela, résister encore, ce n'est plus de l'humilité chrétienne, c'est refuser d'aller au poste assigné par Dieu pour faire uniquement sa volonté propre ; en d'autres termes, c'est désobéir ! Or, sur ce chemin-là, mon Père, les grâces deviennent rares, les écueils sont nombreux ; on trouve des dangers bien autrement redoutables que ceux qu'on avait prétendu éviter !» Et la servante de Dieu avait dit vrai ; car notre religieux, s'étant obstiné dans son refus, passa plus tard par de telles tribulations qu'il avoua que mille fois mieux aurait valu pour lui accepter humblement un honneur plein de périls, mais qu'il n'avait pas cherché et contre lequel la grâce d'en haut l'aurait protégé, que de rester dans l'obscurité aux dépens de l'obéissance et par amour du repos et de la liberté.

A tous ces enseignements, à chacune de ces inspirations de son zèle, la sainte fille mêlait toujours, bien mieux que nous ne saurions le redire, la douce onction comme les pressantes leçons de sa charité. « Aimons-nous les uns les autres, disait-elle alors même qu'elle en donnait le si touchant exemple ; c'est le grand commandement ; c'est, de toutes les vertus, la première et la plus haute ; là se trouve la perfection dans toute sa plénitude ! » Et parfois on l'entendait s'écrier avec un accent plein de douloureuse tristesse : « Oh ! pourquoi nous aimons-nous si peu ? Ne sommes-nous pas les enfants d'un même père, réunis à une même table par les mêmes sacrements ? Ne sommes nous pas, tous, les héritiers des mêmes espérances, les citoyens futurs d'une même patrie ? Pourquoi donc nous voit-on trop souvent nous haïr, nous entre-déchirer comme des ennemis sur un champ de bataille ? Pourquoi ces divisions, ces procès, ces querelles ? Pourquoi ces médisances et ces calomnies ? Ah ! C'est mal, c'est trop mal employer notre temps ! Nous avons bien autre chose à faire ! Nous avons tant d'enfants, de vieillards, de malades, de pauvres qui demandent des secours ! Nous avons tant de douleurs personnelles qui nous assiègent nous-mêmes ! Insensés que nous sommes ! Embarqués sur le même vaisseau, perdus sur le même océan,battus par la même tempête, au lieu de nous donner la main et de nous entr'aider pour adoucir l'horreur du passage, nous nous disputons, alors même que les flots menacent de nous engloutir ! »

Regardons autour de nous : Quel précieux bien nous pourrions faire à ce pauvre, à cet ignorant, à cette âme affligée, à ce jeune homme que l'inexpérience égare, avec un affectueux conseil, avec un seul mot dit à propos et par le cœur !
Répondre

Revenir à « Actualité et thèmes secondaires »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 0 invité