L'Incarnation - Hymne de Saint Jean Damascène

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Laetitia
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L'Incarnation - Hymne de Saint Jean Damascène

Message par Laetitia »

  La Vie Spirituelle, mars 1925 a écrit :
Saint Jean Damascène, hymnographe.

Parmi les Pères et les Docteurs de l'Église grecque, saint Jean Damascène n'est pas pour nous l'un des moins connus.
Ce qui paraît d'abord en lui, c'est le théologien qui, par un labeur assidu, s'appliqua à condenser dans un ouvrage d'ensemble tout ce que les anciens avaient dit « de la foi orthodoxe » et, précurseur de la scolastique, sut faire de cette apparente compilation une somme parfaitement ordonnée.

A d'autres son souvenir est plus cher parce qu'ils aiment à se rappeler le pieux auteur qui professa envers Notre-Dame un culte tout particulier et, l'un des premiers, chanta dans ses homélies les louanges de la Vierge avec une tendresse et une grâce que même un saint Bernard n'a jamais dépassées. Ceux qui ont pénétré davantage au cœur de sa vie ont fait connaissance avec le moine observant et austère, tout recueilli dans le silence de sa cellule au monastère de Saint-Sabbas, ignoré du monde et connu de Dieu seul, vivant dans la contemplation des divins mystères ou attaché sans relâche à la méditation des saintes Écritures ou recueillant enfin, dans quelques petits traités pleins d'expérience et de finesse, les secrets d'une ascèse à laquelle il avait été ponctuellement fidèle.

Pourtant, dans cette figure, un trait nous reste moins connu. Saint Jean Damascène n'est pas seulement le théologien et le Docteur qui clôt presque la grande lignée des Pères de l'Église grecque ; il est encore un auteur liturgique, un hymnographe, — car le terme de liturgiste prêterait plutôt à confusion, — et sur ce point, loin de clore une série, il est vraiment un initiateur : tous ceux qui vinrent après lui le prirent pour modèle, et c'est sur les huit tons fixés par lui que les mélodes du moyen-âge composèrent les canons et les tropaires encore en usage dans l'Église d'Orient.

Qui dira l'intérêt que présente ici l'étude de saint Jean Damascène ? Nulle part en effet il n'est inférieur à lui-même. S 'il fait montre en cet endroit de qualités nouvelles, qualités du mélode et du poète, grâce et délicatesse de traits, vivacité de couleurs et d'images, aisance, simplicité, spontanéité de l'artiste et du peintre, il n'abandonne rien des qualités du Docteur et réunit ainsi dans ses compositions nouvelles aux charmes de l'hymnographie la valeur doctrinale des œuvres théologiques.

Étudier ses chants liturgiques, ce n'est donc pas s'arrêter à quelque poésie aimable et frivole, à des fioretti gracieux dont il ne reste rien que des cadences recherchées et une forme vide de sens ; tout au contraire, c'est faire œuvre de patristique et de liturgie, c'est-à-dire une œuvre qui réunit en soi les deux aspects nécessaires de la parfaite théologie : la doctrine avec la prière. Qu'est-ce que la doctrine si elle ne passe pas dans notre prière, et qu'est-ce que notre prière si elle ne s'alimente pas à la doctrine ? Et quand la doctrine est ainsi présentée sous la forme de la prière, ne semble-t-il pas que toutes les voies soient ouvertes pour que l'Esprit vienne embraser les âmes et les ravir en Dieu ?
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Laetitia
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Re: L'Incarnation - Hymne de Saint Jean Damascène

Message par Laetitia »

...la fête de l'Annonciation, [ramène] sur le cycle de la prière byzantine un des plus admirables Canons que le saint ait composés à la louange de la Vierge. Que l'on considère en effet ce qui fait l'objet de son chant, et l'on n'aura pas de peine à reconnaître avec quelle ampleur, quelle richesse de vie, quelle puissance d'idées, il a traité son sujet.

Extérieurement la scène de l'Annonciation paraît bien simple, presque pauvre; il suffit de lire le récit de l'Évangile, si plein de fraîcheur et de virginale discrétion : un premier émoi, quelques mots et l'acquiescement complet, et c'est tout. Mais le mélode, comme un contemplatif et un saint, s'est arrêté devant cette scène et l'a méditée longuement. De son regard pure, il a pénétré jusqu'à la réalité invisible qui se déroule au second plan de l'Annonciation de l'Ange, et il a scruté le mystère de la conception virginale. Dévotement, et néanmoins audacieusement, il en détaille tous les aspects merveilleux, tous les contrastes inouïs, surprenants, et parce que Dieu n'a point accompli un tel prodige sans le préparer, il appelle à lui, pour en donner l 'explication, tout ce que l'Ancien Testament « et les dires des prophètes » pouvaient apporter de figures et de symboles pour l'annoncer et le rendre plus croyable.

Un mot semble l'avoir particulièrement frappé, il y concentre toute son attention, et son chant n'en est que la reprise et l'incessant commentaire. Ce mot, c'est la réponse faite à l'ange par la Vierge : Comment cela sera-t-il ? Quomodo fiet istud ?

Pour saint Jean Damascène, Notre-Dame a immédiatement compris quelle maternité lui était offerte. Les expressions magnifiques du céleste messager ne laissent pas de doute à ce sujet, il ne pouvait être question que du Messie : Hic erit magnus, et Filius Altissimi vocabitur... Notre-Dame n'ignorait pas son origine divine, et elle au moins n'avait pu se méprendre sur le vrai sens de la prophétie d'Isaïe annonçant qu'il naîtrait d'une Vierge. Dès lors, comment n'a-t-elle pas vu que sa virginité, bien loin de mettre obstacle à cette maternité merveilleuse, lui en faisait prendre mystérieusement le chemin ?

La difficulté n'a point échappé à saint Jean Damascène, et il la pose dès le début de son chant — chant I, strophe 3 pour y donner solution de la manière la plus simple. A son avis, Notre-Dame n'a pas fait la moindre objection à la parole de l'Ange, elle comprenait que sa virginité n'était nullement mise en cause, et d'avance elle était soumise en toute humilité et obéissance à une vocation qu'elle n'avait pas cherchée, pas demandée. Ce qu'elle dit à l'Ange prend alors un tout autre tour. Ce n'est plus l'objection embarrassée, déguisant à peine le refus d'une chose impossible, c'est l'interrogation discrète appelant un surcroît de lumière : pour obéir ! Et dès lors, les paroles suivantes de l'Ange, au lieu de paraître la rassurer, deviennent la réponse directe à la question posée par elle : Vous voulez savoir comment vous concevrez. Voici : Spiritus Sanctus... Sans doute, cela n'explique pas la merveille, le mélode le dit bien — chant III, str. 2 — ; il n'y a pas plus à expliquer le mystère de l'Incarnation que le mystère de la Trinité. Mais la Vierge est fixée, et elle n'est plus inquiète de la conduite à tenir : fiat !
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Laetitia
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Re: L'Incarnation - Hymne de Saint Jean Damascène

Message par Laetitia »

 L'interprétation soutenue ici par saint Jean Damascène revient de la façon la plus nette dans sa deuxième Homélie sur la Dormition de Notre-Dame, là où il passe brièvement en revue toute la vie de la Vierge. On la retrouve encore dans la courte légende qui se lit, le jour de la fête, à l'office de l'Orthros, dans le recueil des Ménées. Dès lors, on peut dire qu'elle est l'interprétation reçue dans l'Église grecque. — Peut-être ne plaira-t-elle pas à tous les esprits. Au reste, il ne s'agit pas ici de l'imposer, mais de proposer simplement une explication qui peut apporter à quelques âmes la lumière souhaitée sur un passage qui n'est pas des moins mystérieux de la sainte Écriture.

D'aucuns penseront, avec raison, semble-t-il, qu'une question de ce genre était pour le moins assez surprenante de la part de la Vierge, et que, si elle avait besoin d'un supplément d'information, le Seigneur aurait pris soin de l'instruire lui-même, si bien qu'elle n'avait rien de plus à faire qu'attendre en silence son intervention, comme elle devait en agir plus tard à l'endroit de saint Joseph. Pourtant, il est juste de le reconnaître, les situations étaient assez différentes : là il ne s'agissait que de souffrir, et Notre-Dame pouvait ne point vouloir agir jusqu'à ce qu'il plût à Dieu de la délivrer; ici au contraire il s'agit d'obéir, d'obtempérer à un ordre formel et immédiat : tout naturellement la question se pose : Comment faire ?

Il y a peut-être une autre explication, et saint Jean Damascène achève ici par un trait remarquable l'interprétation qu'il a donnée. Les Pères n'ont pas manqué de signaler le contraste,qui existe entre la scène de l'Annonciation et celle de la tentation d'Ève au paradis terrestre : d'un côté, sous la forme du serpent, l'ange maudit traitant avec la première femme de la perte du genre humain; de l'autre, un ange encore, mais l'Ange du Seigneur, traitant avec la nouvelle Ève de la rédemption de ce même genre humain, et l'humble obéissance de celle-ci réparant les suites de l'orgueilleuse révolte de la première. Docile à la pensée des Pères, saint Jean Damascène n'a eu garde de négliger ce rapprochement, et voilà pourquoi il suppose très nettement dans la question de la Vierge une marque de défiance. L'ange lui parle, mais quelle preuve a-t-elle que cet esprit de lumière n'est pas encore le tentateur venu pour surprendre sa simplicité ? Même quand il aura répondu, la Vierge hésitera à le croire, et elle ne se rendra qu'après avoir reçu de lui l'assurance qu'il était vraiment messager du Très-Haut. Ce n'était pas incrédulité, mais prudence, et saint Jean Damascène n'a que des éloges pour cette virginale réserve qui semble bien donner l'explication dernière du mot de Notre-Dame...

(à suivre)
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Message par Laetitia »

Si la première impossibilité tenait à l'ordre de la nature, il en est d'autres d'un ordre plus savant qui appellent encore l'attention du contemplatif, et c'est ici qu'en théologien, le saint mélode aborde — au chant IVe — ce qu'on peut appeler la scène spirituelle : le mystère de la conception virginale. L'ange l'a dit : Spiritus Sanctus superveniet in te. Mais : Quomodo fiet istud ? Comment une chair mortelle, une nature créée pourra-t-elle ainsi supporter le contact et l'opération de la Divinité ? — A cette question ? il n'est pas de réponse, si ce n'est de rappeler comment, protégé par la vertu d'en-haut, le buisson de l'Horeb supporta sans se consumer l'embrasement d'un feu immatériel. Là encore on retrouve en saint Jean Damascène le disciple des Pères qui se plaisaient à reconnaître dans ce merveilleux prodige une des figures les plus manifestes de la conservation de Notre-Dame.

Mais si Dieu par sa puissance peut surmonter la faiblesse de la créature, n'y a-t-il pas de son côté des difficultés invincibles ? Comment Celui qui est sans commencement pourra-t-il naître dans le temps ? l'Infini que rien n'embrasse, habiter le sein d'une Vierge ? le Verbe immatériel se revêtir de chair et mener sur la terre une existence visible ? A ces questions il n'est plus de réponse, Dieu sait comment il doit réaliser le mystère, seulement il l'a promis. C'est ce que l'ange dit à la Vierge— chant V, str. 3 et 4 —; elle ne résiste plus, l'heureux message est accueilli — chant VI, str. 1 —, et une joie débordante remplit alors tout le chant du mélode. On dirait un divin transport que la Vierge et l'ange s'y renvoient tour à tour. En traits rapides, saint Jean Damascène marque les bienheureux effets de ce consentement qui répare le consentement malheureux de la première femme ; ensuite — chant VII — accumulant les images les plus brillantes que lui fournissent les Écritures pour désigner Notre-Dame dans sa divine maternité, il la glorifie avec enthousiasme comme le Temple de Dieu, son Arche vivante, le palais de l'Époux, le flambeau de la Lumière et la Mère de la Vie.

Tel est dans ses grandes lignes le Canon de saint Jean Damascène sur l'Annonciation. Tout y est simple et magnifique, tout y procède avec ordre et clarté, tout s'y développe avec aisance et avec grâce, et la doctrine que l'on recueille tout au cours de ce chant n'est pas moins précieuse que l'allure n'en est aimable. La forme même du dialogue qu'inspire à l'auteur la scène de l'Annonciation ne fait qu'accentuer ces qualités et rendre plus sensibles les charmes du discours par la facilité plus grande qu'elle lui donne d'exprimer les sentiment et les réflexions de la Vierge, tels qu'ils pouvaient se suivre en son âme, tels aussi qu'une humble et dévote contemplation lui permettait de les y découvrir. Bien que factice, le procédé ne laisse donc pas d'être profondément vrai, puisqu'il pénètre jusqu'au silence de la Vierge et nous révèle son cœur.

Dom P.-B. LEPLUS, O.S. B.
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Canon de Saint Jean Damascène sur l'Annonciation.

On appelle canon dans la liturgie grecque une série de neuf chants qui forment, avec accompagnement de psaumes, la trame de l'office de l'Orthros ou des Matines. Si l'on songe que chacun de ces chants peut avoir jusqu'à quatre strophes, on aura une idée de l'ampleur des offices byzantins, mais on concevra aussi quelle latitude est offerte par là à un mélode de talent pour traiter un mystère ou chanter une fête.

On sait que la particularité de ces chants consiste en ce que le texte en est soigneusement composé selon le rythme et les périodes d'une phrase musicale prise d'abord pour type et qui revient exactement la même à toutes les strophes. Il n'est peut-être pas exagéré de dire que ce genre n'est ni de la prose ni de la poésie, mais qu'il est essentiellement musical, puisqu'au principe de chaque chant il y a une mélodie. Assurément, pour assujettir ainsi la phrase à des jeux non moins variés qu'exigeants, sans rien perdre toutefois de la suite de la pensée, il ne fallait pas un mince talent. Il est vrai que les mélodes avaient à leur disposition les ressources d'une langue défiant toute musique. — Dans notre traduction, les lignes ne représentent donc pas des vers ; elles tendent à reproduire plutôt les périodes de chaque type musical.

Pour relier les divers chants du Canon, les mélodes aimaient à se servir d'un acrostiche. Ici, l'acrostiche est des plus simples c'est l'alphabet grec. Mais ses 24 lettres ne réunissent que 24 strophes, c'est-à-dire les six premiers chants. C'est de cette partie que nous donnons la traduction.(*)
(*) dont j'ai volontairement transformé tutoiement en vouvoiement.

(à suivre)
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Message par Laetitia »



CHANT I. — Type : (Anixo to stoma mou.) (*)
Je vais ouvrir la bouche, et l'Esprit la remplira,
et je proférerai une parole à la Reine qui est Mère,
et l'on me verra dans la joie proclamer ses louanges
et célébrer avec bonheur sa Conception
(1).

Prélude. Voix de David.
Qu'il vous chante, ô Notre-Dame, sur la lyre de l'Esprit,
David votre aïeul, disant : Écoutez, ma fille (2),
la voix de l'Ange si pleine de charme,
elle vous annonce une joie qui ne se peut dire.

Reprise de l'Ange.
Oui, je vous dis avec bonheur : Prêtez une oreille attentive,
quand de Dieu je vous annonce la conception virginale,
car vous avez trouvé grâce devant le Seigneur,
telle qu'une autre jamais ne trouva, ô toute-Pure.

La Vierge.

Ange, faites-moi connaître la vertu de vos paroles :
comment sera ce que vous dites ? dites-moi bien clairement
comment je concevrai, jeune fille qui suis vierge,
et comment je deviendrai Mère de mon Créateur ?

L'Ange.

Vous vous dites, à ce qu'il semble, que je parle sans droiture,
et j'ai plaisir à voir votre défiante réserve.
Ayez confiance, ô notre Dame, car quand c'est Dieu qui veut,
aisément on parvient même à bout de l'impossible.


(1) Il faut bien entendre qu'il s'agit ici de la conception active, ce qui fait l'objet même du mystère de l'Annonciation.
(2) Cf. Ps. XLIV, II.
 (*) "Anixo to stoma mou" : "Ma bouche s'ouvrira."
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CHANT III (1). — Type :
Fortifiez, Mère de Dieu, source vivante, inépuisable,
de ceux qui disent vos louanges la confrérie (2) spirituelle
et en votre sainte conception rendez-les dignes des couronnes de gloire.


La Vierge.
Le sceptre est déchu de Juda (3), désormais le temps est venu
auquel doit apparaître le Christ espoir des Nations (4),
mais comment l'enfanterai-je étant vierge, indiquez-moi.

L'Ange.
Vierge, vous voulez savoir le mode de votre conception,
mais il est inexplicable ; le Saint-Esprit l'opérera,
de sa puissance créatrice, vous couvrant de son ombre.

La Vierge.
Mon aïeule accueillit la suggestion du serpent,
et du bonheur divin se trouva bannie ; j'ai peur moi aussi
de votre étonnant salut, craignant qu'il ne me perde.

L'Ange.
Assistant de Dieu, j'ai mission de vous dire son divin conseil.
Pourquoi me craindre, ô toute-Pure, quand c'est moi qui vous crains ?
Pourquoi me révérer, ô notre Dame, en tout respect qui vous révère ?


(1) Par suite de l'omission du deuxième type aux jours de fête, le chant correspondant fait également défaut dans la composition.
(2) Litt. la thiase, terme consacré pour désigner dans le paganisme les adeptes d'un culte.
(3) Gen., XLIX, 10.
(4) Cf. Is., XLII, 3 (LXX). Matth., XII, 21. Rom., xv, 12.
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CHANT IV. — Type :
Celui qui siège dans la gloire, au trône de la Divinité,
Jésus le souverain Dieu est venu sur la nuée légère (1),
instrument sans souillure, pour sauver ceux qui chantent :
« Gloire soit, ô Christ, à ta toute-puissance ! »


La Vierge.
Oui, j'ai bien entendu qu'une Vierge sacrée enfanterait,
quand jadis le Prophète fixa le jour d'Emmanuel (2) ;
mais je voudrais savoir comment de la Divinité
une chair mortelle soutiendra le contact.

L'Ange.
Le buisson fut un signe (3), ô Vierge pleine de grâces,
de l'ineffable mystère qui s'accomplit en vous,
quand, recevant la flamme, il resta sans atteinte :
car après l'enfantement vous resterez toujours vierge.

La Vierge.
Éclairé de l'éclat du Dieu tout-puissant,
héraut de vérité, Gabriel, parlez-moi sans détour ;
comment, ma pureté se conservant intacte,
porterai-je dans la chair le Verbe incorporel ?

L'Ange.
Tel un esclave près de sa dame, je tremble près de vous ;
le respect me saisit à votre pensée, ô Vierge :
comme la pluie sur la toison (4), tel descendra en vous
le Verbe du Père, selon le mode de son choix.



(1) Is., XIX, 1.
(2) Ibid., VII, 14.
(3) Ex., III, 2.
(4) Ps. LXXI, 6. Cf. Jud., VI, 37.
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CHANT V. — Type :
Le monde est en extase de votre gloire infinie,
car sans connaître le mariage, ô Vierge, dans votre sein
vous portâtes le Seigneur Dieu et enfantâtes le Fils éternel,
à tous ceux qui vous louent qui apporte le salut.

La Vierge.
Je ne puis saisir la portée de vos paroles,
car souvent des prodiges par divine puissance
sous la Loi s'accomplirent, en symbole et figure,
mais jamais vierge n'enfanta sans le secours de l'homme.

L'Ange.
C'est inouï, Immaculée, car nouvel est votre prodige,
car toute seule vous recevrez le Roi souverain, en votre sein
qui se va incarner, et c'est vous que présageaient
les dires mystérieux des Prophètes et ces symboles de la Loi.

La Vierge.
Celui que nul n'embrasse, que nul ne contemple,
comment pourra-t-il habiter le sein d'une vierge
que lui-même a formée, et comment concevrai-je Dieu,
le Verbe sans commencement comme le Père et l'Esprit ?

L'Ange.
A votre aïeul David quand il fit la promesse
« de placer de son sein sur le trône de son règne (1) »,
alors il vous choisit, vous l'unique entre toutes,
le charme de Jacob, pour sa demeure spirituelle.


(1) Ps. CXXXI, II.
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Re: L'Incarnation - Hymne de Saint Jean Damascène

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CHANT VI. — Type (1) :
Le prophète Jonas, priant au sein du monstre,
s'écria, présageant les trois jours de sépulture :
« Arrachez-moi à ma perdition, Jésus,
Roi des Puissances. »


La Vierge.
De vos paroles, ô Gabriel, ayant reçu l'heureux message,
je me sens pénétrée d'une sainte allégresse,
car c'est bien une joie, vous m'annoncez un bonheur
qui ne doit point cesser.

L'Ange.
A vous la joie divine, ô Mère de Dieu,
à vous toute créature dit « Salut (1) », ô épouse de Dieu,
car seule vous fûtes choisie Mère du Fils de Dieu
en votre virginité.

La Vierge.
Que la sentence d'Ève par moi soit abolie,
que par moi aujourd'hui soit remise sa dette,
que par moi soit soldé avec surabondance,
le tribut d'origine.

L'Ange.

A votre aïeul Abraham Dieu promit de bénir
en sa race tous les peuples (3), ô Vierge toute pure,
et voici que par vous la promesse en ce jour
parvient à son effet.


(1) Le type 6° est toujours emprunté au cantique de Jonas comme le 7° l'est à celui des trois jeunes gens, dans Daniel. — Jon., Il, 1. Cf. Matth., XII, 40.
(2) En grec : Khairé, c'est-à-dire littéralement : Réjouis-toi, sois heureuse.
(3) Gen., XXVI, 4.
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