Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Tricentenaire

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Laetitia
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Re: Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Tricentenaire

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Interdit et couvert d'opprobre, le Père de Montfort crut ne pouvoir rien faire de mieux que de se mettre en retraite chez les Jésuites de Nantes. Les Pères, qui ignoraient l'événement de Pontchâteau, n'auraient pu le deviner par leurs relations avec le serviteur de Dieu, tant ils le trouvèrent dans un état tranquille. Ce ne fut qu'au bout de plusieurs jours que l'un d'entre eux en ayant été informé et lui en ayant parlé, il apprit de sa bouche les détails de cette affaire, mais sans que celui-ci mêlât à son récit la moindre plainte.

Le P. de Montfort put tout à son aise satisfaire, à Nantes, l'ardeur qu'il avait eue pour les humiliations. Cette ville avait alors dans son clergé plusieurs membres infectés de jansénisme; comme le saint prêtre s'était, non sans raison, refusé à travailler avec eux, ils lui avaient suscité les persécutions dont il était victime. Le peuple, toujours prompt à juger mal, et inconstant dans ses affections, passa de l'estime qu'il avait eue pour le missionnaire à l'indifférence et au mépris, en le voyant obligé de suspendre ses travaux apostoliques. Ainsi tous s'accordaient pour faire sentir plus vivement au fidèle disciple de la croix l'amertume de sa position, et personne n'osait ouvrir la bouche pour le défendre. Cependant il ne demeura pas entièrement oisif dans le repos forcé auquel il était condamné. Une dame pieuse de Nantes lui avait donné un petit hospice où il résidait habituellement; il y fit construire une chapelle, et ayant trouvé le moyen d'acheter une maison peu éloignée de celle qu'il habitait, il y reçut des pauvres incurables.

Pendant son séjour dans cette ville, il entra dans le Tiers Ordre séculier de Saint Dominique. Sa dévotion au Rosaire et le zèle qu'il mettait à la propager lui inspira le désir de s'agréger à un Ordre qui honore d'une manière spéciale la sainte Vierge sous le titre de Notre-Dame du Rosaire.Ce fut en 1710 qu'il s'engagea dans cette pieuse société. Bientôt après il reprit le cours de ses missions ; mais avant de partir de Nantes, il donna aux habitants de cette ville une preuve du plus généreux dévouement, en secourant au péril de sa vie les habitants du faubourg de Biesse, surpris par une inondation de la Loire. C'est ainsi que les Saints se vengent de l'injustice des hommes !

La mission qu'il donna à La Garnache, dans le diocèse de Luçon, fut accompagnée des bénédictions les plus abondantes mais ces heureux succès ne lui rendirent pas plus favorable le curé d'une autre paroisse, qui, après l'avoir appelé, refusa de le recevoir et l'obligea ainsi de recourir à la charité d'une pauvre femme pour pouvoir se loger. Rebuté dans ce lieu, il profita des moments de loisir qu'il avait, pour faire une retraite chez les PP. Jésuites de Luçon. Après s'être occupé dans cette retraite du soin de son propre salut, il se rendit à la Rochelle. Il y fut bientôt chargé de faire des missions, genre de ministère dans lequel il réussissait toujours. En effet, l'hôpital général de Saint-Louis, l'Houmeau, village près de La Rochelle, et l’Église des Jacobins de cette ville devinrent successivement le théâtre de ses travaux et de ses succès. Ce fut surtout dans cette dernière église qu'il se fixa et opéra des conversions éclatantes.

Parmi les troupes alors en garnison à La Rochelle, se trouvaient beaucoup d'enfants de ces Calvinistes qui avaient été si rebelles à Louis XIII. Ceux-ci avaient sucé avec le lait les erreurs de leurs parents. On engagea le P. de Montfort à prêcher quelques sermons de controverse pour éclairer ces pauvres aveugles, mais il ne se rendit pas à cet avis. Sa grande confiance au Rosaire lui fit espérer que, comme saint Dominique, il réussirait, par l'intercession de la sainte Vierge, à gagner ces hérétiques. Aussi parla-t-il souvent du Rosaire et du mérite de cette prière pendant sa mission. Son espérance ne fut point trompée ; il toucha plusieurs fois tellement ses auditeurs qu'il les fit fondre en larmes. Le retour à l'église d'un grand nombre de Calvinistes, et à Dieu d'un grand nombre de pécheurs qui venaient se jeter à ses pieds, lorsqu'il descendait de chaire, fut la preuve convaincante des fruits qu'il produisait. Parmi ces premiers, madame de Mailly mérite d'être citée. C'était une femme d'esprit, et son attachement à l'erreur la rendait chère au parti huguenot. Arrivée depuis peu d'Angleterre, elle devait aller se fixer à Paris ; mais quelques affaires la retenaient encore à La Rochelle, lorsque le serviteur de Dieu y arriva. Elle entendit bientôt parler de lui comme d'un homme extraordinaire, et conçut le désir de l'entretenir. Il fallait que la chose se fit secrètement ; une demoiselle catholique qui était de ses amies lui en fournit les moyens, en lui procurant à la campagne une entrevue avec le P. de Montfort. Madame de Mailly proposa tous ses doutes au saint missionnaire, qui l'ébranla fortement dès le premier entretien, finit bientôt par la convaincre et la décider à abjurer ses erreurs ; elle le fit avec courage et en public, sous les yeux des protestants, dont plusieurs suivirent son exemple. Ferme dans la foi, elle persévéra dans les exercices de la piété chrétienne jusqu'à sa mort.
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La conversion des hérétiques ne fut pas le seul objet du zèle du P. de Montfort à La Rochelle; il s'appliqua aussi à retirer du vice les malheureuses créatures qui perdent tant d'hommes en se perdant elles-mêmes.

Voici peut-être le trait le plus extraordinaire de la vie du saint prêtre, et la bonne œuvre pour laquelle il a eu le plus besoin de l'assistance particulière de Dieu. Lorsqu'il était informé qu'il se trouvait dans quelque quartier de la ville une maison de prostitution, il s'y rendait avec un autre prêtre. Entré dans ce lieu infâme, le chapelet et le crucifix à la main, il se jetait a genoux, récitait un Ave Maria et baissait la tête. Il est facile de comprendre le trouble que causait aux libertins et aux courtisanes qui s'y trouvaient réunis, une visite aussi inattendue et pour eux aussi inopportune. Partie de celles-ci s'enfuyaient aussitôt; d'autres, touchées à sa vue, promettaient de se convertir mais les hommes, faisant plus de contenance, menaçaient le saint missionnaire. Un jour il s'en trouva un qui, entrant en fureur, le saisit de la main gauche par les cheveux, et tenant de la main droite son épée, lui dit, en faisant d'horribles jurements, qu'il allait l'en percer s'il ne se retirait aussitôt, « Très-volontiers », lui répondit le P. de Montfort sans être intimidé  ; « je consens que vous m'ôtiez la vie, pourvu que vous me promettiez de vous convertir, car j'aime mieux mille fois le salut de votre âme, que dix mille vies comme la mienne ». Ces paroles et cette intrépide fermeté arrêtèrent la fureur de l'impudique. Il en fut si frappé, que, tremblant de tout le corps et pouvant à peine se soutenir, il ne put que difficilement remettre son épée dans le fourreau, et plus encore trouver la porte pour sortir. Pendant celle scène, une seule fille était restée dans la maison et s'était jetée à genoux. Le saint prêtre et son compagnon l'emmenèrent avec eux, la confièrent à une personne pieuse, et elle se réconcilia si bien avec Dieu, qu'elle devint dans la suite un modèle de pénitence.

Cette action hardie indisposa contre le serviteur de Dieu des gens qui, trouvant plus commode de le censurer que d'imiter ses œuvres de zèle, voulurent le faire interdire; mais leurs efforts furent inutiles auprès de M. de Cbampflour, prélat pieux qui ne se laissa pas surprendre. Des Calvinistes cherchèrent à empoisonner le saint missionnaire, comme d'autres de la même secte avaient tenté de l'assassiner ; il se délivra du poison qu'il avait avalé ; mais il en fut néanmoins gravement incommodé et s'en sentit toujours depuis. On croit même que les effets de ce poison, en altérant sa santé, contribuèrent à hâter sa mort.

Après avoir évangélisé La Rochelle et surtout la garnison, pendant une partie de l'année 1712, le saint prêtre, malgré tous les obstacles que lui suscitèrent les Calvinistes, qui faillirent le faire prendre en mer par un corsaire anglais, passa à l'Ile-Dieu, où son arrivée fut un grand sujet de joie pour les habitants, et son séjour parmi eux une source abondante de bénédictions. Ce n'est pas qu'il n'y trouvât comme partout ailleurs des contradictions; là elles lui vinrent de la part du gouverneur de l'île, qui traversa d'abord les missionnaires, et qui ne se guérit de ses préventions contre eux qu'en voyant leur patience. Heureusement cet homme passionné n'eut pas d'imitateurs. Tous les habitants, au nombre de deux mille, profitèrent du bienfait de la mission qui dura deux mois. La dévotion du Rosaire y fut solidement établie, une croix fut plantée dans le lieu le plus éminent de l'île, et l'on y montrait encore avant la Révolution une grosse pierre que le saint prêtre déplaça à cette occasion d'une manière qui sembla tout à fait surnaturelle.

Une chapelle que le Père de Montfort faisait restaurer à la Garnache n'était pas encore bénite il retourna dans cette paroisse, y fit la cérémonie, et profita de la circonstance de cette bénédiction pour soutenir ce peuple dans les sentiments de piété qu'il lui avait inspirés pendant la mission et dont il retrouvait les fruits. De la Garnache, il passa à Sallertaine; mais loin d'avoir à traiter avec des gens aussi dociles que ceux qu'il venait de quitter, il les trouva dans un état d'opposition capable de décourager un homme moins habitué que lui à mettre toute sa confiance en Dieu. Ils allèrent en effet jusqu'à fermer les portes de leur église, malgré leur curé, et en emporter les clefs. Le saint prêtre, en arrivant dans le bourg, se rend droit à la maison d'un des principaux habitants, qu'il savait très-opposé à la mission ; en y entrant il dépose sur une cheminée un crucifix et une image de la sainte Vierge, se prosterne devant eux, fait sa prière, et, se relevant, il dit d'une manière si persuasive à l'habitant qu'il vient au nom de Jésus et de Marie travailler en ce lieu, que cet homme, subitement touché, accepte aussitôt l'invitation qu'il lui fait de se rendre à l'église avec sa famille. Cet exemple fait changer de résolution aux habitants, ils vont écouter le prédicateur, et dès le premier sermon qu'ils entendent, ils sont tellement attendris, qu'ils se retirent fondant en larmes. Bientôt leur empressement à écouter le serviteur de Dieu fut aussi grand que leur opposition avait été prononcée, et jamais le Père de Montfort n'avait produit autant de fruits que dans cette mission de Sallertaine. Il est vrai que tout en lui contribuait à en assurer le succès; outre cette éloquence persuasive qui touchait les cœurs, l'exemple de sa vie donnait encore un nouveau poids à ses discours On sut bientôt combien il était pénitent et mortifié : il logeait dans un réduit pauvre et incommode, ne prenait que trois heures de sommeil, se déchirait chaque nuit le corps par une sanglante discipline, puis passait la journée en chaire, au confessionnal ou dans l'exercice d'autres bonnes œuvres de ce genre. Malgré tant d'occupations et tant de fatigues, il avait l'air aussi recueilli que s'il eût été occupé à l'oraison dans une solitude.

Aussi persuasif au tribunal qu'en chaire, le saint prêtre faisait de nombreuses conquêtes à la grâce par le ministère de la confession. Il y parlait d'une manière si entraînante, qu'il suffisait de s'être adressé à lui pour devenir l'ennemi du monde et renoncer à ses maximes. Sans beaucoup discourir avec ses pénitents, il leur inspirait des sentiments si élevés, qu'il les rendait bientôt de fervents chrétiens. Alors, profitant de leurs saintes dispositions, il les engageait à s'enrôler dans de pieuses confréries que son zèle l'avait porté à établir en divers lieux, sous le nom de Frères et de Sœurs de la Croix. Il prétendait, par cette pieuse industrie, leur faire vaincre le respect humain et marcher à la suite de Jésus-Christ. Ses efforts furent couronnés de succès.
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Jusqu'alors le serviteur de Dieu avait travaillé isolement, mais il sentait sans doute la nécessité d'avoir des collaborateurs qui pourraient étendre et perpétuer le bien qu'il opérait. Il est à croire que ce fut le désir de s'en procurer qui le détermina à partir pour Paris, dès que la mission de La Séguinière, qui suivit celle de La Garnache, fut terminée. Depuis longtemps il s'occupait, pendant les courts instants de loisir qu'il avait dans sa solitude de Saint-Eloi, à dresser le plan d'une société de missionnaires sous le titre de Compagnie de Marie. Il en avait dressé le règlement, après avoir consulté sur cette affaire l'évoque de La Rochelle. Ce prélat avait pleinement approuvé le projet de former une société d'ecclésiastiques pour perpétuer l'œuvre des missions qu'il lui avait soumis. Il ne s'agissait donc plus que de trouver des ouvriers évangéliques qui voulussent s'adonner à ce genre de travail. Le Père de Montfort, en arrivant dans la capitale, renouvela connaissance avec un de ses anciens compagnons d'éludé, l'abbé Poullart Desplaces, prêtre du diocèse de Rennes et fondateur du séminaire du Saint-Esprit, situé dans la rue des Postes. Les sentiments de ces deux hommes de bien étaient trop semblables pour qu'ils ne s'entendissent pas promptement. Leur attrait, il est vrai, était différent, car M. Desplaces ne se sentait pas appelé à travailler aux missions ; mais il promit au Père de Montfort de lui donner les sujets qui auraient le désir de s'y consacrer. Il tint parole, et il lui accorda quatre jeunes ecclésiastiques de son séminaire, auxquels l'Esprit-Saint donnait cette vocation. Le Père de Montfort, ayant terminé l'affaire importante qui l'avait attiré à Paris, se rendit à Poitiers, où il voulait développer et consolider l'Institut des Filles de la Sagesse.

Mais à peine fut-il arrivé dans cette ville, qu'il reçut de l'autorité ecclésiastique l'ordre d'en sortir dans les vingt-quatre heures. C'était pour la troisième fois qu'il était chassé honteusement d'une cité où il avait opéré tant de bien et à laquelle ses filles devaient plus tard rendre de si grands services. Accoutumé à obéir aux ordres même les plus rigoureux, le serviteur de Dieu partit aussitôt ; il eut cependant la consolation, avant son départ, de voir ses anciens disciples et de les retrouver dans les sentiments de ferveur qu'il leur avait inspirés. La sœur Trichet lui parut surtout si affermie dans sa vocation, qu'il crut devoir lui donner une compagne et les faire aller à La Rochelle, où il se rendait, afin qu'elles y ouvrissent une école pour les filles pauvres. Ayant soumis ce projet à l'évêque de cette dernière ville, il fut approuvé par le prélat, qui le chargea de le mettre à exécution. Ce ne fut pas sans de grandes difficultés que la sœur Trichet put s'arracher de l'hôpital, où elle se rendait très-utile, et de s'éloigner de sa mère qui s'opposait de toutes ses forces à son départ. La peine qu'éprouva cette sainte fille dans son déplacement dut lui être d'autant plus sensible qu'en arrivant à La Rochelle elle ne trouva presque rien de préparé de ce qu'il lui fallait pour commencer son œuvre. Elle ne perdit pourtant pas courage ; aidée des conseils et de l'activité du Père de Montfort, qui s'occupa de cette affaire avec son zèle ordinaire, elle put, au bout de huit à dix jours, ouvrir les classes et commencer ainsi une bonne œuvre que ses filles continuent encore avec bénédiction.

Le pieux instituteur ne se borna pas à établir d'une manière convenable les filles qu'il venait d'appeler à La Rochelle. Voyant que la communauté naissante prenait des accroissements, il désigna pour supérieure la sœur Trichet, qui s'appelait déjà Marie-Louise de Jésus, et traça à la nouvelle société une Règle pleine de sagesse, qu'il remit lui-même entre les mains de la supérieure. C'est cette Règle que suit encore le pieuse Congrégation qui reconnaît le Père de Montfort pour son Père, et qui, fidèle à, observer cette Règle sainte, porte la bonne odeur de Jésus-Christ dans tous les lieux où elle possède des établissements. De retour dans le diocèse de La Rochelle, le Père de Montfort continua à évangéliser pendant l'année 1713, plusieurs paroisses du pays, dans lesquelles il fit admirer son courage pour la destruction du mal et la perfection de sa vertu, surtout de son humilité. Vers le commencement de 1714, il se rendit à Nantes, y visita l'hôpital des Incurables dont il avait procuré l'établissement, et prodigua ses soins aux infirmes de cette maison. Son but était aussi d'affermir dans la piété la société des Amis de la Croix qu'il avait précédemment formée dans la paroisse de Saint-Similien, aussi s'en occupa-t-il d'une manière particulière. De Nantes, il partit pour Rennes. Arrivé dans cette ville, il ne put y exercer publiquement son ministère, ce qui lui causa une peine très-sensible. Une retraite qu'il y fit, en s'occupant d'une manière utile, servit à le consoler. Il fréquenta ensuite quelques personnes d'un rang élevé, et l'Esprit de Dieu dont il était rempli lui fit répandre la bonne odeur de Jésus-Christ dans toutes les maisons qui eurent l'avantage de le recevoir.
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Après quelque temps de séjour à Rennes, le saint prêtre voulut aller à Avranches. Là de nouvelles humiliations l'attendaient encore, comme si ce fidèle disciple de Jésus crucifié ne pût vivre un moment sans croix. L'évêque de cette ville lui refusa toute permission de prêcher et même de célébrer, sans qu'on puisse en savoir la cause. Il fallut qu'il se rendit en toute hâte à Villedieu, dans le diocèse de Coutances, pour pouvoir satisfaire sa piété en y disant la messe le jour de l'Assomption. Ce ne fut pas la seule mortification qu'il eut à souffrir dans ce voyage. Arrivant dans un village et ayant besoin de repos, il se présenta dans une auberge pour y loger. Mais son air pauvre ne donnant pas aux gens qui la tenaient l'espoir qu'il y pût faire de la dépense, ils refusèrent de le recevoir, et le serviteur de Dieu fut obligé de passer la nuit dehors, ainsi que son compagnon de voyage. Ce fut à cette occasion qu'exprimant sa tendre affection pour la croix, il composa un cantique dans lequel il en célèbre la vertu et la force qu'elle donne à ceux qui l'embrassent.

Le village où il fut si mal accueilli était sur la route de Saint-Lô; il allait dans cette ville, où il commença une mission : mais bientôt des hommes jaloux des succès étonnants qu'il obtenait par ses prédications le desservirent auprès des supérieurs et réussirent à le faire interdire. Il prit aussitôt le parti de se rendre à Coutances, dont le siège était alors occupé par Mgr de Brienac. Une explication qu'il eut avec le prélat suffit pour que ses pouvoirs lui fussent tout de suite rendus. Ce contre-temps, loin de nuire à la mission, ne fit que donner plus de considération au prédicateur; aussi produisit-il dans cette ville de grands fruits, non-seulement par ses discours, mais aussi par ses mortifications.

La mission de Saint-Lô se termina par la plantation d'une croix, qui a été longtemps pour cette ville l'objet d'une dévotion particulière. Le Père de Montfort ayant accompli l'œuvre qui l'avait attiré dans ce pays, en partit pour aller visiter à Rouen un de ses anciens condisciples, M. Blain, alors chanoine de cette métropole. Celui-ci, profitant de la familiarité qui existait entre eux, lui fit diverses observations sur sa conduite et sur certaines singularités qu'on remarquait en sa personne. Le serviteur de Dieu se justifia sur tous les points avec autant de succès que de modestie. Touchant les singularités, il dit que s'il avait des manières singulières et extraordinaires, c'était bien contre son intention ; que les tenant de la nature, il ne s'en apercevait pas, et qu'étant propres à l'humilier, elles ne lui étaient pas inutiles.
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Le saint prêtre songea, après cette visite, à retourner à La Rochelle, qui était le centre de ses missions. Sa route fut une prédication continuelle par le soin qu'il prit constamment d'empêcher le péché, et de porter tous ceux qui l'approchaient à louer et à servir Dieu. A Rennes, où il alla pour la dernière fois, il fit cesser des danses et des désordres qui avaient lieu sur une place de cette ville, et y établit la récitation publique du Rosaire : arrivé à La Rochelle, il y commença bientôt une mission à Fouras, pauvre paroisse de ce diocèse, puis à l'île d'Aix, dans l'hiver de 1714 à 1715. Étant revenu ensuite dans la ville épiscopale, il s'y livra à la prédication. L'auditoire qui assistait à son sermon le jour de la Purification fut témoin d'une merveille qui frappa beaucoup tous ceux qui la virent. Son visage exténué devint tout lumineux et rayonnant, et ses meilleurs amis ne purent en ce moment le reconnaître qu'à la voix. C'était un indice de la gloire céleste qui devait bientôt récompenser ses vertus et ses travaux.

Dieu commençait déjà à faire éclater la sainteté de son serviteur. Aussi le désirait-on avec empressement dans divers lieux, pour qu'il y donnât la mission. Il se livra à ce pénible travail pendant toute l'année 1715. Après l'île d'Aix, Taugon-la-Ronde, dans laquelle il établit une société de Pénitents-Blancs et une autre de Vierges, et Saint-Amand, furent les paroisses qu'il évangélisa d'abord avec les prêtres qu'il s'était associés. Plusieurs autres paroisses du même diocèse et la ville de Fontenay-le-Comte reçurent ensuite la même faveur. Il commença l'année 1715 par la mission de Saint-Pompain ; un des premiers fruits qu'il y produisit, fut de porter à la réconciliation le fermier du seigneur du lieu, qui nourrissait une haine scandaleuse son propre pasteur et une autre personne du pays. Le serviteur de Dieu inspira au pasteur des sentiments de piété que cet ecclésiastique n'avait guère connus jusqu'alors. De Saint-Pompain il passa à Villiers, village peu éloigné, où, à la plantation de la croix, il reçut au milieu de son sermon des injures qu'il supporta avec une patience héroïque. Après avoir fait un pèlerinage à la célèbre chapelle des Ardilliers à Saumur, il se rendit à Saint-Laurent-sur-Sèvre pour y ouvrir une mission, qu'il commença le premier dimanche d'avril. C'était là le lieu où le Seigneur l'attendait pour l'appeler à lui. Pendant qu'il se livrait, avec son zèle ordinaire, à l'instruction et à la sanctification du peuple, on apprit que l'évêque de La Rochelle allait venir sans tarder faire la visite pastorale dans cette paroisse.
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Le saint prêtre, qui était pénétré d'un respect profond pour les prélats, voulut faire à son évêque une réception honorable, et se donna beaucoup de mouvement pour atteindre ce but. Ce surcroît de travail, joint à ses autres occupations, achevèrent de ruiner une santé déjà délabrée par les fatigues, les peines et les austérités. Le jour même de la visite, après avoir prêché de la manière la plus touchante sur la douceur de Jésus-Christ, il fut forcé, de se coucher sur son grabat qui, jusqu'alors, n'avait été composé que d'un peu de paille dans un réduit obscur. Une fausse pleurésie vint bientôt mettre ses jours en danger.

Il vit les approches de la mort comme un homme entièrement détaché du monde et sentant qu'elle approchait, il fit son testament tel que son extrême pauvreté le lui permettait, c'est-à-dire qu'il donna à ses confrères ses ornements avec ses livres, et divers objets de piété à des paroisses qu'il avait évangélisées. Il désigna ensuite pour son successeur un excellent prêtre, nommé Mulot, qu'il s'était attaché depuis peu. Pendant toute sa maladie, il ne cessa d'édifier par sa patience et ses discours ceux qui eurent le bonheur de l'approcher.

Enfin, étant à ses derniers moments, on l'entendit dire ces paroles « C'est en vain que tu m'attaques, je suis entre Jésus et Marie. Deo gratias et Mariae. C'en est fait, je ne pécherai plus ». Bientôt après il expira, vers huit heures du soir, un mardi 28 avril 1716. Il était âgé de quarante-trois ans et quelques mois.
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                          Gisant de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, à Saint Laurent sur Sèvre.

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  Les Petits Bollandistes, Tome 15, au 28 avril a écrit :Son corps fut inhumé dans l'église de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Dix-huit mois après son décès, on voulut donner aux restes du saint prêtre une sépulture plus honorable, et l'on vit avec étonnement que son corps était entier, sans aucune apparence de corruption, et répandant une odeur suave. Cette église a été brûlée deux fois pendant les guerres de la Vendée mais le tombeau n'a pas été endommagé, et il est toujours l'objet de la vénération des fidèles.

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Léon XIII béatifie Louis-Marie Grignion de Montfort le 22 janvier 1888 et Pie XII le déclare Saint en 1947.

Le Père de Montfort a été inhumé dans l'ancienne église de St Laurent sur Sèvre, dans la chapelle de la Ste Vierge à gauche derrière la balustrade.


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Lithographie de Félix BENOÎT (environ 1851)

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à gauche : Vue intérieure ; sur la gauche, la chaire où prêcha le Père de MONTFORT.       
à droite : L'autel de la Vierge avec le tombeau du Père de MONTFORT.

       
La Basilique Saint Louis-Marie Grignion de Montfort

Dès 1879, lors d'une visite pastorale, l'évêque Mgr CATTEAU trouve « l'église trop petite pour l'importance de la population et disposée de manière qu'il est impossible d'offrir aux enfants des écoles des places convenables…»
...
Dès la fin septembre 1888, commencent les travaux de terrassement de la crypte.
Début septembre 1889, la crypte est achevée et peut dès lors servir d'église paroissiale.
30 septembre 1889. Bénédiction officielle de la première pierre de la nouvelle église elle-même (Chœur, avant chœur, transept, clocher sans la flèche)
10 août 1892. Bénédiction de l'église par l'évêque de Luçon Mgr CATTEAU, entouré de près de deux cents ecclésiastiques.
En mars 1938, c'est la reprise effective des travaux par l'entreprise BODIN-PAPIN. (4 travées au lieu de 6)
Le 23 avril 1950, L'inauguration solennelle est faite par Mgr CAZAUX, jour de la grande manifestation en faveur de l'Enseignement libre, dans la grande prairie de Saint-Gabriel.

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Re: Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Tricentenaire

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Le testament de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort

Je soussigné, le plus grand des pécheurs je veux que mon corps soit mis dans le cimetière et mon cœur sous le marche-pied de l'autel de la Sainte Vierge...
Le père de MONTFORT ne fut pas exaucé : on plaça son corps dans un tombeau, à gauche dans la chapelle de la Vierge.

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Une épitaphe fut gravée et déposée sur son tombeau :

« Que regardes-tu, passant ?
Un flambeau éteint,
un homme que le feu de la charité
a consumé,
qui s'est fait tout à tous,
Louis-Marie Grignion de Montfort.
Si tu t'informes de sa vie,
aucune n'a été plus pure,
De sa pénitence, aucune plus
austère,
De son zèle, aucun plus ardent,
De sa dévotion envers Marie,
Personne n'a mieux ressemblé
à Saint-Bernard.
Prêtre du Christ, sa vie
a retracé celle du Christ,
Sa parole a prêché partout
le Christ,
Infatigable, il ne s’est reposé
que dans le cercueil.
Il a été le père des pauvres,
Le défenseur de l'orphelin,
Le réconciliateur des pécheurs,
Sa glorieuse mort a ressemblé
à sa vie,
Comme il avait vécu, il cessa
de vivre.
Mûr pour Dieu, il s'est envolé
pour le ciel.
Il mourut en l'an du Seigneur
1716, à l'âge de 44 ans. »

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