Réponses à une dizaine d'objections courantes, par John Lane

chartreux
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Réponses à une dizaine d'objections courantes, par John Lane

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John Lane traduit par le chartreux a écrit : Liste des objections :

Objection 1. Un catholique ne peut être certain que quelqu'un est hérétique que quand l'Église en a infailliblement jugé. Juger par soi-même est un pari hasardeux.

Objection 2. Il appartient au Pape régnant et au droit canonique de légiférer en cette matière, ce n'est pas aux autres de s'en occuper.

Objection 3. Un "pape" hérétique reste pape jusqu'à ce qu'il ait été jugé infailliblement par la Sainte Église.

Objection 4. Les catholiques peuvent continuer à être enseignés par quelqu'un qui leur semble propager des hérésies, en filtrant le "bon" du "mauvais" dans son enseignement.

Objection 5. Un catholique ne peut pas vraiment être certain de ce qui est hérétique ou pas avant que l'Église en ait infailliblement jugé.

Objection 6. Les catholiques ne doivent pas se séparer de la communion d'hérétiques prétendant détenir des offices dans la sainte Église, mais attendre toujours qu'un jugement infaillible soit éventuellement prononcé.

Objection 7. Il faut "détourner l'Église des nouveautés et la ramener à la Tradition".

Objection 8. S. Robert Bellarmin enseigne qu'il faut résister à un "pape" hérétique, mais qu'il ne faut pas le rejeter.

Objection 9. Toutes ces considérations des docteurs de l'Église sur les "papes hérétiques" sont purement hypothétiques.

Objection 10. Il ne faudrait pas faire un dogme de la simple opinion de S. Robert Bellarmin.

Objection 11. Les jugements d'individus sans juridiction n'engagent pas les autres personnes.

Objection 12. Cum Ex Apostolatus n'a jamais eu force de loi, et n'a jamais été incorporée dans le code de droit canonique.

Objection 13. Ne pas se dire en union avec le pape hérétique dans les prières de la messe, c'est risquer de tomber dans le schisme.

Dernière modification par chartreux le mar. 05 févr. 2019 10:00, modifié 8 fois.
chartreux
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Re: Réponses à une dizaine d'objections courantes, par John Lane

Message par chartreux »

John Lane a écrit : Objection 1. Un catholique ne peut être certain que quelqu'un est hérétique que quand l'Église en a infailliblement jugé. Juger par soi-même est un pari hasardeux.


Réponse :

Il y a deux grandes erreurs dans ces affirmations. D'abord, l'Église ne juge jamais infailliblement les hérétiques. Le plus habituellement, elle le fait par l'intermédiaire de ses tribunaux, qui sont faillibles. Ces tribunaux aboutissent à leurs conclusions en utilisant exactement les mêmes méthodes qu'une personne qui s'informe en diligentant une enquête. Le Pape Pie XII a d'ailleurs précisé expréssement à la Rote romaine quels étaient ces principes, pour qu'ils les comprennent et les appliquent bien. Pie XII explique que les juges doivent atteindre une certitude morale, et "Il existe une certitude absolue, qui exclut tout doute sur la vérité du fait et l'impossibilité du contraire. Mais une telle certitude absolue n'est pas nécéssaire pour que le jugement puisse être prononcé. Dans bien des cas, elle est humainement inaccessible ; l'exiger des juges et autres participants serait déraisonnable, imposerait un fardeau insupportable à la justice, et entraverait très-fortement son cours".

Le Saint-Père passe ensuite à la considération de la quasi-certitude, qui ne suffit pas à bien établir un jugement. Et enfin, il explique la certitude morale, qui "du côté positif exclut tout doute raisonnable et bien fondé, et se distingue par-là de la quasi-certitude mentionnée tantôt ; du côté négatif elle admet cependant une possibilité du contraire dans l'absolu, et se distingue par-là de la certitude absolue. Cette certitude morale dont nous parlons actuellement est nécéssaire et suffisante pour rendre un jugement, même si dans le cas particulier concerné il serait impossible d'atteindre directement ou indirectement une certitude absolue." (citation du Canon Law Digest, "résumé de droit canon", vol. 3, pp. 606-607).

La deuxième erreur dans les propositions énoncés ci-dessus est qu'un catholique ne puisse reconnaître un hérétique avant qu'un jugement public (faillible ou infaillible) ait été prononcé. Cette opinion étrange est en conflit avec un si grand nombre d'exemples clairs dans l'histoire de l'Église, qu'on peine à comprendre comment elle peut trouver des adhérents.
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Re: Réponses à une dizaine d'objections courantes, par John Lane

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  chartreux a écrit : mar. 22 janv. 2019 10:03
  John Lane a écrit :
Objection 1. Un catholique ne peut être certain que quelqu'un est hérétique que quand l'Église en a infailliblement jugé. Juger par soi-même est un pari hasardeux.


Réponse :

Il y a deux grandes erreurs dans ces affirmations. D'abord, l'Église ne juge jamais infailliblement les hérétiques. Le plus habituellement, elle le fait par l'intermédiaire de ses tribunaux, qui sont faillibles. Ces tribunaux aboutissent à leurs conclusions en utilisant exactement les mêmes méthodes qu'une personne qui s'informe en diligentant une enquête. Le Pape Pie XII a d'ailleurs précisé expréssement à la Rote romaine quels étaient ces principes, pour qu'ils les comprennent et les appliquent bien. Pie XII explique que les juges doivent atteindre une certitude morale, et "Il existe une certitude absolue, qui exclut tout doute sur la vérité du fait et l'impossibilité du contraire. Mais une telle certitude absolue n'est pas nécéssaire pour que le jugement puisse être prononcé. Dans bien des cas, elle est humainement inaccessible ; l'exiger des juges et autres participants serait déraisonnable, imposerait un fardeau insupportable à la justice, et entraverait très-fortement son cours".

Le Saint-Père passe ensuite à la considération de la quasi-certitude, qui ne suffit pas à bien établir un jugement. Et enfin, il explique la certitude morale, qui "du côté positif exclut tout doute raisonnable et bien fondé, et se distingue par-là de la quasi-certitude mentionnée tantôt ; du côté négatif elle admet cependant une possibilité du contraire dans l'absolu, et se distingue par-là de la certitude absolue. Cette certitude morale dont nous parlons actuellement est nécéssaire et suffisante pour rendre un jugement, même si dans le cas particulier concerné il serait impossible d'atteindre directement ou indirectement une certitude absolue." (citation du Canon Law Digest, "résumé de droit canon", vol. 3, pp. 606-607).

La deuxième erreur dans les propositions énoncés ci-dessus est qu'un catholique ne puisse reconnaître un hérétique avant qu'un jugement public (faillible ou infaillible) ait été prononcé. Cette opinion étrange est en conflit avec un si grand nombre d'exemples clairs dans l'histoire de l'Église, qu'on peine à comprendre comment elle peut trouver des adhérents.
(à suivre)
J'avoue ne pas trop comprendre le cheminement intellectuel de monsieur Lane.

1° - Qui dit hérétique dit hérésie (cf. Can. 1325). L'Église ne fait que constater un fait, il n'y a aucun jugement à proprement parler.
2° - Il est donc mal venu, pour monsieur Lane, d'arguer de l'allocution de Pie XII au tribunal de la Rote le 1° octobre 1942 pour asseoir sa démonstration et ce d'autant plus que « le tribunal de la Rote est absolument incompétent dans toutes les affaires non contentieuses » (Cf. Choupin - Valeurs des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, 1913, p. 459).

a) Ceci étant, il me semble que la question de savoir, de manière certaine, si quelqu'un est hérétique ou non, n'intéresse généralement le catholique que sous l'angle de la Foi, non sous celui de l'individu. De ce point de vue, nous rejoignons alors le questionnement de saint Vincent de Lérins au début de son Commonitorium ; sa réponse formant la suite de l'ouvrage.
b) Malgré tout, il se pourra que l'on soit amené à envisager la question sous l'angle de l'hérétique, les travaux de l'abbé Zins en son mini-catalogue des principales contradictions des guérardo-thucistes à l'encontre de la doctrine catholique (point 26 et ss.) seront alors les bienvenus. Je me propose donc (avec son accord) de les mettre à disposition dans un autre dossier afin de ne pas perturber celui-ci.
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Si vis pacem a écrit : mar. 22 janv. 2019 19:32 J'avoue ne pas trop comprendre le cheminement intellectuel de monsieur Lane.
Peut-être que ce cheminement vous apparaîtra plus clairement quand l'intégralité du texte aura été finie d'être retranscrite ici ?
Si vis pacem a écrit : mar. 22 janv. 2019 19:32 L'Église ne fait que constater un fait, il n'y a aucun jugement à proprement parler.
Mais pourtant, ce n'est pas seulement John Lane qui use d'une terminologie juridique dans le contexte de l'hérésie et des hérétiques ... J'ai cru comprendre, par exemple, que l'Inquisition au Moyen-Âge lançait des procédures contre les suspects d'hérésie, le tribunal examinait leur cas et la procédure se terminait par une décision. Si ces décisions n'étaient pas des jugements à proprement parler, qu'étaient-elles donc ?
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John Lane traduit par le chartreux a écrit : La raison comme les arguments d'autorité nous indiquent qu'il est possible de juger du caractère hérétique ou non de quelqu'un avant tout jugement public. La raison nous apprend que dans certaines circonstances un jugement "privé" peut être bien plus sûr qu'un jugement public. Par exemple, quelqu'un qui a une connaissance directe et de l'intérieur des faits, peut être certain de choses qu'un juge extérieur ne découvrirait qu'après une longue enquête, ou même jamais. Qu'un juge soit généralement mieux placé pour juger qu'un autre ne démontre rien d'autre que la nécéssité de juges experimentés et bien informés, ayant de puissants outils coercitifs légaux à leur disposition, et entourés d'assistants compétents. Cela ne démontre certainement pas que les jugements publics sont infaillibles.

L'Église a toujours cru et enseigné qu'on peut reconnaître les hérétiques avec certitude, sans la moindre déclaration. Le canon 188.4 (qui traites d'offices perdus automatiquement et sans déclaration) est incompréhensible sans ce principe. La tradition constante de la sainte Église, telle que presentée par S. Bellarmin, nous confirme cela. Il écrit : "les saints Pères sont unanimes à enseigner que non seulement les hérétiques sont hors de l'Église, mais qu'ils sont aussi privés ipso facto de toute juridiction et dignité ecclésiastiques." (De Romano Pontifice, livre 2, chapitre 3). Qu'est-ce que cela veut dire, sinon que les hérétiques peuvent être connus comme tels avant tout jugement public ?

Le Pape Pie XII enseignait que
Mystici Corporis Christi a écrit : seuls font partie des membres de l'Eglise ceux qui ont reçu le baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d'autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l'ensemble du Corps, ou n'en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l'autorité légitime.
Si nos opposants ont raison, le Saint-Père aurait dû dire "seuls font partie des membres de l'Eglise ceux qui ont reçu le baptême de régénération et professent la foi qu'ils veulent, ou n'en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l'autorité légitime." À entendre certains anti-sédévacantistes, on a l'impression que se séparer de la sainte Église est impossible, ou en tout cas que personne ne pourrait constater le fait.
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Message par Si vis pacem »

  chartreux a écrit : mer. 23 janv. 2019 11:17
  si vis pacem a écrit : mar. 22 janv. 2019 19:32 J'avoue ne pas trop comprendre le cheminement intellectuel de monsieur Lane.
Peut-être que ce cheminement vous apparaîtra plus clairement quand l'intégralité du texte aura été finie d'être retranscrite ici ?
Vous avez sûrement raison, attendons donc …

Dans l'immédiat cependant notons l'étrangeté d'asseoir une démonstration sur une notion fausse. En effet, « la Rote est absolument incompétente dans les affaires non contentieuses. »
  chartreux a écrit : mer. 23 janv. 2019 11:17
  si vis pacem a écrit : mar. 22 janv. 2019 19:32 L'Église ne fait que constater un fait, il n'y a aucun jugement à proprement parler.
Mais pourtant, ce n'est pas seulement John Lane qui use d'une terminologie juridique dans le contexte de l'hérésie et des hérétiques ... J'ai cru comprendre, par exemple, que l'Inquisition au Moyen-Âge lançait des procédures contre les suspects d'hérésie, le tribunal examinait leur cas et la procédure se terminait par une décision. Si ces décisions n'étaient pas des jugements à proprement parler, qu'étaient-elles donc ?
Aïe … je crois qu'il y a un gros bug ! Ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être judicieux de se poser la question de savoir pourquoi ce tribunal n'existe plus, depuis déjà pas mal de temps, en matière d'hérésie … alors que celle-ci est plus que jamais présente !

Quoiqu'il en soit et pour reprendre un lieu commun : « Pour comprendre et apprécier cette institution, comme toutes celles du passé, il est indispensable de les replacer dans leur cadre historique ... »

Sur ce, permettez-moi de m'éclipser afin de vous laisser terminer votre démonstration …

Merci..
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Re: Réponses à une dizaine d'objections courantes, par John Lane

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John Lane traduit par le chartreux a écrit : Objection 2. Il appartient au Pape régnant et au droit canon de légiférer en cette matière, ce n'est pas aux autres de s'en occuper..


Réponse :
Cette affirmation est sans fondement. S. Robert Bellarmin répond à une critique analogue :
De Romano Pontifice, livre II, chap. 30 a écrit : Certains prétendent que ce n'est qu'une loi ancienne, tandis qu'aujourd'hui, par le dogme du concile de Constance, seuls perdent leur juridiction ceux qui sont nommément excommuniés ou qui agressent des clercs. Je dis que cet argument est sans aucune valeur. Car ces pères, quand ils disaient que les hérétiques perdent leur juridiction, ne citent aucune loi humaine, qui d'ailleurs n'existait apparamment pas. Quand il traite de la nature de l'hérésie, le concile de Constance ne s'occupe que des excommuniés, c'est à dire de ceux qui ont perdu leur juridiction par une sentence de l'Église, tandis que les hérétiques avant même d'être excommuniés se trouvent hors de l'Église et privés de toute juridiction. Car ils sont condamnés par leur propre jugement, comme l'Apôtre l'enseigne en Tite 3:10-11 : ils sont coupés du corps de l'Église, sans avoir été excommuniés, comme l'affirme S. Jérôme.

Mais même l'enseignement d'un docteur de l'Église ne suffira pas à convaincre certains, qui maintiendront leur interprétation particulière du droit canon envers et contre tout. Voici ce que répond Da Silveira à cela :
Essai sur l'hérésie a écrit : On pourrait objecter qu'un tel enseignement se trouve seulement dans les manuels, mais n'a pas été retenu par le code de droit canonique qui explicite au canon 2233.2 la manière précise dont on doit corriger et avertir un accusé avant d'imposer la moindre censure.

Cette objection ne tient pas, par ce que ce canon ne s'applique qu'aux censures ferendae sententiae, c'est-à-dire infligées par un supérieur ou un juge ecclésiastique. Quand la censure est latae sententiae, c'est-à-dire quand l'accusé est automatiquement condamné par le fait d'avoir commis un certain crime, l'avertissement n'est pas nécéssaire. Dans ce cas, comme le dit le bel et ancien adage juridique, Lex interpellat pro homine , c'est la loi qui frappe, au lieu de l'homme(cf. Palazzini, col. 1298).

L'excommunication qui frappe un hérétique est latae sententiae (canon 2314.1). Il découle clairement de cela que le code droit canonique accepte l'idée qu'un avertissement n'est pas nécéssaire pour que la pertinacité .
Autrement dit, cette interprétation est en parfaite harmonie avec le principe énoncé au canon 192, section 1, dont les termes sont : "La privation d'un office est encourue soit de plein droit, soit par décision du supérieur légitime". Tous les canonistes reconnaissent que les peines sont appliquées soit par un supérieur, soit par la loi elle-même. Les excommunications, qui sont des peines particulières, peuvent venir soit de l'initiative du supérieur, qui doit toujours avertir l'accusé ; soit venir de la loi elle-même, automatiquement. Ainsi, c'est mal expliquer le droit canon que de dire que la loi requiert un avertissement ou jugement dans tous les cas.

De plus, ceux qui se focalisent sur la question de l'excommunication tombent à côté de la vraie question, puisque comme le dit si bien et si joliment Pie XII dans Mystici Corporis Christi, il y a deux manières de sortir de l'Église - soit par ses propres actes (hérésie, schisme ou apostasie), ou par une séparation punitive pour de graves crimes commis (excommunication).
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John Lane traduit par le chartreux a écrit : Objection 3. Un "pape" hérétique reste pape jusqu'à ce qu'il ait été jugé infailliblement par la Sainte Église.


Il est vrai que certaines autorités ont soutenu que, dans le cas extraordinaire d'un pape qui tomberait dans l'hérésie (chose impossible d'après les meilleures autorités), la perte d'office ne viendrait pas, ou ne serait pas connue, avant une déclaration par un concile général ou conclave. Qui sont ces autorités peu nombreuses ? Jean de S. Thomas, Suarez, Cajetan, Bioux. Aucun d'entre eux n'est un saint canonisé, aucun n'est docteur de l'Église, et ils ne constituent qu'une très-petite minorité. C'est l'opinion contraire qui est la plus commune, et c'est même la tradition constante de l'Église d'après S. Robert Bellarmin, qui écrit : "la bonne opinion est donc la cinquième, suivant laquelle le Pape qui est hérétique manifeste cesse par là-même d'être Pape et tête, de la même manière qu'il cesse d'être chrétien et membre de l'Église ; et pour cette raison il peut être jugé et puni par l'Église. C'est le sentiment de tous les anciens Pères, qui enseignent que les hérétiques manifestes perdent toute juridiction ..." (De Romano Pontifice, livre II, chap. 30).

Quelques paragraphes avant, Bellarmin a clairement expliqué qu'aucune déclaration n'est nécéssaire : "il est prouvé à la fois par la raison et par des arguments d'autorité que l'hérétique manifeste est déposé ipso facto. L'argument d'autorité se fonde sur S. Paul (Tite, c.3), qui commande d'éviter l'hérétique après deux avertissements, c'est-à-dire une fois qu'il s'est montré manifestement obstiné - ce que veut dire avant toute excommunication ou autre sentence judiciaire. Et c'est ce qu'écrit S. Jérôme, que les autres pécheurs sont exclus de l'Église par une sentence d'excommunicatio, mais que les hérétiques s'exilent eux-mêmes et se séparent eux-mêmes du corps du Christ, par leur action propre." (Ibid.)
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
Certains posent le syllogisme suivant : "1)les hérétiques manifestes perdent leur office automatiquement, sans déclaration. Or, 2) l'hérésie n'est pas manifeste avant d'être déclarée. Donc, 3) on ne peut pas savoir qu'un office est vacant avant qu'il y ait eu une déclaration."

Comme déja démontré plus haut, un tel raisonnement s'oppose frontalement au code de droit canonique et à la tradition constante de la sainte Église. Et le raisonnement est absurde en lui-même aussi. Pour deux raisons, premièrement par ce qu'il confond les notions d' autorité et de certitude, et deuxièmement par ce qu'il porte une contradiction en lui-même.

La contradiction est la suivante : si l'hérésie ne peut être manifeste avant d'être déclarée, alors un office ne peut jamais être automatiquement perdu, et le 1) est sans objet. Mais si le 1) tombe, le 3) devient vide de sens : qu'y aurait-il à savoir , à distinguer avant les déclarations officielles ? Ou bien, veut-on dire que la perte d'un office suit immédiatement, "automatiquement" un jugement public d'hérésie ? Pourquoi se soucier d'énoncer ce truisme ? La sainte Église, quand elle a jugé un clerc coupable d'hérésie, le prive de ses offices de toute façon. Si ce "raisonnement" stupéfiant est juste, alors il semblerait que des théologiens, des canonistes, des papes, des Pères et bien d'autres, ont gaspillé beaucoup d'encre sur une distinction sans aucune portée pratique.

À la racine de l'incompréhension de ce dont nous nous occupons présentement, il y a souvent la confusion entre la certitude et l'autorité. La certitude, comme vu plus haut, est un état d'esprit où il ne reste plus aucun doute raisonnable. L' autorité est le droit d'imposer ou de faire appliquer quelque chose. Or, il est évident que la certitude n'est pas le privilège exclusif de ceux qui possèdent l'autorité. La certitude ne se limite pas non plus aux choses que l'autorité a tranchées, autrement dit "jugées". Ce que l'autorité peut faire en revanche, et ce qu'elle fait effectivement, c'est rendre clair à tous ce qui ne serait pas clair autrement. L'autorité fournit la certitude à ceux qui ne peuvent pas ou ne pourraient pas l'obtenir sans elle.

Et enfin, l'autorité peut et doit imposer son jugement au for externe. Ce qui veut dire qu'il n'est pas permis d'être un désaccord avec un jugement public une fois qu'il a été publié. Il reste bien sûr vrai qu'un jugement faillible peut être érroné, par définition. Mais les humbles catholiques fidèles s'abstiennent de contester même ces jugements venant de tribunaux faillibles, s'il n'y a pas de graves et solides raisons de le faire. Je ne développe ces considérations ici que pour faire bien ressortir la différence entre l' autorité et de certitude.

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Re: Réponses à une dizaine d'objections courantes, par John Lane

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John Lane traduit par le chartreux a écrit : Objection 4. Les catholiques peuvent continuer à être enseignés par quelqu'un qui leur semble propager des hérésies, en filtrant le "bon" du "mauvais" dans son enseignement.


Les traditionalistes non-sédévacantistes soutiennent genéralement, et avec raison, qu'il faut défendre la vraie foi même quand elle est attaquée par quelqu'un apparament investi d'une autorité légitime. En revanche, ils comprennent moins bien la raison de cela.

Peut-être se sentent-ils tiraillés entre l'autorité et la certitude. Ils voient bien que si un Catholique n'a pas le droit de résister à ceux qui s'efforcent de ruiner sa foi, alors autant nous faire tous hérétiques conciliaires tout de suite. Cette juste constatation les conduit à la position érronnée suivant laquelle les Catholiques ont le droit de résister à ceux qu'ils considèrent comme leurs pasteurs légitimes. Quel est le cheminement de cette erreur ?

Les Catholiques reçoivent l'enseignement de leurs supérieurs - leurs pasteurs, évêques, et le Pape. Pour apprendre, il faut maintenir son esprit ouvert et prêt à recevoir ce qui est presenté. Apprendre est une activité essentiellement passive. Enseigner, c'est exposer en attendant cette attitude de l'auditoire - c'est une activité essentiellement active. Or, ce qui rend les Catholiques certains qu'ils sont en train d'écouter un hérétique apparamment investi d'autorité, certains que ce qu'ils entendent n'est pas la vérité, c'est la contradiction. Contradiction entre ce qui était enseigné avant et ce qui est enseigné maintenant. C'est certes le rôle d'un étudiant d'accepter ce qui est enseigné, mais nul ne peut tenir deux propositions contradictoires en même temps.
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