INQUISITION du Moyen-Âge.
(col. 837-838)
Doctrine des hérétiques.
(suite)
L'inquisiteur BERNARD GUI résumait ainsi la doctrine des Cathares sur le mariage : « Ils condamnent absolument le mariage qui unit l'homme et la femme; ils prétendent qu'on y est en perpétuel état de péché ; ils nient que le Dieu bon l'ait jamais institué. Ils déclarent que connaître charnellement sa femme, n'est pas une moindre faute qu'un commerce incestueux avec une mère, une fille, une sœur. » (Practica inquisitionis, p. 130.)
Aussi, toute personne qui demandait aux hérétiques l'initiation complète à leur secte, le Consolamentum, s'engageait-elle à se séparer à jamais de son conjoint. Vers l'an 1218, Bernard Pons de Laure étant gravement malade à Roquefère-Cabardès, en Languedoc, sa femme Bermonde demanda à deux Cathares de venir lui donner le Consolamentum ; mais, avant de procéder à cet acte, ceux-ci exigèrent de Bermonde qu'elle renonçât à jamais à son mari; et ce ne fut qu'après avoir reçu cet engagement qu'ils procédèrent à la cérémonie : « postmodum consolati sunt dictum infirmant ». Revenu à la santé, Pons « abandonna l'hérésie, revint au monde et, par la même occasion, reprit sa femme, oublieuse elle-même de sa promesse ». Mais bientôt, ce fut au tour de Bermonde d'être malade et de demander le Consolamentum. Les deux hérétiques qui accoururent à son appel n'agirent pas autrement que les premiers. Avant de commencer leurs rites, ils exigèrent que Pons renonçât à jamais à sa femme et ce ne fut qu'après en avoir reçu la promesse formelle, qu'ils la consolèrent (Bibl. nat., DOAT, XXIII, pp. 81-83).
Les Registres de l'Inquisition toulousaine nous montrent un grand nombre d'hérétiques revenant à la fois à l'Eglise et au mariage. Arnalde Frémiac avait été engagée, dès sa jeunesse, dans la secte cathare par son oncle lsarn Bola. Mais plus tard, saint Dominique reçut son abjuration et lui imposa une pénitence quousque duceret maritum, c'est-à-dire jusqu'au jour où, par son mariage, elle prouverait, d'une manière indiscutable, la sincérité de sa conversion (1211) (Bibl. de Toulouse, ms. 609, f° 160). P. Covinens, de Fanjeaux au diocèse de Toulouse (1), avait été remise aux hérétiques par Pierre Colonna, son frère; regagnée à l'orthodoxie par saint Dominique, « elle abandonna ses erreurs et se maria » (Ibid., p. 161).
Pendant plus de trois ans, une certaine Bernarde avait vécu dans l'albigéisme ; « mais ensuite, elle prit un mari et eut deux enfants » (DOAT, XXII, p. 1).
Vers l'an 1229, vivaient à Narbonne deux sœurs, Raymonde et Florence. Originaires du Mas-Saintes-Puelles, elles avaient quitté leur pays pour vivre plus librement dans l'hérésie; Raymonde avait, en même temps abandonné son mari qui était resté au Mas. Arrêtées par le baile archiépiscopal, elles comparurent devant l'officialité diocésaine. Le dominicain Ferrier, « qui exerçait les fonctions d'inquisiteur au nom de l'archevêque », reçut leur abjuration, les fit mettre en liberté, les ramena dans leur pays et « rendit Raymonde à son mari, et reddidit eam viro suo » (Bibl. de Toulouse, ms. 609, fº 23-24). Tolsanus Bertrand racontait aux inquisiteurs de 1245 une histoire semblable qui était arrivée, quinze auparavant, à sa mère Guillehuine Gleize. « Elle fut hérétique pendant trois ans à Auriac; convertie ensuite à la foi catholique, elle reprit son mari. Elle vécut encore plus de huit ans avec lui; et quand il mourut, elle alla habiter avec son fils, dans sa maison des Cassès. » (ibid., f° 225.)
Dans leur aversion pour le mariage, les hérétiques allaient jusqu'à déclarer que le concubinage lui était préférable et qu'il était plus grave…
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(1) Aujourd'hui, dans le département de l'Aude et le diocèse de Carcassonne.