Inquisition au Moyen-Âge.

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Louis Mc Duff
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Inquisition au Moyen-Âge.

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INQUISITION au Moyen-Âge.

(col. 823-824)

INQUISITION. — L'hérésie est aussi ancienne que l'Eglise : dans tous les siècles et dans tous les pays, elle a opposé à la doctrine catholique ses négations ou ses interprétations particulières du dogme chrétien. Il y eut cependant des époques où elle se montra plus dangereuse pour l'unité catholique et où l'Eglise crut nécessaire de prendre contre elle de plus grandes précautions. Au XIIe et au XIIIe siècle par exemple, la diffusion du catharisme dans l'Europe occidentale menaça d'enlever à l'Eglise des régions entières; et une guerre à outrance, qui dura plusieurs générations, s'engagea entre elle et lui dans le Midi de la France et le Nord de l'Italie. Au XVIe siècle, le protestantisme la supplanta dans un grand nombre de pays et se flatta même de la détruire.

Au cours de ces crises redoutables, elle décréta des mesures de répression contre les hérétiques, de concert avec les puissances temporelles, et c'est ainsi que naquit et se développa l'Inquisition. Cette institution n'a pas été créée de toutes pièces et elle n'est pas demeurée identique à elle-même au cours de son histoire. Elle s'est adaptée aux pays et aux siècles qui l'ont vue apparaître, aux circonstances qui l'ont provoquée. Née presque partout de la collaboration de l'Eglise et de l'Etat, elle a subi l'influence de ces deux puissances, l'une et l'autre diversement responsables de sa marche et de son action. C'est ce que ne doit jamais oublier l'historien qui veut retracer et apprécier son rôle (1).

Aussi distinguerons-nous dans cette étude plusieurs sortes d'Inquisition :

1° L'Inquisition du Moyen Age, qui s'est surtout exercée contre les Cathares et les Vaudois au XIIe et au XIIIe siècle, et contre les hérésies franciscaines au XIVe ;

2° L'Inquisition espagnole, qui a pris un caractère plus national que politique le jour où elle a défendu contre les Maures et les Juifs l'intégrité de la race espagnole et est devenue, entre les mains des souverains, un instrument d'unification nationale et d'absolutisme royal ;

3º L'Inquisition romaine du XVIe siècle, réorganisée pour arrêter les progrès du protestantisme (2).

_________________________________________________________

1. Pour les questions de principes ici engagées, voir l'article HÉRÉSIE.
2. Ici nous ne parlerons que de l'Inquisition au Moyen Age, réservant pour l'article OFFICE (SAINT ce qui nous restera à dire sur l'Inquisition espagnole et l'Inquisition romaine.


A suivre : Origines.
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Louis Mc Duff
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(col. 824-825)

Origines.— L'Inquisition du Moyen Age n'atteignit son organisation définitive qu'après de longs tâtonnements, et ce fut progressivement que, sous des influences multiples, les papes finirent par l'établir. Aussi est il nécessaire de remonter aux lointaines origines de cette institution pour bien comprendre et apprécier les raisons qui l'ont fait créer.

On l'a maintes fois fait remarquer, jusqu'à l'an mil, l'hérésie a rarement été réprimée par la violence. Au dire de l'historien libre-penseur LEA (Histoire de l'Inquisition, 1, p. 130) les papes eux-mêmes la laissèrent à peu près libre, malgré le nombre considérable d'adeptes qu'elle avait faits. Le pasteur SCHMIDT dans son Histoire des Cathares albigeois et M. l'abbé VACANDARDdans son ouvrage sur l'Inquisition font la même remarque.

Vers l'an mil, à cause des relations de plus en plus fréquentes de l'Occident avec l'Orient, les doctrines cathares se propagèrent avec rapidité dans l'Europe latine et germanique. On en signale simultanément l'apparition en France, en Aquitaine, en Italie, en Allemagne, en Flandre. En 991, elles étaient déjà si répandues en France qu'avant de prendre possession de son archevêché de Reims, GERBERT crut nécessaire de les répudier par un serment solennel. Ces doctrines n'étaient ni originales, ni neuves; par une tradition ininterrompue, elles provenaient de ces sectes manichéennes qui avaient survécu aux persécutions dirigées contre elles par l'Empire romain et s'étaient perpétuées pendant tout le haut moyen âge dans les régions orientales, les provinces de l'Empire byzantin, et même dans certains pays de l'occident latin (LEA, op. cit., I, p. 121).

Leurs progrès ne semblent pas avoir modifié l'attitude tolérante de l'Eglise. Elle ne les combattit, au XIe et dans la première moitié du XIIe siècle, que par la controverse et par des sanctions d'ordre spirituel.

Vers 1004, un laïque de Vertus, au diocèse de Châlons, nommé LEUTARD, prêchait publiquement le manichéisme. Estimant, comme tous les Cathares, que le mariage est illicite et que nul ne saurait se sauver en demeurant dans cet état de péché, il avait renvoyé sa femme ; pour prouver l'inanité du culte de la croix et des saints, il avait brisé lui-même, dans l'église de son pays, le Crucifix et les saintes images. Enfin, il niait l'autorité du clergé et excitait les paysans à refuser le paiement de la dime ecclésiastique. De pareils actes avaient causé des désordres; et nombreux étaient les paysans qui, les armes à la main, s'étaient groupés autour de Leutard. Il fut dénoncé à l'évêque de Châlons comme hérétique et perturbateur de l'ordre ; l'évêque Gébuin le renvoya absous comme fou (RAOUL GLABER, lib. Il, chap. 11).

Grâce à cette indulgence, l'hérésie continua à se propager dans le diocèse de Châlons et, en 1043…
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Louis Mc Duff
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(col. 825-826)

Origines (suite)

Grâce à cette indulgence, l'hérésie continua à se propager dans le diocèse de Châlons et, en 1043, l'évêque ROGER fut averti que de nombreuses assemblées de Cathares avaient lieu dans la région. Sur la conduite à tenir à leur endroit il consulta WAZON, évêque de Liège, qui lui écrivit une lettre fort curieuse (Gesta episcoporum Leodiensium, ap. PERTZ, Monumenta Germaniæ historica. Scriptores, VII, 227). « Dieu, disait Wazon, ne veut pas la mort du pécheur mais sa conversion. Le Christ ne nous a-t-il pas donné l'exemple de la douceur envers les hérétiques, alors que, tout-puissant, il a supporté les opprobres, les injures, les cruautés des Juifs et enfin le supplice de la croix? Et lorsque, dans sa parabole, il a conseillé de laisser grandir l'ivraie avec le bon grain jusqu'à la moisson, ne nous a-t-il pas enseigné que les mauvais doivent vivre avec les bons jusqu'au Jugement de Dieu qui seul les séparera? »

Se montrant encore plus tolérant, Wazon ajoutait : « Ceux que le monde considère aujourd'hui comme de l'ivraie, peuvent être, quand viendra la moisson, engrangés par Dieu avec le froment... Ceux que nous regardons comme les ennemis de Dieu, peuvent être mis par lui au-dessus de nous dans le ciel. »

L'hérésie continuant à se développer, grâce à cette tolérance, la question de sa répression fut portée devant le concile qui se tint à Reims, les 3-5 octobre 1049, sous la présidence du pape LEON IX. Cette fois, les Cathares furent frappés, mais de peines spirituelles. Le pape les excommunia ainsi que leurs défenseurs et leurs protecteurs (MANSI, XIX, 737).

Une décision analogue fut prise par le concile qui se réunit à Toulouse, le 13 septembre 1056, sur l'ordre du pape VICTOR II (MANSI, XIX, 849).

Enfin, le pape ALEXANDRE II écrivait à Guiffred, archevêque de Narbonne, pour lui rappeler « quod leges tam ecclesiasticae quam saeculares effusionem humani sanguinis prohibent », et à Bérenger, vicomte de Narbonne, pour prendre la défense des Juifs. « Il ne faut pas les mettre à mort, lui disait-il, car Dieu ne prend pas plaisir à l'effusion du sang et il ne se réjouit pas de la perte des méchants » (MANSI, XIX,980).

Dans la première moitié du XIIe siècle, malgré les progrès de plus eu plus menaçants de l'hérésie, l'Eglise resta fidèle à la même attitude. Vers l'an 1112, le diocèse d'Utrecht fut profondément bouleversé par un hérétique appelé par les documents tantôt TANCHELM, tantôt TANCHELIN ou même FAUCELLIN. Il niait le pouvoir du pape, des archevêques, des évêques et de l'Eglise, les sacrements et en particulier l'Eucharistie. Il avait gagné à ses doctrines un si grand nombre de paysans et de marins qu'il était toujours escorté d'une troupe considérable et faisait porter devant lui les insignes de l'autorité. Il ne s'en tenait pas en effet à de simples prédications, il soulevait les populations contre les pouvoirs établis et interdisait le paiement de la dîme. Il occupait de force les églises et en chassait les prêtres catholiques, avec son armée de 3000 hommes. Contre de pareils attentats, l'archevêque de Cologne et l'évêque d'Utrecht n'employèrent aucunement la violence. Ils se contentèrent de faire appel à S. Norbert et à ses Prémontrés, qui furent établis par eux dans la collégiale de S. Michel d'Anvers, afin que les pieuses prédications de S. Norbert et de ses disciples eussent raison des fausses doctrines de Tanchelm (FREDERICQ, Corpus documentorum inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, I, pp. 15 et sqq.).

Si, dans la…
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Louis Mc Duff
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(col. 826)

Origines.(suite)

Si, dans la suite, Tanchelm fut poursuivi, ce fut par Godefroy le Barbu, duc de Lorraine, et non par les évêques (Ibid., p. 28); l'Eglise s'était contentée de l'excommunier.

Vers 1144, les mêmes doctrines et les mêmes troubles étaient propagés à Liège par des hérétiques, venus dans ces pays du diocèse de Châlons où l'hérésie s'était développée depuis un siècle, par suite de la tolérance des évêques. Ils y avaient organisé une communauté hérétique qui avait deux catégories d'adhérents comme I'Albigéisme, les Croyants qui avaient reçu l'initiation complète, les Auditeurs qui ne l'avaient pas encore reçue. Le peuple voulut leur faire un mauvais parti; mais ils furent sauvés à grand'peine par le clergé de Liège, plus désireux de leur conversion que de leur châtiment (Ibid., I, p. 32).

Contre les hérétiques, l'Eglise se contentait donc de multiplier les prédications exceptionnelles, les missions et les traités de controverse. Vers 1140, un Cathare breton, EUDES DE STELLA, se donnait comme un éon issu de Dieu; il rejetait l'organisation catholique, le baptême et surtout le mariage; il soulevait les foules contre les églises et les monastères qu'il pillait et détruisait. « Erumpebat improvisus ecclesiarum et monasteriorum infestator... ecclesiis maxime monasteriisque infestus », dit de lui le chroniqueur GUILLAUME DE NEWBURY (BOUQUET, Recueil des historiens des Gaules et de la France, XIII, p. 97). Il ne fut arrêté et condamné à la prison par le concile de Reims que lorsqu'il eut commis un grand nombre de dévastations et de pillages. On commença par argumenter contre lui.

En 1145, le légat ALBERIC, cardinal-évêque d'Ostie, se rendit en Bretagne, prêcha contre Eudes à Nantes et commanda une réfutation de ses erreurs à Hugues, archevêque de Rouen (BOUQUET, op. cit., XII, p. 558). On connaît les missions dirigées par S. BERNARD lui-même, dans le Midi de la France contre les Henriciens et les Pétrobrusiens, si puissants et si répandus dans ces régions.

Les prédications de PIERRE DE BRUYS et de son disciple HENRI avaient eu le plus grand succès dans les régions des Pyrénées, de la Garonne et de la Méditerranée ; elles avaient gagné la majeure partie de la population ; c'était une vraie déchristianisation. Les sectaires mêlaient contre les catholiques l'insulte et la raillerie aux négations; parfois même, ils usaient de violence.

A la demande du légat Albéric, S. Bernard quitta son abbaye de Clairvaux pour aller argumenter contre eux. En 1145-1146, on l'entendit à Bordeaux, Bergerac, Périgueux, Sarlat, Cahors, Toulouse, Albi, Verfeil; mais son éloquence ne suffit pas pour arrêter les progrès du mal. « Qu'on prenne les hérétiques par les arguments et non par les armes, disait-il : « Capiantur non armis, sed arguments ! » (In Cantic. Sermo LXIV), et s'il envisageait la possibilité de mesures de rigueur à leur endroit, c'était pour répondre à leurs violences et protéger contre elles la foi du peuple chrétien (VACANDARD, S. Bernard, II, p. 213). La conversion des sectaires et, à son défaut, des peines canoniques telles que l'excommunication, lui paraissaient préférables aux condamnations séculières.

« C'est, disait-il, la volonté de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés et qu'ils parviennent à la connaissance de la vérité. » Ailleurs, en parlant de la foule qui avait traîné les hérétiques au supplice il s'écriait : « J'approuve le zèle, niais je ne conseille pas d'imiter le fait; car il faut amener les hommes à la foi par la persuasion et non par la force. »

D'autres voix ecclésiastiques ou religieuses se firent entendre, au XIIe siècle…
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(col. 827)

Origines (suite).

D'autres voix ecclésiastiques ou religieuses se firent entendre, au XIIe siècle, pour protester contre la mise à mort des hérétiques. Sainte HILDEGARDE écrivait aux princes chrétiens : « Faites sortir les hérétiques hors de l'Eglise, mais ne les tuez point; car ils sont faits comme nous à l'image de Dieu. » (SCHMIDT, Histoire et doctrine de la secte des Cathares, I,p. 219.)

Les princes et le peuple ne firent pas preuve de la même longanimité que le clergé. Les premiers par leurs jugements, les seconds par leurs soulèvements usèrent, pour réprimer l'hérésie, de moyens violents et, dès le XIe siècle, les bûchers s'allumèrent par leurs soins.

En 1017, nous raconte RAOUL GLABER, l'hérésie manichéenne avait été apportée à Orléans par une femme venue d'Italie ; elle avait gagné à ses croyances un grand nombre d'adhérents dans la noblesse, le peuple et même le clergé; elle comptait parmi ses adeptes la majeure partie du chapitre de Sainte-Croix et deux de ses membres les plus distingués, Lisoi et Héribert, ce dernier confesseur de la reine Constance. Non content de professer eux-mêmes l'hérésie, ils envoyaient de tous côtés leurs disciples pour la propager.

Dès qu'il l'apprit, le roi de France, ROBERT LE PIEUX, en fut profondément affligé, parce qu'il voyait dans cette hérésie la ruine de la patrie et la mort des âmes, « ut autem cognovit rex Robertus, ut erat doctissimus ac christianus, tristis ac maerens nimium effectus quoniam et ruinam patriae revera et animarum metuebat interitum » (RAOUL GLABER, III, 8).

Ce qui effrayait le roi, c'étaient les doctrines antisociales et antichrétiennes à la fois de ces hérétiques. Ils niaient la nécessité de l'action, rejetaient les œuvres de charité et de justice, condamnaient le mariage et la famille, bases de l'ordre social; ils ne croyaient pas que les vilaines actions commises en cette vie fussent punies dans l'autre.

Robert ne se contenta pas de gémir…
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(col. 827)

Origines.(suite)

Robert ne se contenta pas de gémir. Il vint à Orléans, convoqua lui-même une assemblée composée d'évêques, d'abbés et de laïques et fit rechercher soigneusement les chefs et les propagateurs de l'hérésie. Lorsqu'il les eut découverts et interrogés et qu'ils eurent montré une obstination inébranlable dans leurs erreurs, il condamna lui-même au bûcher treize d'entre eux. De ces faits unanimement rapportés par les chroniqueurs du temps, RAOUL GLABER, HAGANON DE CHARTRES, ADEMAR DE CHABANNES (MANSI, Concilia, XIX, 373-386), il ressort:

1° que le roi Robert eut l'initiative des poursuites, les dirigea lui-même, prononça la sentence finale et que, dès lors, le premier bûcher allumé en France contre les hérétiques l'a été par le pouvoir civil;

2º que, dans toute cette affaire, le clergé n'a eu qu'une attitude passive, n'agissant que sous l'impulsion du roi ;

3° que Robert le Pieux était l'adversaire des hérétiques autant comme roi que comme chrétien, et qu'en les condamnant, il prétendait sauver la patrie autant que les âmes;

4° que ses appréhensions lui étaient inspirées par les doctrines antisociales des Cathares sur l'activité humaine, le mariage et la famille.

Il trouva aussitôt un imitateur dans la personne de GUILLAUME, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine. Ayant découvert des hérétiques dans ses états, il réunit d'urgence, à Charroux, en un concile, les évêques, les abbés et les représentants de la noblesse et des peines sévères furent portées contre l'hérésie. Bientôt après, par ses soins, plusieurs Cathares furent brûlés à Toulouse.

« L'empereur HENRI III, passa à Goslar les fêtes de Noël 1052. Il y fît pendre plusieurs hérétiques qui professaient des doctrines manichéennes et s'abstenaient de toute nourriture animale. » La chronique d'HERMANNUS CONTRACTUS, qui nous raconte ce fait, ajoute qu'il fut approuvé par tous, « consensu cunctorum » (BOUQUET, op. cit., XI, p. 20).

L'auteur des Gesta episcoporum Leodiensium nous dit…
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(col. 828-829)

Origines.(suite)


L'auteur des Gesta episcoporum Leodiensium nous dit tout le contraire ; d'après lui, la condamnation des hérétiques de Goslar n'eut lieu qu'après une longue discussion, et il ne cache pas la répulsion qu'elle lui inspire ; il la compare à celle qui fut portée contre Priscillien par les évêques courtisans de l'empereur Maxime et il déclare que son évêque Wazon n'y aurait jamais souscrit, s'il avait été encore de ce monde. « Et nous le disons hautement, ajoute-t-il, non que nous voulions défendre l'hérésie, mais parce que de pareilles condamnations ne sont pas d'accord avec la loi de Dieu. » (MARTENE, Amplissima collectio, IV, 902.)

Les mesures violentes qui furent prises contre Tanchelm, dans les Pays-Bas, furent ordonnées par le duc de Lorraine GODEFROY LE BARBU; il dut agir beaucoup plutôt pour débarrasser le pays d'un fâcheux perturbateur que pour délivrer l'Eglise d'un de ses ennemis; car les Annales de saint Jacques de Liège nous le représentent lui-même comme un persécuteur de l'Eglise catholique et un défenseur de la simonie (FREDERICQ, Corpus documentorum inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, I. pp. 28-30).

Le plus souvent, l'opinion publique réclamait avec acharnement le supplice des hérétiques, parfois même la justice populaire le leur infligeait elle-même, devançant celle des princes et des gouvernements, qui devaient prendre contre elle les plus minutieuses précautions. Lorsque Robert le Pieux eut condamné les hérétiques d'Orléans, le peuple partageait tellement les sentiments du roi que, n'ayant pas la patience d'attendre leur supplice, il voulait les mettre à mort lui-même dans l'église de Sainte-Croix. Ce fut pour empêcher un massacre qui, commis dans une église, se serait doublé d'un sacrilège, que le roi fit garder Sainte-Croix, par la reine Constance (RAOUL GLABER).

En 1077, un hérétique ayant proclamé ses erreurs devant l'évêque de Cambrai, des gens de l'évêque et la foule se saisirent de lui sans attendre le jugement et l'enfermèrent dans une cabane à laquelle ils mirent le feu (FREDERICQ, I, p. 12).

Vers 1040, l'archevêque de Milan, HÉRIBERT, découvrit un foyer d'hérésie à Monteforte, en Lombardie. GIRARD avait gagné la plupart des habitants de ce bourg et il leur faisait renier le mariage, les sacrements et l'autorité de l'Eglise ; la guerre éclata entre ce bourg et l'archevêque qui, ayant emporté la victoire, emmena à Milan Girard et plusieurs de ses adeptes. L'archevêque voulait leur laisser la vie; mais le peuple de Milan ayant dressé un bûcher en face d'une croix, ordonna aux hérétiques de choisir l'un ou l'autre, la mort par le feu ou la rétractation. Comme ils ne voulurent pas se rétracter, ils furent brûlés malgré l'archevêque. Dans les circonstances, le chroniqueur LANDULPHUS nous montre, d'une part l'archevêque Héribert désireux de sauver les hérétiques pour les convertir, et de l'autre les magistrats civils de Milan, civitatis hujus majores laici, élevant un magnifique bûcher pour les brûler (MURATORI, Rerum italicarum scriptores, IV, p. 89).

GUIBERT DE NOGENT nous raconte un fait du même genre qui se passa à Soissons, vers 1114. L'évêque LISIARD avait fait arrêter des hérétiques qui étaient manichéens, si nous en croyons ce que le chroniqueur nous rapporte de leurs doctrines. Après avoir instruit leur procès, il était embarrassé sur le traitement qu'il devait leur réserver et, les laissant en prison, il était allé consulter ses collègues réunis en concile à Beauvais; il était accompagné de Guibert, l'auteur du récit. Or, pendant son absence, le peuple de Beauvais se porta à la prison épiscopale, en arracha les hérétiques, alluma un bûcher hors de la ville et les y brûla; et la raison que donne Guibert de cet acte est significative. Le peuple a brûlé lui-même les hérétiques parce qu'il appréhendait à leur égard l'indulgence de l'Eglise : « Sed fidelis interim populus, CLERICALEM VERENS MOLLITIEM ,concurrit ad ergastulum, rapit et subjecto eis extra urbem igne, pariter concremavit. » (BOUQUET, op. cit., XII, p. 266.)

A Liège, le peuple témoignait de la même haine…
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(col. 829)

Origines (suite).

A Liège, le peuple témoignait de la même haine contre les hérétiques. En 1135, trois manichéens étaient arrêtés ; quand ils eurent proclamé leurs doctrines niant le mariage, approuvant la promiscuité des sexes, rejetant le baptême et les autres sacrements, le peuple voulut les lapider sans attendre le jugement. Dix ans plus tard, dans la même ville, après des aveux du même genre, la foule s'empara de quelques hérétiques, et les traîna au bûcher ; le clergé, qui voulait les convertir, eut la plus grande peine à les sauver : « Hos turba turbulenta raptos incendio tradere deputavit: sed nos, Dei favente misericordia, pene omnes ab instanti supplicio, de ipsis meliora sperantes, vix tamen eripuimus. » (FREDERICQ, op. cit., p. 32.)

Les textes que nous venons de citer précisent les positions différentes que prirent en face de l'hérésie, de l'an mil à 1150 environ, la puissance civile et la hiérarchie ecclésiastique. Nous pouvons les définir en ces trois propositions :

1° L'Eglise a répugné à la répression violente de l'hérésie. Parmi ses représentants les plus autorisés, les uns ne se sont pas reconnu le droit de châtier comme un crime l'hétérodoxie et ne l'ont combattue que par des discussions et des traités de controverse; les autres n'ont employé contre elle que des peines spirituelles, telles que l'excommunication, destinées moins à frapper l'erreur qu'à en préserver les fidèles en leur interdisant tout contact avec elle ; enfin, ceux qui étaient sollicités de prononcer des peines temporelles contre des hérétiques, perturbateurs de l'ordre public, ne le faisaient que faiblement, invoquant l'irresponsabilité des hérétiques pour les relâcher.

2º Le pouvoir civil s'est au contraire montré de plus en plus rigoureux contre l'hérésie. C'est lui qui, le premier, a allumé les bûchers, en France, en Allemagne, en Italie, en Flandre.

3° Les rigueurs du pouvoir civil ont été approuvées par l'opinion publique, du XIe et du XIIe siècle, le peuple accusant de tiédeur à l'égard des hérétiques non seulement les évêques et les clercs, mais les princes eux-mêmes.

A suivre : Établissement de l’Inquisition.
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(col. 829-830)

Etablissement de l'Inquisition. — Ces divergences entre le pouvoir civil et l'autorité religieuse allaient s'atténuer progressivement au XIIe siècle, pour disparaître complètement au XIIIe. Plus on avance, en effet, vers le XIIIe siècle et plus disparaissent les répugnances de l'Eglise à réprimer par la force l'hérésie.

En 1134, elle fut émue par les progrès considérables que faisait dans le Midi la secte des Henriciens. Aussi son propagateur, le moine Henri, que l'on avait laissé prêcher ses erreurs en liberté pendant 18 ans (1116-1134), finit-il par être arrêté sur ordre de l'archevêque d'Arles, et traduit au concile de Pise devant le pape INNOCENT II qui le condamna à la prison ; on le remit, il est vrai, en liberté peu de temps après, et il reprit ses prédications hérétiques; la répression était encore bénigne.

Ce fut en 1139 que l'Eglise, ne s'en tenant plus aux sanctions spirituelles, ordonna au pouvoir civil de réprimer l'hérésie par des peines temporelles.« Les hérétiques qui rejettent le sacrement du corps et du sang du Seigneur, le baptême des enfants, le sacerdoce et les autres ordres, condamnent le mariage, sont expulsés de l'Eglise de Dieu comme hérétiques; nous les condamnons et nous ordonnons au pouvoir civil de les réprimer. Nous englobons dans la même sentence quiconque prendra leur défense...» Ainsi s'exprime, dans son canon 23, le concile œcuménique du Latran qui se tint, en 1139, sous la présidence du pape INNOCENT II (MANSI, XXI, p. 532). Au signalement qui est donne ici de l'hérésie condamnée, il est facile de reconnaître les Cathares.

L'année suivante, Innocent II fit l'application de cette sentence à ABÉLARD et ARNAUD DE BRESCIA.

Par une lettre adressée, le 16 juillet 1140, aux archevêques de Reims et de Sens, ainsi qu'à saint Bernard, il ordonna d'enfermer ces deux personnages dans des couvents et de brûler leurs écrits (MANSI, XXI, p. 565). Cette sentence fut faiblement exécutée; car si Abélard se confia à la garde bienveillante de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, Arnaud continua à prêcher en Suisse et en Italie et dut être condamné une fois de plus en 1148. Livré en 1154, il fut pendu avant d'être brûlé, lorsque le pape ADRIEN IV, devenu l'allié de Frédéric Barberousse, eut réprimé les révoltes suscitées à Rome par Arnaud de Brescia.

Le concile de Reims, présidé en 1148 par EUGÈNE III …
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INQUISITION du Moyen-Âge.

(col. 830)

Établissement de l’Inquisition.
(suite)

Le concile de Reims, présidé en 1148 par EUGÈNE III, renouvela les sentences contre les Cathares, qui devenaient de plus en plus dangereux en Gascogne et en Languedoc. Nul ne devait les protéger ou les défendre; aucun seigneur ne devait les accepter sur ses terres, sous peine d'interdit et d'anathème : « Nullus heresiarchas et eorum sequaces manu teneat vel defendat nec aliquis eis in terra sua receptaculum praebeat. » (MANSI, XXI, p. 718.)

Cette législation ne suffit pas à l'ardeur des princes qui l'avaient provoquée. Il est curieux de les voir accuser le pape et l'Eglise de faiblesse envers l'hérésie et réclamer toujours de nouvelles mesures de rigueur.

Parmi ces rois acharnés contre les hérétiques, il faut placer au premier rang Louis VII le Jeune. En 1140, il assista au concile de Sens qui condamna Abélard.

En 1162, il écrivit une lettre curieuse au pape ALEXANDRE III. L'archevêque de Reims, HENRI frère du roi, s'était inquiété des progrès de l'hérésie manichéenne en France et il s'apprêtait, de concert avec le comte de Flandre, à poursuivre les Cathares, lorsque ceux-ci, confiants dans la douceur du pape Alexandre III, firent appel au Saint-Siège. Leur espoir ne fut pas trompé. Le pape rappela en termes fort nets l'archevêque et le comte de Flandre à la modération :
« Mieux vaut, écrivait-il à l'archevêque, absoudre des coupables que de s'attaquer, par une excessive sévérité, à la vie d'innocents... l'indulgence sied mieux aux gens d'Eglise que la dureté. » Et il lui rappelait le conseil de l'Ecriture : « Noli nimium esse justus. » (MARTENE, Ampl. Collectio, II, 683.)
L'archevêque dut communiquer cette lettre à son frère Louis VII ; car celui-ci écrivit aussitôt après au pape une lettre où les reproches de tiédeur se dissimulaient à peine sous les formules de respect.

« Notre frère l'archevêque de Reims, parcourant dernièrement la Flandre, y a trouvé des hommes égarés par les plus funestes doctrines, adeptes de l'hérésie des Manichéens ; l'observation a prouvé qu'ils sont bien plus mauvais qu'ils ne le paraissent. Si leur secte continue à se développer, ce sera un grand mal pour la foi... Que votre sagesse donne une attention toute particulière à cette peste et qu'elle la supprime avant qu'elle puisse grandir. Je vous en supplie pour l'honneur de la foi chrétienne, donnez toute liberté dans cette affaire à l'archevêque : il détruira ceux qui s'élèvent ainsi contre Dieu; sa juste sévérité sera louée par tous ceux qui, dans ce pays, sont animés d'une vraie piété. Si vous agissiez autrement, les murmures ne s'apaiseraient pas facilement et vous déchaîneriez contre l'Eglise romaine les violents reproches de l'opinion. »

En lisant ces lignes, il est facile de voir qu'Alexandre III répugnait à la violence…
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