Saint-Office
§ VI.Déclin et suppression de l'Inquisition espagnole.
(suite)
(col. 1117-1118)
Après quatre ans de négociations, l'incident fut clos par la nomination par le roi et la confirmation par le pape du nouvel Inquisiteur général, Vidal Marin, évêque de Ceuta (mars 1705). La disgrâce de Mendoza avait été pour l'Inquisition un sérieux avertissement d'avoir à travailler contre le parti autrichien pour la consolidation de l'autorité de Philippe V ; ainsi le comprit Marin. Par un décret du Saint-Office, publié en 1707, il obligea, sous peine de péché mortel et d'excommunication réservée, tout Espagnol à dénoncer quiconque prétendrait nul le serment de fidélité prêté à Philippe V et tous les confesseurs à signaler les cas de ce genre parvenus à leur connaissance. Cette mesure était tellement exorbitante que son exécution se heurta à l'opinion publique, surtout en Aragon ; les inquisiteurs régionaux n'osèrent pas l'appliquer: cependant, en juillet 1709, un procès inquisitorial fut fait à un Franciscain de Murcie, accusé d'avoir nié à ses pénitents que le serment de fidélité les engageât à jamais envers le roi. (LLORENTE, IV, p. 30).Si au contraire le Saint-Office essayait de défendre l'Eglise contre des entreprises régaliennes qui devaient s'accentuer de plus en plus au XVIIIe siècle, grâce aux légistes de la monarchie absolue, le gouvernement royal s'empressait de réprimer ces tentatives.
Philippe V et les conseillers que lui avait donnés Louis XIV avaient apporté en Espagne les « maximes de l'Eglise gallicane », c'est-à-dire cet ensemble de doctrines et de coutumes qui entravaient la juridiction du Saint-Siège, même dans les questions spirituelles, sur l'Eglise de France, en plaçant cette dernière sous l'influence de l'Etat; et ils s'efforcèrent d'aggraver encore la mainmise du pouvoir temporel sur le spirituel, à laquelle avaient déjà tant travaillé Ferdinand et Isabelle, et leurs successeurs de la Maison d' Autriche.
En 1713, le procureur fiscal du Conseil de Castille, Macanaz, s'était inspiré du livre que venait de publier pour défendre et renforcer les maximes régaliennes du gallicanisme l'avocat général du Parlement de Paris, Denis Talon ; et pour accentuer en Espagne l'autorité royale en face de l'Eglise, il avait écrit un Mémoire qu'il avait fait distribuer à tous les membres du Conseil. La plupart en furent scandalisés, et l'un d'eux déféra cet écrit au grand Inquisiteur. Le Saint-Office examina le Mémoire, mais n'osant pas s'attaquer à un personnage officiel, bien vu en cour, il se contenta de condamner les ouvrages dont Macanaz s'était inspiré, « comme renfermant des propositions scandaleuses, téméraires, erronées, blasphématoires, injurieuses aux sacrés Conciles, au Saint-Siège et même schismatiques et hérétiques ».
Philippe V punit très durement ceux qui avaient pris part directement ou indirectement à ce jugement. Louis Curiel, auteur d'un violent mémoire contre Macanaz, fut révoqué de ses fonctions de conseiller et relégué à Segura de la Lierra; un Dominicain, qui avait aidé Curiel, fut exilé; les inquisiteurs reçurent une sévère réprimande et l'ordre de révoquer immédiatement leur sentence : le cardinal del Giudice, grand Inquisiteur, fut rappelé de Versailles, où Philippe V l'avait envoyé, et confiné à Bayonne.
Louis XIV lui-même crut nécessaire de rappeler à la modération son petit-fils et ceux qui le conseillaient..