À titre personnel, je pense que Vincent Reynouard est une des personnalités publiques qu'il serait le moins difficile de ramener à la foi catholique.
Cela dit, un de ses plus grands défauts est de minimiser l'incompatiblité entre le régime politique qui a sa préférence et la religion catholique :
Jean Dumont, Erreurs sur le Mal Français, pp.158-163 a écrit :
Lorsque le concordat entre l'Église et l'État allemand est signé, le 20 juillet, le pape Pie IX lui-même, commente l'événement avec la même ferme et prudente ouverture. Malgré de nombreuses et graves préoccupations, il espère, par ce concordat, épargner aux catholiques allemands tensions et tribulations, et démontrer qu'il ne refuse à personne la main de la Mater Ecclesia.
Début 1934, nous l'avons dit, Hitler juge qu'il n'a plus de ménagements à observer envers l'Église catholique. Parallèlement à la promotion définitive de Rosenberg et de son idéologie au rang d'éducateurs de la nouvelle Allemagne, la police d'État alors créée par Goering à Berlin (comprenant la Gestapo), interdit le 23 avril 1934 le port de vêtements ayant un caractère d'uniforme ainsi que le port d'insignes exprimant l'appartenance à une organisation de jeunesse. Ce sont les mouvements de jeunesse catholique qui sont visés, comme le montre tout de suite l'action policière qui s'en prend jusqu'aux prêtres animateurs de ces mouvements.
Le 7 juin 1934, l'épiscopat allemand, réuni de nouveau à Fulda, réagit avec une extrême vigueur à ces deux entreprises du régime. Devant l'imminence du danger, lit-on dans sa déclaration, nous, vos évêques, ne pouvons nous taire. Vous avez entendu dire que lorsqu'on porte un uniforme on cesse d'être catholique, que même sans croire à Jésus-Christ on peut professer un christianisme positif, qu'est moral tout ce qui profite à la nation, que le Christ entraîna une dégénérescence de la race. Au nom de toutes les populations catholiques d'Allemagne, nous n'admettons pas que l'on insulte les dirigeants spirituels de l'Église, nos prêtres, et qu'on soumette à une surveillance méfiante leur action spirituelle.
Les longs couteaux sont aussi pour les catholiques
Alors éclate, jusque dans le sang, l'incompatibilité fondamentale entre l'idéologie nazie et l'Église romaine. Hitler interdit la publication de la déclaration de l'épiscopat catholique, ainsi réduit au silence. Et, profitant de la tristement célèbre Nuit des longs couteaux qui s'ouvre le 30 juin, Goering et sa Gestapo "liquident" physiquement les dirigeants laïcs les plus efficaces du catholicisme allemand.
Le président de l'Action Catholique de Berlin, Erich Klausener, est massacré. De même que von Tschirsch, collaboratuer du vice-président catholique von Papen. Les cendres d'Albert Prost, président de l' Association sportive des catholiques allemands , sont envoyées à son épouse par colis postal. Fritz Gerlich, directeur du plus grand journal catholique, est trouvé mort dans la prison où il a été jeté, etc.
Le 3 novembre se déclenche une attaque générale d'enquêtes policières et de dénonciations dans la presse contre les ordres religieux, centres d'action réactionnaire tendant à miner le programme de la conception nationale-socialiste du monde , constate, non sans raison, une circulaire du parti datée de ce jour. Il est superflu de souligner , écrit alors Rosenberg, que l'existence de couvents, contraires aux sentiments d'un homme normal, n'a aucun rapport avec la piété catholique.
Offensive générale "anti-romaine"
Le 13 février 1935, l'offensive nazie se concentre sur Munich, capitale de la Bavière, où une grande campagne est lancée contre l'école catholique, au profit de l'école unique mixte établie par le régime. La Semaine Religieuse , où le cardinal Faulhaber proteste, est saisie. Dans une manifestation publique visant le cardinal, la foule nazie crie : Pendez-le, pendez-le ! Mais les catholiques bavarois restent fermes : ils refusent l'école nazie à 65.45%.
Alors l'offensive générale "antiromaine" recourt aux éternels procédés des États totalitaires, toujours en vigueur aujourd'hui dans l'empire soviétique : des centaines de religieux sont arrêtés sous prétexte d'obscures activités de contrebande et de trafic de devises. Ou pour propagande contre l'État et insulte à ses chefs, au témoignage de provocateurs lancés partout en Allemagne aux trousses des prêtres catholiques. Ainsi en est-il à Rostock, à Kiel, aussi bien qu'à Munich.
Le 2 août la Gestapo se présente même pour arrêter un des plus prestigieux évêques allemands, Mgr von Galen, évêque de Münster, mais doit se retirer sous les cris et les injures de la foule.
Entre-temps, le 25 avril, la presse catholique est placée sous le controle de la "chambre de presse du Reich". Le 3 juin, des protestataires, les rédacteurs en chef de quatre grands journaux catholiques, notamment le Feiheitskampf des catholiques de Saxe, et 18 autres journalistes catholiques, sont jugés par un "Tribunal d'honneur".
Comme les catholiques multiplient alors les processions spectaculaires, les dirigeants nazis crient à la provocation, font interdire "toute manifestation publique de caractère confessionel", comme cela est fait officiellement en Thuringe. Les condamnations pleuvent sur les organisateurs de pélerinages ; ainsi à Landau le 22 août.
Le 7 août, les organisations ouvrières catholiques sont dissoutes. En même temps (ainsi à Munich) les fonctionnaires doivent déclarer s'ils sont fidèles à l'enseignement de l'Église et si leurs enfants fréquentent l'école catholique, étant sous-entendu que leur avancement dépendra de la réponse.
Les évêques : "restez fermes !"
Le 23 août, réunis à Fulda, l'épiscopat catholique fait facen de nouveau, dans une déclaration qu'il diffuse par les moyens qui lui restent. Catholiques, restez fermes dans votre foi tandis qu'on travaille à la déconfessionalisation de la vie publique, c'est-à-dire à sa déchristianisation. Restez ferme dans la foi lorsqu'on vous dit : "La religion n'a rien à faire avec la politique, c'est pourquoi le catholicisme politique doit être extirpé ..." Le royaume de Dieu, chers fidèles, doit être édifié dans la vie sociale. On ne peut pas être païen dans la rue. On ne peut pas, comme homme privé, s'unir au Christ, et comme fonctionnaire de l'État, combattre le Christ ...
Double réplique nazie. L'évêque de Meissen est condamné à 100000 marks d'amendes pour "propagande illicite et nuisible à l'’Etat". Et la Ligue des jeunes filles allemandes , rattachée au parti hitlérien, adopte ce chant merveilleusement "romain" : À bas le christianisme ! Jésus n'était qu'un sale Juif. Quant à sa mère - quelle honte - Elle s'appelait Cohen de son vrai nom.
Une représsion payante
En janvier 1936, comme le rappellera lord Vantissart, le minsitre nazi des affaires écclésiastiques, Karl, s'écrie : Le Führer est porteur d'une nouvelle révélation ... Adolf Hitler est le véritable Saint-Esprit !
Début février, le président général des associations catholiques de jeunesse et cent cinquante ecclésiastiques et laïcs sont arrêtés par la Gestapo.
Toutes ces intimidations et répressions sont payantes. Maintenant, à Munich, l'école catholique ne compte plus que 36% des élèves et le "Führer de la jeunesse", Baldur von Schirach, peut annoncer que 90% des jeunes de 10 à 12 ans ont adhéré à l'organisation nazie Jungvolk. Le 24 avril le ministre de l'Éducation Nationale, Rust, parfait le dispositif qui met la jeune Allemagne à l'école de l'idéologie "antiromaine" de Rosenberg. Il décrète qu'on ne pourra plus accorder à un élève une récompense quelconque, telle qu'un prix, une distinction, que si l'élève, en qualité de membe de la Jeunesse Hitlérienne ou des autres organisations du mouvement national-socialiste, a rempli ses devoirs sociaux d'une manière exemplaire.