Mgr Maupied – Le futur concile selon la divine constitution de l'Église. Paris, 1869, pp. 28-33 a écrit :
Les conciles œcuméniques ou généraux sont la réunion de l'Église enseignante telle que Jésus-Christ l'a constituée; en d'autres termes, c'est la réunion de tous les membres du premier et principal degré de la hiérarchie instituée par l'ordination divine, lequel constitue le collège ou corps des évêques, successeurs des Apôtres. Le collège épiscopal est la continuation du collège apostolique, le pape en est le monarque nécessaire de droit divin ; il ne faut pas oublier ces vérités, elles appartiennent à la foi.
Une autre vérité, fondée sur les promesses et les enseignements divins, c'est que le corps des évêques avec sa tête nécessaire, le pape, qu'il soit réuni en concile ou dispersé, jouit de tous les pouvoirs, de la mission universelle que Jésus-Christ a donnés au collège des Apôtres ; il jouit de l'assistance infaillible de l'Esprit-Saint, qui l'empêche de tomber dans l'erreur.
Toutes les promesses faites par Jésus-Christ a ses Apôtres d'être avec eux tous les jours jusqu'à la consommation des siècles appartiennent surtout au corps des évêques uni à sa tête nécessaire. Et la promesse d'être au milieu d'eux, lorsqu'ils seront réunis en son nom, s'applique avant tout aux conciles œcuméniques.
De ces vérités découlent plusieurs conclusions nécessaires à connaître:
Et, d'abord, c'est une certitude de foi qu'aucune loi divine n'oblige à convoquer tous les membres de l’Église au concile œcuménique ; il n'est nullement nécessaire d'y appeler aucun laïc, et nul laïc ne peut y juger ni y porter suffrage. C'est une vérité catholique certaine que « les seuls évêques doivent être par eux-mêmes et nécessairement convoqués aux conciles généraux ; eux seuls y sont juges de droit divin, parce que eux seuls sont d'office pasteurs de l’Église et les propres successeurs des Apôtres. »
Les déclarations et les actes des conciles, depuis les conciles des Apôtres jusqu'au concile de Trente, prouvent que les évêques sont dans les conciles vraiment juges des choses de la foi, des mœurs et de la discipline, et qu'ils y sont aussi législateurs de l'Église universelle.
Mais c'est aussi une vérité certaine que la prérogative de porter suffrage dans les conciles généraux n'est pas tellement propre aux évêques que le Souverain Pontife ne puisse la communiquer à d'autres, s'il le juge expédient. C'est pourquoi il est plus probable que les cardinaux, même non évêques, appartiennent maintenant de droit ordinaire au concile œcuménique, et qu'ils y ont suffrage pour juger et définir. Dans le V° concile de Latran, ils souscrivirent avant les évêques.
Les abbés et les généraux d'ordres religieux ont aussi été admis à souscrire dans quelques conciles, entre autres dans ceux de Florence, de Latran V et de Trente.
Tous les autres membres de l'Église, même prêtres, quoiqu'ils fussent excellents et très-savants, n'ont jamais été admis qu'à consulter, excepté au concile de Bâle, où les prêtres furent admis au suffrage décisif ; mais ce fut à tort et contrairement à la coutume de l'antiquité : et, d'ailleurs, ce concile ne fut point légitime, il a été condamné comme schismatique et hérétique au concile de Florence.
Quatre conditions suffisent et sont requises, d'après la coutume de l'Église et des conciles, pour qu'un concile soit général ou œcuménique :
La première condition est que la convocation soit générale, de telle sorte qu'elle soit connue dans toutes les provinces chrétiennes.
La seconde condition c'est que nul évêque ne soit exclu, de quelque part qu'il vienne, pourvu qu'il soit constaté qu'il a reçu la consécration épiscopale et qu'il ne soit pas excommunié.
Il n'est point nécessaire que les évêques aient un siège et un diocèse à gouverner actuellement;
les évêques démissionnaires, les évêques in partibus, dits aussi titulaires ou annulaires, ont de droit divin voix délibérative dans les conciles ; ce droit divin est inhérent au caractère épiscopal.
Cette dernière proposition est un corollaire de plusieurs propositions de foi. Nous n'aurions pas cru nécessaire de la discuter si elle n'avait été dernièrement, en France, l'objet d'une contestation. Résumons donc ce que nous avons exposé ci-dessus.
Preuves de la proposition :
1° II est de foi que Jésus-Christ a institué le collège apostolique ; qu'il lui a donné tous les pouvoirs divins et la mission divine sur tout l'univers et toute l'Église pour tous les jours jusqu'à la consommation des siècles (Matth., x, 2 ; Luc, vi, 13,14 ; Apoc, xxi, 14 ; ad Ephes., ii 19, 20 ; Matth., xvi, 17, 18 ; Luc, xxii, 16, 17 ; Joan., xx, 21-23 ; Matth., xxviii, 16-20 ; Joan., xiv, 16, 17; Act., i, 1-8).
2° Il est de foi que la hiérarchie a été instituée dans les Apôtres et que, par conséquent, les évêques succèdent aux Apôtres ; c'est l'enseignement unanime de tous les conciles et de toute la tradition catholique.
3° Mais
c'est une vérité certaine qu'aucun évêque, considéré individuellement, ne succède à un Apôtre particulier, excepté toutefois le Pontife Romain qui succède à Pierre en toutes ses prérogatives et sa souveraineté.
4° Puisque ce n'est point comme individus que les évêques succèdent aux Apôtres, c'est donc comme formant le corps épiscopal.
5° C'est, en effet,
une vérité appartenant à la foi que le corps épiscopal a été divinement institué dans le collège apostolique ; c'est par le corps épiscopal que le collège apostolique doit durer jusqu'à la consommation des siècles, que Jésus-Christ doit être avec lui tous les jours, et que l'Esprit-Saint doit demeurer perpétuellement avec les Apôtres, selon les enseignements de l'Évangile et la foi catholique.
6° Le corps épiscopal est donc la continuation non interrompue du collège apostolique, institué par Jésus-Christ lui-même. Les Apôtres, fidèles gardiens et interprètes infaillibles des enseignements et des institutions de leur divin Maître, adoptèrent les évêques institués et consacrés par eux dans le sein du collège apostolique ; ils leur reconnurent la même autorité, les mêmes pouvoirs, la même mission divine de juger et de décider dans le concile de Jérusalem, comme nous le lisons aux chapitres xv et xvi des Actes des Apôtres.
7° Le corps épiscopal avec le pape, sa tête nécessaire, jouit donc de tous les pouvoirs divins et de la mission divine universelle conférés par Jésus-Christ au collège des Apôtres, pour durer jusqu'à la consommation des siècles. — Or, des pouvoirs divins et de la mission résulte dans l'Église la juridiction ; par conséquent, le corps épiscopal, tel que Jésus-Christ l'a institué, possède la juridiction sur tout l'univers ; tous les membres de ce corps y participent solidairement ; mais elle ne peut être exercée que collectivement et sous l'autorité de la tête, qui est le pape.
8° Il est de foi que Jésus-Christ confère immédiatement tous les pouvoirs divins par le sacrement de l'ordre, et que c'est par ce sacrement qu'on devient membre du corps épiscopal.
9° Tout évêque légitimement ordonné est nécessairement membre de la hiérarchie divinement instituée, c'est de foi, can. 6, 7 et 8, session 23 du concile de Trente ; et, par conséquent, il est membre du corps épiscopal, par lequel se continue le collège des Apôtres.
Or,
le concile œcuménique n'est que la réunion du corps des évêques institué dans le collège des Apôtres. Ce n'est ni le siège, ni la nation, ni la science, qui donnent le droit et le pouvoir d'être juge dans le concile œcuménique. La question est depuis longtemps tranchée. Plusieurs évêques, au concile de Trente, demandaient qu'on votât par nation ; le légat Séripandi, alors président du concile, en écrivit à Amulius, secrétaire de Pie IV. Amulius, après en avoir conféré avec le pape, lui répondit, d'un ton ferme, « qu'il ne devait pas croire les évêques du concile assez aveuglés pour détruire ainsi leur propre autorité, et avilir leurs voix et leurs suffrages... » « Ce n'est pas la science qui établit les évêques juges légitimes dans ces saintes assemblées, c'est l'imposition des mains qu'ils ont reçue dans l'ordination. » Pallavicini, Histoire du concile de Trente, liv. xviii, ch. xiii, n° 2. Les évêques légitimement ordonnés, qu'ils aient un diocèse à régir ou non, participent donc à la juridiction du collège épiscopal, dont ils sont membres, et tous, sans exception, siègent de droit divin dans les conciles œcuméniques.
J'avoue avoir peine à m'expliquer comment, depuis le concile de Trente, cette question a pu être agitée et mise en doute.
Si, en effet,
les seuls évêques qui ont un diocèse à gouverner avaient voix délibérative dans les conciles œcuméniques, il s'en suivrait la conséquence absurde que les Apôtres, dont aucun, excepté Pierre, n'avait un diocèse a gouverner, n'auraient pu siéger dans le concile de Jérusalem, tandis que les évêques établis par eux en auraient eu seuls le pouvoir et le droit.
De fait, les évêques titulaires ou annulaires ont toujours siégé dans les conciles œcuméniques. (Voyez aux pièces justif. N° 82 à 132.)
Encore un coup, la juridiction du concile œcuménique appartient au corps épiscopal, tel que Jésus-Christ l'a constitué, et tout évêque légitimement ordonné y participe en vertu de son ordination.
Il n'en est pas de même de la juridiction des conciles particuliers, ni de la juridiction particulière de chaque évêque sur son diocèse ; l'une et l'autre procèdent de la mission particulière que chaque évêque et chaque concile particulier reçoit du pape, qui institue les diocèses, les provinces ecclésiastiques, etc...
L'opinion qui soutient que les évêques gouvernant actuellement un diocèse ont seuls le droit d'être convoqués au concile œcuménique, et que seuls ils y ont de droit voix délibérative, cette opinion va directement à trancher la question de savoir si les conciles œcuméniques sont d'institution divine ou simplement d'institution humaine. — En effet,
il est certain et approchant de la foi que les évêques, pris chacun individuellement, reçoivent du pape la mission sur leur diocèse et les sujets qu'ils doivent gouverner, et, en cela, leur mission vient du pape ; elle n'est donc pas immédiatement divine. Dès lors, ce ne serait donc qu'en vertu d'une juridiction qu'ils tiennent du pape qu'ils auraient le droit de siéger dans ces conciles. Les conciles œcuméniques n'auraient donc absolument d'autre pouvoir juridictionnel que celui que chaque évêque tient du pape ; ce serait donc du pape seul que le concile œcuménique recevrait toute sa mission, sa juridiction et tout ce qu'il est ; il n'aurait rien de l'institution divine. Or, comme chaque évêque n'a qu'une mission et une juridiction limitées à son diocèse, il s'en suivra que si tous les évêques de l'univers n'y sont pas présents ou représentés, le concile œcuménique rentrera dans la catégorie des conciles particuliers, et il ne pourra faire des lois qui obligent les diocèses des évêques absents. Le pape seul peut faire de telles lois.
Puisque ce n'est qu'en vertu de la juridiction qu'ils obtiennent du pape que les évêques sont réunis en concile, ils ne peuvent pas dire qu'ils sont réunis par l'institution divine, ni dans l'Esprit-Saint; ils ne peuvent pas dire qu'ils représentent l'Église universelle telle que Jésus-Christ l'a constituée, mais seulement telle que le pape l'a distribuée en diocèses.
Or, toutes ces conclusions sont contraires à l'enseignement des conciles œcuméniques et à leurs définitions. Tous, en effet ; se sont considérés comme d'institution divine, et à cause de cela ils se sont dits rassemblés dans l'Esprit-Saint, et représentant l'Église universelle telle que Jésus-Christ l'a instituée ; tous ont déclaré équivalemment qu'ils tenaient leur mission et leur juridiction immédiatement de Jésus-Christ.
On a objecté que la bulle de convocation du futur concile n'avait pas été adressée aux évêques démissionnaires et annulaires. Ce fait ne prouve absolument rien pour la question ; le Saint-Siège adresse la bulle aux évêques qui gouvernent actuellement un diocèse, parce qu'il en possède le catalogue et qu'il connaît leur résidence. Par ce moyen, la convocation sera faite dans tout l'univers, et les évêques sans diocèse la connaîtront, ce qui suffit. Il serait d'ailleurs difficile et souvent impossible au Saint-Siège d'adresser ses bulles aux évêques sans diocèse, parce qu'il peut ignorer et qu'il ignore souvent le lieu de leur résidence.
Mais les évêques excommuniés, schismatiques et hérétiques n'ont aucun droit dans les conciles ; ils ne sont plus membres vivants du corps de l'Église, ni par conséquent du corps hiérarchique.