L'Immaculée Conception

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Laetitia
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L'Immaculée Conception

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En ce 8 décembre, l’Église fête l'Immaculée Conception de la très sainte Vierge.

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Écoutons l'enseignement de Dom Prosper Guéranger, abbé de Solesmes :
Dom Guéranger, dans L'Année Liturgique a écrit :
Enfin, l'aurore du Soleil tant désiré brille aux ex­trémités du ciel, tendre et radieuse. L'heureuse Mère du Messie devait naître avant le Messie lui -même; et ce jour est celui de la Conception de Marie. La terre possède déjà un premier gage des célestes miséri­cordes; le Fils de l'homme est à la porte. Deux vrais Israélites, Joachim et Anne, nobles rejetons de la famille de David, voient enfin, après une longue stérilité, leur union rendue féconde par la toute-puissance divine. Gloire au Seigneur qui s'est souvenu de ses promesses, et qui daigne, du haut du ciel, annoncer la fin du déluge de l'iniquité, en envoyant à la terre la blanche et douce colombe qui porte la nouvelle de paix!

La fête de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge est la plus solennelle de toutes celles que l'É­glise célèbre au saint temps de l'Avent ; et s'il était nécessaire que la première partie du Cycle présentât la commémoration de quelqu'un des Mystères de Marie, il n'en est aucun dont l'objet pût offrir de plus touchantes harmonies avec les pieuses préoccupations de l'Église en cette mystique saison de l'attente. Célébrons donc avec joie cette solennité; car la Conception de Marie présage la prochaine Naissance de Jésus.

L'intention de l'Église, dans cette fête , n'est pas seulement de célébrer l'anniversaire de l'instant for­tuné auquel commença, au sein de la pieuse Anne, la vie de la très-glorieuse Vierge Marie ; mais encore d'honorer le sublime privilège en vertu duquel Marie a été préservée de la tache originelle que, par un décret souverain et universel, tous les enfants d'Adam contractent au moment même où ils sont conçus dans le sein de leurs mères. La foi de l'Église catho­lique que nous avons entendu solennellement recon­naître comme révélée de Dieu même, au jour à jamais mémorable du huit Décembre 1854, cette foi qu'a pro­clamée l'oracle apostolique, par la bouche de Pie IX, aux acclamations de la chrétienté tout entière, nous enseigne qu'au moment où Dieu a uni l'âme de Marie qu'il venait de créer au corps qu'elle devait animer, cette âme à jamais bénie, non seulement n'a pas con­tracté la souillure qui envahit à ce moment toute âme humaine, mais qu'elle a été remplie d'une grâce im­mense qui l'a rendue, dès ce moment, le miroir de la sainteté de Dieu même, autant qu'il est possible à un être créé.

Une telle suspension de la loi portée par la justice divine contre toute la postérité de nos premiers parents était motivée par le respect que Dieu porte à sa propre sainteté. Les rapports que Marie devait avoir avec la divinité même, étant non-seulement la Fille du Père céleste, mais appelée à devenir la propre Mère du Fils, et le Sanctuaire ineffable de l'Esprit-Saint, ces rap­ports exigeaient que rien de souillé ne se rencontrât, même un seul instant, dans la créature prédestinée à de si étroites relations avec l'adorable Trinité ; qu'aucune ombre n'eût jamais obscurci en Marie la pureté par­faite que le Dieu souverainement saint veut trouver même dans les êtres qu'il appelle à jouir au ciel de sa simple vue ; en un mot, comme le dit le grand Docteur saint Anselme :

"Il était juste qu'elle fût ornée d'une pureté au-dessus de laquelle on n'en puisse concevoir de plus grande que celle de Dieu même, cette Vierge à qui Dieu le Père devait donner son Fils d'une manière si particulière que ce Fils deviendrait par nature le Fils commun et unique de Dieu et de la Vierge ; cette Vierge que le Fils devait élire pour en faire substantiellement sa Mère, et au sein de laquelle l'Esprit-Saint voulait opérer la conception et naissance de celui dont il procédait lui-même." (De Conceptu Virginali. Cap. xvm.)
                                                                                       Image
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En même temps, les relations que le Fils de Dieu avait à contracter avec Marie, relations ineffables de tendresse et de déférence filiales, ayant été éternelle­ment présentes à sa pensée, elles obligent à conclure que le Verbe divin a ressenti pour cette Mère qu'il devait avoir dans le temps, un amour d'une nature infiniment supérieure à celui qu'il éprouvait pour tous les êtres créés par sa puissance. L'honneur de Marie lui a été cher au-dessus de tout, parce qu'elle devait être sa Mère, qu'elle l'était même déjà dans ses éternels et miséricordieux desseins.
L'amour du Fils a donc protégé la Mère ; et si celle-ci, dans son humilité sublime, n'a repoussé aucune des conditions auxquelles sont soumises toutes les créatures de Dieu, aucune des exigences même de la loi de Moise qui n'avait pas été portée pour elle, la main du Fils divin a abaissé pour elle l'humiliante barrière qui arrête tout enfant d'Adam venant en ce monde, et lui ferme le sentier de la lumière et de la grâce, jusqu'à ce qu'il ait été régénéré dans une nouvelle naissance.

Le Père céleste ne pouvait pas faire moins pour la nouvelle Ève qu'il n'avait fait pour l'ancienne, qui fut établie tout d'abord, ainsi que le premier homme, dans l'état de sainteté originelle où elle ne sut pas se main­tenir. Le Fils de Dieu ne devait pas souffrir que la femme à laquelle il emprunterait sa nature hu­maine eût à envier quelque chose à celle qui a été la mère de prévarication. L'Esprit-Saint, qui devait la couvrir de son ombre et la rendre féconde par sa divine opération, ne pouvait pas permettre que sa Bien-Aimée fût un seul instant maculée de la tache honteuse avec laquelle nous sommes conçus. La sentence est univer­selle ; mais une Mère de Dieu devait en être exempte. Dieu auteur de la loi, Dieu qui a posé librement cette loi, n'était-il pas le maître d'en affranchir celle qu'il avait destinée à lui être unie en tant de manières ? Il le pouvait, il le devait : il l'a donc fait.

Et n'était-ce pas cette glorieuse exception qu'il an­nonçait lui-même au moment où comparurent devant sa majesté offensée les deux prévaricateurs dont nous sommes tous issus ? La promesse miséricordieuse des­cendait sur nous dans l'anathème qui tombait sur le serpent. "J'établirai moi-même, disait Jéhovah, une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et son fruit ; et elle-même t'écrasera la tête.". Ainsi, le salut était annoncé à la famille humaine sous la forme d'une victoire contre Satan ; et cette victoire ; c'est la Femme qui la devait remporter pour nous tous. Et que l'on ne dise pas que ce sera le fils de la femme qui la remportera seul, cette victoire : le Seigneur nous dit que l'inimitié de la femme contre le serpent sera personnelle, et que, de son pied vainqueur, elle brisera la tête de l'odieux reptile ; en un mot, que la nouvelle Ève sera digne du nouvel Adam, triomphante comme lui ; que la race humaine un jour sera vengée, non seulement par le Dieu fait homme, mais aussi par la Femme miraculeusement soustraite à toute atteinte du péché; en sorte que la création primitive dans la sainteté et la justice (Ephes. IV. 24) reparaîtra en elle, comme si la faute primitive n'avait pas été commise.

Relevez donc la tête, enfants d'Adam, et secouez vos chaînes. Aujourd'hui, l'humiliation qui pesait sur vous est anéantie. Voici que Marie, qui est votre chair et votre sang, a vu reculer devant elle le torrent du péché qui entraîne toutes les générations : le souffle du dragon infernal s'est détourné pour ne pas la flétrir ; la dignité première de votre origine est rétablie en elle. Saluez donc ce jour fortuné où la pureté première de votre sang est renouvelée : la nouvelle Ève est produite; et de son sang qui est aussi le vôtre , moins le péché, elle va vous donner. sous peu d'heures, le Dieu-homme qui procède d'elle selon la chair, comme il sort de son Père par une génération éternelle.
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Laetitia
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Et comment n'admirerions-nous pas la pureté incomparable de Marie dans sa conception immaculée, lorsque nous entendons, dans le divin Cantique, le Dieu même qui l'a ainsi préparée pour être sa Mère, lui dire avec l'accent d'une complaisance toute d'amour : «Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, et il n'y a en vous aucune tache ? » (CANT. IV, 7.) C'est le Dieu de toute sainteté qui parle; son œil qui pénètre tout ne découvre en Marie aucune trace, aucune cicatrice du péché; voilà pourquoi il se conjoint avec elle, et la félicite du don qu'il a daigné lui faire. Après cela , nous étonnerons-nous que Gabriel, descendu des cieux pour lui apporter le divin message, soit saisi d'admiration à la vue de cette pureté dont le point de départ a été si glorieux et les accroissements sans limites ; qu'il s'incline profondément devant une telle merveille, et qu'il dise : «Salut, Ô Marie, Pleine de Grâce ! » Gabriel mène sa vie immortelle au centre de toutes les magnificences de la création, de toutes les richesses du ciel; il est le frère des Chérubins et des Séraphins, des Trônes et des Dominations; son regard parcourt éternellement ces neuf hiérarchies angéliques où la lumière et la sainteté resplendissent souverainement, croissant toujours de degré en degré; mais voici qu'il a rencontré sur la terre, dans une créature d'un rang inférieur aux Anges, la plénitude de la grâce, de cette grâce qui n'a été donnée qu'avec mesure aux Esprits célestes, et lui repose en Marie depuis le premier instant de sa création. C'est la future Mère de Dieu toujours sainte, toujours pure, toujours immaculée.

Cette vérité révélée aux Apôtres par le divin Fils de Marie, recueillie dans l'Église, enseignée par les saints Docteurs, crue avec une fidélité toujours plus grande par le peuple chrétien, était contenue dans la notion même d'une Mère de Dieu. Croire Marie Mère de Dieu, c'était déjà croire implicitement que celle en qui devait se réaliser ce titre sublime n'avait jamais rien eu de commun avec le péché, et que nulle exception n'avait pu coûter à Dieu pour l'en préserver. Mais désormais l'honneur de Marie est appuyé sur la sentence explicite qu'a dictée l'Esprit-Saint. Pierre a parlé par la bouche de Pie IX; et lorsque Pierre a parlé, tout fidèle doit croire ; car le Fils de Dieu a dit : « J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille jamais » (Luc. XXII, 32) ; et il a dit aussi : «Je vous enverrai l'Esprit de vérité qui demeurera avec vous à jamais, et vous fera souvenir de tout ce que je vous avais enseigné. » (Johan. XIV, 26.)

Le symbole de notre foi a donc acquis, non une vérité nouvelle, mais une nouvelle lumière sur la vérité qui était auparavant l'objet de la croyance universelle. En ce jour, le serpent infernal a senti de nouveau la pression victorieuse du pied de la Vierge-mère, et le Seigneur a daigné nous donner le gage le plus signalé de ses miséricordes. Il aime encore cette terre coupable; car il a daigné l'éclairer tout entière d'un des plus beaux rayons de la gloire de sa Mère. N'a-t-elle pas tressailli, cette terre ? N'a-t-elle pas ressenti à ce moment un enthousiasme que notre génération n'oubliera jamais ? Quelque chose de grand s'accomplissait à cette moitié du siècle ; et nous attendrons désormais les temps avec plus de confiance, puisque si l'Esprit-Saint nous avertit de craindre pour les jours où les vérités diminuent chez les enfants des hommes, il nous dit assez par là que nous devons regarder comme heureux les jours où les vérités croissent pour nous en lumière et en autorité.

En attendant l'heure de la proclamation solennelle du grand dogme, la sainte Église le confessait chaque année, en célébrant la fête d'aujourd'hui. Cette fête n'était pas appelée, il est vrai, la Conception immaculée, mais simplement la Conception de Marie. Toutefois, le fait de son institution et de sa célébration exprimait déjà suffisamment la croyance de la chrétienté. Saint Bernard et l'Angélique Docteur saint Thomas s'accordent à enseigner que l'Église ne peut pas célébrer la fête de ce qui n'est pas saint ; la Conception de Marie fut donc sainte et immaculée, puisque l'Église, depuis tant de siècles, l'honore d'une fête spéciale. La Nativité de Marie est l'objet d'une solennité dans l'Église, parce que Marie naquit pleine de grâce ; si donc le premier instant de son existence eût été marqué par la flétrissure commune, sa Conception n'aurait pu être l'objet d'un culte. Or, il est peu de fêtes plus générales et mieux établies dans l'Église que celle que nous célébrons aujourd'hui.
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L'Église grecque, héritière plus prochaine des pieuses traditions de l'Orient, la célébrait déjà au VIe siècle, comme on le voit par le Type ou cérémonial de saint Sabbas. En Occident nous la trouvons établie dès le VIIIe siècle, dans l'Église gothique d'Espagne. Un célèbre calendrier gravé sur le marbre, au IXe siècle, pour l'usage de l'Église de Naples, nous la montre déjà instituée à cette époque. Paul Diacre, secrétaire de Charlemagne, puis moine au Mont-Cassin, célébrait le mystère de l'Immaculée Conception dans une Hymne remarquable, que nous donnerons tout à l'heure, d'après les manuscrits du Mont-Cassin, de Subiaco et de Bénévent.

En 1066 , la fêle s'établissait en Angleterre à la suite d'un prodige opéré sur mer en faveur du pieux abbé Helsin,et bientôt elle s'étendait dans cette île par les soins du grand saint Anselme, moine et archevêque de Cantorbéry ; de là elle passait en Normandie, et prenait possession du sol français. Nous la trouvons en Allemagne sanctionnée dans un concile présidé, en 1049, par saint Léon IX; dans la Navarre, en 1090, à l'abbaye d'Irach ; en Belgigue, à Liége, en 1142. C'est ainsi que toutes les Églises de l'Occident rendaient tour à tour témoignage au mystère, en acceptant la fête qui l'exprimait.

Enfin, l'Église de Rome l'adopta elle-même, et par son concours vint rendre plus imposant encore ce concert de toutes les Églises. Ce fut Sixte IV qui, en 1476, rendit le décret qui instituait la fête de la Conception de Notre-Dame dans la ville de saint Pierre. Au siècle suivant, en 1568, saint Pie V publiait l'édition universelle du Bréviaire Romain ; on y voyait cette fête inscrite au calendrier , comme l'une des solennités chrétiennes qui doivent chaque année réunir les voeux des fidèles. Rome n'avait pas déterminé le mouvement de la piété catholique envers le mystère; elle le sanctionnait de son autorité liturgique, comme elle l'a confirmé, dans ces derniers jours, de son autorité doctrinale.

Les trois grands États de l'Europe catholique, l'Empire d'Allemagne, la France et l'Espagne, se signalèrent, chacun à sa manière, par les manifestations de leur piété envers Marie immaculée dans sa Conception. La France, par l'entremise de Louis XIV, obtint de Clément IX que la fête serait célébrée avec Octave dans le royaume : faveur qui fut bientôt étendue à l'Église universelle par Innocent XII. Déjà, depuis des siècles, la Faculté de théologie de Paris astreignait tous ses Docteurs à prêter serment de soutenir le privilège de Marie, et elle maintint cette pieuse pratique jusqu'à son dernier jour.

L'empereur Ferdinand III , en 1647, fit élever sur la grande place de Vienne une splendide colonne couverte d'emblèmes et de figures qui sont autant de symboles de la victoire que Marie a remportée sur le péché, et surmontée de la statue de notre Reine immaculée, avec cette pompeuse et catholique inscription :

AU DIEU TRÈS-BON ET TRÈS-GRAND,
MONARQUE DU CIEL ET DE LA TERRE,
PAR QUI RÈGNENT LES ROIS ;
A LA VIERGE MÈRE DE DIEU ,
IMMACULÉE DANS SA CONCEPTION ,
PAR QUI LES PRINCES COMMANDENT,
QUE L'AUTRICHE A CHOISIE AVEC AMOUR
POUR SOUVERAINE ET PATRONNE ;
FERDINAND III AUGUSTE
CONFIE, DONNE, CONSACRE SOI-MÊME,
SES ENFANTS, SES PEUPLES, SES ARMÉES, SES PROVINCES,
ENFIN TOUT CE QU'IL POSSÈDE,
ET ÉRIGE POUR ACCOMPLIR UN VOEU,
CETTE STATUE,
EN SOUVENIR ÉTERNEL !

D. O. M. supremo caeli terraeque imperatori, per quem reges regnant; Virgini Deiparae immaculatae conceptae, per quam principes imperant, in peculiarem Dominam, Austrae Patronam, singulari pietate susceptae, se, liberos, populos, exercitus, provincias, omnia denique confidit, donat, consecrat, et in perpetuam rei memoriam, statuam hanc ex voto ponit Ferdinandus III Augustus.
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Re: L'Immaculée Conception

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L'Espagne dépassa tous les États catholiques par son zèle pour le privilège de Marie. Dès l'année 1398, Jean ler, roi d'Aragon, donnait une charte solennelle pour mettre sa personne et son royaume sous la protection de Marie conçue sans péché. Plus tard, les rois Philippe III et Philippe IV faisaient partir pour Rome des ambassades qui sollicitaient en leur nom la solennelle décision que le ciel, dans sa miséricorde, avait réservée pour nos temps. Charles III, au siècle dernier, obtenait de Clément XIII que la Conception immaculée devînt la fête patronale des Espagnes. Les habitants du royaume Catholique inscrivaient sur la porte ou sur la façade de leurs maisons la louange du privilège de Marie; ils se saluaient en le prononçant dans une formule touchante. Marie de Jésus, abbesse du monastère de l'Immaculée-Conception d'Agréda, écrivait son livre de la Cité mystique de Dieu, dans lequel Murillo s'inspirait pour produire le chef-d’œuvre de la peinture espagnole.

Mais il ne serait pas juste d'omettre, dans cette énumération des hommages rendus à Marie immaculée, la part immense qu'a eue l'Ordre Séraphique au triomphe terrestre de cette auguste Souveraine de la terre et des cieux. Le pieux et profond docteur Jean Duns Scot, qui le premier sut assigner au dogme de la Conception immaculée le rang qu'il occupe dans la divine théorie de l'Incarnation du Verbe, ne mérite-t-il pas d'être nommé aujourd'hui avec l'honneur qui lui est dû ? Et toute l'Église n'a-t-elle pas applaudi à l'audience sublime que reçut du Pontife la grande famille des Frères-Mineurs, au moment où toutes les pompes de la solennelle proclamation du dogme paraissant accomplies, Pie IX y mit le dernier sceau en acceptant des mains de l'ordre de Saint-François l'hommage touchant et les actions de grâces que lui offrait l'École scotiste, après quatre siècles de savants travaux en faveur du privilège de Marie ?

En présence de cinquante-quatre Cardinaux, de quarante-deux Archevêques et de quatre-vingt-douze Évêques, sous les regards d'un peuple immense qui remplissait le plus vaste temple de l'univers, et avait joint sa voix pour implorer la présence de l'Esprit de vérité, le Vicaire du Christ venait de prononcer l'oracle attendu depuis des siècles ; le divin sacrifice avait été offert par lui sur la Confession de saint Pierre ; la main du Pontife avait orné d'un splendide diadème l'image de la Reine immaculée ; porté sur son trône aérien et le front ceint de la triple couronne, il était arrivé près du portique de la basilique. Là, prosternés à ses pieds, les deux représentants du Patriarche Séraphique arrêtèrent sa marche triomphale. L'un présentait une branche de lis en argent : c'était le Général des Frères-Mineurs de l'Observance ; une tige de rosier chargée de ses fleurs de même métal brillait aux mains du second : c'était le Général des Frères-Mineurs Conventuels. Lis et roses, fleurs de Marie, pureté et amour symbolisés dans cette offrande que rehaussait la blancheur de l'argent, pour rappeler le doux éclat de l'astre sur lequel se réfléchit la lumière du soleil : car Marie « est belle comme la lune », nous dit le divin Cantique (VI. 9). Le Pontife ému daigna accepter le don de la famille Franciscaine, de qui l'on pouvait dire en ce jour, comme de l'étendard de notre héroïne française, « qu'ayant été à la lutte, il était juste qu'elle fût aussi au triomphe». Et ainsi se terminèrent les pompes si imposantes de cette grande matinée du huit décembre MDCCCLIV.
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Re: L'Immaculée Conception

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C'est ainsi que vous avez été glorifiée sur la terre en votre Conception Immaculée, ô vous la plus humble des créatures ! Mais comment les hommes ne mettraient-ils pas toute leur joie à vous honorer, divine aurore du Soleil de justice ? Ne leur apportez-vous pas, en ces jours, la nouvelle de leur salut ? N'êtes-vous pas, ô Marie, cette radieuse espérance qui vient tout d'un coup briller au sein même de l'abîme de la désolation ? Qu'allions-nous devenir sans le Christ qui vient nous sauver ? et vous êtes sa Mère à jamais chérie, la plus sainte des créatures de Dieu, la plus pure des vierges, la plus aimante des mères !

Ô Marie ! que votre douce lumière réjouit délicieusement nos yeux fatigués ! De génération en génération, les hommes se succédaient sur la terre; ils regardaient le ciel avec inquiétude, espérant à chaque instant voir poindre à l'horizon l'astre qui devait les arracher à l'horreur des ténèbres; mais la mort avait fermé leurs yeux, avant qu'ils eussent pu seulement entrevoir l'objet de leurs désirs. Il nous était réservé de voir votre lever radieux, ô brillante Étoile du matin ! vous dont les rayons bénis se réfléchissent sur les ondes de la mer, et lui apportent le calme après une nuit d'orages ! Oh ! préparez nos yeux à contempler l'éclat vainqueur du divin Soleil qui marche à votre suite. Préparez nos cœurs; car c'est à nos cœurs qu'il veut se révéler. Mais, pour mériter de le voir, il est nécessaire que nos cœurs soient purs; purifiez-les, ô vous, l'Immaculée, la très-pure ! Entre toutes les fêtes que l'Église a consacrées à votre honneur, la divine Sagesse a voulu que celle de votre Conception sans tache se célébrât dans ces jours de l'Avent, afin que les enfants de l'Église, songeant avec quelle divine jalousie le Seigneur a pris soin d'éloigner de vous tout contact du péché, par honneur pour celui dont vous deviez être la Mère, ils se préparassent eux-mêmes à le recevoir par le renoncement absolu à tout ce qui est péché et affection au péché. Aidez-nous, ô Marie ! à opérer ce grand changement. Détruisez en nous par votre Conception Immaculée, les racines de la cupidité, éteignez les flammes de la volupté, abaissez les hauteurs de la superbe. Souvenez-vous que Dieu ne vous a choisie pour son habitation, qu'afin de venir ensuite faire sa demeure en chacun de nous.

O Marie ! Arche d'alliance, formée d'un bois incorruptible, revêtue de l'or le plus pur, aidez-nous à correspondre aux desseins ineffables du Dieu qui, après s'être glorifié dans votre pureté incomparable, veut maintenant se glorifier dans notre indignité, et ne nous a arrachés au démon que pour faire de nous son temple et sa demeure la plus chère. Venez à notre aide, ô vous qui, par la miséricorde de votre Fils, n'avez jamais connu le péché et recevez en ce jour nos hommages. Car vous êtes l'Arche de Salut qui surnage seule sur les eaux du déluge universel; la blanche Toison rafraîchie par la rosée du ciel, pendant que la terre entière demeure dans la sécheresse; la Flamme que les grandes eaux n'ont pu éteindre; le Lis qui fleurit entre les épines ; le Jardin fermé au serpent infernal; la Fontaine scellée, dont la limpidité ne fut jamais troublée; la Maison du Seigneur, sur laquelle ses yeux sont ouverts sans cesse, et dans laquelle rien de souillé ne doit jamais entrer; la Cité mystique dont on raconte tant de merveilles. (Ps. LXXXVI.) Nous nous plaisons à redire vos titres d'honneur, ô Marie car nous vous aimons; et la gloire de la Mère est celle des enfants. Continuez de bénir et de protéger ceux qui honorent votre auguste privilège, vous qui êtes conçue en ce jour ; et bientôt naissez, concevez l'Emmanuel, enfantez-le et montrez-le à notre amour.
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Re: L'Immaculée Conception

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Regina sine labe concepta, ora pro nobis.

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extrait des litanies de la Très-Sainte Vierge Marie, de l'abbé Édouard Barthe, Paris,1951 a écrit :
Méditation LIV

C'est à la haute piété de nos Évêques, qui en ont fait la demande au Saint-Siège, dans ces derniers temps, que nous devons la douce consolation de pouvoir saluer Marie comme Reine conçue sans péché.

L'Écriture appelle Dieu, d'une manière absolue, «le Roi(1)» pour exprimer l'excellence de sa Majesté suprême ; ne convenait-il pas d'honorer la souveraineté de celle qui «est au-dessus de tout, Dieu excepté (2),» en l'appelant Reine proprement dite ?
Et après l'invocation qui l'implore comme Reine de tous les saints , quelle autre pouvait être mieux placée, que celle qui honore à la fois sa royale grandeur et le privilège unique de son exemption du péché d'origine ? privilège qui seul la distinguerait de tous les élus, quand même, à tant d'autres égards, elle ne serait pas au-dessus d'eux ; privilège que proclama toujours la voix de la tradition de l'Église, écho fidèle des enseignements apostoliques.

Dans son discours au proconsul Égie, saint André lui-même donne à Marie le titre « d'immaculée ; il la compare « à cette terre dont fut formé le premier homme, laquelle n'avait pas reçu encore la malédiction du Seigneur, suite et châtiment de la faute primitive(3).» Origène, qui touche d'assez près au siècle des Apôtres, l'appelle «formée dans la grâce, exempte du souffle pestilentiel de Satan (4) ; » saint Amphiloque , « sans tache et sans péché (5) ; » saint Épiphane, « plus belle par sa nature que toute l'armée des Anges, brebis immaculée qui a mis au monde l'agneau divin (6);» saint Éphrem, «Vierge sans tache, sans souillure, sans corruption, absolument étrangère à tout péché, à tout défaut (7) ; » saint Cyrille, « préservée de la tache originelle (8). » Qu'est-il besoin de citer d'autres organes de la transmission de la croyance primitive à cet égard ? Qui ne sait que saint Jérôme (9), saint Augustin (10), saint Fulgence(11), saint Ildefonse (12) , saint Jean Damascène (13), saint Pierre Damien(14), saint Anselme (15), saint Bonaventure (16), et même saint Thomas (17), garantissent également sur ce point la tradition non interrompue de l'Église; qu'aux témoignages des saints docteurs s'unissent les monuments des églises d'Orient et ceux des églises latines, les paroles de la liturgie sacrée, les usages des diocèses , les coutumes des ordres religieux ; enfin que, sur l'invitation de l'illustre Pie IX (18), les divers Évêques de la catholicité lui ont attesté naguère, d'une manière authentique, l'attachement des fidèles à cette croyance , en sorte que cette vérité a pour elle l'antiquité, l'universalité, la perpétuité, qui sont la base principale des dogmes du christianisme ?

(1) Ps. XLIV.
(2) Saint Bernard, serm. 6,c.6.
(3) Actes du martyre de saint André (Dissertation polémique sur l'Immaculée Conception, par le cardinal Lambruschini).
(4) Homél. VI in Luc.
(5) IV Disc. In S. Deip.
(6) De laudib. Virg.
(7) Orat. In S. Dei Gen.
(8) In Evang. Joan. I, VI, C. 15.
(9) In ps. 77.
(10) De natura et gratias, C. 36.
(11) Serm. De laudib. M.
(12) Disput. De V. M.
(13) Orat de Nat. B. V. M.
(14) Or. 12 de Nat. M.
(15) De concept. V., c. 18.
(16) Serm. 11 de B. V.
(17) In lib. 1 Sent. Disc. 44, q.1, art.3.
(18) Encyclique du 2 février 1849.
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Re: L'Immaculée Conception

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Qui ne comprend, d'ailleurs, que, si l'union personnelle de la nature humaine avec la nature divine en Jésus-Christ a rendu absolument nécessaire la conception de l'Homme-Dieu dans l'état de grâce , la maternité divine , « qui approche de cette union le plus possible (1), » n'aurait pu se concilier avec la conception de Marie en état de péché ?... Quoi ! celle que Dieu avait annoncée, dès l'origine du monde, comme devant être menacée en vain de la morsure du serpent infernal , comme destinée même « à lui écraser la tête (2) , » aurait commencé par être blessée de son dard, par être « sous sa puissance (3)? » Celle qui devait être comme la réparatrice de la chute d'Eve, et la véritable « mère des vivants (4), » aurait été inférieure à Eve, créée en état de grâce ? Celle enfin qui devait vivre, pendant neuf mois, d'une même vie corporelle avec le Verbe incarné , aurait été, dès le premier instant de son existence, frappée de la disgrâce divine, odieuse au Seigneur, « enfant de colère (5)? »

Oh ! non, mille fois non, il n'a pu en être ainsi, Vierge si tendrement chérie de Dieu et des hommes!
Ah! celui-là le comprend et le sent bien, qui a du péché, de la grâce, et de la sainteté infinie de Dieu, l'idée que nous en donne le Christianisme : celui-là aime à proclamer, à la face du ciel et de la terre, qu'il n'est pas vrai, qu'il n'est pas possible qu'un seul moment le Fils de Dieu ait eu à détourner ses regards de celle qui devait être sa mère, comme d'un objet insupportable à ses yeux.
Mais celui-là aussi attache à la fuite de tout péché une importance sans égale ; celui-là estime, comme Marie, au-dessus de tout, le bonheur d'être en grâce avec Dieu ; celui-là « veille et prie (6) » assidûment pour conserver le trésor de l'amitié divine; celui-là s'efforce, par ses bonnes œuvres, d'en resserrer chaque jour les liens sacrés, d'en augmenter chaque jour les fruits inestimables.

Marie ! ô bienheureuse Reine ! ô Reine par excellence ! ô Reine conçue sans péché ! voilà le dernier élan de notre cœur vers vous; voilà le dernier rayon de gloire que, sur la terre, nous ajoutons à votre couronne ! Quel bonheur pour nous de pouvoir vous dire « que le Seigneur vous a possédée, par sa grâce, dès le commencement (7) ; »que vous êtes « immaculée, toute belle, et sans tache aucune (8) ! » Ah ! soyez, soyez toujours la Reine de nos cœurs , ô vous qui avez eu « l'honneur insigne d'être exemptée de l'anathème « originel qui frappe tous les hommes (9) ; » et afin que l'empire vous en soit agréable, faites qu'ils s'attachent, de plus en plus, à servir Dieu avec pureté, avec ferveur. C'est pour obtenir cette grâce que nous vous disons, avec le plus d'humilité, le plus de confiance et d'amour qu'il nous est possible :


Reine conçue sans péché, priez pour nous !

Regina sine labe concepta, ora pro nobis !


(1) Dionys. Carth. l.2 de laud. V.
(2) Gen., III, 15.
(3) Ibid.
(4) Colos., I, 13.
(5) Éphés., II, 3.
(6) Marc, XIII, 33.
(7) Prov., VIII, 22.
(8) Cant. V, 2, IV, 7.
(9) Esth., XV, 13.

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