LE MARTYRE DE JOHN ROBERTS, MOINE BÉNÉDICTIN, LE 10/12/1610

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gabrielle
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LE MARTYRE DE JOHN ROBERTS, MOINE BÉNÉDICTIN, LE 10/12/1610

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LE MARTYRE DE JOHN ROBERTS,
MOINE BÉNÉDICTIN,
A TYBURN, LE 10 DÉCEMBRE 1610.

Le vénérable John Roberts fut le premier moine profès de l'Ordre de Saint-Benoît qui souffrit en Angleterre depuis la rechute de ce pays dans l'hérésie sous Elisabeth. Sous Henri VIII, trois abbés mitrés, Richard Whiting, de Glastonbury, Hugh Cook, de Reading, John Beche de Colchester et plusieurs moines avaient souffert le martyre; John Roberts devait renouer la tradition.

John Roberts naquit dans le Merionethshire, au pays de Galles, sous le règne d'Elisabeth, l'an 1576, de famille noble, mais tombée dans le protestantisme. Tout ce qui a trait à cette période de la vie de J. Roberts est resté longtemps obscur; c'est à Dom Bède Camm, O. S. B., qu'on doit les traits définitifs. John Roberts fit son abjuration à Paris et se rendit au collège Saint-Alban de Valladolid, où il arriva le 15 septembre 1588. Au mois de mai 1599, il reçut l'habit bénédictin à Compostelle et fit profession dans les derniers mois de l'année 1600. Rentré peu de temps après en Angleterre, il s'y livra à l'apostolat et fut arrêté dans la maison de Mrs Percy, la femme de ce misérable Thomas Perey dont le rôle dans la conspiration des Poudres nous est assez connu. John Roberts fut arrêté, comme il était sur le point de célébrer la messe, et emmené à la prison de Gatehouse, dans l'enceinte de l'abbaye de Westminster, près de l'extrémité ouest de l'église abbatiale, là où se trouve à présent la cour du dean.(doyen)

Exilé d'Angleterre à la suite de la découverte de la conspiration des Poudres, Roberts revint sur le continent et passa successivement à Douai, à Pau, à Valladolid, à Salamanque, à Saint-Jacques en Galice. Rentré en Angleterre à l'automne de 1607, il fut saisi le 17 décembre et interrogé le 21. Après un séjour d'un mois environ, il s'évada de la prison par la fenêtre de sa cellule, mais fut réduit à se cacher. De nouvelles pérégrinations sur le continent et un retour en Angleterre occupent ces dernières années. Il achevait de célébrer la messe le 2 décembre 1610, devant cinq autres prêtres, lorsqu'on les arrêta. J. Roberts fut mis en prison encore revêtu des ornements sacerdotaux, à Newgate. Le 5 décembre il comparut au, jugement avec M. Thomas Somers (ou Wilson), prêtre séculier.


BIBLIOGRAPHIE. — Il ne reste guère à ajouter à la longue étude consacrée à J. Roberts par D. BÈDE CAMM, Le vénérable Jean Roberts, dans la Revue bénédictine, 1895, t. XII, p. 258-270, 310-323, 359-371, 397-409, 456-466, 558-572 ; 1896, t. XIII, p. 16-26, 154-165, 268-278, 412-422, 444-458, 557-369; 1897, t. XIV, p. 9-28, 77-90, 124-133. Il reste plusieurs comptes rendus très détaillés du jugement. L'un d'eux, en italien, a été publié par le P. Pollen, Acts of the English Martyrs, p. 145, d'après le manuscrit de Stoneyhurst (Anglia, III, n° 102); un antre donné par la Chronique de Yepès ; enfin une biographie française qui est en substance la traduction du récit envoyé par le martyr lui-même à ses frères de Douai, ainsi que l'atteste Dom Augustin Bradshaw. Pour la journée du martyre, il existe neuf récits : le celui de Dom Roberts Haddock, témoin oculaire ; 2° le récit italien publié par le P. Pollen, Acts of the English Martyrs ; 3° récit de l'évêque Challoner d'après une relation à lui envoyée de Saint-Omer ; 4° autre récit italien du P. Robert Jones, S. J. ; 5° lettre latine du P. Coffin, S. J., 28 mai 1616; 6° lettre du P. Th. Arnforth, S. J., 2 octobre 1616, contenant le témoignage d'un maître d'école protestant, témoin oculaire ; 7° relation espagnole de Yepès, etc. Nous citerons de préférence la vie française « émanant de sources plus authentiques » (B. CAMM). La plus ancienne vie est intitulée : Discours et traité véritable du martyre enduré à Londres, en Angleterre, par le R. Père JEAN DE MERVINIA, autrement dit ROBERTS, Religieux très renommé de l'Ordre de Saint-Benoist de la congrégation d'Espaigne, exécuté le 10 décembre, l'an 1610. A. DOUAY, de l'imprimerie LAURENT KELLAM à l'enseigne de l'Agneau pascal, MDCXI.
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gabrielle
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RELATION PAR LE VÉNÉRABLE JOHN ROBERTS.

[Mercredi 5 décembre 1610, à Newgate, comparurent John Roberts O. S. B., et Thomas Somers, devant Mylord Abbot, évêque de Londres ; Coke, Lord Chief Justice, les assesseurs et officiers royaux.]

M. Somers fut d'abord sommé de prêter le serment de fidélité. Il répliqua brièvement, mais fermement, qu'il ne prêterait point le serment dans la forme exigée par le livre des statuts. Alors l'évêque se leva, ayant à la main une liasse de papiers contenant les pièces du procès de plusieurs catholiques, et notamment celles relatives au P. Jean, qu'on appelait communément du nom de Roberts.

— M. Roberts, dit-il, vous savez combien de fois vous avez comparu devant moi, quels tracas vous m'avez causés et quels égards j'ai eus pour vous, à seule fin que vous devinssiez un loyal sujet de Sa Majesté le Roi qui vous a montré tant d'indulgence. Plusieurs fois, jusqu'ici, bien que pris et repris en maintes occasions, vous n'avez été condamné qu'à l'exil. Et, aujourd'hui encore, en dépit de votre mépris pour les lois et ordonnances, malgré votre retour qui offense expressément son commandement et sa volonté, aujourd'hui encore, dis-je, le Roi daigne éprouver à nouveau la loyauté de vos sentiments à son égard, en vous accordant votre grâce. J'ai donc la mission de vous proposer le serment de fidélité dans la forme expressément consacrée par les deux Chambres du Parlement, à l'effet de s'assurer de la loyale obéissance des prêtres et papistes récusants, sujets de Sa Majesté... Eh bien, Monsieur Roberts, êtes-vous disposé à prêter le serment ?

— Monsieur, vous savez fort bien ce que je pense de ce serment : je vous ai déjà fait part de mes sentiments à ce sujet. Jamais je n'ai refusé, ni ne refuserai un serment de fidélité qui soit véritablement quelque chose de tel ; mais le serment en question contient tout autre chose. J'ai offert de vous le prouver et de mettre en lumière les joints qui touchent la foi. Ces articles écartés, j'étais prêt jadis et je le suis encore à étendre mon serment à tout ce qui concerne uniquement la fidélité à mon roi. Votre Seigneurie me promit jadis une audience à ce sujet ; mais jusqu'à ce jour j'ai attendu en vain. Je réitère donc présentement mon humble requête, à cette fin que la Cour daigne m'entendre.


— Non, non, Monsieur Roberts...
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gabrielle
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— Non, non, Monsieur Roberts, il ne convient pas de discuter davantage ce qu'ont légalement décrété et établi les deux Chambres du Parlement ; bien plus, il n'est pas en mon pouvoir de donner suite à votre vœu, en présence de la volonté des Chambres qui est sans appel. Répondez donc simplement: voulez-vous prêter ou refuser le serment?

— Je ne le prêterai qu'en maintenant toutes mes réserves.

— Bien; à nous donc de changer nos procédés à votre égard.

— Au nom du Seigneur, faites ce qui vous plaît.


[Le greffier insista à son tour et obtint du P. Roberts les mêmes réponses. La cause instruite, le jury fut désigné et convoqué. Lecture faite de l'acte d'accusation.]

« Alors le premier ou bien souverain juge lui demanda s'il niait qu'il fut prêtre ; auquel P. Jean dit :
Monsieur, comme ainsi soit que ceste demande, à mon avis, implique en soi actions d'accusateur et de juge, lesquelles ne peuvent en bonne droiture et justice être exercées que par deux distinctes personnes, je vous supplie me dire si vous estes mon accusateur ou mon juge ? Certes puisque vous este juge, il me semble impertinent que vous fassiez office d'accusateur, comme il appert que faites par votre demande.
A ces paroles, le pseudo-évêque de Londres là présent, trouva du sujet de s'aigrir et ainsi ne s’en ressentant aucunement, lui dit : pour ma part, je me fais fort de prouver clairement que soyez prêtre. Auquel P. Jean répondit : Monsieur, ce serait chose à votre personne et qualité plus convenable, de servir et présider en votre chapitre et synode, aux fins de redresser et reformer les mœurs et abus de vos ministres, que de vous trouver en ces halles et assemblées où il s'agit de la cause du sang. Les évêques du passé vos devanciers et prédécesseurs n'avaient pas de coutume d'assister à telles affaires, n’y de mêler les actions de ces tribunaux ; non les évêques catholiques ne doivent ni peuvent par les saints canons ecclésiastiques se brouiller ou souiller en des causes sanglantes et de mort.
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gabrielle
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Re: LE MARTYRE DE JOHN ROBERTS, MOINE BÉNÉDICTIN, LE 10/12/

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— De ces propos on vint à lire publiquement aucunes interrogatoires et examinations la faictes auparavant et tendantes à vérifier contre lui qu'il était prêtre: auxquelles il s'est emploié de respondre tant et si longuement, qu'il se trouva comme en défaillance de coeur et sentit grande débilité parmy tout son corps. Raison pourquoy, considérant que c'était travailler en vain que de vouloir se garantir de l'imposition de prestrise, affin de vider brefvement ce procès et venir au noeud de la cause, il demanda à messieurs, que c'était qu'ils prétendoyent de prouver et vérifier contre lui, et eux respondants, leur dessein estre de sçavoir et monstrer par bonnes preuves qu'il était prêtre, dit aussi :

Messieurs, puisque c'est cela que vous avez en volonté de sçavoir et averer contre moy, saches, que sans palliation ny fiction, je suis, je me confesse, je me déclare icy publiquement devant vos seigneuries et toute l'assemblée, pour estre catholique de la Sainte Eglise Romaine, et moyne de l'Ordre de saint Benoist, duquel Ordre aussi était religieux et professeur ce miroir de piété saint Augustin avec saint Mellite et leurs compaignons, qui furent les premiers conquérants de ceste Isle à la couronne et diadème du Roy éternel Jésus-Christ, lesquels comme autant de Promethes apporterent en ce Royaume icelui feu céleste de la cognoissance, foy et amour de Dieu vivant, non desrobé, mais reçu en don du grand pontife saint Grégoire, pour en esclairer les ténèbres et eschaufer les âmes de nos devanciers, par où ils ont acquis avec mérite le nom des premiers apostres de ces contrées saxoniques. Je fais profession de ma mesme façon qu'eux ont mené. Je suis icy venu, envoie par la mesme authorité qui les y addressat, sçavoir est l'apostolique du Vicaire de Jésus-Christ, successeur de saint Pierre : nos buts et desseings sont autant justes, saints et raisonnables, les uns que les autres, puisqu'ils tendent au salut des Regnicoles pour la gloire du Très Haut. »

Icy on commanda au P. Jean de se taire, ce néant-moins il adjouta : « et je vous veux faire entendre la teneur de mon Bref et commission en vertu de quoy je me suis advancé jusque à ces rives de ma douce patrie, puis prononçant à voix ferme, non branslante, le passage de saint Mathieu, dit, c'est Euntes, docete omnes gentes, baptizantes eos et docentes eos servare omnia quæcumque mandavi vobis : par où nous est ordonné de faire sçavoir aux hommes les commandements de Dieu et leur administrer les saincts sacrements de Baptesme, Pénitence, Eucharistie, Extreme-Unction, et autres. Ce que les ministres de par de çà ne font qu'à leur poste ou point du tout. De ce pas en ayant lui coupé le fil de son discours, et l'on lui objecta que du passé il avoit été prinsen la maison du sieur Persins, complice au crime de l'attentat sur le roy et ses estats, par le moyen de la poudre à canon : mais il se desmella promptement de ce blasme, respondant, que de ce soupçon il en avoit esté absouls et déclaré innocent par la sentence du conseil de Sa Majesté, point que s'il eut esté lors trouvé coupable de telle intention, il ne resteroit pas maintenant en vie, et ne seroit présentement empesché de respondre pour soy en ce parquet.


N'entant pas bonne en vieux français, je le laisse tel quel, pour ne pas faire des changements qui n'aurait pas de sens. Merci de votre compréhension
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gabrielle
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Non obstant tout cela le Pseudo Évêque de Londres, laissant ceste poursuite, pressait et insistait, qu'au moins, lui Prêtre comme il était, avait osé retourné en Angleterre, contre l'Edict de la royne Elisabeth et par ainsi demeurait atteint du crime de Sa Majesté. A quoi le P. Jean repartit : si selon votre dire, sieur évêque, estre Prêtre est un crime de lèse-majesté, ou bien un signe et indice irréparable de perfide et de traitre, certainement et notre Seigneur Jésus-Christ, et ses saints Apôtres estoyent perfides, déloyaux et traitres; si que si on les présentait à votre parquet, d'assurance, ils seroyent de vous sententiez et condamnez à la mort.

Le peuple là présent oyant ces paroles tant bien fondées et prononcées commença de murmurer et s'entreparler, avec démonstration de je ne scay quelle apparence d'incliner au party du P. Jean, dont lui fit défendre de ne plus rien dire. Ains finalement le magistrat lui chargea et mit sus qu'il était retourné en Angleterre, non pour autre fin que de retirer les subiects de l'obéissance du Roy, et les aliéner de sa fidélité d'affection. Auquel P. Jean respondit :

il y a de l'abus en votre dire, Messieurs, je ne suis pas retourné en ce royaume pour les fins que vous m'imposez à crédit, ce n'a pas esté pour divertir les subiects de l'obéissance et affection leur roy et légitime prince, non certes, mais tout seulement pour les ramener de la perfide hérésie en l'infection de laquelle ils vivent et croupient à la sincère foy catholique, seule voye et nasselle qui les peut conduire et porter au salut éternel. Et tant s'en faut que je veuille faire secouer le joug de l'obéissance et subiection aux vassaux de Sa Majesté, que mesmes au contraire j'ay tousiours presché, tesmoigné et enseigné comme encores présentement je fais, à touts les subiects qu'ils sont tenus en conscience de rendre pleine obéissance au Roy, en tout ce qui n'est pas contre Dieu et le salut de l'âme. Ce qui est bien contraire à ce que preschent les perfides hérétiques Luther et Calvin avec leurs adhérents.
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Il ne lui fut pas permis de s'eslargir d'avantage sur ce propos, parce que le Pseudo-Evesque passa outre à lire certaines lettres de la conformité, en vertu desquelles P. Jean avoit admis la femme du Seigneur Genesonnes (Jenison) et quelques autres à la participation de certaines indulgences concédées à son Ordre, lesquelles ayant achevé de lire, il advisa le Magistrat avec beaucoup de poys et emphase, qu'il était nécessaire de se donner garde bien soyneuse du P. Jean, comme d'un homme fort pernicieux et dommageable à l'estat commun et particulier du Royaume, en tant qu'il était Superieur des moines de St-Benoist en Angleterre, et y administroit le Sacrement des Ordres. Sur quoy P. Jean prenant la parolle dit, qu'en icelles lettres, il n'avoit rien qui ne fut totalement conforme aux escrits des Docteurs, décrets des Souverains Pontifes et authorité des sacrez Conciles, se faisant fort et offrant de le prouver, s'ils en avoyent la volonté : mais quant aux Ordres, qu'il ne les avoit jamais conféré à personne, n’y aussi n'en tenoit-il le pouvoir n'estant pas Evesque. Pareillement il n'avoit jamais esté Superieur des Moines de St-Benoist qui sont en Angleterre.

Après toutes ces allégations et responses de part et de l'autre, le magistrat donna ordre que le tout fut commis entre les mains des douze Juges, affin de visiter et examiner pleinement le procez de P. Jean, et que suivant la coustume, ayant bien pesé et confronté les raisons de part et de l'autre tant favorables que préjudiciables, suivant leurs voix et suffrages ouies et entendues, on donna le dernier arrêt et sentence d'absolution ou condamnation de vie ou de mort
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Ceux-cy donc, assez versez en ce mestier, visitent et considerent les choses alleguées et prouvées, ce cas intenté et la Loy prétendue violée et qu'en resolvent-ils ? Quelle est leur opinion, sembler est advis ? Ah ! pauvre P. Jean, que pensez-vous qu'ils définiront de votre fait, votre vie et votre mort sont en leur bouche. Mais vous ne refusez pas de mourir pour la gloire de Dieu, si bien que vous desirez de vivre pour le salut des âmes de vos chers paysans. Il ne nous fasche donc pas beaucoup l'esprit de scavoir ce qu'ils arresteront, moyennant que la volonté de notre Seigneur s'accomplisse en vous, les retours et entrées vôtres tant de fois réitérées en ce pays, ont tousiours esté accompagnez de ceste résolution et expectation de la mort et supplice, pareil à celui de tant d'autres qui vous ont devancé, en sorte que tibi vivere Christus et mori lucrum. Cupio dissolvi et esse cum Christo. Jésus-Christ est votre vie et le mourir vous le reputez à gain et profit, votre désir est d'être deslié de ce corps et être avec Jésus-Christ. Escoutes donc, âme résolue, coeur non effroyable, esprit indomptable, escoutés ce qu'ont arrestés ces justes juges, mais par des lois injustes, c'est que : Veu et considéré que vous entant que Prêtre, après avoir esté banny de l'Angleterre, y estes à retourné, contre l'édict de la Royne Elizabeth, estes encouru au crime de lese Majesté, taxé par icelui edict et ainsi digne de mort. Voila leur advis, ce sont les suffrages par lesquels vous estes choisi, promeu et advancé à la palme et couronne de martyr. O joyeuse nouvelle, arrest longtemps désiré, heure tant de fois souhaitée, retournez maintenant en votre prison et chantez louanges et actions de grâces à Dieu le créateur, qui vous fait digne de patir contumelie, et subir la mort pour le nom et la querelle de Jésus, à la façon des Apostres.

Donc ces douze Juges, ayant par ensemble examiné le tout, disent qu'il leur semble qu'il est coupable du crime de lese Majesté et qu'il a merité la mort. Ceste opinion et advis estant rendu, l'on renvoye P. Jean de devant messieurs en la prison, qu'on dit communement Salle de justice, de la quelle il avoit esté amené, pour y demeurer jusques a ce que le 8 Décembre, on le representast encores devant messieurs pour recevoir la dernière sentence de mort.

Forme du jugement et sentence de mort prononcée contre P. Jean de Mervinia et Monsieur Wilsonus.
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gabrielle
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Ores arrivé que fut le 8 jour de Décembre 1610, jour sacré à la conception de l'immaculée tousiours Vierge Marie, sur le soir environ les quatre ou cinq heures, le juge souverain fit venir de la prison par devant soy et le Magistrat le P. Jean de Mervinia avec Monsieur Wilsonus Prêtre, pour recevoir la dernière sentence de mort. Par quoy estant entrez en presence de Messieurs, ledit juge leur dit : Mes amis, vous estes icy pour entendre la sentence de mort qui se doit rendre contre vous ce jourd'huy, suivant les interrogations, allégations et examinations faictes touchant les causes de votre emprisonnement et crimes à vous imposez, en quoy corne l'on a jusques ores procédé avec toutes les decïes et accoustumes solenitez requises par le droit et justice, aussi faut-il que, restant seulement a prononcer l'arrest et sentence de mort, nous vous donnions encores une fois lieu de deffence.

Ainsi l'on vous ordonne qu'aies à alléguer présentement ce pourquoy il vous pourroit sembler que ne deussiés être condamnés à mort, puisque selon les voix et avis des douze Juges, conformément aux loix, estes trouvez et déclarez est encouru au crime de lese Majesté, par la transgression de l'édict sus allégué. Soudainement apres ces parolles, le P. Jean requit audience de Messieurs, et le sergeant ayant crié et imposé silence au peuple, s'asseurant en la promesse de notre Seigneur que ny la bouche ny la parolle lui feroit faute ente besoing, harangua en ceste sorte :


Mes très-honorez Seigneurs....
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Mes très-honorez Seigneurs, très-aimez paisants icy présens, je vous supplie de me tant obliger en votre endroit, que d'entendre le peu de satisfaction que je veux donner pour moy, en ce qui m'est présentement imposé et mis en avant. Si la mémoire m'est fidèle, au tarif que je peux remarquer et comprendre de tout ce qui m'a esté proposé, demandé, imposé et allégué, je suis condamné coupable de crime de lèse-majesté, par ce que je suis prouvé et averé être prêtre et moine de l'ordre St-Benoist, ce n'est que pour ce point et article : au reste des plaintes et dépositions contre moy, j'y ay satisfaict pleinement et monstré que i'en'suis hors de coulpe et innocent. Donc pour le point de prestrise, je dis, qu'il est vray que je suis prêtre, jamais je ne me désavoüeray prêtre, ny non plus nieraye que je suis moine, mais quant est de la trahison et revolte, tant contre le Roy comme contre son très-saige Conseil, j'appelle Dieu le Createur en tesmoin, que j'en suis totalement pur, net et innocent. La fin de ma venue en ce Royaume n'est autre que pour retirer mes chers compaysans, à mon possible, de l'erreur des hérésies : je n'y commis que ce seul crime, si c'est un crime.

Je me persuade que personne ne me réputera traistre ny rebelle, pour avoir, désiré leur salut : messieurs ne prétendent prouver autre chose contre moy que ceste trahison et rebellion, et je crois que chacun de vous a assez clairement entendu comme j ay démontré que la prestrise et Religion son autant différentes et elloignés de la trahison et revolte, que sont distans les cieux de la terre, vu que celles-là sont très-amies et alliées de la vraie fidélité et loyauté, la où celles-cy en sont ennemies et conjurées adversaires. Toutefois ainsi soit que ce que faulsement on m'impose soit véritable, scavoir est que je suis traistre et rebelle au roy ; sy est ce que tout cela, entant que prêtre je ne devois être tiré par devant les juges séculiers et beaucoup moins les hérétiques et déserteurs de l'antique religion, selon laquelleies prêtres ont leurs juges à part, ce que, me voicy prest de vous prouver par l'authorité des sacrés conciles (quelques uns desquels vous recevez) et par les decrets des souverains pontifes par ou, monsieur le Juge, il appert que c'est contre l'ordre de justice, de tirer les prêtres aux pairs seculiers, avant _ que par l'authorité de l'Eglise estant devestus (autant que faire se peut) de tous privileges et dignitez concernant leur estat, ils soint livrez entre les mains de la puissance seculiere, ce quoy n'a pas esté observé en mon endroit, a raison de quoy je ne peux veoir, comme puissiés sauve la justice et l'équité, prononcer sentence de mort contre nous
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Le juge mesprisant et ne faisant estat de ces raisons et deffenses dit : « Seigneur Jean, n'axes vous pas autre chose à alléguer pour votre défense ? » A quoy Jean respondit : « ce que j'ay allegué suffise pour maintenant. » Alors le juge dit : « Dieu veuille avoir pitié de vous deux. » Et incontinent desgorgea plusieurs injures et calomnies contre eux deux, particulièrement contre père Jean, faisant entendre aux assistants, qu'il était homme fort dommageable et pernicieux à l'estat du Royaume, usant de reproche, qu'il avoit reçu beaucoup de grace et courtoisies du Roy, ayant esté plusieurs fois banny, changeant (la vie sauve) sa mort en exil, rompu les prisons, mesmes suspecté d'avoir esté de la faction des mines de poudre à canon, finalement qu'il s'était emploié à seduire plusieurs des subjects du Roy, les rendant papistes et alienant de l'obéissance de sa Majesté, adjoutant que plusieurs de ces larrons et volleurs là présents (qui avec lui avoient esté condamnez à mort) n'avoient que fort peu ou rien mes-fait, en comparaison du P. Jean ou ses compagnons, entant que (ce disoit-il), ces pauvres infortunez, contraints peut-être par la nécessité, n'avoient que desrobé l'autruy et prins l'argent des personnes pour soulager leur disette et subvenir à leurs besoins, mais ces prêtres icy, non seulement ils attirent le monde à se ranger de leur party et pernicieuse religion de papistes, ains aussi ils ostent et ravissent au Roy les coeurs de ses vassaux et subjects.

Tout durant ces discours du Juge, le peuple se retint de parler, monstrant toutefois être touché de compassion pour le désastre de ces deux prêtres ! en sorte mesmes qu'aucuns de l'assemblée furent tellement esmus de pitié qu'ils osoient dire, être chose assez dure et misérable qu'on fit mourir des hommes de telles qualitez. Ores le P. Jean avoit cependant pourpensé en soy-mesme ce qu'il devoit repartir à tant de calomnies du Juge et ce qu'il les alloit pour l'une après l'autre, mais il n'eust pas le loisir, d'autant que le Juge incontinent, comme il est de coustume, prononcea la sentence de mort. Laquelle entendue, soudainement P. Jean arraisonna le peuple en ces termes :

«Mes très-aimez compaysans, me voilà condamné à mourir, et par la grace du Seigneur Dieu je n'en suis pas pourtant esperdu ny transporté de tristesse, ou esvanouy de la trop grande apprehension de la mort, qui est désirée et attendue de mes semblables qui viennent en ce Royaume pour s'embesoigner au salut des âmes, s'asseurant bien qu'a la fin parmy tant de soigneuses recherches, et au milieu de tant d'oeils et surveillants, il doit une fois arriver qu'ils seront descouverts, en somme le hasard ne nous est ouie, car nous l'avons preveu de Loing, et le tenons pour asseuré et non seulement nous est-il incertain en son heure et son jour ! Du reste pour maintenant je ne pretens vous detenir par beaucoup de propos, ny veux me purger des crimes à moy imposez, car je l'ay desjà suffisamment et pleinement effectué, comme vous avez peu entendre bien amplement, et ainsi laissant en arrière toute repetition des preuves de mon innocence qui seroient inutiles pour le présent, veu que l'arrest est prononcé, seulement affin que cognoissiers mon coeur et zèle en votre endroit : je prie du plus profond de mes entrailles Dieu le Createur pere de misericorde, pere de notre Seigneur Jésus-Christ, pour la querelle duquel je meurs, qu'il vous veuille tous bénir, et à moy donner la grace de patiemment et constamment subir la mort decretée et de mesure, monsieur le Juge, qui axés prononcé contre nous ceste inique sentence de mort, je le vous pardonne de bon coeur : priant de surplus qu'il plaise au Seigneur Dieu faire misericorde à tous ceux quy en quelque façon se sont rencontrez au fait de ma condamnation, mais sur tout je le supplie, qu'il daigne combler de benedictions le très clément Roy notre sire, la Royne et le prince et messieurs leurs enfants, leur donnant santé, prosperité, et grace de craindre, aimer, servir dignement sa divine majesté. Sy longtemps que l'âme donnera vie à mon corps je ne cesseray de prier Dieu pour eux, et pour la conversion de retour de vous tous à l'unité de l'Eglise et sincerité de la saincte foy catholique. Ce que je pourray après ma mort faire avec plus de loisir et d'efficace !
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