Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Tricentenaire

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Laetitia
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Re: Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Tricentenaire

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Il était sous-diacre, croyons-nous, lorsqu'il fut désigné « à son tour » pour accomplir le pèlerinage à Notre-Dame de Chartres. Tous les ans en effet, en souvenir de la grande dévotion de M. Olier, les supérieurs de Saint-Sulpice deux séminaristes pour représenter la maison aux pieds de Marie.

Ce pèlerinage eut lieu vraisemblablement durant l'été 1699. A Louis-Marie ses supérieurs donnèrent un compagnon digne de lui : M. Bardou, un des plus fervents élèves du séminaire, un modèle de régularité, d'obéissance, de pureté et de pénitence ; il devait devenir grand vicaire dans le diocèse de Narbonne.

Nos deux pèlerins voyageaient en silence la plus grande partie du temps, le cœur rempli de la pensée de Notre-Dame. S'ils parlaient quelquefois, c'était uniquement d'Elle, s'ils priaient ensemble, c'était le chapelet qu'ils égrenaient, c'était le Bréviaire qu'ils récitaient, c'était le psautier de Saint Bonaventure qu'ils chantaient.

Dans les vastes plaines de la Beauce, des laboureurs peinaient durement au travail de la moisson, tandis que des groupes d'enfants folâtraient çà et là. Le saint s'avance vers ces pauvres gens : aux uns, il demande de sanctifier leur labeur par la pensée du ciel ; aux petits, il parle de Dieu, de la bonne Vierge, des sacrements qu'il faut recevoir. Ce ministère apostolique rempli, il revient à grands pas vers M. Bardou, très édifié d'une telle conduite.

Enfin , à l'horizon, se détachent les tours de Notre-Dame de Chartres … son premier mouvement est d'aller se jeter aux pieds de Notre-Dame de sous-Terre.

Dans cette crypte qu'aucun bruit ne peut atteindre … devant cette antique image de Marie tenant son Enfant sur ses genoux et le présentant au monde, le saint communiait à toute la ferveur de la chrétienté primitive, et par delà la chrétienté, à la dévotion des prophètes saluant cette Vierge miraculeuse qui devait donner le Sauveur : Virgini pariturae. …

Le premier jour, semble-t-il, M. Grignion ne passa que quelques heures dans le sanctuaire. Mais le lendemain dès l'aube il communia … et resta six longues heures en oraison, « à genoux, immobile et comme ravi ». Dans l'après-midi, même ferveur, même « extase ».

« De ce pèlerinage de 1699, dit un de ses fils spirituels, Montfort avait emporté tant de bénédictions, que je puis dire que Notre-Dame de Chartres ne fut pas étrangère à la vie féconde du grand missionnaire ; et quand de son cœur jaillira ce traité qui est encore un chant spirituel, le Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge, nous y retrouverons toute la vibration de la cathédrale, où il avait vécu des heures infiniment douces et profondes de sa mystique oraison.(1) »

(1) Le Bx Grignion de Montfort à N.D. de Chartres, rapport présenté au Congrès marial de 1927, par le R.P. Morineau, Montfortain.
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Laetitia
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Re: Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Tricentenaire

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A mesure que Louis-Marie approchait du sacerdoce, son union à Dieu sa faisait plus intime, au point que tout rapport avec le monde lui était à charge....
il sentait plus que jamais le besoin de se détacher de la terre pour se recueillir tout en Dieu. Dans son cœur c'était alors la flamme du désir, en même temps que la sainte appréhension des consciences très délicates....

La persuasion de son indignité, Montfort comme tous les saints, l'a éprouvée profonde ; et ce n'est qu'avec tremblement, presque avec effroi qu'il reçut de son directeur l'ordre de monter plus haut : ascende superius.

« Il fut promu à l'ordre de prêtrise, écrit Grandet, le samedi des Quatre-Temps de Pentecôte, de l'année 1700 … » Une joie profonde envahit l'âme du nouveau prêtre ; et après la cérémonie, tandis que les confrères le félicitaient, ce ne fut pas seulement une fois, mais mille fois Deo gratias ! Qui jaillit de ses lèvres. Son cœur avait besoin d'une longue, d'une très longue action de grâces : il obtint la permission de passer le reste de la journée devant le Saint Sacrement.
Il choisit, pour célébrer sa première messe, la chapelle de la Vierge placée derrière le chœur de l'église de Saint-Sulpice. C'était l'autel de « sa bonne Mère », cet autel qu'il avait paré avec tant d'amour pendant ses années d'études.
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Re: Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Tricentenaire

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Prêtre, Louis-Marie n'avait plus qu'un désir, se dévouer aux âmes. Les missions étrangères l'attiraient … il s'offrit au supérieur de Saint-Sulpice pour « aller en Canada », mais ne fut pas accepté.
A cette époque, du reste, de grandes difficultés avaient surgi dans la Nouvelle-France pour les successeurs de M. Olier ; et pendant dix-sept ans, personne ne rejoindra les missions sulpiciennes de Montréal : il était donc normal d'écarter la candidature de M. Grignion...
En attendant la décision de la Providence, il prolongea son séjour au séminaire, travaillant à recueillir et à ordonner les matériaux de sermons, indispensable à son futur apostolat. La réponse du Ciel ne devait pas tarder.

Un supérieur de missionnaires, M. Lévêque, vint faire une retraite à Saint-Sulpice. Né à Gorges dans le pays nantais, ancien disciple de M. Olier, ce saint vieillard était sulpicien dans l'âme. Ses fréquents voyages de Nantes à Paris, où il ne dépensait qu'un écu, mangeant du pain sec et buvant de l'eau, étaient légendaires ; ses pénitences rappelaient celles des anachorètes. Mort à lui-même, profondément intérieur, d'une grande dévotion à la Sainte Vierge, était-il un homme, de mande M. Blain, « qui pouvait être plus propre à M. Grignion et à qui M. Grignion pouvait être plus propre. » ?

M. René Lévêque avait fondé à Nantes, vers 1670, une communauté d'ecclésiastiques dans le quartier de Saint-Clément. Mgr de la Baume Le Blanc, qui estimait beaucoup le saint prêtre, voulut confier à sa communauté la direction spirituelle du séminaire diocésain … Saint-Clément avec ses retraites annuelles, ses conférences dominicales, pour le clergé des paroisses, devenait un centre de vie ecclésiastique. Il faut malheureusement ajouter que son fondateur, malgré sa grande vertu personnelle, n'avait pas l'autorité suffisante pour conduire, avec ordre, les œuvres diverses groupées sous sa main.

Louis-Marie n'avait jamais souhaité que les missions ; il trouverait là, semble-t-il des maîtres et des guides pour l'apostolat tant désiré : M ; Lévêque avait lui-même exercé longtemps ce ministère. Le départ pour Nantes fut décidé.
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Laetitia
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Au mois de septembre 1700, M. Lévêque et l'abbé Grignion se rendent donc à Orléans, où ils s'embarquent « sur la rivière de Loire ».

Sur le bateau, le saint trouve tout de suite à exercer son zèle. Trois libertins ne cessaient de proférer des obscénités et des blasphèmes. Grignion les réprimande vivement ; et, comme le scandale ne cesse pas, il leur annonce d'un ton prophétique le châtiment de leurs péchés. Quelques jours plus tard, deux se blessaient grièvement dans une querelle, le troisième mourait bientôt des suites de son intempérance. En même temps que son apostolat, le missionnaire inaugurait sa carrière de prophète.

...Louis-Marie descendit à Fontevrault, chez les religieuses, où sa sœur Sylvie faisait son postulat. Ce lui fut une vraie joie de donner à la jeune fille, qu'il n'avait pas revue depuis des années , sa bénédiction de nouveau prêtre, et de l'engager à bien se préparer à la vie religieuse ; il put, du reste, constater la ferveur de la postulante. Ce premier contact avec la célèbre abbaye fut rapide sans doute, mais ce n'était qu'un prélude : le saint reviendra plus d'une fois à Fontevrault.

M. Lévêque vraisemblablement avait continué son voyage sur la Loire. L'abbé Grignion s'achemina donc seul vers Nantes et, suivant sa coutume, à pied ; il salua , en passant, N.-D. Des Ardilliers (1), qui restera un de ses sanctuaires de prédilection. Son âme s'ouvrait à la prière, au chant, à l 'allégresse : il était prêtre, et il allait devenir missionnaire !

C'était le rêve du jeune apôtre : la réalité devait être différente.

(1) Ce pèlerinage était cher à Saint-Sulpice...
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Arrivé à Saint-Clément vers le milieu d'octobre, le saint éprouve dès les premiers jours une grande déception : « ceux qui composaient la communauté du saint vieillard (M. Lévêque) n'avaient pas son esprit, encore moins sa doctrine. Louis-Marie croit devoir s'en ouvrir à son directeur, M. Leschassier, dans une lettre datée du 6 novembre 1700 :

« ... Il s'en faut beaucoup qu'il y ait ici la moitié de l'ordre et de l'obéissance au règlement, qu'il y en a à Saint-Sulpice ; et il me semble que, les choses restant comme elles sont, il ne peut pas en être autrement ; car il faut remarquer qu'il y a en cette maison quatre sortes de personnes, pour ne pas dire cinq, dont les buts et les intentions sont tous différents....
Cela étant dit, je me trouve, depuis que je suis dans cette maison partagé entre deux sentiments qui semblent opposés. Je ressens d'un côté un amour secret pour la retraite et la vie cachée, pour anéantir et combattre ma nature corrompue qui aime paraître ; et, de l'autre, je sens de grands désirs de faire aimer Notre-Seigneur et sa sainte Mère, d'aller, d'une manière pauvre et simple, faire le catéchisme aux pauvres de la campagne et exciter les pécheurs à la dévotion à la Sainte Vierge.....
... en attendant vos conseils, soit pour demeurer ici, quoique je n'y sente aucune inclination, soit pour aller ailleurs. J'ose me dire, dans la paix du Seigneur et de sa sainte Mère, tout soumis à vos ordres.... »

Ces pages nous dévoilent tout l'âme du saint missionnaire.... sa maturité de jugement...la véhémence de ses désirs d'apostolat... son attrait pour la vie intérieure. Ces deux tendances lui semblent alors s' »opposer » l'une à l'autre, mais il saura plus tard les concilier merveilleusement : missionnaire d'une activité dévorante, il restera une âme profondément unie à Dieu. Dès le début de son sacerdoce, il trace le programme de sa vie : aller de paroisses en paroisses, catéchisant les petits, convertissant les pécheurs, prêchant l'amour de Jésus, la dévotion à la Sainte Vierge, et réclamant à grands cris une compagnie de missionnaires pour ébranler le monde par leur apostolat. Or cette puissance va rester inemployée à Nantes pendant plus de cinq mois !... Dans la carrière de Montfort, la croix est toujours au point de départ.

Le prudent M. Leschassier comprenait fort bien que son dirigé n'était pas à sa place ; mais il cherchait à gagner du temps, pour ne pas peiner M. Lévêque, le vieil ami de Saint-Sulpice. Un événement fortuit allait précipiter la décision.
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Au mois d'avril 1701, Louis-Marie eu à Fontevrault une entrevue avec Mme de Montespan, bienfaitrice des deux sœurs de notre saint. Elle lui conseilla d'aller voir Mgr de Poitiers, pour lui découvrir les intentions qui lui tenaient à cœur.

Pour faire la sainte volonté de Dieu, notre saint partit donc pour Poitiers et rencontra l'évêque ; cette entrevue fut plutôt « sèche », l'évêque manquant de renseignements sur son visiteur.
Mais auparavant, le saint était allé à la chapelle de l'hôpital où il avait passé en oraison quatre heures, « qui lui parurent bien courtes ». Les pauvres admirèrent cette ferveur ; ils contemplèrent avec curiosité ce prêtre vêtu si misérablement ; ils en eurent même compassion ; et, par un piquant retour des choses, se mirent « à boursiller pour lui faire l'aumône ; les uns donnaient plus, les autres moins, les plus pauvres un denier, les plus riches un sou ». Bien plus, ils le demandèrent comme aumônier à Mgr Girard. L'un des pauvres, qui avait de l'esprit, se chargea d'écrire à l'évêque « pour lui demander ce prêtre pour l'hôpital ; sa lettre, ajoute Grandet, fut trouvée admirable, les mémoires qu'on m'a fournie portent qu'on aurait dit que c'était un ange qui la lui avait dictée ».

Surpris et touché par cette requête, l'évêque convoqua M. Grignion pour un nouvel entretien, mais sans rien décider encore ; il lui conseilla de tout raconter à son directeur, pendant que lui-même se réservait de prendre des informations auprès de M. Leschassier.

Le saint obéit fidèlement à Mgr Girard, et dans sa lettre il laisse paraître les désirs intimes de son âme : « Je vous dirai, mon très cher Père, que j'ai, à la vérité, beaucoup d'inclination à travailler au salut des pauvres en général, mais non pas tant de me fixer et de m'attacher dans un hôpital. Je me mets pourtant dans une entière indifférence, ne désirant que de faire la sainte volonté de Dieu, et je sacrifierais volontiers mon temps, ma santé, ma vie même, pour le salut des pauvres de cet hôpital abandonné, si vous en jugez à propos. Je pars demain, jour de l'Ascension, pour Nantes. » (lettre du 4 mai 1701)
...La réponse que M. Leschassier fit parvenir à l'évêque est pleine de bienveillance pour le jeune prêtre …
« … Dieu l'a prévenu de beaucoup de grâces et il y a répondu fidèlement, car il m'a paru, et à tant d'autres qui l'ont examiné de près, avoir été constant dans l'amour de Dieu et la pratique de l'oraison, de la mortification, de la pauvreté et de l'obéissance. Il a bien du zèle pour secourir les pauvres et pour les instruire. Il a de l'industrie pour venir à bout de plusieurs choses ; mais comme son extérieur a quelque chose de singulier, que ses manières ne sont pas du goût de bien des gens, qu'il a une haute idée de la perfection, bien du zèle et peu d'expérience, je ne sais pas s'il est propre pour l'hôpital où on le demande... ». ...cette lettre est un témoignage élogieux.
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A son retour à Nantes, Louis-Marie fait de ses démarches un récit détailler à M. Lévêque, qui comprend enfin son erreur de vouloir endiguer ce zèle.... il l'envoie sel donner une mission dans les environs de Nantes, à Grandchamps. Ce coup d'essai fut un coup de maître... il avait vingt-huit ans, une voix puissante, une flamme de jeunesse qui étincelait dans ses sermons et dans ses cantiques ; pendant les dix jours passés dans cette paroisse de deux mille habitants, il souleva l'enthousiasme.

Malgré sa profonde humilité, la joie du conquérant des âmes transparaît dans le récit qu'il adresse à son père spirituel, le 5 juillet 1701 : « ...Le bon Dieu et la sainte Vierge y ont donné bénédiction ; c'est pourquoi M. des Jonchères et M. Lévêque, qui savent l'affaire de Poitiers, m'ont dit de vous écrire, et même me font offre de m'aider de leurs biens et de leur autorité, pour m'envoyer dans les paroisses les plus abandonnées du diocèse, pour y continuer ce que j'ai heureusement commencé à Grandchamps, ou plutôt ce que la divine Providence et la Sainte Vierge ont opéré, malgré ma misère... »

M. Leschassier, dans sa réponse, l'autorisa à continuer un ministère si visiblement béni de Dieu, tout en lui recommandant une fois de plus de ne pas s'écarter des « voies ordinaires ». Pendant trois mois encore, le jeune missionnaire va donc prêcher dans le pays nantais... et déjà il mérite, par sa charité apostolique, le surnom de bon Père de Montfort.
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C'est au cours de ses missions qu'il reçut, de Paris, des nouvelles alarmantes au sujet de sa sœur Louise-Guyonne... voici qu'elle était obligée la maison de la communauté de saint Joseph de la Providence.
… [ceci] nous a valu une des plus belles lettres du saint …

« Ma Chère Sœur en Jésus-christ,

le plus pur amour règne en nos cœurs.

« Quoique éloigné de corps de vous, je ne le suis pas de cœur parce que votre cœur n'est pas éloigné de Jésus-Christ et de sa Sainte Mère, et que vous êtes fille de la Providence, dont je suis aussi l'enfant quoique indigne. On devrait plutôt vous appeler novice de la Providence, parce que vous ne faites que commencer à pratiquer la confiance et l'abandon parfait qu'elle demande de vous ; vous ne serez reçue professe et fille de la Providence, que quand votre abandon sera général et parfait, et votre sacrifice entier. Dieu veut, ma chère sœur, Dieu vous veut séparée de tout ce qui n'est pas lui, et peut-être effectivement abandonnée de toutes les créatures, mais consolez-vous, réjouissez-vous, servante et épouse de Jésus-Christ, si vous ressemblez à votre Maître et à votre Époux. Jésus est pauvre, Jésus est délaissé, Jésus est méprisé et rejeté comme la balayure du monde. Heureuse, mille fois heureuse Louise Grignion, si elle est pauvre d'esprit, si elle est délaissée, méprisée, rejetée comme la balayure de la maison Saint-Joseph ; ce sera pour lors qu'elle sera véritablement la servante et l'épouse de Jésus-Christ et qu'elle sera professe de la divine Providence, si elle ne l'est de la religion. Dieu veut de vous, ma chère sœur, que vous viviez au jour la journée, comme l'oiseau sur la branche, sans vous soucier du lendemain ; dormez en repos sur le sein de la divine Providence et de la Sainte Vierge, ne cherchant qu'à aimer et contenter Dieu : c'est une vérité infaillible, un axiome éternel et divin, aussi véritable qu'il n'y a qu'un Dieu. Plût à Dieu que je pusse les écrire dans votre esprit et dans votre cœur, en caractères ineffaçables : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné de surcroît. » Si vous faites la première partie de cette proposition, Dieu, infiniment fidèle, fera la seconde ; c'est-à-dire que si vous cherchez Dieu fidèlement et sa Sainte Mère, vous ne manquerez de rien en ce monde ici et dans l'autre. Vous ne manquerez pas d'un frère prêtre, qui a été, qui est et qui sera toujours tout à vous dans ses sacrifices, afin que vous soyez toute à Jésus-Christ dans le vôtre. Je salue votre bon ange gardien.
1701. »

Le saint, qui mettait si bien en pratique ces conseils admirables, savait que l'abandon à la divine Providence n'interdit nullement l'emploi judicieux des moyens humains. Aussi s'ingénia-t-il à découvrir des âmes charitables qui lui permettraient de venir au secours de sa cœur. Et « Dieu infiniment fidèle », comme il l'avait écrit, ne tarda pas à bénir ses efforts, ainsi qu'il l'apprend à M. Leschassier, le 6 septembre 1701 : « Depuis que je suis ici, la divine Providence s'est servie de moi pour placer encore une de mes pauvres sœurs. » ...

Admirons, une fois de plus, l'activité débordante de ce jeune prêtre : il dirige un groupe d'étudiants, il exerce un ministère de choix dans une communauté, ce qui ne l'empêche pas, depuis qu'il a le pouvoir de confesser, de travailler » sans relâche, écrit-il lui-même, dans plusieurs paroisses ». Son influence s'exerce profonde sur ces jeunes gens, sur les foules, sur les âmes religieuses ; et partout il fait fleurir sa grande dévotion à la Sainte Vierge.
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Le missionnaire était ainsi en pleine action apostolique, quand il reçut de Mgr Girard un appel pressant à se rendre à Poitiers.
« Nos pauvres continuent, Monsieur, de vous désirer... je crois vous dire moi-même que leurs désirs, joints à ce que M. Leschassier a pris la peine de me répondre, me font croire que Dieu vous veut auprès d'eux, si Monseigneur votre évêque veut bien vous donner la permission d'y venir. Je vous prie donc de bien vouloir lui demander d'en profiter au plus tôt, s'il vous l'accorde, de vous souvenir de moi, dans vos prières, et de me croire tout à vous, Monsieur, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont le saint Nom soit à jamais béni.
Antoine, évêque de Poitiers.
Poitiers, ce jeudi 25 août 1701. »

Impossible de ne pas voir dans cet appel, signé d'un évêque, une indication de la Providence. Le saint en réfère à M. Leschassier, lui rappelant qu'il n'a point « d'inclination pour la communauté de Saint-Clément », ni pour se renfermer dans un hôpital ; mais il ajoute ; « l'espérance que je pourrais avoir de m'étendre avec le temps dans la ville et à la campagne... peut seule me donner quelque inclination d'aller à l'hôpital. » On le voit la vocation de Montfort se précise : la maison des pauvres lui apparaît comme le point de départ d'une mission qui doit rayonner plus loin.
Le Sulpicien approuve, tout en recommandant à son dirigé de suivre « les règles ordinaires ». M. Lévêque en se séparant de son jeune confrère, se montre bienveillant, et lui remet « quelque argent » pour le voyage.

C'est au début du mois d'octobre 1701 que Montfort quitte Saint-Clément...
De Nantes, il se rendit d'abord à Fontevrault, pour visiter sa sœur et saluer Mme de Montespan. C'est sans doute à cette époque qu'il faut placer un fait miraculeux, attesté officiellement à Poitiers en 1718. Le saint venait de dire la messe dans la chapelle de Mme de Montespan, lorsqu'il guérit, par un simple attouchement, un homme aveugle qui se présentait à lui, à l'entrée de la sacristie : prodige qui ne fit qu'augmenter la vénération de la grande dame pour cet humble prêtre.

Il alla ensuite rendre ses hommages à Notre-Dame des Ardilliers ; il voulut même s'y attarder et faire une neuvaine de prières. Aux pauvres gens qui entouraient nombreux le sanctuaire, il distribua l'argent qui lui avait été remis par M. Lévêque. …

Montfort arrive à Poitiers dans les derniers jours d'octobre, sans un seul denier en poche.
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Les deux mois de délai qui lui sont accordés avant d'entrer en fonction sont remplis de loisirs tout surnaturels. Il visite les prisons, les hôpitaux, portant sa parole de prêtre dans tous les lieux qui abritent des petits, des humbles, des déshérités, et les traitant, dit Grandet, comme « des Princes ».
Presque tous les jours, il fait le catéchisme aux pauvres et aux enfants, qu'il assemble d'abord dans la chapelle de Saint-Nicolas, puis sous les halles. Tout le monde s'y rend en foule, tant ses paroles sont remplies de l'onction du Saint-Esprit, et font impression sur le cœur des auditeurs.
Son confessionnal, très fréquenté, est installé dans l'antique église Saint-Porchaire. C'est là sans doute qu'il reçoit, pour la première fois, la confession de Mlle Trichet, la future fondatrice des Filles de la Sagesse.
Son zèle s'étendra plus loin... il s'occupe des jeunes gens...
Monsieur Grandet nous parle de cette association, où le serviteur de Dieu admettait « ceux qui étaient les plus dociles » ...; il les engageait à s'enrôler dans la Congrégation de la Sainte Vierge établie au collège des Jésuites ; c'étaient spécialement les congréganistes qu'il groupait à ses conférences.

Cette pieuse société fut la pépinière d'excellents prêtres, de saints religieux et de vertueux laïcs. L'un d'eux mérite de retenir l'attention et la sympathie : c'est Alexis Trichet, le frère de la future Fille de la Sagesse, un des premiers disciples de Montfort, qui, devenu prêtre, se dépensa au service de cinq cents prisonniers de guerre, atteints de la peste, et mourut victime de son dévouement. Le nom d'un autre prêtre a été également conservé : M. Brunet, curé de Celle-Levescault, mort en 1719, reconnu universellement pour un saint, probablement le frère de la deuxième Fille de la Sagesse.

Cependant devant les triomphes de son apostolat, Louis-Marie ne songe, humblement et docilement, qu'à rendre compte de tout à son directeur spirituel, M. Leschassier, dans une lettre du 3 novembre 1701 :

      • « Monsieur et très cher Père en Jésus-Christ,
                • Le pur amour de Dieu
                  règne en nos cœurs.


        Je suis à Poitiers, dans le petite séminaire, où Monseigneur m'a mis, en attendant l'assemblée des administrateurs de l'hôpital pour ma réception. Il y a quinze jours que je fais du catéchisme aux pauvres mendiants de la ville, avec l'aide et l'agrément de Monseigneur. Je vais voir et exhorter les prisonniers dans les prisons et les malades dans les hôpitaux, en leur faisant part des aumônes qu'on me donne.

        L'hôpital où on me destine est une maison de trouble, où la paix ne règne point, et une maison de pauvreté où le bien spirituel et temporel manque ; mais j'espère que Notre-Seigneur, par l'intercession de la Très Sainte Vierge, ma bonne Mère, la rendra une maison sainte, riche et paisible ; c'est pourquoi j'ai besoin de la grâce et de votre aide. Les filles directrices de la maison veulent que je mange en commun avec elles, comme quelqu'un de mes prédécesseurs ; je n'y veux point entendre : fais-je bien ?

        J'ai marqué à Monseigneur que, dans l'hôpital même, je ne voulais pas me séparer de ma Mère, la divine Providence et que, pour cette effet, je me contenterais de la nourriture des pauvres, sans aucun revenu fixe, ce que Monseigneur a beaucoup agréé, avec offre de me servir de père. Fais-je bien ?

        Je continue de faire ici plusieurs choses que je faisais à Nantes. Je couche sur la paille, je ne déjeune point, et je mange très peu le soir ; je me porte bien. Fais-je bien ? Puis-je prendre par semaine, une fois la discipline outre les trois ordinaires par semaine, ou bien une ou deux fois la ceinture de crin ?

        Je prends la liberté de saluer et de remercier très humblement M. Brenier ; Dieu seul peut reconnaître parfaitement les biens que j'ai reçus de lui et particulièrement de vous, à qui je suis et serai toute ma vie soumis en Jésus et Marie.

        Grignion, prêtre et esclave indigne de Jésus et Marie.
        Je salue votre ange gardien. »

On remarquera une fois de plus la prudence du saint prêtre : il a pris ses informations, et il sait ce qui l'attend dans cette « pauvre Babylone », comme il dira bientôt. De sages ecclésiastiques veulent le détourner de son projet. Mais, pour un tel apôtre, les obstacles ne font qu'exciter le courage ; et malgré son attrait, toujours très vif, pour les missions, son parti est pris : à la fin du mois de novembre 1701, il s'enferme héroïquement à l'hôpital...
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