Les Oblats de Marie-Immaculée chez les Esquimeaux

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Abbé Zins
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INUK "Au dos de la terre ! "

par le R.P. ROGER BULIARD, O.M.I.



CHAPITRE IV


VICTORIA

EXPLORATION — ESSAIS



Kanguak était un nouveau converti qui ne manquait pas de caractère.

Quelques jours auparavant, en revenant de travailler à ses filets qu'il jetait pour le compte de la Police, l'un des gendarmes trouva que sa pêche n'était guère abondante, semblant l'accuser de négligence.

Fatigué par plusieurs heures d'un labeur ardu, mon Tom l'eut mauvaise et lui lança pour toute réponse un « Zut » des plus catégoriques.

Le caporal ne goûta pas beaucoup cette expression et réclama un peu plus de respect vis-à-vis de l'autorité. « — Est-ce que je demande aux poissons, moi ? » continua l'Esquimau.

« — C'est vrai, reprit le policeman ; mais je n'aime pas ce « zut » ; je l'aime même si peu que je te laisse le choix, ou de retirer ce mot ou de perdre ton emploi ! »

Sur quoi, Kanguak rétorqua que son choix était fait et qu'il s'en allait de ce pas !... Fierté d'Esquimau.

Le sachant disponible, je lui demandai si sa santé ne s'accommoderait pas d'un petit changement d'air et de climat !... Le lendemain, il était en route, à mon service.
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Abbé Zins
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CHAPITRE IV


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Au nouvel An, Tom était de retour avec ses chiens à Coppermine pour me guider là-haut.

Je fis mes paquets : valise-chapelle, bréviaire, croix d'Oblat, grosse provision de cartouches, etc. et dis adieu à Coppermine le 2 janvier 1938.

Durant le trajet nous n'eûmes qu'une aventure sortant de l'ordinaire.

Un soir de tempête, par une nuit noire, nous cherchions une maison de neige qui nous avait été signalée dans les parages ; ne la découvrant pas, je dis à Kanguak et à sa femme qu'avec mes chiens, deux fois plus rapides que les leurs, je partais en avant jusqu'à la prochaine pointe ; là, je commencerais de construire un iglu en les attendant si le fameux iglu restait toujours introuvable...

Une heure plus tard, j'étais en train de tailler mes blocs quand la traîne de Tom parut ; n'apercevant qu'un voyageur, je demandai : « — Dis-moi, Tom, qu'as-tu fait de ta femme ? »

Il regarda derrière lui : personne ! « — Malheur de malheur, j'ai perdu ma femme ! » s'écria-t-il. Dans l'obscurité, la neige aveuglante et les cahots du véhicule, il n'avait pas remarqué que son épouse était tombée !

Notre seul espoir était qu'elle ne se fût pas blessée dans sa chute et surtout qu'elle n'eût point quitté la piste. Vite je repartis pour la voir bientôt venir, trébuchante et lasse, effrayée et sanglotante, mais ayant en somme plus de peur que de mal !

A part ce léger incident, dont nous rîmes bien haut tous les trois après coup, mais qui eût pu facilement tourner au tragique, nous eûmes un voyage ordinaire de janvier : froid, sombre et criblé de poudreries !

A cette époque, les jours très brefs ne comportent que trois ou quatre heures au plus d'une vague clarté qui ressemble à un crépuscule quand le ciel est couvert ; le temps est habituellement à la bourrasque, la température rigoureuse.

Plusieurs fois, nous trouvâmes notre pétrole blanc et épais comme du lait condensé.

Enfin, ayant choisi de voyager par mer, nous rencontrâmes maints passages où un titan eût demandé quartier, et un Hercule crié grâce.
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Abbé Zins
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Nous arrivâmes à Uyaraktok le 17 janvier. II était temps, car il ne nous restait plus une goutte de pétrole ni une once de poisson pour nos chiens ; aussi la petite cabane nous apparut au loin sur la pointe comme une voile à des naufragés.

Le camp nous réservait un accueil dont l'impression me reste encore sur l'estomac ; les Esquimaux se montrèrent aussi antipathiques que le précédent hiver... Je n'aurais longtemps comme paroissiens que Tom et sa femme.

Le gourbi étant ridiculement exigu, je me construisis vite une annexe toute en neige, tapissée cependant de toile à l'intérieur. Le peu de temps que j'y restai cet hiver se passa à y entretenir ma lampe en pierre à huile de phoque pour m'empêcher de geler tout vivant.

L'inventaire de mes provisions m'apprit d'autre part que nous aurions vite à nous serrer la ceinture ; chose plus grave, les chiens, plus rapidement encore, devraient s'habituer à vivre de l'air du temps ; nous en avions seize et seulement douze phoques à nous partager entre dix-neuf.

Aussi, avant tout voyage d'exploration, un premier travail s'imposait : attraper des phoques.
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Abbé Zins
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CHAPITRE IV


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Notre séjour à Uyaraktok s'ouvrit par une tempête qui faillit rafler ma barque, un vent de 80 km à l'heure qui emportait même les cailloux.

Je manquai d'y perdre mon couple qui, parti faire une visite à cent mètres de là, ne parvenait plus à retrouver notre maison.

Cette poudrerie eut au moins cet avantage de balayer la glace au large... et je note :


20 janvier. — Nous allons tous au phoque à l'eau ouverte nous en tuons cinq. C'est mon premier essai à ce sport ; je suis Tom très prudemment.

C'est un métier des plus dangereux vous quittez votre place cinq minutes, quand vous voulez y retourner elle n'est plus là... partie à la dérive ; Avarkrana et Holorak furent pris au piège.

Emportés au large, ils essayèrent de regagner promptement la glace solide ; embarquant sur un glaçon, ils ramèrent comme des galériens avec leurs fusils ; à demi submergée sous leur poids, leur « embarcation » sombra en arrivant au « port » ; ils en furent quittes pour un bain gratuit, couvrant les dernières brasses à la nage... perdant et leurs phoques et leurs fusils !


22 janvier. — Je termine ma chambrette-iglu.

J'installe dans un coin une petite étagère qui me servira d'autel et de bureau ma croix d'Oblat fixée au mur, quelques livres sur une planchette, toutes mes autres richesses s'étalent à l'aise sous mon lit de peaux.
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Abbé Zins
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30 janvier. — Mes chiens étant reposés et ma glacière décidément intenable, je préfère voyager et partir au nord pour atteindre cette fois les derniers Esquimaux.

Cinq jours plus tard, j'étais à Pemmican Point.

Le soir, une famille du lieu m'écouta longtemps en silence. Leur ayant demandé s'ils ne voudraient pas devenir chrétiens et catholiques, le chef du foyer entama un long discours...

Ils avaient entendu parler du Dieu des Blancs, mais jamais un homme de la prière n'était venu jusqu'à eux... Comme j'étais le premier à les aborder, ils me suivraient volontiers et, sans plus attendre, me donnèrent leurs trois petits enfants à baptiser.

En les interrogeant, j'entendis enfin cette réponse pour laquelle j'aurais donné ma vie s'il avait fallu : « — Nous sommes les derniers Esquimaux ! »... Et ils désiraient être catholiques ! Vive le Christ-Roi !

J'appelai la première fillette Marie en l'honneur de la Vierge, la seconde Thérèse en action de grâce à la petite fleur de Lisieux et le petit garçon Pierre en l'honneur du Prince des Apôtres... Et me serrai la main pour ce coup de maître !

Dans ce coin du désert polaire, c'est treize nouveaux noms que j'inscrivis en trois jours sur le registre des néophytes ! A part la poudrerie et le froid, tout me semblait merveilleux dans un royaume de rêve, quand, le 5 février, je parvins au camp de Minto.

Là, total changement de décor ; mes espérances crevèrent !

Ces garnements ne veulent même pas que je dorme chez eux. Je m'introduis cependant dans un iglu pour y installer mon lit en disant comme tel autre : « j'y suis, j'y reste ! »

Mais de grand matin, je secoue la neige de mes bottes comme aurait dit Notre-Seigneur, et, par le plus court, escalade la falaise d'en face pour m'en revenir mon petit bonhomme de chemin.
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11 février. — Les soucis matériels recommencent : il ne reste que quatre phoques pour seize chiens ! Découvrant un sac de haricots parmi mes provisions, je me résous à le sacrifier pour allonger la sauce à la stupéfaction de mes loups devant ce nouveau plat... à leur étonnement plus grand encore devant le goût et les effets de foudre du combustible inédit !

13 février. — Jusqu'ici nous étions trois à prier le dimanche, aujourd'hui, pour la première fois, des Esquimaux viennent voir et écouter ; mes apostolats semblent, eux aussi, vouloir reprendre le bon chemin.

15 février. — Restent deux phoques !


17 février. — Mon genre de vie un peu spécial, mes occupations, mes ambitions et mes espoirs se résument en ces quelques lignes que j'écrivais à cette époque à des amis de France.

« Ici, seul comme un goal ! L'apostolat que je fais pour le moment est tout ce qu'il y a de plus indirect : essayer d'approcher 150 Esquimaux peut-être, sur une étendue d'un millier de kilomètres !

De tous ces « paroissiens », deux familles seulement sont catholiques, les autres sont protestantes ou païennes.

Je dis ma messe, seul avec les Anges, comme un ermite.

Ensuite, je vais aux phoques, si la glace bouge, aux lièvres blancs s'il fait bon.

Je prie de temps en temps, bien entendu ! et suis presque un Religieux régulier, un anachorète en tout cas !

Je ne vois plus d'hommes blancs, et ce n'est pas dommage ; je ne parle plus anglais, et c'est tant mieux ; je ne guette surtout plus les avions comme à Coppermine.

Quelques années de ce régime, il se peut que les Esquimaux s'aperçoivent alors que l'on est venu dans leur bled parce qu'on les aime, et qu'ils écoutent quelque chose ! »

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Abbé Zins
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« — Ce matin, une sensation de froid que d'abord j'essayai de me persuader irréelle, mais qui s'affirma sérieuse et me fit sortir de mes sacs de peaux.

Bien vite, la pensée me revint que c'était notre fête (122° anniversaire de la fondation officielle de la Congrégation des Oblats) et qu'on devait être à la hauteur, même ici !

J'étais seul, mais que diable ! je devais « suppléer » ; en conséquence, j'installai ma valise-chapelle, sortis deux nouvelles bougies, mon plus bel ornement (comme par hasard il est unique !) et, après une méditation que je m'efforçai de rendre touchante, commençai la messe.

Croyez-moi, j'étais si absorbé ou distrait que j'en avais oublié ma burette de vin, et me voilà, à l'offertoire, à la recherche de ma bouteille évidemment gelée à bloc ; je dus attendre ; le plus strict liturgiste en aurait fait autant !

Après cette anicroche, tout procéda magnifiquement.

Rénovation de mes voeux ! Quant au Salut de circonstance qui eût dû suivre !... Ostensoir, chape, assistance, n'en parlons pas ! Je n'ai d'ailleurs ni chapelle, ni Saint-Sacrement !

En été, je vais m'arranger quelque chose ; pour le moment, j'en suis encore aux catacombes, sinon au delà !

Très philosophiquement ensuite, je me suis cuit deux tranches de mon unique « bacon » ; sur ce, je suis allé chercher une grosse gamelle de farine pour en faire une vingtaine de petits pains croustillants, je ne vous dis que ça !

Puis j'ai découpé un phoque pour mes « bidets » : double ration, Messieurs, car... je suis à court, j'ai gardé la tête du phoque dont j'ai rôti la cervelle dans la graisse de mes tranches de lard... Quelle orgie, mes aïeux ! »

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« Après dîner, j'étais en train de fumer une vieille pipe en lavant ma vaisselle et en me disant qu'après tout il n'y a rien de tel que le Nord, quand un Esquimau rentra tout effrayé en me racontant que son fils s'était cassé la figure !...

En fait, il avait une entaille dans le front, large et profonde comme une ornière et braillait en conséquence... ce qui me rassura aussitôt sur son état ! Je n'avait pas fini de l'emmitoufler, assez pour lui couper le souffle, qu'une femme m'annonça triomphalement que mes neuf chiens étaient déchaînés et s'en payaient !

Ceci était beaucoup plus grave, car mes chiens c'était tout pour moi ! J'y courus, armé d'une pelle ; l'un d'eux était déjà à moitié passé à tabac et, quand ma pelle se cassa, trois ou quatre autres avaient quelque membre en écharpe !

L'histoire terminée, mes pantalons se trouvaient avoir cédé, et je dus les recoudre, car c'est une chose qui ne peut attendre !

Le temps de dire un peu de bréviaire pour me consoler, je songeais déjà au souper.

Une bande d'Esquimaux, attirés par la fumée, se pressèrent dans mon étroit logis ; j'en fus pour une tournée générale de thé et de poissons gelés : la ruine quoi !

Ils me posaient des questions sur les Blancs, les Pères et les Ministres, mais personne ne parla de se convertir...»

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18 février. — Le gosse que j'ai recousu hier va mieux ; sa famille m'apporte trois poissons gelés et un canard : c'est l'abondance et du luxe !

Vers la fin de février, je fais une pénible constatation : mon vin de messe ne suffira pas.

Mon projet d'une visite à Coppermine devient une nécessité, car je n'ai pas d'autre moyen de me procurer ce vin de messe que d'aller à cette Mission la plus proche ; cela me fera 1 500 km puisque je dois être à Walker Bay pour Pâques.

J'en profiterai pour faire un tour par le fond du Sound et revisiterai dans l'intervalle les camps entrevus l'an passé... Quelle guigne !

Tout alla mieux après coup.

Outre le plaisir de revoir à Coppermine le P. Le Mer et de jouir de son amitié délicate, j'avais l'occasion — ce dont j'avais tant besoin ! — de retremper mon zèle à l'exemple de son dévouement.

J'y trouvais également une lettre de Mgr Breynat, l'affection du Père et les encouragements du Chef :

« Puis-je émettre l'espoir que vous saurez trouver dans votre esprit de foi et votre amour des âmes, me disait-il, assez d'énergie surnaturelle pour tenir bon au poste avancé, poste de confiance s'il en fut jamais, que vous envient un si grand nombre d'Oblats ? »
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« Tenir bon ! ... Poste de confiance ! ... Poste envié ! » Combien c'était vrai ! Bien humblement, je me sauvai vite là-haut, avant que l'on me le vole !

J'y arrivai le 8 avril.

Le lendemain, j'étais de nouveau en face du problème toujours pressant des phoques ; je n'eus cependant pas le loisir d'y penser et de le résoudre, car, le 12 avril, je partais pour Walker Bay, à 100 km au Nord.

J'y trouve groupés 35 attelages. Quel spectacle que ce spacieux village d'iglus, poussés en un jour, autour desquels hurlent à longueur de nuit 400 chiens faméliques !

Au milieu de ces 150 Esquimaux, je faisais piètre figure avec mes quatre catholiques et mes quelques catéchumènes ; mais l'on me connaissait maintenant et j'avais beaucoup d'amis.

Bref, mon impression générale eût été bonne, si je n'avais été témoin de l'un des plus grands crève-coeur de ma vie de missionnaire.
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