Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.

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Louis Mc Duff
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CHAPITRE XIV

PROGRÈS ET DANGERS

(suite)

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Au cap Esquimau, le P. Alain Kermel (4) et son supérieur, le P. Thibert (5), manquèrent de mourir tous les deux d'un accident qui avait quelque analogie avec celui qui eut raison du vieil Esquimau, l'asphyxie, due, tout étrange que cela puisse paraître, à l'extrême rigueur du climat conjuguée avec les moyens normaux d'y remédier chez les civilisés.

C'était aussi dans la nuit, entre le 22 et le 23 janvier 1931. Il faisait un froid si cuisant, que le tuyau du poêle se boucha complètement sur une longueur d'un mètre, en conséquence du givre qui s'y forma au contact de l'air extérieur.

Une fois couché, le P. Kermel se mit à tousser et à cracher, pendant que le gaz le prenait à la gorge et que son estomac se soulevait, sous l'effet d'un malaise qui semblait devoir le faire passer de vie à trépas.

N'osant réveiller son supérieur, et voulant lutter jusqu'au bout contre ce malaise, le jeune prêtre se leva et descendit à la cuisine ; mais le vertige le prit. Il parvint pourtant à sortir un instant de la maison, et put contempler une superbe aurore boréale qui illuminait le ciel; mais le froid était si piquant qu'il dut rentrer de suite.

Le matin, le même Père trouva le P. Thibert étendu sur le dos, dans l'attitude d'un mort, sans mouvement ni parole, Comme il ne répondait point aux questions de son confrère, celui-ci alla chercher de l'eau froide. Peine perdue. Il le traîna jusqu'à la porte de l'église. Le malade ouvrit alors les yeux, et reprit connaissance.

— Ouvrez toutes les portes, dit-il alors d'une voix éteinte.

Puis,

— Habillons-nous et sortons.

Telle fut la conclusion d'un drame qui aurait pu se terminer dans l'éternité. Le lecteur aura compris que les deux prêtres avaient manqué mourir asphyxiés sous l'effet du gaz du charbon, qui ne pouvait plus s'échapper par le tuyau bouché par la gelée. Comprendra-t-on, après cela, l'intensité du froid en ce bienheureux pays? On dit parfois, par manière de plaisanterie, qu'il fait assez froid pour geler le feu. Dans le cas en question, le froid avait non seulement gelé, mais rempli de givre, un tuyau de poêle chauffé au charbon !

Pendant ce temps…
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(4) Du diocèse de Quimper, en Bretagne, où il était né en 1903; ordonné prêtre en 1928. — (5) (V. ill. nº 44)
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Louis Mc Duff
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PROGRÈS ET DANGERS

(suite)

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Pendant ce temps, les missionnaires du poste polaire de Pond Inlet se réjouissaient du départ d'un Rév. M. Duncan, ministre anglican qui n'avait pu s'entendre avec son collègue, en dépit du fait que leur archidiacre avait proclamé à la radio que les deux copains avaient été créés et mis au monde à seule fin de pouvoir être missionnaires esquimaux (6).

Ces deux-là, paraît-il, ne craignaient rien, pas même les papistes. A tel point qu'on leur avait fait signer un contrat de cinq ans, pendant lesquels ils devaient rester chez les Esquimaux, ce qui portait le frère de l'un d'eux à écrire qu'un tel arrangement était inhumain. Le même Père Girard, qui nous donne ces détails, ajoute:

« Enfin la mission du Sacré-Cœur est fondée. Elle a son église, petite, il est vrai, mais aussi riche que les grandes cathédrales, car elle possède le même Dieu. Elle a aussi des chrétiens, au nombre de vingt-deux. Que Dieu soit béni!... S'il a permis que je sois envoyé ici, connaissant le pauvre outil que je suis, il est forcément obligé de tout faire. C'est bien lui qui a tout fait, en nous accordant des conversions dès la première année ».

Cette mission comptait alors de 330 à 340 indigènes, répartis ainsi qu'il suit : les gens de Pond Inlet même, à savoir les Tunnunermiouts, 22 familles, 90 âmes; ceux d'Arctic Bay, 10 familles, 50 personnes; ceux qui vivent à l'est d'Igloulik, 20 familles, 75 personnes, et les Iglouliks, 25 familles, 110 âmes.

Le P. Girard, cité plus haut, termine sa lettre par une allusion à son compagnon, le P. Etienne Bazin, avec lequel nous aurons l'occasion de faire plus ample connaissance.

« Je suis content », dit-il, « de voir que le P. Bazin a passé un bon hiver. Il ne s'en fait pas; il mange le phoque comme un vrai Esquimau. Pour lui ce n'est pas la qualité, mais la quantité qui compte. Bref, il a passé un bon hiver » (7).

Nous verrons dans notre chapitre final que personne mieux que lui ne put vivre en parfait Esquimau. Rien ne lui arrache sa sérénité d'âme, et les déboires les plus inattendus ne peuvent rider la surface de son tempérament, toujours content, toujours heureux, même dans les circonstances les plus crucifiantes. Une seule chose semble l'intriguer, ou le mettre mal à l'aise. Il pense tellement aux autres, même au bien-être des animaux, qu'il s'étonne de la longueur, sept ou huit pieds, de la défense du narval qui part juste de sa mâchoire. « Ce doit être bien malcommode», ne peut-il s'empêcher de remarquer...

Parlant de la faune du pays esquimau…
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(6) Missions des O. M. I., 1931, p. 459. — (7) Ibid., ibid., p. 460.
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PROGRÈS ET DANGERS

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Parlant de la faune du pays esquimau, le P. Clabaut, maintenant sur l'île de Southampton, après avoir été « comme un Bohémien voyageant un peu partout » (8), nous fait faire connaissance avec ses principaux représentants.

C'est d'abord l'ours blanc, qui s'y rencontre assez fréquemment, au point que parfois ce fauve est surpris se promenant autour des habitations, et visitant même le cimetière de la Mission (9), alors qu'il fait trêve un moment à son occupation ordinaire, la chasse au phoque.

Le prêtre parle ensuite des baleines blanches, et même des grosses baleines, de troupeaux de phoques qui dansent et disparaissent par ci par là, de gros morses, ou éléphants de mer, qui vous regardent passer, et font le plongeon pour aller digérer au fond de la mer les moules et coquillages de leur dîner. V. illustration Nº 32.

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Il y a encore, au printemps et en été, une grande variété d'oiseaux, près de soixante-dix espèces, paraît-il, dont les œufs constituent une charmante addition au maigre menu du missionnaire. Voir l’illustration Nº 75.

« Durant le mois de juin », écrit le P. Clabaut, « il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour revenir avec plusieurs douzaines d'œufs frais pour son souper. Les perdrix blanches et les hibous hivernent à Southampton, et on peut en tuer de temps en temps » (10).

Puis le même missionnaire devient ethnologue, tout en restant prêtre catholique, et nous fournit les détails qui suivent: …
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(8) Ibid., ibid., p. 699. — (9) V. ill 69. et V. ill. 69 (addendum)— (10) Ibid., ibid., p. 701.
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Louis Mc Duff
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CHAPITRE XIV

PROGRÈS ET DANGERS

(suite)

Puis le même missionnaire devient ethnologue, tout en restant prêtre catholique, et nous fournit les détails qui suivent:

« Il y a actuellement, à Southampton, à peu près cent cinquante Esquimaux, divisés en deux tribus: les Aiviliks, venus de Chesterfield et des environs, Wager Inlet, Repulse Bay.. ., et les Okkomiouts, amenés de la Terre de Baffin. Ces derniers ont reçu, par-dessus leur paganisme, un vernis anglican. Ils lisent la Bible et connaissent par cœur certains passages des psaumes ; ils ont été baptisés par quelque ministre de passage en été, ou par quelque Esquimau décoré du titre de catéchiste.

« Mais ils se prêtent leurs femmes, divorcent, travaillent le dimanche, mentent et volent sans que leur religion en souffre aucunement. C'est le cas pour la majorité, bien qu'il y ait parmi eux certains esprits droits, bien intentionnés et convaincus » (11) .

Pendant ce temps, le préfet apostolique n'était pas inactif, bien s'en faut. Le lundi de Pâques, 6 avril 1931, il s'était rendu à Nicolet, où il avait obtenu quatre Sœurs Grises pour l'hôpital qu'il avait bâti l'année précédente, et le 5 juillet il arrivait avec elles à Churchill, où il dut rester jusqu'au 23.

Il fit alors sur le Thérèse un voyage d'affaires, qui fut signalé par un accident peu banal, alors qu'il était conduit par le P. Ducharme et sans pilote responsable. A six milles du rivage, il échoua sur un récif caché à la marée haute, et se coucha sur le côté, comme pour se reposer des fatigues de la croisière qu'on venait de lui imposer.

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Pour l'empêcher de verser complètement, on le tint immobile au moyen de bâtons de tente esquimaux. L'un de ces supports s'étant brisé, le bateau tomba assez violemment sur le côté, — histoire de faire constater le danger, en vue de faire mieux apprécier la protection dont on était l'objet. Un coup de vent l'eût sans doute fini à tout jamais, mais sainte Thérèse était là, et, huit heures plus tard, la marée montante le remit sur pied.

Le 11 août suivant, les religieuses en compagnie du préfet apostolique…
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(11) Ibid., ibid., p. 701-02.
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CHAPITRE XIV

PROGRÈS ET DANGERS

(suite)

Le 11 août suivant, les religieuses en compagnie du préfet apostolique, arrivaient à Chesterfield par le bateau de la Compagnie. Heureuses et gaies, elles étaient reçues avec un profond respect mêlé de sympathie par les Esquimaux, qui n'allaient pas tarder à admirer la perfection de l'aménagement de l'institution destinée à leurs malades. Son système de chauffage, l'électricité, les réservoirs et pompes, les cabinets hygiéniques et le revêtement des cloisons qui les rendait à l'épreuve du feu étaient prêts au premier étage le 25 septembre suivant.

Seuls les travaux de plomberie étaient dus à un homme du métier amené de Montréal. Les Oblats s'étaient chargés de tout le reste.

On bénit solennellement la chapelle, le parloir, la cuisine, les appartements réservés aux Sœurs, et, le lendemain, à une heure du matin, Mgr Turquetil y disait la première messe, pour repartir de suite pour Churchill avec son petit Thérèse.

Le retour fut marqué par une protection toute spéciale de sa puissante Patronne, que le lecteur me permettra de ne pas relater. On se fatigue même des meilleures choses. Qu'il me suffise de remarquer qu'au plus fort du péril, on se crut obligé de lui promettre un triduum de messes d'actions de grâces si l'on pouvait revoir Churchill sain et sauf.

Peu après, on arrivait à bon port, et, écrit Mgr Turquetil, « quelques instants plus tard, nous étions tous à genoux devant la statue de la « petite Thérèse », la remerciant de tout cœur. Les Pères de la mission de Churchill se joignaient à nous avec d'autant plus de ferveur que, en regardant la mer démontée, il leur semblait incroyable que nous ayons navigué toute la nuit par un temps pareil. Et le petit Thérèse n'avait pas pris une goutte d'eau » (12).
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(12) ibid., 1932, p. 119.
A suivre: Chapitre XV. Evêque.
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CHAPITRE XV

ÉVÊQUE

L'arrivée du chemin de fer à Churchill devait avoir une grande influence sur la vie de Mgr Turquetil. Non seulement il avait dû y établir un poste, qui devait sûrement se transformer avec le temps en paroisse régulière, mais les facilités de communication que la place offrait dès lors le décidèrent à en faire sa résidence habituelle.

De là il pourrait sans trop de difficulté faire ses achats pour l'approvisionnement annuel de ses missions; de là il aurait, par l'intermédiaire de son Thérèse, toute facilité de leur distribuer cet approvisionnement, et de faire à leurs titulaires les visites imposées par la charité et les exigences des règles ecclésiastiques et religieuses.

Avec lui, naturellement, pour assurer la continuité du ministère en ses nombreuses absences, il fallait au moins un prêtre de langue anglaise ou familier avec l'anglais, pour desservir les ouvriers catholiques actuels ou les habitants de même religion de la ville en formation.

Cet homme providentiel, il avait cru le trouver dans la personne d'un prêtre dont il avait fait l'acquisition l'année précédente, et dont il avait écrit le 28 juin 1930:

« L'abbé Charest, ancien secrétaire et chancelier de Mgr Mathieu, l'archevêque défunt de Régina, je l'ai obtenu de son successeur, Mgr McGuigan. Il part cet après-midi du Pas, pour nous arriver demain dans la nuit.

« Excellent prêtre, très expérimenté dans la correspondance officielle et la comptabilité, ayant depuis son enfance l'envie des missions, c'est la plus belle acquisition que j'aurais pu faire, même si j'avais travaillé des années entières à chercher quelqu'un de cette trempe pour m'aider » (1).

Malheureusement, à côté des brillantes qualités qu'il lui reconnaissait, l'objet de son choix avait un malencontreux défaut, qu'il ne pouvait guère corriger lui-même — la maladie. Aussi le prélat comptait-il pour cela sur sa protectrice habituelle.

« La petite Thérèse nous a beaucoup aidés pour l'obtenir », continuait-il ; « j'espère qu'elle nous aidera encore en lui conservant la santé qui, chez lui, est plutôt faible; mais le climat de l'Ouest l'ayant assez bien rétabli, il y a lieu de croire que celui de Churchill lui sera favorable » (2).

Cet espoir ne devait pas se réaliser, et l'abbé Charest ne put rester à Churchill. Un P. Gerald O'Shea, O. M. I., qui lui succéda à côté du P. Duplain, ne devait pas davantage persévérer dans un poste encore si dépourvu des commodités de la vie civilisée. Toutes les races ne sont pas aux mêmes degrés propres aux sacrifices de l'apostolat.

Mais l'heure allait sonner où Churchill…
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(1) Mission des O.M.I., 1930, pp. 375-6. — (2) Ibid., ibid., p. 376.
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ÉVÊQUE

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Mais l'heure allait sonner où Churchill allait avoir dans ses cercles religieux beaucoup plus même qu'un Irlandais. Mgr Turquetil était bien connu des Anglais comme le Bishop des Esquimaux, mais, au point de vue de ce que qu'on appelle le « pouvoir d'Ordre », il n'était encore qu'un simple prêtre honoré de la confiance du Souverain Pontife, qui l'avait chargé du soin de la partie probablement la plus ingrate de son immense troupeau.

Jetons un moment les yeux en arrière, et voyons si cette confiance du Vicaire de Jésus-Christ était justifiée. Nous voici en 1911 ; au point de vue catholique qu'y avait-il alors au pays de la baie d'Hudson? De la glace et de la neige, des roches et de la mousse, avec une population clairsemée dont les mœurs ne peuvent se décrire par une plume qui se respecte.

Et maintenant? Ce même territoire compte maintenant six missions, pauvres mais superbement bien organisées, dont les habitations ont été construites avec des matériaux qui ont tous dû être amenés à grand frais du lointain Montréal, et une population presque toute chrétienne en certains endroits, gens dont la conduite régulière et fervente dans leur foi fait l'admiration de tous ceux qui sont en contact avec eux.

La Mission centrale peut même se glorifier d'un hôpital de vingt-quatre lits des mieux aménagés et pourvu du confort le plus moderne (3). Une douzaine de prêtres, deux frères convers et quatre religieuses se dépensent au salut de ces mêmes Esquimaux, qu'on ne peut plus reconnaître, tellement leurs mœurs et coutumes, non moins que leur foi, sont changées.

Or je le demande, à qui est due cette merveilleuse transformation? Après Dieu et sa servante de Lisieux, à l'esprit de foi, au zèle, au savoir-faire et à l'inlassable persévérance d'un homme — je puis dire d'un seul homme, puisque sans lui rien n'eût été fait — et cet homme qui a tant souffert, tant travaillé et tout créé de rien s'appelle Turquetil.

Aussi, pour parfaire l'œuvre si bien commencée, cet homme était-il promu le 15 décembre 1931, évêque de Ptolémaïs, titre que son Supérieur Général avait porté avant lui, et nommé vicaire apostolique de la baie d'Hudson.

Inutile maintenant de se perdre en considérations dithyrambiques à propos des mérites de l'élu. Il vit encore, et, Dieu merci, il est bien vivant. Bien qu'il n'ait rien à faire avec ces humbles pages, je ne voudrais pas courir le risque de l'offenser en chantant trop haut ses louanges. Il me sera pourtant bien permis de reproduire ici l'appréciation qu'en a faite l'organe officiel des Oblats de Marie Immaculée, ces Missions auxquelles j'ai déjà si souvent renvoyé le lecteur.

Mgr Turquetil n'est pas simplement « une volonté au service d'une intelligence claire et positive », assure-t-il ; « c'est aussi un cerveau chercheur, qui approfondit, synthétise et compare » (4).

Ces derniers mots ont probablement trait à ses études philologiques et ethnographiques, publiées dans les revues Anthropos , de Vienne en Autriche, et Primitive Man, de Washington, Etats-Unis, ainsi que son étude de théologie pastorale dont la publication a commencé au mois de juin dernier dans la Revue de l'Université d'Ottawa.

Quant à moi, je ne puis cacher mon opinion que si un prêtre a jamais mérité d'être élevé à l'épiscopat, indépendamment des nécessités locales ou autres, ce prêtre était bien le fondateur des missions esquimaudes (5).

C'est le 23 février 1932, à la cathédrale de Montréal…
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(3) En cas d'épidémie, il en a contenu plus de quarante. — (4) Missions des O. M. I, 1933, p. 131. — (5) Du reste, c'est précisément, je le vois après coup, ce qu'en disent Les Cloches de S. Boniface, organe de l'archevêché de cette place: « Si jamais promotion épiscopale a été méritée, c'est bien la sienne » (Ubi suprà, janvier 1932).
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ÉVÊQUE

(suite)
.
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C'est le 23 février 1932, à la cathédrale de Montréal, que Mgr Arsène Turquetil, Oblat de Marie Immaculée, fut sacré évêque de Ptolémaïs et premier vicaire apostolique de la baie d'Hudson (6).

Naturellement ce fut un grand jour, non seulement pour l'élu du Saint-Siège, mais pour tous ceux qui assistèrent à son sacre, en particulier l'évêque consécrateur, Mgr Georges Gauthier, archevêque-administrateur de Montréal, à qui le nouvel évêque devait tant, et ses deux assistants, NN. SS. Breynat, O. M. I., vicaire apostolique du Mackenzie, et Charlebois, O. M. I., vicaire apostolique du Keewatin.

Sa Grandeur Mgr Courchesne, évêque de Rimouski, sur le Saint-Laurent, donna le sermon de circonstance.

Rien que la simple nomenclature des autres évêques et supérieurs majeurs présents au sacre, tiendrait trop de place dans ces humbles pages, où l'espace est mesuré. Passons par-dessus les noms personnels, et contentons-nous des titres. Nous avons ainsi :

Les archevêques d'Ottawa, de Régina et de Québec, celui-là un autre frère en religion de l'élu, Monseigneur, aujourd'hui le cardinal, Rodrigue Villeneuve, O. M. I.

Les évêques de Nicolet, de Saint-Jean, d'Hamilton, d'Alexandria, de Prince-Albert, de Mont-Laurier, de London, de Rimouski, de Joliette, et celui des Grecs-Unis du Canada.

Les vicaires apostoliques du Mackenzie, de Grouard, du Keewatin et de l'Ontario-nord.

Les évêques-auxiliaires de Montréal, des Trois-Rivières, de Québec, de Saint-Hyacinthe, etc.

Les abbés mitrés de Muenster, Saskatchewan (Bénédictin), et d'Oka (Trappiste).

Les provinciaux des Oblats du Canada-est, de Lowell, Etats-Unis, de Saint-Boniface, d'Edmonton, ainsi que de Buffalo, Etats-Unis; ceux des Eudistes, des Capucins, des Jésuites et des Pères de Sainte-Croix, etc., sans compter un innombrable clergé de classe inférieure.

Au dîner, le héros de la fête rappela…
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(6) A moins qu'on ne compte ici feu Mgr Provencher, premier évêque de la Rivière-Rouge, qui fut un moment vicaire apostolique de « la baie d'Hudson et de la baie James ».
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ÉVÊQUE

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Au dîner, le héros de la fête rappela en termes touchants les commencements de son œuvre sur la baie d'Hudson; après quoi il chanta un hymne de reconnaissance d'abord au Pape des Missions, puis à son lieutenant, le cardinal Van Rossum, préfet de la Propagande; à l'archevêque-administrateur de Montréal, qui venait de lui conférer la plénitude du sacerdoce.

« Montréal, Chesterfield », dit-il, « ces deux noms sont comme inséparables. Au début de la mission, nous partions de Montréal, tout nous venait de Montréal. Ainsi le voulait la géographie du pays. Mais la géographie n'explique pas tout. Le 24 août 1912, le Nascopie doublait le cap Woltstenholme, et pénétrait dans la baie. Grande joie pour les deux Oblats qui, les premiers, au nom de l'Eglise, prenaient possession du pays esquimau.

« A bord, personne ne comprit leur bonheur. Ce même jour, grande joie à la cathédrale de Montréal, et tout le monde comprit ce bonheur: c'était la consécration épiscopale de Sa Grandeur Mgr Georges Gauthier.

« Vingt ans se sont écoulés. La mission de Chesterfield est devenue vicariat apostolique de la baie d'Hudson. La franchise de votre bienveillance, la sincérité de votre sympathie toujours attentive à nous créer des amis partout, autour de vous (autour de vous signifie même parfois jusqu’auprès du Pape), toujours attentive à nous prodiguer le précieux encouragement de votre estime, tout cela de votre part, Excellence, a contribué bien plus et bien mieux qu'aucune condition géographique à resserrer les liens qui nous unissaient déjà à Montréal.

« Aujourd'hui, prévenant mon désir, vous avez bien voulu me conférer la plénitude du sacerdoce. Baie d'Hudson et Montréal sont désormais inséparables, par la reconnaissance inaltérable que nous vous devons. De tout cœur, en mon nom, au nom de mes missionnaires, merci » (7) !

Le nouvel évêque remercie ensuite ses deux assistants-consécrateurs, et il n'oublie pas dans son action de grâces un abbé Joseph Pierre, curé d'une paroisse de la Nouvelle-Orléans, et originaire du même village normand que lui, que son bon cœur et sa fidélité dans ses amitiés ont porté à inviter aux fêtes de son sacre.

«Votre cœur a compris mon appel », lui dit-il; « représenter la France, le diocèse de Lisieux, Notre-Dame de la Délivrande, le petit et le grand séminaire, le tout petit village de Reviers où nous sommes nés; toute notre enfance, la maison paternelle, la famille qui, du haut du ciel, se réjouit aujourd'hui avec nous; que de doux souvenirs se sont présentés d'eux-mêmes à nous, à la pensée d'une rencontre désirée depuis si longtemps » (8) !

Le soir, une cérémonie religieuse, présidée par le nouvel évêque, se déroulait à l'église Saint-Pierre des Pères oblats. La cathédrale avait eu son sacre; l'église de ses frères en religion eut les prémices de son ministère épiscopal.

Il était dès lors l'évêque de ce qu'on est peut-être en droit d'appeler…
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(7) Missions des O. M. I., 1932, pp. 463-64. — (8) Ibid., ibid., p. 467.
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ÉVÊQUE

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Il était dès lors l'évêque de ce qu'on est peut-être en droit d'appeler le plus grand diocèse du monde, un diocèse qui s'étend du 56º parallèle jusqu'au pôle, avec une superficie de 1,652,689 milles, soit 4,278,498 kilomètre» carrés (9). Dans ces immensités de glace, on avait jusqu'alors baptisé, après combien de difficultés! 309 Esquimaux, dont 273 vivaient encore, tandis que 850 autres se préparaient très sérieusement au baptême.

Ce territoire comprenait en outre 2,850 protestants — quel labeur à ajouter à la tâche de convertir au moins 4,627 autres qui sont infidèles, et pour lesquels divers plans de fondations étaient alors à l'étude!

Parmi ces fondations en projet, une avait pour objet la baie Repulse, juste sous le cercle polaire, à 640 kilomètres au nord-nord-est de Chesterfield. Avant d'accompagner l'un de nos missionnaires dans une exploration préparatoire à cet établissement, attardons-nous un instant à l'hôpital de Chesterfield (10), pour voir comment cette institution fonctionne.

Tout y va à merveille. Important pour le pays, le système de chauffage est parfait, et fait l'admiration des visiteurs. Par ailleurs tout y est en ordre dans la maison : « on se croirait à Montréal dès qu'on entre chez les Sœurs », écrivait Mgr Turquetil lui-même (11). Et ces Sœurs sont non seulement amies de l'ordre, mais zélées pour la conversion des pécheurs qui leur sont confiés: en un mot, de véritables apôtres. En voici une preuve entre bien d'autres.

Un pauvre infidèle, Kinersni, souffrait d'un cancer à l'oreille. Quand il vit que son cas était désespéré, il se laissa, comme tant de ses compatriotes non chrétiens, aller à l'obsession du suicide. Comme personne ne voulait le laisser faire, il devint furieux, et voulut tuer tous ceux qui l'approchaient. Les Esquimaux en avaient grand'peur.

La police songeait à l'enfermer; mais les Sœurs obtinrent de le garder, quitte à le surveiller jour et nuit, espérant pouvoir le convertir avant sa mort. Le malade supplia le P. Ducharme de lui tirer une balle dans la tête, ou de lui donner un coup de couteau dans le cœur, lui promettant en retour tous ses chiens, son traîneau et son fusil.

Le prêtre, de son côté, lui demanda non pas ses biens, mais son âme. Que le pauvre homme lui permette seulement de prier pour lui, soit pour qu'il guérisse, ou qu'il aille vite au ciel. Notre homme finit par y consentir, et l'on se mit à le préparer.

Quelques jours après, une artère rongée par le cancer éclata, une hémorragie se déclara et le malade baissa à vue d'œil. Il demanda alors et reçut le baptême, puis une nouvelle hémorragie l'emporta, heureux et souriant à tout le monde.

Vers ce temps-là…
____________________________________

(9) V. la carte. — (10) Pour rendre à César ce qui appartient à César, disons de suite que le Gouvernement canadien fournit un médecin à cette institution, y paie le salaire d'une garde-malade et accorde un bonus pour chaque patient. — (11) Missions, 1932, p. 476.
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