Destin de Judas

chartreux
Messages : 2793
Inscription : mar. 19 janv. 2016 17:50

Destin de Judas

Message par chartreux »

Lu sur le forum d'Arnaud Dumouch :
Guillaume a écrit : Judas est-il en enfer ?

Nous ne connaissons pas le destin de Judas.
Jésus, en parlant de lui, dit à un certain moment : « Il aurait mieux valu pour cet homme de ne jamais être né ! » (Mt 26,24), mais cela ne veut pas dire que Judas soit en enfer. Jésus ne l’a jamais dit. L’Église non plus.
En vingt siècles d’histoire, l’Église a déclaré de très nombreux saints, mais n’a jamais donné le nom d’un seul damné. Pour pouvoir affirmer la condamnation éternelle d’une personne, il faudrait se placer en juge suprême... C’est pourquoi ni l’Église, ni aucun homme ne peut condamner une personne, même si celle-ci a commis dans sa vie tous les plus graves péchés possibles.
Si en tant que catholiques nous ne devons jamais souhaiter la damnation de notre prochain même s'il a commis dans sa vie tous les plus graves péchés possibles , l'Eglise peut cependant excommunier.
La damnation de Raymond Diocrès (au vu des faits rapportés par les Bollandistes et transmis par Mgr de Ségur) n'est-elle pas un fait historique établi, même si cela n'est pas de foi ?
Ma question principale porte sur le destin de Judas. Dans mes souvenirs, Judas est précisément l'exception qui confirme la règle, le seul que l'Église déclare damné. Quelqu'un peut-il confirmer/infirmer, références à l'appui ?
Avatar de l’utilisateur
gabrielle
Messages : 550
Inscription : dim. 10 déc. 2006 1:00

Re: Destin de Judas

Message par gabrielle »

J'ai trouvé ceci dans la Chaine d'or de Saint Thomas d'Aquin et la Bible Glaire. En espérant que cela vous aidera.
S. Jér. Or, Judas, voyant que le Sauveur était condamné à mort, rapporte aux prêtres le prix de sa trahison, comme s’il était en son pouvoir de changer la sentence inique rendue par les ennemis de Jésus : " Alors Judas, qui l’avait trahi, voyant qu’il était condamné, fut touché de repentir, et reporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres et aux anciens du peuple, en disant : J’ai péché, en livrant le sang innocent. "


ORIG. Que ceux qui inventent des fables sur les natures essentiellement différentes, nous disent d’où vient que Judas, après avoir reconnu son crime, s’écrie : " J’ai péché, en livrant le sang innocent, " si ce n’est en vertu du bon plant et des semences de vertu que Dieu répand dans toute âme raisonnable, mais que Judas ne prit pas soin de cultiver, ce qui fut cause qu’il commit ce crime affreux. Mais s’il est dans la nature de certains hommes de se perdre, qui plus que Judas appartint à cette nature ? Si Judas avait tenu ce langage après la résurrection du Sauveur, on aurait pu dire que c’était la gloire et la puissance de la résurrection qui l’avait porté à se repentir ; mais c’est au moment qu’il voit Jésus livré à Pilate qu’il est touché de repentir. Peut-être se rappelle-t-il alors les prédictions fréquentes que Jésus a faites de sa résurrection ; peut-être aussi Satan, qui était entré en lui, ne le quitta point que Jésus ne fût livré à Pilate ? Mais, après avoir obtenu ce qu’il voulait, il se retira de lui, et c’est alors que le repentir pût avoir accès dans son âme. Mais comment Judas pût-il savoir la condamnation de Jésus ? car Pilate ne l’avait pas encore interrogé. On peut répondre que, le voyant entre les mains de ses ennemis, il vit dans les prévisions de son esprit, quels en seraient les résultats. Il en est qui prétendent que ces paroles : " Judas voyant qu’il était condamné, " se rapportent, non pas à Jésus, mais à Judas lui-même, car c’est alors qu’il mesura toute l’étendue du crime qu’il venait de commettre, et qu’il comprit qu’il était condamné.

— S. LEON. (Serm. 1 sur la Pass.) Bien qu’il dise : " J’ai péché en livrant le sang innocent, " il persévère dans la perfidie de son impiété, en continuant de croire, jusque dans les derniers moments de sa vie, et aux approches de la mort, que Jésus n’était pas le Fils de Dieu, mais seulement un homme d’une condition semblable à la nôtre, car il aurait certainement fléchi sa miséricorde, s’il n’avait pas refusé de reconnaître sa toute-puissance. — S. Chrys. (hom. 85.) Remarquez qu’il se repent lorsque son crime est consommé et qu’il a produit tous ses effets, car le démon ne permet pas à ceux qui ne veillent pas sur eux-mêmes de voir le mal avant qu’il soit consommé.


Orig. Lorsque le démon se retire d’un homme, il épie le moment favorable pour rentrer, et lorsqu’il a saisi ce moment, et qu’il a entraîné cet infortuné dans un second péché, il étudie avec soin l’occasion de le tromper une troisième fois. C’est ainsi que le Corinthien (1 Co 5, 1-2 ; 2 Co 2, 7), qui abusa de l’épouse de son père, se repentit de ce crime affreux, mais le démon voulut ensuite lui faire porter cette tristesse jusqu’à l’excès pour accabler ce malheureux sous le poids de son chagrin. Il arriva quelque chose de semblable à Judas ; car après s’être repenti, il ne sut pas mettre son cœur à l’abri du désespoir, et il y laissa entrer cette tristesse excessive, que le démon lui inspira pour l’accabler entièrement : " Et il se retira, et alla se pendre. " S’il eût pris le temps de se repentir et qu’il eût épié le temps favorable pour faire pénitence, il aurait, sans doute, rencontré celui qui a dit : " Je ne veux pas la mort du pécheur. " (Ez 33.) Ou bien, peut-être pensa-t-il à devancer son Maître qui allait mourir, et à se présenter devant lui avec son âme dépouillée par la mort, pour mériter son pardon par ses aveux et par ses prières ; et il ne comprit pas que le vrai serviteur de Dieu ne doit point s’ôter à lui-même la vie ; mais qu’il doit attendre le jugement de Dieu. — Rab. Or, Judas se pendit pour témoigner par ce genre de mort qu’il était en horreur au ciel et à la terre. —
Le plus grand témoignage de la perdition de Judas nous vient de Notre-Seigneur lui-même.

JN XVII,12
Quand j'étais avec eux, je les conservais en votre nom. Ceux que vous m'avez donnés, je les ai gardés, et pas un d'eux n'a péri, hors le fils de la perdition, afin que l'Écriture fut accomplie…

Note de la Bible Glaire: Le fils de la perdition: hébraïsme, pour: celui qui aime, qui recherche la perdition. Judas, en effet , s'est perdu volontairement par sa propre malice et par l'abus qu'il a fait de tous les services qu'il pouvaient tirer de la présence du Sauveur, de ses instructions et de ses miracles, pour s'affermir dans la foi et dans la charité, comme le autres


Chaine d'or de Saint Thomas d'Aquin

« J'ai gardé ceux que vous m'avez donnés, et aucun d'eux n'a péri, si ce n'est l'enfant de perdition, » (c'est-à-dire le traître disciple prédestiné à la perdition), afin que l'Ecriture fût accomplie, c'est-à-dire la prophétie qui a pour objet le perfide Judas (surtout dans le Psaume 108).

S. CHRYS. Il fut le seul qui périt alors, mais un grand nombre l'imitèrent dans la suite…

Ps CVIII ( Hebr, CIX)

Les Pères ont regardé ce psaume comme une prophétie du malheur qui devait arriver au traître Judas et aux Juifs meurtriers de Jésus-Christ, dont les souffrances sont parfaitement représentées dans la personne de David.

1. Pour la fin, psaume de David.
2. Dieu, ne taisez pas ma louange, parce que la bouche d'un pécheur et la bouche d'un trompeur est ouverte contre moi.
3.Ils ont parlé contre moi avec une langue trompeuse, et de discours de haine ils m'ont environné, et ils m'ont attaqué gratuitement.
4.Au lieu de m'aimer, ils disaient du mal de moi ; mais moi je priais.
5.Ils m'ont rendu des maux pour des biens, et de la haine pour mon amour.
6. Établissez sur lui un pécheur, et que le diable se tienne à sa droite.
7.Lorsqu'on le jugera, qu'il sorte condamné, et que sa prière même se tourne en péché.
8.Que ses jours soient réduits à un petit nombre, et qu'un autre reçoive son épiscopat.
9. que ses fils deviennent orphelins, et sa femme, veuve.
10.Que ses fils ballottés soient transférés d'un lieu dans un autre, et qu'ils mendient, et qu'ils soient chassés de leurs habitations.
11.Qu'un usurier scrute tout ce qu'il possède, et que des étrangers ravissent le fruit de ses travaux.
12.Qu'il n'y ait personne qui l'assiste, et qu'il n'y ait personne qui prenne pitié de ses orphelins.
13.Que ses enfants soient dévoués à la mort, qu'en une seule génération son nom s'efface.
14.Qu'en mémoire revienne l'iniquité de ses pères, devant le Seigneur ; et que le péché de sa mère ne soit point effacé.
15.Que ces péchés soient toujours devant le Seigneur, et que leur mémoire périsse entièrement de la terre ; 16. Parce qu'il ne s'est point souvenu de faire miséricorde.
17. Et qu'il a persécuté un homme sans ressource, mendiant et brisé de douleur.
18. Il a aimé la malédiction, et elle viendra à lui : il n'a pas voulu la bénédiction, et elle s'éloignera de lui
Il s'est revêtu de la malédiction comme d'un vêtement, et elle est entrée comme de l'eau dans ses entrailles, et comme de l'huile dans ses os.
19. Qu'elle lui soit comme le vêtement dont il se couvre, et comme
la ceinture dont il est toujours ceint.
20. Telle est, auprès du Seigneur l'œuvre de ceux qui parlent mal de
moi, de ceux qui blasphèment contre moi.
21. Et vous, Seigneur. Seigneur, agissez avec moi à cause de votre nom, parce que douce est votre miséricorde.
Délivrez-moi
22.Parce que moi, je suis indigent et pauvre, et que mon cœur s'est troublé au dedans de moi.
23.Comme l'ombre, lorsqu'elle décline, j'ai été enlevé, et j'ai été chassé comme les sauterelles.
24.Mes genoux ont été affaiblis par le jeûne, et ma chair a été changée à cause de l'huile qui m'a manqué.
25.Je suis devenu un opprobre pour eux ; ils m'ont vu et ils ont secoué la tête.
26. Aidez-moi, Seigneur mon Dieu : sauvez-moi selon votre miséricorde.
27.Qu'ils sachent que votre main est là et que c'est vous, Seigneur, qui avez fait cela.
28.Ils me maudiront eux, et vous, vous me bénirez : que ceux qui s'insurgent contre moi soient confondus ; mais votre serviteur sera dans l'allégresse
29.Qu'ils soient revêtus de honte, ceux qui disent du mal de moi : qu'ils soient couverts de leur confusion comme d'un manteau.
30. Je glorifierai le Seigneur de toute la puissance de ma voix, je chanterai ses louanges au milieu d'une multitude.
31.parce qu'il s'est tenu à la droite du pauvre, afin de sauver mon âme de ceux qui la persécutaient.

7. ue sa prière même, etc. ; c'est-à-dire que sa défense même, et les prières qu'il pourra adresser à ses juges, ne servent qu'à les irriter davantage contre lui, et ne le rendent que plus coupable à leurs yeux, parce qu'elles manqueront des qualités qui pourraient les rendre efficaces et méritoires.

8. Qu'un autre reçoive son épiscopat. S. Pierre cite ses paroles dans les Actes I,20 et les applique à Judas Iscariote. Le mot grec épiscopat, conservé ici, signifie, comme le mot original, surveillance, charge, fonction. Doëg, dont parle le Psalmiste, était chargé de la garde des troupeaux de Saül. Il est la figure de Judas, qui trahit son maître, comme Doëg trahit David.


¹Le fils de la perdition; hébraïsme pour : celui qui aime, qui recherche la perdition. Judas, en effet, s’est perdu volontairement par sa propre malice et par l’abus de tous les services qu’il pouvait tirer de la présence du Sauveur, de ses instructions et de ses miracles, pour s’affermir dans la foi et la charité, comme les autres apôtres.

[Note de Glaire, au sujet de Luc. XVI, 8 : les fils du siècle, les fils de la lumière sont des locutions purement hébraïques, qui signifient les amateurs du siècle, ceux qui aiment les choses de la terre, les mondains, et les hommes éclairés des lumières de la foi.]
Référence et notes : Bible Glaire.
Si vis pacem
Messages : 478
Inscription : mer. 11 oct. 2006 2:00

Re: Destin de Judas

Message par Si vis pacem »

chartreux a écrit :
Ma question principale porte sur le destin de Judas. Dans mes souvenirs, Judas est précisément l'exception qui confirme la règle, le seul que l'Église déclare damné. Quelqu'un peut-il confirmer/infirmer, références à l'appui ?
C'est déjà la Sainte Écriture qui l'affirme ! :
Évangile selon saint Jean a écrit :
VI, 71 - Respondit eis Jesus : Nonne ego vos duodecim elegi ? Et ex vobis unus diabolus est.
72 - Dicebat autem Judam Simonis Iscariotem; hic enim erat tradidurus eum, cum esset unus ex duodecim.

- Jésus leur répondit : Ne vous ai-je pas choisi au nombre de douze ? Et l'un d'entre vous est un démon.
- Il parlait de Judas Iscariote, fils de Simon; car c'était lui qui devait le trahir, quoiqu'il fût l'un des douze.

XIII, 27 - Et post bucellam, introivit in eum Satanas...
- Et quand il eut pris cette bouchée, Satan entra en lui ...

XVII, 12 - Quos dedisti mihi, custodivi, et nemo ex eis periit, nisi filius perditionis, ut Scriptura impleatur.
- Ceux que vous m'avez donnés, je les ai gardés, et aucun d'eux ne s'est perdu, si ce n'est le fils de perdition, afin que l'Écriture fût accomplie.
Voyons ensuite la pensée de quelques saints :
Saint Cyrille - V° catéchèse mystagogique a écrit :
C'est ainsi que judas ayant été tenté d'avarice pour ne l'avoir point combattu, perdit la vie de l'âme, et aussi celle du corps, par la mort qu'il se donna par désespoir ; au lieu que saint Pierre se tira aussitôt de la tentation ou il était entré, en renonçant Jésus-Christ, et se tirant de l'occasion où il était, il fut délivré de la tentation.
Bienheureux Oger - Discours de N.S.J.C après la Cène (1° sermon) a écrit :
Soyez, je vous en conjure, les vrais disciples de J.-C. Non par la fausseté, mais par la vérité, non par l'habit, mais dans le cœur, non par une large tonsure, mais par une âme pure. Laissez Judas à son désespoir, et laissez Pierre à son repentir. Abandonnez Judas roulant dans l'abîme de l'enfer, imitez Pierre aujourd'hui dans la gloire du paradis.
Saint Jean Chrysostome - Première homélie sur la pénitence a écrit :
Que fit alors Satan? Il jeta l'épouvante dans le cœur de Judas : il l'ensevelit dans les ténèbres d'une tristesse affreuse; il le persécuta, il ne lui laissa pas un moment de repos jusqu'à ce qu'il l'eût déterminé à se donner la mort, et qu'il lui eût ravi la lumière après lui avoir ravi les sentiments d'un repentir salutaire.
Saint Augustin - Traité CVIII sur l'évangile de saint Jean a écrit :
Le fils de perdition est celui qui a trahi Jésus-Christ, et qui était comme prédestiné à la perdition, suivant la prophétie qui a surtout pour objet le traître disciple dans le Psaume cent-huitième.
Terminons par l'abbé Fillion :
Abbé Fillion - La Sainte Bible a écrit :
« Fils de perdition » est un hébraïsme, qui signifie : Celui qui s'est perdu.
chartreux
Messages : 2793
Inscription : mar. 19 janv. 2016 17:50

Re: Destin de Judas

Message par chartreux »

Merci pour toutes ces références, cher SiVis. Elle m'ont aidé en effet, et ont même lancée ma réflexion sur des thèmes bien éloignés du sujet de départ ...
Avatar de l’utilisateur
gabrielle
Messages : 550
Inscription : dim. 10 déc. 2006 1:00

Re: Destin de Judas

Message par gabrielle »

Dominé jusque-là et aveuglé par son avarice, impatient de se défaire d’un Maître importun, dont l’œil trop clairvoyant avait pénétré les infamies de son âme, il n’avait pas compris encore tout l’horreur de son forfait. Ses yeux ne s’ouvrirent qu’à la nouvelle de la condamnation de Jésus.

« Alors, dit saint Chrysostome, son esprit fut traversé par un trait de cette sombre lumière qui éclaire l’abîme infernal et qui fait connaître la monstruosité du péché, sans en faire détester la malice.»
viewtopic.php?f=6&t=186&start=10#p1595
Répondre

Revenir à « Questions et demandes »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 5 invités