Notion catholique du Martyre (DTC)

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Abbé Zins
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Notion catholique du Martyre (DTC)

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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.

— I. Notion théologique d'après saint Thomas d'Aquin. II. Notion canonique d'après Benoît XIV (col. 223). III. Histoire du martyre dans l'Église catholique (col. 233). IV. Valeur apologétique du témoignage des martyrs (col. 246).


I. NOTION THÉOLOGIQUE D'APRÉS SAINT THOMAS D'AQUIN. — Nous allons d'abord analyser la notion théologique du martyre en suivant pas à pas le Docteur angélique,- IIa-IIæ, q. cxxiv. On ne peut suivre une méthode plus nette, plus concise et plus progressive.

1° Le martyre est un acte de vertu, car il consiste à demeurer ferme dans la vérité et la justice contre les assauts de la persécution ; d'ailleurs des actes de vertu, seuls, peuvent procurer la béatitude éternelle promise aux martyrs : « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume du ciel est à eux.» Matth. v, 10.
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Abbé Zins
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Dictionnaire de Théologie Catholique a écrit :
MARTYRE.

Les saints Innocents Semblent une exception à ce principe, puisque l'Église les honore comme martyrs bien que leur martyre ne soit pas volontaire de leur part. Plusieurs théologiens ont essayé d'éluder l'objection en imaginant que, chez eux, l'usage du libre arbitre aurait été miraculeusement avancé, mais cette assertion est gratuite, n'étant nullement appuyée sur la sainte Écriture. Il vaut donc mieux dire que ces enfants obtinrent, par une pure miséricorde de Dieu, une gloire qui exige chez les autres le concours de la volonté.

En effet nous savons que le sang répandu pour le Christ équivaut au bienfait du baptême, nous pouvons donc dire : de même que les mérites du Christ communiqués aux enfants baptisés les rendent dignes de la gloire éternelle, de même les mérites du martyre du Christ confèrent la palme du martyre aux enfants dont le sang fut répandu pour Lui.

Ainsi raisonne saint Augustin, Sermon sur l'Épiphanie, Serin., CCCLXXIII, 3, P. L., t. xxxrx, col. 1664.

Saint Bernard (Sermon sur la fête des saints Innocents) rapproche trois sortes de martyrs et montre dans celui de saint Étienne l'acte et la volonté: dans celui de l'apôtre saint Jean, la volonté seule, dans celui des Innocents, l'acte seul sans la volonté : « Oui, dit-il, Etienne est un martyr aux yeux même des hommes, puisque nous voyons éclater en même temps et son sacrifice et sa volonté généreuse ; Jean le fut aux yeux des anges, puisque ces substances spirituelles ont pu contempler à découvert les secrètes aspirations de son âme. Mais voici vos martyrs à vous, ô mon Dieu, puisque c'est votre grâce seule qui leur a donné cette glorieuse prérogative, dont ni l'ange, ni l'homme ne peuvent découvrir la cause ni le mérite.»
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MARTYRE.

Si certaines femmes sont honorées comme martyres après s'être donné la mort pour échapper au déshonneur, saint Augustin admet que l'Église n'a dû autoriser ce culte que sur des témoignages certains de la volonté divine. De civ. Dei, I, XXVI, P. L., t. XLI, col. 39.

Si le martyre est un acte de vertu, n'est-il pas louable de s'y offrir spontanément, et comment expliquer que l'Église ait vu dans cette démarche une présomption et un danger ?

Saint Thomas répond que certains préceptes de la loi divine ne nous imposent que la « disposition d'âme » d'accomplir tel ou tel acte au moment opportun. Il faut être prêt à souffrir les injustes persécutions dont nous serons l'objet. In IVum Sent., dist. XLIX, q. v, a. 3, quest. 2, ad 1um ; Quodl. IV, 20. Mais il n'est pas permis de donner aux autres l'occasion d'agir avec injustice, ce serait un péché de complicité.
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MARTYRE.

2° Le martyre est un acte élicite de la vertu de force, car c'est la vertu de force qui affermit l'homme dans le bien et lui permet de résister aux dangers, spécialement à la mort. Le martyr s'attache d'une manière inébranlable au bien puisque le péril imminent de la mort ne peut lui faire abandonner la vérité et la justice.

Il se rapporte à la foi comme à la fin qu'on se propose d'une manière inébranlable. On distingue en effet dans un acte de force, la fin de cette vertu, c'est-à-dire le bien auquel on demeure fortement attaché et l'essence de cette vertu, c'est-à-dire la fermeté même qui fait que rien ne peut nous séparer de ce bien.

Le martyre est un acte impéré par la charité ; c'est elle qui lui donne sa valeur méritoire : « Quand bien même je livrerais mon corps pour qu'il fût livré aux flammes, si je n'avais pas la charité, cela ne me servirait de rien.» I Cor. XII,3. C'est ainsi que le martyre manifeste la charité aussi bien que la force : « Il ne saurait y avoir de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.» Joa. XV,13.

La patience est louée spécialement chez les martyrs, car la patience à souffrir est l'acte principal de la force, dont l'acte secondaire consiste à attaquer.
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MARTYRE.


3° Le martyre est un acte de la plus haute perfection. Il ne le serait pas si on considérait seulement la vertu de force dont il émane, car le martyre, considéré comme l'acceptation obligée de la mort, n'est pas le plus parfait des actes des vertus (souffrir la mort n'est une chose louable que par le but ou le bien qu'on se propose). Mais il le devient si on considère le motif premier qui le détermine, la charité, « lien de la perfection » Coloss. III,14 ; il manifeste le plus haut degré, de charité en sacrifiant le plus grand des biens, la vie, et en acceptant le plus redouté des maux, la mort, accompagnée de supplices, dont l'aspect suffit pour réprimer les instincts les plus impétueux chez les animaux eux-mêmes. S. Aug., Liber LXXTIII quaest., q. XXXVI. P- L., t. XL, col. 25.

Si le martyre est un acte si parfait, il devrait être une matière de conseil et non de précepte, et cependant il est dit : « Nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères.» I Joa., III, 16. Saint Thomas note justement que tout acte de perfection, objet de conseil dans l'ordinaire de la vie, peut devenir, en certains cas, objet de précepte, lorsqu'il est nécessaire au salut ; ainsi une personne mariée peut être astreinte à la continence en cas de maladie ou d'absence de son Conjoint. Cf. Augustin, De adulterinis confugiis II,XIX, P. L., t. XI., col. 485.

Le martyre est un acte de perfection qui, dans certains cas, devient obligatoire pour le salut ; il est d'autre cas, où sans être obligatoire, il s'est imposé à des saints par zèle de la foi ou charité fraternelle.

Il ne faut pas objecter que l'obéissance est supérieure aux victimes, en tant que l'immolation de l'âme à Dieu par l'obéissance est supérieure au sacrifice du corps par le martyre, car le martyre est la forme la plus élevée de l'obéissance, c'est l'obéissance jusqu'à la mort à l'exemple du Christ. Philip. II, 8.

Si le martyre est considéré seulement comme acte de la vertu de force, d'autres actes seront plus parfaits que lui, comme l'enseignement et l'administration qui sont ordonnés au bien de plusieurs, car « le bien de la multitude est supérieur au bien de l'individu », Éthique, 1. I, lI, 8 ; mais si le martyre est considéré dans sa fin, il est le plus parfait des actes ; ce qui permet à saint Augustin de dire : « Personne n'oserait, je pense, faire passer la virginité avant le martyre.» Lib.de sancta virginitate, XLV ; Enarr. in Psalm., LXVII, P. L., t. XI, col. 423 ; t. XXXVI, col. 812 sq.
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MARTYRE.


4° Le martyre, dans la rigoureuse acception du mot, suppose qu'on souffre la mort pour le Christ, a. 4 ; cf. In I Vum Sent., dist. XLIX, q. v, a. 3, quiest. 2.

En effet martyr signifie témoin de la foi chrétienne, qui nous enseigne à mépriser les choses visibles pour les biens invisibles. II Cor. IV,17.

Le martyr témoigne sa foi en montrant en action son mépris pour tous les biens présents, et son invincible amour pour tous les biens invisibles de l'avenir. Or il ne montrera d'une manière efficace qu'il méprise absolument tous les biens de la terre que lorsqu'il aura donné sa vie, car pour la conserver, les hommes se résignent à garder tous les autres biens, et à supporter les pires douleurs, ainsi que dit Satan dans le livre de Job, II, 4 : « Vie pour vie; l'homme donnera tout ce qu'il possède pour conserver son âme », c'est-à-dire sa vie. Aussi l'Église n'appelle-t-elle martyrs que ceux qui sont morts pour le Christ et réserve le titre de- confesseurs à ceux qui ont subi l'exil, la prison, la perte des biens, la torture même pour confesser leur foi.

Ce sera un martyre « par analogie » qui sera attribué à la sainte Vierge dans le sermon De assumptione, attribué à saint Jérôme (Epist., ix, ad Paul. et Eustoch.) : « Je dirai sans crainte de me tromper que la Mère de Dieu fut en même temps vierge et martyre, quoiqu'elle n'ait pas terminé sa vie par une mort violente.» C'est le même sens analogique qui permet à saint Grégoire de dire : « Bien que nous ne soyons plus exposés aux persécutions, nous pouvons encore trouver dans la paix le mérite du martyre ; car si nous ne courbons pas la tête sous le glaive des bourreaux, nous portons le glaive spirituel dans notre âme, afin d'en retrancher les désirs charnels.» Homil. in Evang., 4, P. L., t. LXXVI, col. 1089.
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MARTYRE.


On pourrait objecter que des vierges, comme sainte Agnès et sainte Lucie, ont généreusement sacrifié leur vie plutôt que de perdre leur intégrité, dès lors on semblerait en droit de conclure qu'une femme mérite davantage le titre de martyre lorsque, pour la défense de la foi, elle perd ce bien de la virginité qu'elle estime supérieur à la vie.

Saint Thomas répond prudemment : « Quand une femme perd sa virginité à cause de la foi qu'elle professe, il n'appartient pas aux hommes de déterminer avec certitude si elle subit ce dommage par amour de la foi chrétienne ou par mépris de la chasteté, il n'y a donc pas à leurs yeux de témoignage suffisant pour fonder le martyre proprement dit. Mais aux yeux de Dieu, qui voit le secret des coeurs, cela suffit pour la récompense ; c'est ce qui faisait dire à la généreuse Lucie : Si vous portez atteinte à mon honneur, ma chasteté n'en sera que plus belle et me méritera une double couronne.»

Quand on dit que la mort est essentielle au martyre, cela ne suppose pas que le mérite soit postérieur à la mort ; le mérite consiste à accepter la mort plutôt que de trahir la foi. Il peut arriver que le martyr vive encore quelque temps après avoir reçu les blessures qui entraîneront la mort ; le mérite du martyre commence avec les blessures.
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MARTYRE.


5° Ce n'est pas seulement la foi qui peut être cause du martyre, mais toute vertu, pourvu qu'elle se rapporte à Dieu, a. 5 et Ephes., 3, lect. ; ainsi Jean-Baptiste est honoré comme martyr pour avoir soutenu les droits de la fidélité conjugale. Les oeuvres de toutes les vertus, en tant qu'elles se rapportent à Dieu, sont des professions de foi, puisque c'est la foi qui nous fait connaître que Dieu exige de nous et récompense de telles oeuvres. In I Vum Sent., dist. XLIX, q. y, a. 3, quæst. 2, ad 11um et 12um

Le martyre suppose le témoignage rendu à la vérité divine, non à une vérité quelconque, comme un théorème de géométrie. Cependant comme tout mensonge est un péché, refuser de mentir contre une vérité quelconque, en tant qu'on envisage le péché comme opposé à la loi divine, peut être cause du martyre. Ibid., ad l0um.

L'Église ne considère pas comme martyrs ceux qui meurent dans une guerre juste, quoique, mourant pour leur patrie, ils aient accompli une oeuvre d'autant plus méritoire que « le bien de la nation est supérieur au bien individuel ». Aristote, Éthique, I, c. II, n. 8. La raison en est que le bien de l'État, le premier des biens humains, passe après le bien divin. Néanmoins le bien humain peut devenir cause du martyre, s'il est rapporté à Dieu, car il devient alors bien divin.
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MARTYRE.


6° Effets du martyre : Ils sont mentionnés IIIa, q. LXXXVII, a. 2, ad 2um ; la libération de toute coulpe et de toute peine s'obtient par le baptême et le martyre ; voilà pourquoi il est dit que dans le martyre toute la vertu du baptême s'achève (De eccles. dogm., c. 74) ; noter cependant la restriction apportée IIIa, q. LXXXVII, a. 1, ad 2um : le martyre délivre de toute coulpe, à moins qu'il ne trouve la volonté actuellement attachée au péché. In IVum., Sent., dist. IV, q. III, a. 3, quæst. 3.

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MARTYRE.


II. NOTION CANONIQUE D'APRÈS BENOIT XIV.

— Benoît XIV, dans son admirable traité De servorum Dei beatifcatione et beatorum canonizatione, Bologne, 1737, 1. III, c. XI-XXV, étudie longuement les conditions du martyre, nous allons résumer sa savante analyse :

1° Le Persécuteur (c. XI), doit être un personnage distinct du martyr ; il doit intervenir directement dans la mort. Ainsi, peut-on traiter de martyre la sainte Vierge à qui s'applique la prophétie de Siméon ? Certains l'ont admis, ainsi Ildefonse de Florès, App. ad tract. De inclyto agone martyrii et saint Bernard. Sernro de duodecim przerog. B. M. V. ; mais saint Thomas d'Aquin ne lui attribue le martyre que dans un sens impropre et par analogie, cf. In 1 Vain Sent., dist. XI.IX, q. v, a. 4, quœst. 2, ad Oum ; IIa-11m, q. CXXIV, a. 4. Il est suivi par Dominique Soto, ln I Vum Sent., (list. XL,IX, q. v, a. 2 ; le card. Capisucchi, Controversia de martyrio, n. 3 ; Hurtadd, Resolut. de vero martyrio, tr. ni, resol. 22, 4 ; le card. Gotti, Theologia, t. XVI, q. II, De baplismo, dub. II, n. 1 ; Théophile Raynaud, Opera, t. XVIII, De martyrio per pestem, part. II, c. I.

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