Homélie pour le deuxième dimanche de l'Avent.

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Laetitia
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Re: Homélie pour le deuxième dimanche de l'Avent.

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Mais enfin, qu'êtes-vous allés voir ? un homme vêtu avec luxe et mollesse ? Vous savez que ceux qui s'habillent de cette sorte sont dans les maisons des rois (8), où ils font éclater leur magnificence, et non pas dans les déserts où ils ne seraient vus de personne. Quelques Juifs pensaient que Jean-Baptiste était stimulé contre Jésus-Christ par l'aiguillon de l'envie, et qu'en prêchant comme il le faisait, il ne se proposait qu'une vaine gloire, afin d'obtenir par elle des avantages temporels dans le monde. Mais le Sauveur les reprend vivement par cette simple demande : Êtes-vous allés voir un homme vêtu avec mollesse ? Cela ne peut être : car il vit dans la pauvreté, et sa nourriture consiste en miel sauvage et en sauterelles. Il n'ambitionne pas davantage les vêtements somptueux, puisque des poils de chameau forment le tissu de ses habits. (S. Jérôme. ) Il court bien moins encore après les plaisirs et la volupté sa vie, au milieu des déserts, et son séjour actuel dans un cachot le démontrent surabondamment. Que se propose-t-il donc ? De préparer les hommes à recevoir le Messie et de lui gagner les cœurs et l'affection des peuples.

Concluons de là, mes frères, que dans toute notre conduite, il faut ne nous proposer que la gloire de Dieu, notre propre salut ou celui de nos frères, et, malgré cela, nous attendre à une vie dure et pénible, comme Jean, et aux contradictions qui ne manqueront pas de survenir selon que saint Paul le dit à son cher Timothée. ( II Tim., II, 12. ) Jésus-Christ nous déclare lui- même que si quelqu'un veut venir après lui, et avoir part à la gloire, il faut qu'il se renonce lui-même, qu'il porte sa croix tous les jours et qu'il le suive (Luc., IX, 23) dans les humiliations et dans les souffrances. C'est l'unique moyen d'assurer notre salut, et ce moyen est toujours le même.
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Laetitia
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Vous savez, ajoute Jésus-Christ, que ceux qui s'habillent de cette sorte sont dans les maisons des rois. Et par là, dit un Père de l'Église, il nous instruit que refuser d'agir pour Dieu, c'est travailler pour le royaume de la terre, et non pour celui du ciel, parce que, uniquement occupés alors aux choses de la vie, nous ne recherchons que nos commodités, nos avantages, nos aises ou nos plaisirs. Mais il y a plus que cela : si la vanité, la recherche et le goût dans les habits précieux étaient exempts de faute, Jésus-Christ n'aurait pas loué son saint Précurseur de la pauvreté et de la grossièreté de ceux qu'il portait. (S. Grég. ) Saint Paul, à son tour, pour éteindre dans le cœur des femmes, l'amour de la parure, n'aurait pas consigné dans ses écrits que les femmes doivent se parer de modestie et de chasteté, et non avec des cheveux frisés, ni des ornements d'or, ni des perles, ni des habits somptueux, mais avec des bonnes œuvres, comme doivent le faire des femmes qui font profession de piété. (I Tim., 11, 9, 10. ) Nous observerons cependant, avec saint Augustin, que ce n'est pas précisément dans l'usage sage et modéré de ces choses que se trouve la faute, mais dans l'abus et le dérèglement de celui qui en use.

Je ne puis laisser passer cette occasion sans ajouter, tout en donnant un peu plus de développement aux paroles de Notre-Seigneur, que le luxe des vêtements et la mollesse ne sont plus renfermés dans le palais des grands et des rois. Hélas ! ces vices font chaque jour de nouveaux progrès et menacent de tout engloutir. Mais aussi sachons qu'il faut un courage aussi héroïque que rare, pour pouvoir demeurer sobre, modeste, mortifié, chaste et pur sous de riches habits, dans des maisons somptueuses, au milieu d'une foule de domestiques, empressés et serviles, dans le centre du luxe, de la flatterie et de la bonne chère. D'où je conclus que les richesses, qui sont pour nous un moyen si aisé de contenter, de satisfaire nos désirs, même les plus coupables et les plus injustes, deviennent l'obstacle le plus fort au salut, au point de le rendre presque impossible à raison de ses difficultés. (Matth. , XIX, 24.)

C'est donc avec beaucoup de sagesse et de bonté que Jésus-Christ a proclamé bienheureux les pauvres, soit les pauvres en réalité, comme le plus grand nombre, soit par les affections et le cœur, comme on en trouve encore de nos jours.
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Laetitia
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Mais ce qui doit surtout nous faire trembler, c'est que saint Hilaire, donnant un sens spirituel à ce mot rois, entend par là les anges prévaricateurs qui sont les princes du monde et les dominateurs du siècle. In regibus, transgressorum angelorum nuncupatio est. Par conséquent, dire que ceux qui s'habillent avec mollesse habitent les maisons des rois, c'est dire en d'autres termes, que ceux qui vivent dans tout cet étalage de luxe et de plaisirs, si capables d'enivrer les âmes les plus fortes, sont proprement la maison dans laquelle les démons habitent et qu'ils l'ont choisie parce que ces hommes leur ressemblent et par leurs pensées et par leurs œuvres : Esse dæmonum habitationem consimilem sedem propositis, atque operibus. (S. Matth. )

Oh ! mes frères, prenons-y garde : je ne prétends pas dire que le luxe est aujourd'hui plus grand que jamais, puisque de tout temps il a excité le zèle des Pères de l'Église ; mais le point sur lequel je veux insister, c'est de voir qu'on ne trouve nulle part, dans la société, des hommes qui, satisfaits de la condition que la Providence leur a faite, ne cherchent point à en sortir, et cela par tous les moyens possibles et justes à leurs yeux, pourvu qu'ils réussissent. La fortune que nous possédons, et dont nos pères étaient contents, parce qu'ils savaient borner leurs désirs, ne nous satisfait plus nous-mêmes, et il faut l'augmenter sans cesse. Nous rougissons de notre état, et nous en ambitionnons un autre plus relevé, mieux vu, et surtout mieux rétribué.
Pourquoi cela ? c'est que par suite du manque de sentiments chrétiens, de la diminution de la foi, nous avons faussé les maximes de la morale chrétienne pour l'accommoder aux exigences de celle du monde. Prenant en sens inverse les paroles et les prescriptions de Jésus-Christ, nous cherchons avant tout les choses du monde, et nous ne pouvons nous les procurer ; nous négligeons le royaume du ciel et sa justice, qu'il nous était si facile d'obtenir avec un peu de bonne volonté, et nous le perdons : de sorte que nous sommes malheureux dans ce monde, et que nous le serons encore bien plus dans l'autre. Apprenons donc, une bonne fois pour toutes, à être contents, quand nous avons de quoi nous nourrir et nous revêtir, comme dit saint Paul (I Tim. , VII, 8), et pour cela faisons à Dieu, du fond de notre cœur, cette prière du Sage : Éloignez de moi la vanité et les paroles de mensonge : ne me donnez ni la pauvreté, ni la richesse ; donnez- moi seulement ce qui me sera nécessaire pour vivre, de peur qu'étant rassasié, je ne sois tenté de vous renoncer, et de dire : Qui est le Seigneur ? ou qu'étant contraint par la pauvreté, je ne dérobe, et que, pour cacher mon vol, je ne viole par un parjure le nom de mon Dieu.

(à suivre)
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Laetitia
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Mais enfin, continue Jésus-Christ : Qu'êtes-vous allés voir ? un prophète ?
Oui, je vous en assure, et plus qu'un prophète
(9), puisque le ministère du prophète est d'annoncer les événements à venir, et non à les montrer comme présents. Jean était donc plus que prophète, puisque du doigt il montrait celui qu'il avait prophétisé comme précurseur. (S. Grég. ) Il était supérieur aux prophètes, puisque, outre les avantages prophétiques dont il jouissait,il avait eu l'insigne honneur de baptiser le Messie. (S. Jérôme. ) Et, pour relever encore la dignité, déjà si grande, du ministère de Jean, il dit de lui, en lui appliquant les paroles de Malachie : Voilà que j'envoie mon ange devant vous, qui vous préparera la voie par où vous devez marcher. (10 ; Mal. , II, 1. ) Ainsi vous le voyez : Jean marche tout à côte du Christ, comme le plus grand après lui, de même que dans le cortège d'un roi ou d'un empereur, ce sont toujours les hommes les plus distingués qui marchent devant leur personne ou à côté. Et, comme dernier trait de grandeur, il est destiné à préparer la voie au Messie. Il marchera devant lui, disait l'ange au père de Jean-Baptiste, il marchera devant lui, dans l'esprit et dans la vertu d'Élie, pour réunir les cœurs des pères avec leurs enfants ; pour rappeler les incrédules à la prudence des justes ; et pour préparer au Seigneur un peuple parfait (Luc., 1, 17) et disposé par la pénitence, le repentir et le baptême à le recevoir.

Ainsi pour compléter l'éloge qu'il vient de faire de saint Jean-Baptiste, Jésus- Christ ajoute : Je vous le dis en vérité, entre ceux qui sont nés de la femme, il n'y en a point de plus grand que Jean-Baptiste. Mais le bon Maître dit aussitôt, comme pour nous consoler : Cependant quelque grand qu'il soit sur la terre, celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui ( 11 ), et nous sommes tous appelés à y entrer un jour. La plus sublime grandeur est donc dans la vertu, et non-seulement il dépend de nous, avec la grâce de Dieu, d'y arriver, mais de plus la volonté expresse de Dieu est que nous nous sanctifiions : Hæc est enim voluntas Dei, sanctificatio vestra. ( Thes., IV, 3. ) Or, que devons-nous faire pour cela ? Réaliser en nous par rapport à nos frères, le nom d'ange que Jésus-Christ donna à Jean. Ce mot veut dire envoyé, messager. Et nous, nous devons d'abord préparer nos cœurs et ensuite, selon notre état et la mesure de nos forces, préparer celui de notre frère. Comme des envoyés célestes et des messagers divins, portons-leur des paroles de salut, fortifions-les par nos bons exemples. Soutenons-nous mutuellement par nos prières, et nous nous sauverons tous.

Ce nom d'ange, et je dis ceci pour moi, ce nom si sublime et si grand, n'est tel pourtant qu'autant que celui qui le porte ne lui est point inférieur par sa vie, dit saint Grégoire : Altum quidem non est, si vita nomine inferior non est. Et Dieu veuille que nous, ministres de Jésus-Christ, pasteurs des peuples, nous ne portions point en vain, et pour notre malheur éternel, ce nom auguste d'ange, que Dieu nous donne. Les lèvres du prêtre, dit Malachie, sont les dépositaires de la science, et c'est de sa bouche que les peuples rechercheront la loi, parce qu'il est l'Ange du Seigneur des armées : Angelus Domini exercituum est. (Mal. , 11, 7.) C'est à nous à méditer, devant Dieu, sérieusement et dans le calme de l'oraison, sur la gravité de nos devoirs, leur grandeur, la terrible responsabilité des âmes qui pèse sur nous, charge qui est l'art des arts. Mais c'est à vous, mes frères, à unir vos prières aux nôtres et supplier la victime sainte qui va s'immoler sur l'autel entre nos mains pour que nous les remplissions avec fruit pour vous et pour nous, et qu'ainsi nous nous sauvions tous.

(à suivre)
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Laetitia
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Mais vous aussi, mes frères, vous pouvez et vous devez être pour les autres les anges du Seigneur. Dieu n'a-t-il pas ordonné à chacun d'avoir soin de son prochain (Eccl. , XVII, 12), et de s'acquitter à son égard des devoirs de la charité ? Ce qui est vrai surtout pour les parents, et pour ceux qui ont une autorité quelconque dans la société. Nous devons donc toujours et par nos conseils et par nos exemples diriger nos frères dans le chemin du ciel, les y ramener, s'ils s'égarent, les rappelant de leurs désordres en leur montrant l'abîme certain où ils conduisent, et les portant à la vertu par la vue des récompenses qui nous attendent au ciel. Et ne disons pas que nous sommes incapables de donner des avis ou des instructions, dont nous avons besoin nous-mêmes : non, mais faisons ce que nous pouvons et ne laissons point enfoui l'unique talent que Dieu nous a confié : agissons surtout et soyons saints, et le ciel fera le reste. Sommes-nous dans la bonne voie, y avons-nous fait quelques progrès ? allons toujours en avant, attirons les autres à notre suite, tendons tous ensemble au ciel que nous obtiendrons par nos communs efforts.

Je termine par ces paroles d'un grand saint : Les hommes, dit-il, se plaignent quelquefois que leur fortune ne leur permet pas de faire l'aumône aux pauvres ; mais il est une aumône, autre que la matérielle et bien plus précieuse ; qui est toujours à notre disposition quand nous avons une langue, et que nous savons nous en servir : c'est l'aumône d'un bon conseil, d'une sage réprimande, d'une parole de salut, d'un avis dicté par la charité, une consolation donnée au malheureux qui souffre. L'homme, en effet, ne vit pas seulement d'un pain grossier et matériel : il a une autre vie, et celle- ci, aussi bien que l'âme, c'est la parole de Dieu qui les nourrit pour la vertu et pour l'éternité. Gardons-nous bien de refuser cette aumône à nos frères. Je vous dis donc, mes frères, après me l'être dit à moi-même le premier : Abstenons-nous de discours inutiles, de paroles oiseuses, et retenons notre langue pour ne jamais parler en vain. Vous savez qu'au jour de notre jugement, nous aurons à rendre compte à Dieu, non pas seulement de nos actions criminelles, de nos calomnies, de nos médisances, de nos blasphèmes et de nos imprécations, mais encore de toute parole oiseuse : Omne verbum otiosum, quod locuti fuerint homines, reddent rationem de eo in die judicii. (Matth. , XII, 36. ) Oui, que tout dans nos actions et dans nos paroles tende à la gloire de Dieu, à notre salut et à l'édification de nos frères. Il nous en coûtera, sans doute, pour vivre en saints ; mais pour surmonter cette peine, nous considérerons la rapidité effrayante avec laquelle la vie passe ; nous nous mettrons devant les yeux cette mort inévitable qui s'avance rapidement vers nous, et vers laquelle nous marchons nous-mêmes à pas précipités ; nous rappellerons à notre souvenir le jugement suivi d'une éternité de bonheur ou de malheur. Enfin tâchons d'agir de la sorte pour nos frères : en travaillant à notre salut, nous travaillerons au leur ; nous mériterons le nom d'ange que Jésus-Christ donna à Jean-Baptiste, et, au sortir de ce monde, nous nous réunirons à Dieu pour l'éternité. Amen.
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