Sermon de saint Vincent de Paul sur la mort

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Laetitia
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Re: Sermon de saint Vincent de Paul sur la mort

Message par Laetitia »

TROISIÈME POINT.

Eh bien ! dites-nous, Morts, où êtes-vous à présent ?- Nous sommes, répondent-ils, dans la maison que nous nous sommes bâtie pendant notre vie pour l'éternité ; les pierres qui ont composé cette demeure ont été nos actions ; ceux d'entre nous qui ont bien vécu se sont élevé un édifice pour l'éternité bienheureuse, où ils jouiront à jamais de toutes sortes de biens ; au contraire, ceux qui ont mal vécu se sont bâti un malheureux édifice dans l'enfer, où ils souffriront toutes sortes de supplices et de tourments effroyables aux siècles des siècles. La mort nous a servi de passage à l'éternité : Ibit homo in domum æternitatis suæ (Eccl., XII, 5) ; c'est le Saint-Esprit qui parle ainsi. « Si l'arbre, dit-il encore, tombe au midi ou au septentrion, en quelque lieu qu'il sera tombé, il y demeurera » : Si ceciderit lignum ad austrum aut ad aquilonem, in quocumque ceciderit, ibi erit. (Id., XI, 3.) L'homme est figuré par cet arbre ; il tombe en mourant, et, par la mort, dans l'éternité ; il tombe du côté du midi, dit saint Grégoire le Grand, lorsqu'il meurt dans la chaleur de l'amour divin ; et il tombe du côté du septentrion, lorsqu'il meurt dans le froid ténébreux du péché.

Ah ! que cette considération vous doit animer puissamment à vous bien disposer à ce redoutable passage ! Quoi ! ma foi et ma religion ne me laissent aucun lieu de douter que si je meurs dans la grâce de mon Dieu, je serai éternellement avec lui, et par conséquent éternellement dans son paradis ; tandis que si je meurs dans le péché, je ne sortirai jamais du péché, et par conséquent je serai éternellement dans les prisons obscures de l'enfer : Ibit homo in domum æternitatis sua ; et je m'endormirais dans l'insouciance ! Ainsi du moment de ma mort dépend mon bonheur ou mon malheur éternel ; si je fais une bonne mort, me voilà éternellement bienheureux ; si je fais une mauvaise mort, je suis éternellement malheureux. Qu'il est donc important que je fasse mon possible pour mériter une bonne mort ! Et puisque c'est la récompense d'une sainte vie précédée d'une bonne pénitence, il faut donc que je prenne incessamment mon parti.
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Laetitia
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Re: Sermon de saint Vincent de Paul sur la mort

Message par Laetitia »

Nous y sommes d'autant plus obligés, mes Frères, qu'on ne meurt qu'une seule fois. Si on mourait deux fois, je ne m'étonnerais pas beaucoup de voir des chrétiens ne se pas mettre en peine de la première mort ; ils attendraient à la seconde, dans laquelle ils espéreraient corriger leurs défauts. Mais on ne meurt qu'une fois, et si l'on meurt mal cette fois, c'est une faute qu'on ne peut jamais réparer, et dont on ne peut jamais se relever. Car mourir mal, c'est non-seulement perdre parents, amis, richesses, enfants, mais, ce qui est bien plus funeste, c'est perdre son âme pour une éternité. Perdre son âme, quelle perte ! Si nous avions deux âmes, le salut de l'une pourrait réparer la perte de l'autre ; mais n'avoir qu'une âme, la perdre, et la perdre pour toujours et sans ressource ! Qui n'appréhendera de mourir mal, puisque d'une mauvaise mort dépend une perte de cette conséquence ?

Que ferons-nous donc pour éviter cette perte ? Voici en peu de mots ce que nous devons faire. Outre la pratique de la pénitence, la fuite du péché et des occasions dangereuses, l'obéissance exacte aux commandements de Dieu, l'acquit fidèle de nos obligations, chacun dans notre état, le fréquent et saint usage des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, l'assiduité à la prière, la patience dans les afflictions, la paix et l'union les uns avec les autres, et ce sont là, mes Frères, des moyens nécessaires pour vivre en bons chrétiens, moyens dont nous vous avons parlé en partie, et dont nous vous parlerons encore dans la suite ; je m'arrête à deux moyens généraux, dont le premier est de nous défaire d'une présomptueuse confiance en la miséricorde de Dieu, dont les pécheurs se servent pour se défendre contre les vérités que je vous viens de prêcher, afin de n'être pas obligés de changer de vie ; et le second, de méditer sérieusement sur la mort et les autres fins dernières.

Pour commencer par le premier moyen, j'avoue qu'un Dieu infiniment miséricordieux pourrait accorder à quelque grand pécheur qui aurait toujours mal vécu la grâce d'une bonne mort, et peut-être même l'accorde-t-il à quelques-uns. Mais en vérité le nombre en est bien petit, en comparaison de ceux auxquels il la refuse, comme j'espère vous le prouver, lorsque je vous montrerai que la mort est presque toujours semblable à la vie ; et par conséquent, mes Frères, ne nous laissons point surprendre par cette fausse espérance, que le démon ne manque pas de nous inspirer pour nous entretenir toujours dans l'esclavage. Je veux bien que vous ne perdiez jamais de vue cette vérité que Dieu est infiniment miséricordieux, et qu'à cause de cela il peut faire miséricorde aux plus grands pécheurs à l'heure de la mort ; mais souvenez-vous en même temps, et ne perdez jamais de vue cette autre vérité, qu'il ne fait pas toujours ce qu'il peut ; autrement personne ne serait damné. Dieu fait miséricorde à qui il veut, je l'avoue ; mais il ne la fait pas à ceux à qui il ne veut pas la faire : Miserebor cujus misereor, et misericordiam præstabo cujus miserebor. (Rom., IX, 15. ) Or l'Écriture, les Pères, la raison et l'expérience disent qu'il ne veut pas faire miséricorde à ceux qui ne veulent pas se convertir, parce qu'ils présument de sa miséricorde, et que par cette présomption ils continuent leurs désordres : c'est ce que nous avons prouvé ailleurs.

(à suivre)
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Laetitia
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Re: Sermon de saint Vincent de Paul sur la mort

Message par Laetitia »

Je passe au second moyen, qui est de penser souvent à la mort. Ce moyen est d'autant plus efficace que c'est le Saint-Esprit lui-même qui nous l'enseigne : « Souvenez-vous, dit-il, dans toutes vos actions, de votre dernière fin, et vous ne pécherez jamais. » Celui qui considère à tout moment, dit saint Grégoire, l'état où il sera à l'heure de la mort, ne se laisse pas surprendre par les illusions de la vie. Rien, dit saint Augustin, ne retire l'homme plus efficacement du péché que quand il pense sérieusement qu'il faut mourir : Nihil sic homines a peccato retrahit, quam si se mox morituros cogitent. Pensez donc que vous mourrez bientôt, que vous allez incessamment paraître devant Dieu, et qu'autant l'heure de votre mort est proche, autant êtes-vous près de tomber entre les mains du Dieu vivant, si vous avez le malheur d'être en péché mortel.

Ah ! chères âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ, rendez-vous profitables les mérites de ce sang si amoureusement répandu pour vous. Voulez-vous, sans attendre davantage, faire pénitence de vos péchés ? vous en avez encore le temps. Si vous ne voulez plus différer, Dieu vous présente les grâces et les moyens nécessaires pour cela ; ne les laissez donc pas échapper, car peut-être ne reviendront-ils jamais. Mettez-vous en l'état où vous voudriez être trouvés à l'heure de votre mort ; cette représentation fréquente vous inspirera le sentiment d'une véritable conversion, et une haine implacable pour le péché, qui, étant effacé par une vraie pénitence, suivie d'une vie sincèrement chrétienne, vous conduira à cette mort précieuse qui ouvre passage à la vie éternelle. Amen.
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